ARCHIVE - TRANSITION VERS LA COLLECTIVITÉ

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Dans la présente section, nous examinons les composantes essentielles qui doivent être mises en place pour aider les délinquants à réussir leur transition du pénitencier à la collectivité. Nous portons une attention particulière à la responsabilité des délinquants de mériter la libération conditionnelle et nous nous penchons sur les répercussions de cette nouvelle responsabilité sur la mise en liberté sous condition.

(a) Planification exhaustive de la réinsertion sociale

Le Comité a examiné les politiques actuelles du SCC liées à la prise de décisions prélibératoires et au processus de mise en liberté à la lumière des recommandations sur i) l'adoption d'une approche de « libération conditionnelle méritée »; ii) la responsabilisation du délinquant; iii) l'établissement de liens efficaces entre les programmes offerts dans les pénitenciers et ceux offerts dans la collectivité; iv) l'établissement d'une relation plus solide avec la collectivité en vue de l'emploi; v) l'amélioration de l'infrastructure communautaire; et vi) la nécessité de répondre aux besoins des délinquantes, des délinquants autochtones et des délinquants ayant des problèmes de santé mentale qui bénéficient d'une mise en liberté sous condition dans la collectivité.

Les répercussions des recommandations susmentionnées et d'autres recommandations influeront sur l'approche adoptée par le SCC pour prendre des décisions prélibératoires, préparer les dossiers pour étude par la Commission nationale des libérations conditionnelles et travailler avec divers fournisseurs de services (établissements résidentiels communautaires, etc.) en vue de planifier le processus de transition des délinquants vers la collectivité.

Le Comité estime qu'une attention particulière devra être portée aux facteurs de transition clés suivants pour assurer la mise en place d'un plan de libération exhaustif, ce qui permettra de fusionner les plans correctionnels dans les pénitenciers et dans la collectivité :

  1. énoncer clairement les responsabilités du délinquant à l'égard du comportement qu'il est attendu de lui dans la collectivité;
  2. mettre l'accent sur la nécessité d'élargir les interventions correctionnelles de façon à ce que les résultats obtenus par les délinquants aux programmes dans les pénitenciers permettent de déterminer les programmes de thérapie comportementale, de formation et d'emploi dont ils auront besoin dans la collectivité;
  3. établir une approche bien définie pour élaborer et mettre en œuvre des initiatives axées sur des emplois de transition;
  4. déterminer les interventions en matière de santé mentale conformes aux évaluations effectuées dans les pénitenciers et à l'infrastructure de prestation de services offerte dans la collectivité;
  5. établir clairement le rôle et les responsabilités des établissements résidentiels communautaires chargés de fournir un logement aux libérés conditionnels et un soutien à la prestation de services et de programmes dans la collectivité;
  6. décrire les conditions recommandées par le SCC à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Le Comité est d'avis que ce plan de libération exhaustif devrait servir de contrat de responsabilisation entre le délinquant et le SCC. Ce plan doit établir clairement les attentes du SCC à l'égard du délinquant et doit comporter des étapes bien définies à franchir pendant la durée de la mise en liberté sous condition.

La préparation d'un tel plan nécessitera du temps et doit résulter de la collaboration des agents de libération conditionnelle dans les pénitenciers et dans la collectivité.

RECOMMANDATION

  1. Le Comité recommande que la planification de la réinsertion sociale, pour les délinquants purgeant une peine d'une durée déterminée, commence au moment de l'admission afin que le plan ainsi élaboré mette l'accent sur les programmes, les études et l'emploi ainsi que sur le traitement en santé mentale.

(b) Libération conditionnelle méritée

Un certain nombre d'intervenants, y compris Sécurité publique Canada, ont encouragé le Comité à considérer le concept de la libération conditionnelle méritée.

Le schéma suivant résume les temps d'épreuve actuels pour l'admissibilité à la mise en liberté des délinquants purgeant une peine d'une durée déterminée.

(i) Contexte

La liberté conditionnelle est une forme de mise en liberté qui permet à certains délinquants de purger une partie de leur peine dans la collectivité, pourvu qu'ils se conforment à certaines conditions. La libération conditionnelle est un privilège et non un droit et elle est accordée à la discrétion de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC).

