Différentes villes, expériences partagées : points de vue européens et canadiens sur les sexes, l’extrémisme violent et le rôle des femmes dans la lutte contre l’extrémisme violent

Titre du projet

Différentes villes, expériences partagées : points de vue européens et canadiens sur les sexes, l’extrémisme violent et le rôle des femmes dans la lutte contre l’extrémisme violent

Auteur principal

Royal United Services Institute (RUSI)

Dates importantes

Rapport publié en novembre 2016.

Description

L’étude vise à examiner la dynamique sexospécifique de l’extrémisme violent dans des collectivités de cinq pays, l’accent étant mis sur le rôle des femmes, et elle aborde la radicalisation menant à la violence et les attitudes à l’égard des mesures de lutte contre l’extrémisme (LEV). Comme le soulignent les auteures, l’étude se déroule dans le contexte de la multiplication, ces dernières années, à l’échelle mondiale, des initiatives visant à prendre en compte le sexe, et le rôle des femmes en particulier, dans la conception des programmes de LEV. Cependant, les auteures précisent davantage le contexte en affirmant que les hypothèses concernant la radicalisation menant à la violence et les moyens de lutter contre celle-ci ne sont pas suffisamment définies (p. ex. il est présumé que les femmes jouent toujours un rôle pacifique dans les situations de conflit) et qu’il y a peu de données probantes concernant les mesures de prévention efficaces, y compris pour les programmes visant la mobilisation des femmes.

La publication est l’une de plusieurs publications attendues dans la foulée d’une étude plus large, et elle porte principalement sur l’extrémisme inspiré par Daech, tandis que l’étude complète aborde de façon approfondie la radicalisation menant à des mouvements d’extrême droite. Pour les deux mouvements, les questions fondamentales sont les suivantes : « À quel point les programmes ciblant les femmes sont-ils désirés dans les collectivités qu’ils visent à aider? » et « La LEV devrait-elle cibler les femmes, et si c’est le cas, comment? » Les auteures ont fait appel à des participants de deux groupes de communautés. Le premier groupe est celui des « communautés religieuses », désignées par les recruteurs de Daech ou par les gouvernements comme étant « vulnérables » à la radicalisation, désignation qui, selon les auteures, est souvent contestée par les communautés elles-mêmes. Le second groupe est celui des « communautés géographiques » : les gens vivant dans des endroits touchés par l’extrême droite. L’objectif de l’étude secondaire est de mieux comprendre le discours d’extrême droite et la dynamique des sexes qu’il fait intervenir.

L’étude complète est fondée sur des entrevues et des discussions en groupe de consultation avec des hommes et des femmes « ordinaires », ainsi qu’avec des experts, et elle a été menée dans deux villes de chacun des cinq pays choisis (Canada, France, Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni) dans le but de cerner les thèmes communs et les différences. Les chercheuses ont tenu 41 séances de groupe de consultation, et plus de 200 personnes ont participé à l’étude. De plus, elles ont également mené neuf entrevues approfondies auprès de personnes possédant une expérience directe de la radicalisation menant à la violence.

Résultats

L’étude souligne le fait que les programmes de LEV fondés sur le sexe mettent souvent l’accent sur l’intégration et l’autonomisation des femmes, en insistant sur le rôle et l’influence des femmes dans la réduction de la violence. Cette approche constitue le fondement de beaucoup de stratégies de LEV, y compris au Canada.

Les auteures font remarquer que les interventions de LEV, en particulier celles qui visent les femmes musulmanes, font généralement appel aux femmes en tant qu’« artisanes de la paix » et mères, sur le fondement d’hypothèses qui pourraient être erronées. Des participants de tous les pays ont exprimé leur scepticisme à l’égard du rôle des femmes dans la LEV, précisant que cela détournait l’attention d’enjeux plus importants comme les responsabilités sociales partagées, l’islamophobie et la violence faite aux femmes musulmanes, ainsi que le rôle du gouvernement et des médias. Les participantes voyaient cependant l’autonomisation comme une chose positive et souhaitable, mais seulement lorsqu’elles peuvent décider elles-mêmes de la façon d’y parvenir. De même, les participants recherchaient des programmes susceptibles de les aider à donner un exemple positif. Le scepticisme des participants semblait s’inscrire dans une préoccupation plus large concernant la notion de LEV et les approches dans le domaine, qui sont vues comme « ciblant » les communautés musulmanes, et non comme des « partenariats » avec celles-ci.

