Sommaire de recherche : Établir la portée du crime organisé

Sommaire de recherche : Établir la portée du crime organisé Version PDF (151 Ko)

À Montréal, entre 2005 et 2009, environ 1,97 % de tous les incidents criminels peuvent être attribués aux activités du crime organisé

Contexte

La prévalence des organisations criminelles, leur implication dans des activités illégales, de même que la violence découlant des marchés illicites, préoccupent grandement les organismes d’exécution de la loi. Le crime organisé fait régulièrement l’objet d’initiatives législatives et de politiques. Avec le dépôt des projets de loi C‑22 et C‑95 qui ont mené à des modifications du Code criminel, on a intensifié au Canada l’adoption de dispositions législatives pour doter la police de pouvoirs accrus afin de lutter contre les membres du crime organisé.

Les problèmes de définition dans le domaine du crime organisé ont conduit à des problèmes de mesure qui ont eu des retombées sur le système de justice pénale. Différentes définitions sont offertes par les universitaires, et des variantes des définitions juridiques sont énoncées dans différentes lois. De ce fait, les services de police ont recours à différentes méthodes pour enquêter sur les incidents criminels associés aux organisations criminelles. En retour, ces différences occasionnent des incertitudes au sujet de la fréquence des incidents liés au crime organisé, et de plus grandes incertitudes au sujet de l’affectation des ressources policières pour intervenir lors de ce genre d’incident. Le crime organisé est un problème important pour les activités policières et les pratiques connexes. À l’heure actuelle, aucune étude antérieure n’a formulé de constatations portant sur : 1) le pourcentage estimé d’incidents criminels associés aux activités du crime organisé sur le territoire servi par un service de police; 2) le pourcentage de ressources affectées par les services de police à la résolution des problèmes liés au crime organisé; et 3) les dépenses totales engagées par les services de police pour intervenir lors d’activités liées à des organisations criminelles et pour lutter contre ces activités. Autrement dit, il existe peu de recherches sur l’estimation des coûts financiers et non financiers associés à la prévention des activités du crime organisé, à l’enquête sur celles-ci et à l’intervention lors de celles-ci. Il n’existe pas non plus beaucoup de comparaisons du problème du crime organisé avec les autres problèmes de criminalité.

Méthode

Diverses méthodes ont été employées pour remplir les trois objectifs du projet : 1) fournir une estimation du pourcentage d’incidents criminels associés aux activités du crime organisé (dans l’ensemble et pour chaque type d’infraction) à Montréal; 2) situer tous les délinquants possiblement impliqués dans des activités liées au crime organisé dans le milieu criminel élargi au Québec; et 3) évaluer les ressources, qu’elles soient humaines (effectif policier) ou financières (coûts liés aux enquêtes) affectées par les organismes d’exécution de la loi pour intervenir lors d’activités associées au crime organisé et pour lutter contre celles-ci.

Les données ont été tirées du Module d’information policière (MIP) de la Sûreté du Québec, le service de police provincial du Québec, et ont fait l’objet d’une analyse visant à déceler toute tendance associée à la codélinquance. Le MIP fournit des données sur tous les incidents criminels pour lesquels un ou plusieurs individus ont été accusés, ou mis en état d’arrestation, mais pas nécessairement condamnés, dans la province de Québec. Par ailleurs, des entrevues approfondies réalisées auprès du personnel policier au Québec et en Colombie‑Britannique sont venues compléter les analyses quantitatives dérivées du MIP.

Les estimations des incidents criminels associés aux activités du crime organisé sont fondées sur trois modèles différents, mais complémentaires : 1) le modèle de grande envergure (2 codélinquants); 2) le modèle de définition standard (3 codélinquants ou plus); et 3) le modèle de repérage a posteriori (taille modifiée – 3 codélinquants ou plus). Chacun de ces modèles est soumis à trois seuils différents d’après la gravité des infractions : a) aucun (toutes les infractions); b) large (infractions classées comme graves et infractions non classées); et c) strict (infractions classées comme graves).