Aux termes de la LSCMLC, la mise en liberté sous condition vise à contribuer au maintien d'une société juste, paisible et sûre en favorisant, par la prise de décisions appropriées quant au moment et aux conditions de leur mise en liberté, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en tant que citoyens respectueux des lois.

En vertu de la loi en vigueur, le cas d'un délinquant peut faire l'objet d'un examen par la CNLC si ce dernier a purgé une certaine partie de sa peine.

Il existe deux formes de libération conditionnelle : la semi-liberté et la libération conditionnelle totale. La semi-liberté est généralement accordée au délinquant après six mois d'incarcération ou six mois avant la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale, selon la plus longue de ces périodes. Les délinquants en semi-liberté doivent rentrer chaque soir à un pénitencier ou à un établissement résidentiel communautaire. La libération conditionnelle totale est généralement accordée au délinquant après qu'il a purgé un tiers de sa peine ou après sept ans d'incarcération, selon la plus courte de ces périodes, et permet au délinquant de purger le reste de sa peine dans la collectivité. La libération d'office est accordée en vertu de la loi au délinquant qui a purgé les deux tiers de sa peine. Le délinquant libéré d'office fait l'objet d'une surveillance dans la collectivité. La CNLC peut imposer au délinquant libéré d'office une condition d'assignation à résidence dans un centre correctionnel communautaire.

En moyenne, six périodes de liberté d'office sur dix ont été complétées sans révocation en 2005-2006; cependant, les délinquants libérés d'office ont été responsables de 79 % des récidives avec violence dans la collectivité alors qu'ils ne représentent que 35 % de la population de libérés sous condition.

Le SCC a établi le profil moyen des délinquants qui récidivent pendant la liberté d'office – ce sont des hommes autochtones, âgés de moins de 35 ans, ayant peu de scolarité (pas de diplôme d'études secondaires), au chômage au moment de l'arrestation, affiliés à des gangs et purgeant une peine de moins de trois ans pour avoir habituellement commis un vol qualifié. De plus, les libérés d'office récidivistes ont tendance à avoir des antécédents de toxicomanie, des antécédents criminels, des antécédents négatifs lors d'une incarcération antérieure (évasion, isolement, révocation de la libération conditionnelle), des taux faibles de réussite de programmes et un nombre supérieur d'assignations à résidence à leur libération.

Une frustration commune qui a été exprimée au Comité est le manque de motivation qu'affiche un grand pourcentage de jeunes délinquants. Il semble que de plus en plus de délinquants choisissent de ne pas demander la libération conditionnelle et attendent leur date d'admissibilité à la libération d'office aux deux tiers de leur peine. Les conséquences d'une telle attitude semblent être relativement mineures : les conditions de vie sont les mêmes que celles des délinquants qui participent activement à leur réadaptation et peu de délinquants se voient refuser la libération à leur date d'admissibilité à la libération d'office. De plus, les délinquants qui ne participent pas activement à leur réadaptation pendant l'incarcération présentent une menace pour la sécurité du personnel et des autres délinquants, ce qui nuit aux efforts déployés par les autres délinquants.

Le SCC a déjà entrepris des démarches pour accroître la motivation des délinquants qui ne participent pas à leur réadaptation, mais le Comité estime que d'autres mesures s'imposent. Le Comité considère qu'il est essentiel d'offrir aux employés une formation additionnelle au sujet des gangs, des techniques de motivation et de la compréhension des répercussions d'une maladie mentale. Cependant, comme il a déjà été mentionné, la réadaptation doit être une responsabilité partagée et le délinquant doit déployer des efforts pour atténuer les risques qu'il présente et répondre à ses besoins. Afin d'encourager les délinquants, les privilèges accordés aux délinquants qui participent activement à leur réadaptation devraient être différents de ceux accordés aux délinquants qui n'y participent pas. La vie dans les pénitenciers devrait être à l'image de la société canadienne et le concept de base devrait être le même : il incombe à chacun de « gagner ses galons ».

