Thèmes de recherche pour le projet Kanishka
Le projet Kanishka vise à mieux comprendre la signification du terrorisme dans le contexte canadien actuel, comment cette signification évolue à travers le temps et ce que nous pouvons faire pour appuyer des politiques, des programmes et des lois appropriés et efficaces pour le Canada dans ce domaine.
Le projet Kanishka vise également à établir une communauté scientifique spécialisée solide et multidisciplinaire au Canada, à améliorer la compréhension du public à l'égard du terrorisme et de la lutte contre celui-ci, et à favoriser un échange fructueux entre les chercheurs et le gouvernement canadien à ce sujet, tant en termes de connaissances à acquérir que de leur justification.
Depuis l'attentat à la bombe commis contre le vol 182 d'Air India en 1985, et particulièrement après le 11 septembre 2001, le système de sécurité et de renseignement du Canada a grandement évolué grâce à des changements apportés aux politiques opérationnelles, à la formation, aux lois et à l'appareil gouvernemental. Les thèmes qui suivent ont pour objet d'orienter les efforts pertinents visant à combler les lacunes relatives à la recherche. Ils ont également comme objectif de produire des outils utiles pour les personnes de première ligne (par exemple, les policiers, les avocats, les juges, les membres de la communauté du renseignement, etc.). En définitive, les trois premiers thèmes (extrémisme idéologique et violence; perception et émotion; résilience et dynamiques collectives) détermineront l'orientation de la recherche, tandis que le quatrième thème (organisation et efficacité) sera utilisé pour produire des outils concrets nécessaires destinés au personnel de première ligne afin que ces employés soient plus efficaces dans leurs rôles respectifs.
Extrémisme idéologique et violence
En ce moment, une menace importante à la sécurité nationale du Canada (et de bien d'autres pays également) est la radicalisation menant à la violence, ce qui inclut l'extrémisme violent d'origine intérieure. Ce qui rend cette menace particulièrement difficile à saisir, c'est qu'il n'existe pas de profil unique des individus susceptibles d'être recrutés ou de se livrer à de la violence à caractère idéologique. Des études de cas canadiens démontrent que les extrémistes violents ont différentes origines raciales, ethniques, culturelles, religieuses et socioéconomiques, et qu'une forte dimension transnationale peut servir de lien avec des mouvements ou des organisations externes plus larges.
Il est évident que le portrait est complexe, mais des tendances se dégagent : quand et comment les groupes se forment, comment ils évoluent et obtiennent ou perdent de l'appui (aussi bien financier que moral), quand et pourquoi les individus deviennent violents, etc. Il reste toutefois beaucoup à faire pour déterminer quelles tendances correspondent à un contexte particulier. Il s'agit d'une tâche ardue : les facteurs normalement liés au terrorisme – extrémisme idéologique, rancune et indignation morale, problèmes d'identité – peuvent se présenter, mais ils se traduisent rarement par des actes de violence. Voici quelques questions clés :
- Qu'est-ce qui aggrave le risque que l'extrémisme violent s'établisse et persiste chez certains groupes plutôt que d'autres?
- Quelle est l'incidence des facteurs transnationaux (Internet, médias, marchés, liens entre les diasporas, etc.) sur le terrorisme? À la lumière des tendances générales, comment le terrorisme évoluera-t-il au fil du temps (p. ex. liens avec d'autres genres d'activités criminelles et de réseaux illicites)?
- Comment faire la différence entre les personnes qui disent adhérer à des idéologies violentes en théorie et le peu qui passeront vraiment à l'acte?
- Comment mieux comprendre la dynamique de la radicalisation dans le système pénitentiaire et le domaine correctionnel? Comment faire la distinction entre les différents motifs à joindre un groupe extrémiste, telle la pression du groupe ou la conversion réelle? Que faut-il prendre en compte dans la gestion des délinquants et de leur réinsertion sociale à la fin de leur peine?
- Quelles sont les interactions entre les différentes causes extrémistes, et comment ces interactions devraient-elles orienter la lutte contre le terrorisme?
- Existe-t-il des différences entre les groupes extrémistes violents au Canada et ceux d'autres pays? Existe-t-il des contrastes importants dans leur façon d'obtenir du soutien (financier ou autre), leur organisation ou ce qu'ils cherchent à accomplir?
- À quel moment les opinions relatives à l'expression légitime de la colère et de la rancune, défendues au sein d'un groupe ou une collectivité en particulier, passent-elles de la protestation à l'opposition jusqu'à la violence?
- Quelles sont les similitudes et les différences entre les problèmes liés à la lutte contre le terrorisme et les autres défis auxquels font face les services policiers et le système judiciaire en général, et comment s'en servir pour améliorer les pratiques actuelles?
- Quel est le degré d'efficacité des programmes d'intervention conçus pour empêcher ou prévenir que des individus aient recours à la violence pour faire avancer une cause?
Perception et émotions
L'impact social potentiel des perceptions relatives à la sécurité peut être profond et durable. Le terme terrorisme contient en lui-même une charge émotive, et la façon dont on l'emploie dans les médias et les autres moyens de communication peut exacerber ou atténuer les tensions ou aussi bien que les perceptions erronées. De plus, l'opinion générale concernant le terrorisme et la sécurité nationale est grandement influencée par les événements locaux et mondiaux passés comme présents. Des attentats tels que celui contre le vol d'Air India et du 11 septembre 2001 sont rares, mais ils continuent néanmoins d'influencer les pensées et les actions relatives à la sécurité nationale. Dans ce contexte, il est pertinent de se poser les questions suivantes :
- Comment la population canadienne perçoit-elle les menaces terroristes et les efforts du gouvernement pour lutter contre elles? Quelles sont les similitudes et les différences entre les perceptions des majorités et des minorités?
