Les fausses croyances au sujet des convertis à l’islam au Canada : Une discussion critique sur les musulmans convertis dans le contexte de la sécurité et de la société
Titre du projet
Réseau canadien de recherche sur le terrorisme, la sécurité et la société (TSAS) – Série de documents de travail sur le projet Kanishka
Auteur principal
Scott Flower and Deborah Birkett; University of Melbourne and University of Waterloo
Dates importantes
Rapport publié en juillet 2014.
Description
Ce document de travail présente les résultats d’une étude initiale menée dans le cadre d’un vaste programme de recherche visant à mieux comprendre les causes, les processus et la portée de la conversation à l’islam au Canada. L’objectif ultime est de mieux mettre en contexte la conversion religieuse dans le cadre des discussions sur la sécurité nationale dans les pays comme le Canada.
Comme très peu de recherches sont réalisées sur les « nouveaux musulmans » au Canada, même si, selon les données du recensement, l’islam est la religion qui croît le plus rapidement au pays, les auteurs présentent des renseignements qui permettent de mieux comprendre que la conversion islamique est un phénomène social normal. Selon eux, des recherches sur le sujet sont nécessaires compte tenu de la mauvaise presse accrue que reçoivent l’islam et les musulmans depuis les attentats du 11 septembre 2001 ainsi que de la tendance dans certains pays comme le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Australie à surreprésenter les convertis dans les statistiques sur la participation au terrorisme par rapport à ceux qui sont nés dans la religion musulmane. Les auteurs indiquent qu’il est essentiel de comprendre le pourquoi et le comment de la conversion islamique au Canada pour éviter la stigmatisation des convertis comme des personnes suspectes en raison de leur choix religieux, surtout si l’on tient compte des observations générales selon lesquelles la majorité des musulmans convertis rapportent des changements positifs à la suite de leur conversion.
La recherche réalisée dans le cadre de cette étude porte sur la conversion à l’islam en Ontario, notamment sur la façon dont le contexte social influe sur les croyances des convertis, leurs expériences, leurs attitudes et leurs comportements, et repose sur des entrevues et un examen des documents existants sur le sujet. Vingt-cinq musulmans convertis ont été rencontrés en entrevue, dont quatorze femmes et onze hommes âgés de dix-huit à soixante-quinze ans. Douze participants étaient âgés de vingt-neuf ans et moins.
Résultats
Les auteurs indiquent que les résultats de leur recherche, bien que limités en raison du nombre peu élevé d’entrevues réalisées, laissent entendre que la conversion à l’islam au Canada présente plus de différences et de nuances que les gens le pensent. Ils ont examiné les résultats de l’état général des recherches sur les liens entre le processus de conversion religieuse et celui de la radicalisation menant à la violence, ont déterminé qu’un nombre infime de convertis se tournent vers l’extrémisme violent et ont conclu que peu de faits prouvent l’existence de liens entre les deux processus. Les auteurs ont plutôt trouvé des faits qui mettent en évidence certaines différences entre ces processus.
En ce qui a trait aux données démographiques et au niveau d’instruction, les participants à l’étude étaient instruits et avaient grandi dans diverses religions, dont le catholicisme romain, l’hindouisme et l’athéisme. Seize des vingt-cinq participants étaient considérés comme des « blancs ». Dix-sept des vingt-cinq participants (ou 68 %) se sont convertis à l’islam lorsqu’ils étaient âgés de seize à vingt-six ans, et deux d’entre eux entre l’âge de douze ans et de quatorze ans. Les chercheurs estiment que la majorité des participants sont « sans mosquée », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas liés à une mosquée, à sa communauté et à la culture.
En ce qui a trait aux causes et aux processus de conversion des participants, les chercheurs ont déterminé que les motifs variaient, mais que la plupart voulaient trouver une nouvelle religion en raison d’une crise due aux réponses insatisfaisantes aux questions théologiques dans leur religion d’origine. La réaction des personnes à cette crise théologique a consisté, dans de nombreux cas, à se livrer à une quête créative et libératrice pendant une certaine période de temps (plutôt que de se faire convertir par une personnalité ou un mouvement précis). Les chercheurs notent une variation particulièrement grande dans la façon dont la quête a mené à l’islam – musique hip-hop, livres, cours à l’école secondaire ou à l’université, amis, colocataires, compagnons de classe, voisins – et aucune de ces façons ne découle d’un prosélytisme.
Il est aussi question des conséquences de la conversion. Pour certains participants, un aspect négatif a été le reniement par leur famille. Un homme, hindouiste d’origine, a indiqué craindre que sa famille le tue. Certaines femmes, qui ont adopté le hijab, ont indiqué être constamment victimes de diverses formes de harcèlement et de discrimination. Parmi les aspects positifs, beaucoup de participants ont réussi à rétablir leurs relations familiales, et les avantages qu’ils ont tirés de leur conversion ont convaincu, dans certains cas, d’autres membres de la famille à se convertir aussi.
En ce qui a trait aux liens possibles avec la radicalisation menant à la violence, les auteurs indiquent que la conversion et la radicalisation pouvaient, en surface, comporter certains changements semblables du point de vue des croyances, des attitudes et des comportements, mais que la radicalisation est fondamentalement différente, car il s’agit d’un processus fondé sur une préparation et un engagement en vue de participer à un conflit entre des groupes. Plutôt que le « nous contre eux » de la radicalisation, les personnes récemment converties à l’islam manifestent une grande estime d’eux-mêmes et un sentiment d’inclusion sociale. De plus, les auteurs présentent des preuves qu’une période de temps considérable s’écoule entre la conversion et la radicalisation, s’il y a lieu, et qu’il y a une influence plus directe dans le cas du recrutement direct par des membres de mouvements extrémistes violents. Pour toutes ces raisons, les auteurs estiment que la conversion à l’islam en soi n’est pas un indicateur de prédiction valable et fiable.
Informations supplémentaires
Initiatives connexes
Wesley Wark et al., “Securitizing Minority/Muslim Canadians: Evaluating the Impact of Counter-terrorism, National Security and Immigration Policies since 9/11,” University of Ottawa, 2016.
Myrna Lashley et al., “Cultural Competence and Canada’s Security: Can being culturally competent assist police and security officers in ensuring Canada’s security?," Environics, 2014.
Canadian Council of Muslim Women, “Community Resilience: Environment Scan,” Carleton Centre for the Study of Islam, 2015.
Thème(s)
Mot(s)-clé(s)
- Date de modification :