La mise en liberté graduelle des délinquants est une pierre angulaire des services correctionnels canadiens depuis de nombreuses années, et le Comité appuie ce concept. Toutefois, le Comité croit que la libération d'office et la procédure d'examen expéditif ont toutes les deux nui à la mise en liberté discrétionnaire et, de façon générale, ne se sont pas avérées aussi efficaces que la mise en liberté discrétionnaire pour ce qui est de réduire la récidive avec violence. Le Comité croit que la mise en liberté arbitraire qui n'est pas accordée en fonction de la réadaptation est inefficace et, dans le cas des peines de courte durée, présente une menace à la sécurité publique. Cela a été démontré par le fait que la plupart des récidives avec violence sont commises par des délinquants sous responsabilité fédérale libérés d'office. Pour améliorer la sécurité publique et faire du système correctionnel un système qui responsabilise vraiment les délinquants, il faut exiger des délinquants qu'ils méritent leur retour dans la collectivité et qu'ils démontrent à la CNLC qu'ils ont changé et qu'ils sont capables de vivre en tant que citoyens respectueux des lois.

(ii) Consultation

Les politiques fédérales en matière de mise en liberté ont des répercussions sur le public, les délinquants, les victimes et divers intervenants. Dans cette optique, le Comité a engagé des discussions avec des employés du SCC et des groupes d'intérêt au sujet des avantages et des inconvénients de l'introduction du régime de libération conditionnelle méritée et du retrait de la libération d'office, ce qui signifie, par définition, que la mise en liberté des délinquants à des dates fixes de leur peine serait éliminée.

Ces discussions ont porté sur la responsabilité accrue du délinquant de satisfaire aux exigences de son plan correctionnel, le temps requis pour mieux préparer les délinquants à la mise en liberté et l'impact sur la sécurité publique qu'a la libération de délinquants à risque élevé aux deux tiers de leur peine.

Mme Heidi Illingworth, directrice exécutive du Centre canadien de ressources pour les victime`s de crimes, s'est exprimée ainsi au Comité :

[traduction] Il a bien été documenté par les chercheurs dans le domaine des services correctionnels que les mises en liberté sous condition ayant les taux de succès les plus élevés sont celles qui reposent sur le jugement de professionnels et qui sont fondées sur des évaluations du risque appropriées axées sur la sécurité publique, tandis que les mises en liberté sous condition ayant les taux de succès les plus faibles sont celles qui découlent de la loi, notamment la libération d'office et la procédure d'examen expéditif […] Nous croyons fortement que la libération d'office devrait être abolie et qu'il revient à la Commission nationale des libérations conditionnelles d'accorder la mise en liberté (si elle est méritée par le délinquant). Si la réincarcération vise vraiment à préparer les délinquants à retourner dans la collectivité et à les réadapter, alors la libération conditionnelle devrait être méritée42.

Le Comité a aussi reçu un document du Canadian Centre for Abuse Awareness, dans lequel il était écrit :

[traduction] Les occasions d'obtenir la libération conditionnelle méritée se présentent très tôt pour de nombreux délinquants, c'est-à-dire dès qu'ils ont purgé le sixième de leur peine. Cela est tout à fait approprié, dans la mesure où cela est bien fait, toutefois les dispositions relatives à la libération conditionnelle méritée devraient s'appliquer à l'ensemble de la peine et ne devraient pas permettre qu'une peine se termine par ce qui est devenu une mise en liberté arbitraire aux deux tiers de la peine43.

Le thème le plus souvent abordé dans les pénitenciers et dans les collectivités canadiennes était l'inefficacité de la libération d'office. La mise en liberté prévue d'un délinquant après qu'il a purgé les deux tiers de sa peine ne favorise pas la réadaptation. Par exemple, un délinquant purgeant une peine de trois ans est admissible à la mise en liberté automatique après 24 mois, à moins que le SCC ne démontre à la CNLC qu'il existe des motifs raisonnables de croire que le délinquant commettra, avant l'expiration légale de sa peine, soit une infraction causant la mort ou un dommage grave à une autre personne, soit une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant, soit une infraction grave en matière de drogue, ce qui justifierait donc un maintien en incarcération. Conformément au paragraphe 129(3) de la LSCMLC, la recommandation de maintenir un délinquant en incarcération doit se fonder sur des « motifs raisonnables », sur la conduite du délinquant et sur tout autre renseignement pertinent obtenu par le SCC au sujet du délinquant. Les critères justifiant un maintien en incarcération sont très élevées et peu de délinquants y répondent.