- Comment les récits structurants d'inspiration extrémiste ou violente s'implantent-ils – ou non – dans les différents secteurs de la société? Quel rôle les médias jouent-ils dans cette implantation?
- Quelle influence l'environnement sécuritaire et médiatique contemporain ont-ils sur le sentiment d'appartenance, l'engagement civique et l'intégration socioéconomique de la jeunesse canadienne?
- Devrait-on fixer plus de limites à l'expression publique de la colère ou de la rancœur?
- Existe-t-il des différences importantes entre les hommes et les femmes de même qu'entre les différentes générations, quant à la perception et aux actions?
Résilience et dynamiques collectives
Les incidents terroristes sont conçus pour traumatiser. Au-delà des pertes de vies et de biens, ils ont le potentiel d'endommager le tissu social par la peur, la suspicion, la haine et même le clivage communautaire. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les dynamiques collectives qui sont en jeu, tant dans les efforts visant à obtenir un appui pour des actes de violence à caractère politique ou idéologique qu'après un attentat. Dans ce contexte, la résilience est la capacité de réagir à des événements ou à des actes de provocation de façon à prévenir d'autres dommages et, si possible, de permettre à la société d'en ressortir mieux armée pour gérer des situations semblables. Tout cela en respectant les droits, les libertés, la primauté du droit et en préservant la société ouverte, démocratique et multiculturelle du Canada. Voici des problématiques nécessitant davantage de recherche :
- Quels sont les expériences et les besoins des collectivités du Canada face aux divers facteurs de vulnérabilité liés au terrorisme, notamment en ce qui a trait au recrutement, à la mobilisation et à l'obtention de soutien pour des causes extrémistes violentes?
- S'il survient un incident terroriste lié d'une certaine façon à une collectivité en particulier, comment la société canadienne réagira-t-elle, et quelles mesures faudrait-il prendre pour intervenir tout en maintenant la cohésion sociale?
- Quels types de divisions sociales déjà existantes sont les plus préoccupants? Que peut-on faire pour atténuer ces divisions?
- Quelles sont les similitudes et les différences entre les réactions individuelles et collectives face aux attentats terroristes et celles face aux urgences en matière de santé publique ou aux catastrophes naturelles? Quelle incidence a l'utilisation de moyens conventionnels par rapport à des moyens non conventionnels (p. ex : armes chimiques, biologiques ou radiologiques) sur les individus et les groupes touchés ainsi que sur la dynamique sociale?
- Quelles sont les approches et les stratégies de résilience élaborées dans les collectivités du Canada pour faire face aux menaces actuelles et comment appuyer davantage ces efforts?
- Quels sont les modèles efficaces et appropriés de partenariat entre le gouvernement et les collectivités à l'égard de la lutte contre l'extrémisme violent et de la prévention de celui-ci?
- Quels sont les ressources et les services les plus nécessaires pour le rétablissement après un incident terroriste?
Organisation et efficacité
La lutte contre le terrorisme touche actuellement le mandat de divers organismes, notamment des services de renseignement et d'application de la loi, des tribunaux et des services correctionnels. De plus, étant donné la nature complexe des menaces et des répercussions possibles d'un attentat, d'autres secteurs stratégiques sont pertinents, notamment l'éducation, le secteur bancaire et financier, le soutien au marché du travail et l'intégration des immigrants à la population, ainsi que les politiques étrangères et la défense. Autrement dit, pour lutter efficacement contre le terrorisme, il faut non seulement tenir compte des menaces, des vulnérabilités et des effets possibles dans les domaines sociaux, économiques et de la sécurité, mais aussi avoir une compréhension approfondie des acteurs pertinents et des rôles qu'ils jouent ou peuvent jouer.
Pour ajouter à la complexité organisationnelle un phénomène rare mais aux conséquences dramatiques comme un attentat terroriste est, par sa nature, plus difficile à étudier – déterminer la nature des risques en jeu pour les atténuer efficacement – que les incidents ou les problèmes plus communs. Aussi, le terrorisme est en constant changement : les tactiques, les cibles et les méthodes changent, les groupes se modifient et ont souvent peu d'effet à long terme. À ce titre, voici des principales questions qui demeurent lacuneuses :
- Comment mesurer l'efficacité des pratiques et des stratégies de lutte contre le terrorisme? Dans ce contexte, quelles méthodologies se prêtent à l'évaluation des programmes?
- Que pouvons-nous apprendre d'autres domaines de politiques, de programmes et de lois? Dans quelle mesure les exercices de lutte contre le terrorisme permettent‑ils l'amélioration de la prévention, de la collaboration, des politiques et des pratiques?
- Que pouvons-nous apprendre des pratiques et de l'expérience des autres pays relativement aux stratégies de lutte contre le terrorisme, aux lois et aux poursuites, ainsi qu'à l'aide apportée à ceux qui sont les plus touchés par des actes terroristes?
- Comment pouvons-nous mieux employer les méthodes et les études relatives à l'évaluation des risques pour orienter la lutte contre le terrorisme? Quelles sont les mesures et les méthodologies qui permettent d'assurer la sécurité des transports (surtout du transport aérien) et la protection des autres infrastructures essentielles, tout en améliorant l'efficience et la sécurité?
- Comment améliorer l'efficacité de la collaboration entre les organisations gouvernementales ayant différents rôles et responsabilités quant à l'intervention ou à la lutte contre le terrorisme afin d'adopter une approche plus holistiques (p. ex. les organismes de sécurité et de justice par rapport à ceux responsables de l'immigration et des politiques sociales)? Quelle est la relation appropriée entre la sécurité et les politiques sociales?
- Comment le gouvernement fédéral peut-il faire participer davantage les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux, ainsi que les organismes communautaires?
Publications et rapports sur le vol 182 d'Air India
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