En bref, l’étude a permis de constater un pessimisme largement répandu, chez les jeunes musulmans en particulier, à l’égard de la possibilité de contrer les diverses motivations et les divers mécanismes à l’origine de la radicalisation menant à la violence.

L’étude révèle par contre des différences de perception entre les sexes au sujet de la radicalisation menant à la violence. À titre d’exemple, les auteures ont constaté que les femmes sont plus susceptibles de subir l’influence d’Internet, tandis que les hommes sont davantage influencés par les gens qu’ils rencontrent en personne; que les débats les vêtements islamiques sont aliénants pour les musulmanes en particulier; et que le recrutement de Daech a une incidence disproportionnée sur les femmes converties dans certains pays, par exemple en France et en Allemagne. Les auteures ont également trouvé plus de preuves du fait que l’acquisition d’un statut constituait une motivation chez les musulmanes recrutées par Daech que chez les recrues de sexe masculin, ce qui donne à penser que l’attrait pour les jeunes femmes tient en partie à la perception d’une « citoyenneté » entière.

Les auteures font remarquer que dans l’ensemble des collectivités, la plupart des participants ont seulement parlé d’extrémisme islamique, même en réponse à des questions précises concernant l’extrême droite. Aucun participant n’avait d’information concernant les mesures de lutte contre l’extrême droite, ce qui donne à penser que celles-ci n’ont pas fait l’objet d’autant de publicité ou n’ont pas reçu autant d’attention.

La dynamique de l’« insécurité cumulative » – l’anxiété et l’insécurité au sein d’un groupe créant de l’anxiété et de l’insécurité dans un autre groupe – est une préoccupation très importante d’après les auteurs. Les deux communautés ont parlé d’un sentiment d’aliénation par rapport à la gouvernance : les musulmans en raison de l’islamophobie, particulièrement s’ils avaient l’impression que celle-ci était institutionnalisée dans les médias, la police ou le gouvernement; les non-musulmans en raison de l’impression que leurs points de vue n’avaient aucune importance aux yeux des gens au pouvoir, la société étant en train de devenir méconnaissable.

Dans leurs recommandations, les auteures insistent sur l’importance d’engager un dialogue positif avec les hommes et les femmes, en respectant leurs conditions, dans toutes les communautés, et pas seulement les communautés musulmanes. Les auteures estiment que le problème de la radicalisation des convertis est négligé, tandis que les stratégies visant les jeunes sont trop souvent menées par la police. Un besoin exprimé seulement par les jeunes femmes du Canada était celui de suivre des cours d’autodéfense pour être en mesure de se protéger contre les agressions fondées sur la xénophobie et le racisme. Cela reflétait une préoccupation largement répandue concernant les représailles subies par les musulmans canadiens dans la foulée des attaques liées à Daech à Paris.

Les auteures concluent en relevant des tensions dans leurs conclusions, tenant notamment au fait que les participants ont cherché à se distancier des problèmes d’extrémisme tout en exprimant de l’anxiété et en faisant montre de leur connaissance du sujet. Elles préconisent le rejet des préjugés courants fondés sur le sexe et le fait d’en apprendre davantage au sujet de ce que les femmes – et les hommes – de toutes les communautés peuvent faire pour prévenir la violence et maintenir la résilience.

Informations supplémentaires

Different Cities, Shared Stories:  Voices from Europe and Canada on Gender and Violent Extremism and Women’s Roles in Countering It

Initiatives connexes

Erin Marie Saltman and Melanie Smith, “Till Martyrdom Do Us Part: Gender and the ISIS Phenomenon,” ICSR and ISD, 2015.

Laura Huey, “No Sandwiches Here: Representations of Women in Dabiq and Inspire Magazines,” TSAS, 2015.

Charlie Edwards, Calum Jeffray and Raffaello Pantucci, “Out of Reach? The Role of Community Policing in Preventing Terrorism in Canada,” RUSI, 2015.

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