Les délinquants qui attendent passivement leur date d'admissibilité à la libération d'office sont décrits comme ne suivant pas leur plan correctionnel, manquant de motivation quant à la réadaptation et causant des troubles dans le pénitencier, soit en étant affiliés à des gangs ou en étant impliqués dans le commerce de la drogue. Même s'ils affichent ce type de comportement, à l'heure actuelle, ils ont les mêmes droits et privilèges que les délinquants qui participent activement à leur plan correctionnel.

Il y avait consensus sur le fait que, si la libération d'office était éliminée, il faudrait s'assurer que des options de mise en liberté sous condition soient toujours en place pour appuyer les avantages d'une mise en liberté graduelle dans la collectivité. Une préoccupation particulière a été soulevée au sujet des répercussions d'un nombre accru de mises en liberté directement des pénitenciers des délinquants qui purgent leur peine en entier (libération à la date d'expiration du mandat) alors qu'ils ne seraient plus sous la surveillance du SCC dans la collectivité.

Cette préoccupation a été partagée par la Société John Howard :

[traduction] On ne peut favoriser la réinsertion sociale en toute sécurité des délinquants en ne faisant rien. Laisser les détenus en prison jusqu'à la fin de leur peine équivaut à ne rien faire. La peine est une occasion pour les systèmes correctionnels d'apporter des changements positifs. Faire quelque chose de constructif signifie travailler activement pour influer sur les choix que font les individus [délinquants] à la mise en liberté et influer sur l'environnement dans lequel ils sont libérés. Ces changements positifs peuvent être apportés dans le cadre d'une mise en liberté graduelle44.

Par conséquent, le Comité estime qu'il faudrait examiner la façon dont les interventions communautaires pourraient être « repensées » pour qu'elles répondent mieux aux besoins nouveaux concernant la surveillance et la prestation de services, tout en veillant à ce que les mesures qui s'imposent soient prises pour préparer le délinquant en vue de la fin de sa peine ou de l'expiration du mandat.

Les personnes en faveur de la libération conditionnelle méritée s'entendent pour dire qu'elle permettrait d'accroître la responsabilité du délinquant et du système correctionnel pour ce qui est de corriger les facteurs criminogènes et les problèmes de comportement qui ont contribué au cycle de criminalité du délinquant. De nombreux agents de libération conditionnelle sont d'avis que « l'on peut seulement amener le cas d'un délinquant là où il le veut; c'est le délinquant qui fait progresser son cas ».

Il y avait un important appui quant à l'introduction de mesures incitatives appropriées pour amener les délinquants à participer activement à leur plan correctionnel et à faire des progrès. Certains délinquants doivent être motivés à participer à l'aide de mesures incitatives visant à récompenser leurs réalisations. En ce qui concerne les mesures incitatives, on s'est dit favorable à l'établissement d'un lien direct entre les privilèges et la motivation ainsi que la prise de moyens pour respecter les plans correctionnels, tout en reconnaissant les droits des délinquants et l'exigence d'appliquer les « mesures le moins restrictives possible » dans le cadre de leur gestion. Ce groupe était d'avis que des résultats positifs dans la collectivité, notamment la réduction des taux de récidive, seraient atteints grâce à l'élimination de la libération d'office. D'autres tenants de cette théorie ont dit que la libération conditionnelle méritée et l'introduction de mesures incitatives pour motiver les délinquants à respecter leur plan correctionnel permettraient d'atténuer les risques que présentent ces délinquants jusqu'à ce qu'ils démontrent qu'ils sont prêts à retourner dans la collectivité en toute sécurité.

Le Comité souligne que ces observations sont valides et suggère fortement que tous les efforts soient déployés pour s'assurer que la mise en œuvre du régime de libération conditionnelle méritée reflète les processus actuels de gestion qui préparent les délinquants à la mise en liberté graduelle dans la collectivité. Le Comité est d'avis que la supervision et le soutien des délinquants pendant la mise en liberté favorisent la sécurité publique. L'accent devrait être mis sur l'amélioration de ces processus pour qu'il incombe dorénavant au délinquant de démontrer qu'il est responsable, qu'il a fait des progrès par rapport à un plan de libération viable et qu'il restera un citoyen respectueux des lois après sa mise en liberté dans la collectivité.

(iii) Raisons d'appuyer la libération conditionnelle méritée

Le Comité est préoccupé par les statistiques qui démontrent qu'environ 40 % des libertés d'office se soldent par un échec (30 % de celles-ci sont révoquées en raison d'un manquement aux conditions et 10 %, en raison de nouvelles infractions) et que les taux de récidive avec violence sont trois fois supérieurs chez les libérés d'office que chez les autres libérés conditionnels. Le risque que présentent ces délinquants et l'éventuelle augmentation du risque résultant de l'évolution du profil des délinquants sous responsabilité fédérale indiquent que des changements s'imposent.

Le schéma ci-dessus montre qu'à long terme (10 à 15 ans après la fin de la peine) :

  • les délinquants libérés à l'expiration du mandat sont de 2,5 à 4 fois plus susceptibles d'être réincarcérés dans un pénitencier fédéral que les délinquants qui ont terminé de purger leur peine dans le cadre d'une libération conditionnelle totale;
  • les délinquants qui ont terminé de purger leur peine dans le cadre d'une liberté d'office sont de 2 à 2,5 fois plus susceptibles d'être réincarcérés dans un pénitencier fédéral que les délinquants qui ont terminé de purger leur peine dans le cadre d'une libération conditionnelle totale.

Les faibles taux de participation aux programmes et de réussite dénotent un problème croissant lié au manque de motivation des délinquants à participer aux interventions correctionnelles. Le Comité est d'avis que la mise en liberté à une date prévue fait obstacle à la responsabilisation du délinquant. Une modification législative et des améliorations aux programmes qui incitent et encouragent les délinquants, particulièrement les délinquants à risque élevé, à changer leur comportement sont nécessaires pour améliorer les résultats de la mise en liberté sous condition.

(iv) Énoncés des répercussions clés

Dans la présente section, nous nous penchons sur les effets de l'introduction de la libération conditionnelle méritée, notamment la nécessité de « repenser » les interventions dans les pénitenciers et dans la collectivité afin qu'elles répondent aux nouvelles exigences de l'examen du cas en vue d'une libération conditionnelle et de la planification exhaustive de la libération et qu'elles favorisent la mise en liberté graduelle des délinquants dans la collectivité et leur mise en liberté sous condition. Le schéma suivant résume les recommandations formulées par le Comité pour gérer les répercussions de l'élimination de la liberté d'office et de la procédure d'examen expéditif et de l'introduction de la libération conditionnelle méritée.

L'introduction du régime de libération conditionnelle méritée entraînera ce qui suit :

  • la mise en liberté à une date fixe (procédure d'examen expéditif et libération d'office) sera éliminée;
  • la mise en liberté d'un délinquant avant la fin de sa peine (date d'expiration du mandat) ne sera possible que si la CNLC prend une décision en ce sens;
  • l'admissibilité à la libération conditionnelle sera considérée au cas par cas, selon l'évaluation du risque et les progrès réalisés par le délinquant pour corriger les facteurs criminogènes, les troubles de comportement et les lacunes en matière d'habiletés décrits dans son plan correctionnel exhaustif et pour satisfaire aux exigences de la réinsertion sociale, y compris les options relatives à l'emploi à la mise en liberté, conformément au plan de libération dans la collectivité;
  • les délinquants comparaîtront devant la CNLC une fois par année, soit chaque année après leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle;
  • le SCC devra fournir aux procureurs de la Couronne locaux les noms des délinquants sous garde qui se sont vu refuser la libération conditionnelle et qui sont maintenus en incarcération jusqu'à la fin de leur peine parce qu'ils n'ont pas respecté leur plan correctionnel, pour la présentation possible d'une demande d'ordonnance en vertu de l'article 810 du Code criminel à la date d'expiration du mandat;
  • le même critère serait utilisé pour toutes les décisions en matière de mise en liberté; ce critère serait toujours conforme aux principes de la LSCMLC qui aident la CNLC à s'assurer que l'objectif de la mise en liberté sous condition est atteint –
    1. la protection de la société est le critère déterminant dans toute décision relative à la mise en liberté sous condition (al. 101a) de la LSCMLC);
    2. le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible et être conforme au plan correctionnel du délinquant et à l'évaluation du risque qu'il présente et de ses besoins (al. 101c) de la LSCMLC);
    3. une récidive du délinquant avant l'expiration légale de la peine qu'il purge ne présentera pas un risque inacceptable pour la société (art. 102 de la LSCMLC);
    4. la mise en liberté contribuera à la protection de la société en favorisant la réinsertion sociale du délinquant en tant que citoyen respectueux des lois (art. 102 de la LSCMLC);
  • le SCC doit indiquer dans tout plan de libération qu'il présente à la CNLC si le délinquant est assuré d'obtenir un emploi à sa mise en liberté ou s'il y a une forte probabilité qu'il se trouve un emploi;
  • l'examen en vue de la libération conditionnelle totale sera effectué à la demande du délinquant à la suite d'une période d'attente minimale (p. ex., six mois);
  • l'examen en vue de la semi-liberté sera aussi effectué à la demande du délinquant, et les critères d'admissibilité seront les mêmes que les critères actuels;
  • des critères additionnels exigeront du délinquant qu'il mérite la libération conditionnelle en respectant son plan correctionnel.

Le régime de libération conditionnelle méritée doit être soutenu par des initiatives qui répondent aux risques et aux besoins particuliers des délinquants qui ont commis des infractions violentes et qui présentent un risque élevé de récidive avec violence.

Les stratégies de gestion des cas incluraient une évaluation intensive et continue du risque; l'élaboration d'un plan correctionnel exhaustif qui comporte des étapes à franchir afin que le délinquant soit préparé à une mise en liberté graduelle dans la collectivité et qu'il se soit trouvé un emploi ou qu'il y ait une forte probabilité qu'il se trouve un emploi; des énoncés clairs des responsabilités et des obligations du délinquant pour ce qui est d'atteindre les objectifs fixés afin de mériter la libération conditionnelle; la participation des délinquants au processus de mise en liberté dès que possible et de façon continue; la préparation des délinquants à la mise en liberté au moyen d'une planification plus exhaustive de la mise en liberté dans la collectivité. Une attention particulière devra être portée à l'application de ces initiatives aux besoins uniques des délinquantes et des délinquants autochtones.

Les délinquants doivent bien comprendre les conséquences du non-respect des exigences du plan correctionnel sur l'accès aux privilèges dans les pénitenciers et sur la mise en liberté sous condition ainsi que les conséquences de la récidive dans le cadre d'une mise en liberté sous condition dans la collectivité.

La mise en œuvre de la stratégie améliorée doit tenir compte des avantages d'une mise en liberté graduelle et axée sur l'emploi. Ce principe doit être utilisé pour orienter le SCC afin qu'il veille à ce que tous les efforts soient déployés pour encourager les délinquants à participer activement à leur plan correctionnel et à atteindre les objectifs qui y sont fixés pour réduire leur risque de récidive et, par la même occasion, améliorer leur admissibilité à la mise en liberté. Il faut examiner les deux principales composantes de la libération conditionnelle, soit la semi-liberté et la libération conditionnelle totale, pour veiller à ce qu'elles s'harmonisent aux approches de la libération conditionnelle méritée et de l'emploi dans la collectivité et qu'elles soient pleinement appuyées par une infrastructure communautaire qui offre une surveillance, des interventions de programme et des services. Cela suppose un lien plus étroit avec les services de police, les provinces et les municipalités, de nouvelles stratégies de surveillance innovatrices et une planification exhaustive de la mise en liberté qui donne suite aux programmes de formation professionnelle et d'acquisition de compétences en employabilité que les délinquants auront entrepris dans les pénitenciers.

Il faut aussi examiner l'infrastructure communautaire et les partenariats avec les fournisseurs de services en conséquence de l'élimination de la libération d'office et du nouvel accent mis sur l'acquisition de compétences et l'obtention d'un emploi. Il faudrait accorder une attention particulière aux rôles changeants des pénitenciers à sécurité minimale, des centres correctionnels communautaires du SCC et des établissements résidentiels communautaires qui fournissent des services à contrat, et à leurs rapports mutuels.Il faudrait insister particulièrement sur l'appui aux initiatives de placement à l'extérieur et autres formes d'emplois de transition, sur la prestation de services de soutien en santé mentale et sur des solutions de rechange en matière de logement pour les délinquants qui participent activement à leur plan correctionnel et qui sont en transition vers la collectivité.

L'introduction d'un nouveau régime de libération conditionnelle ou de mise en liberté pourrait avoir un impact sur la taille de la population carcérale en raison de l'éventuelle augmentation de la durée des peines. Cependant, l'importance nouvelle accordée à l'employabilité et à l'emploi pourrait avoir l'effet contraire, c'est-à-dire entraîner une réduction de la taille de la population carcérale, puisque l'efficacité des programmes offerts à l'intérieur et à l'extérieur des murs des pénitenciers mènera probablement à une réduction de la récidive et, par conséquent, à une réduction du taux de réincarcération dans les pénitenciers fédéraux. Bien que le Comité soit d'avis que l'impact général sera une réduction de la récidive, le SCC doit élaborer des énoncés des répercussions de concert avec la CNLC, ce qui permettra d'établir un calendrier de gestion (échéances relatives au dépôt d'un projet de loi, à l'adoption de celui-ci et à l'application de la nouvelle loi) et d'évaluer les coûts d'une mise en œuvre graduelle des recommandations du Comité. L'évaluation des coûts devrait comprendre l'introduction de complexes régionaux, conformément aux recommandations du Comité.

RECOMMANDATIONS

  1. Le Comité recommande que la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) soit modifiée pour éliminer le régime de libération d'office et la procédure d'examen expéditif, qui seraient remplacés par un régime de libération conditionnelle méritée.
  2. Le Comité recommande que la LSCMLC soit modifiée pour témoigner du fait que la protection de la société est le critère prépondérant dans toute décision relative à la mise en liberté sous condition (alinéa 101 a)de la LSCMLC) et que le libellé de l'alinéa d) soit le suivant : le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être conforme au plan correctionnel du délinquant et à l'évaluation du risque qu'il présente et de ses besoins.
  3. Le Comité recommande qu'un examen complet du processus de mise en liberté sous condition soit entrepris de manière à ce que la semi-liberté et la libération conditionnelle totale soient concrètement liées aux objectifs de la libération conditionnelle méritée et aux principes de la mise en liberté graduelle. L'examen devrait en outre porter sur l'incidence de la mise en liberté, directement à partir des pénitenciers, des délinquants qui ont terminé de purger leur peine (expiration du mandat) et qui ne sont donc plus sous la surveillance du SCC.
  4. Le Comité recommande que l'on examine la façon dont les interventions communautaires devraient être « repensées » pour qu'elles répondent mieux aux besoins nouveaux concernant la surveillance et la prestation de services, plus particulièrement dans le contexte de l'emploi.
  5. Le Comité recommande que les délinquants comparaissent devant la CNLC une fois par année, soit chaque année après leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle.
  6. Le SCC devrait fournir aux procureurs de la Couronne locaux les noms des délinquants sous garde qui se sont vu refuser la libération conditionnelle et qui seront maintenus en incarcération jusqu'à la fin de leur peine parce qu'ils n'ont pas respecté leur plan correctionnel, pour la présentation possible d'une demande d'ordonnance en vertu de l'article 810 du Code criminel à la date d'expiration du mandat.

42 Mémoire présenté au Comité d'examen du SCC, Centre canadien des ressources pour les victimes de crimes, le 4 juin 2007, page 8 (en anglais).

43 Mémoire présenté au Comité d'examen du SCC, Canadian Centre for Abuse Awareness, juin 2007, page 8 (en anglais).

44 Mémoire présenté au Comité d'examen du SCC, Société John Howard du Canada, le 22 mai 2007, page 5 (en anglais).

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