Constatations

Seulement 4,4 pour cent de tous les incidents criminels survenus à Montréal entre 2005 et 2009 impliquaient deux délinquants ou plus (11 417 incidents sur 256 722). En utilisant le modèle et le seuil les plus larges (modèle de grande envergure, seuil large), on a constaté que des paires avaient commis des infractions ensemble plus d’une fois dans 2 608 incidents parmi les 11 417 incidents de codélinquance, ce qui représente 23 pour cent de tous les incidents de codélinquance dans les données. Ces paires répétées constituent le fondement de ce qui peut être considéré comme « le crime organisé ».

Le modèle de définition standard produit une fourchette variant de 1,6 pour cent (seuil strict) à 6,9 pour cent (aucun seuil) d’incidents de codélinquance qui correspondent à la définition de crime organisé. Si on utilise le modèle de grande envergure, la fourchette est beaucoup plus grande : elle varie de 3,9 pour cent (seuil strict) à 22,8 pour cent (aucun seuil) d’incidents de codélinquance qui correspondent à la définition de crime organisé. Pour le modèle de repérage a posteriori, la fourchette de pourcentages varie de 0,26 pour cent (seuil strict) à 2,93 pour cent (aucun seuil), le seuil large produisant une estimation de 1,97 pour cent. Le modèle de repérage a posteriori est le plus élaboré des modèles, et génère probablement à ce titre les meilleures estimations des pourcentages d’incidents liés au crime organisé.

En règle générale, entre 2005 et 2009 à Montréal, les incidents impliquant deux délinquants ou plus, abstraction faite de la continuité, étaient plus probablement des crimes violents ou des crimes contre la propriété. On peut établir une comparaison avec les infractions commises par un seul délinquant, qui sont principalement classées dans la catégorie « tous les autres », une combinaison de divers incidents non graves. Par exemple, les infractions commises par un seul délinquant consistaient à 45 pour cent en « d’autres types d’infractions », suivies des crimes violents (25 %). En revanche, 34 pour cent des infractions contre les biens et 34 pour cent des infractions avec violence étaient commises par des codélinquants, et 57 pour cent des crimes contre la propriété et 22 pour cent des crimes violents étaient possiblement liés au crime organisé.

Au total, 23 pour cent des délinquants du crime organisé de Montréal faisaient partie du segment principal du réseau provincial de codélinquants du Québec (comparativement à seulement 5 % pour les délinquants ne faisant pas partie du crime organisé). De plus, 26 pour cent des affaires liées au crime organisé impliquaient des délinquants faisant partie du segment périphérique du réseau provincial (comparativement à 13 % pour les délinquants ne faisant pas partie du crime organisé). Ainsi, environ la moitié de ces délinquants du crime organisé de Montréal ont des relations quelconques avec le réseau provincial élargi du crime organisé au Québec.

Enfin, d’après une combinaison des estimations dans l’ensemble des unités ayant pour mandat de lutter uniquement contre le crime organisé et celles qui s’occupent principalement des incidents liés au crime organisé, environ 250 agents d’exécution de la loi au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sont directement chargés de lutter contre le crime organisé, ce qui représente en moyenne 0,06 % de tout l’effectif policier de Montréal pour les années à l’étude. Parmi ceux-ci, 100 agents principaux participent à des enquêtes à long terme qui ciblent de hauts dirigeants du crime organisé, tandis que les 150 autres agents sont plus susceptibles de prendre part à des affaires qui ciblent des membres d’échelons inférieurs ou intermédiaires, compte tenu de leurs ressources limitées pour réaliser des enquêtes à long terme. En utilisant une méthode de calcul très hypothétique comportant des limites strictes, on pourrait avancer l’hypothèse que le coût salarial des 250 agents directement chargés de lutter contre le crime organisé avoisine les 25,9 millions de dollars, ou 4,9 % du budget annuel moyen du SPVM.

Source

Bouchard, M., C. Morselli, S. Hashimi et M. Ouellet. Pourcentage d’incidents criminels associés au crime organisé, Ottawa (Ontario), Sécurité publique Canada, 2015, 61 p.

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Les sommaires de recherche sont produits pour le Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, Sécurité publique Canada. Les opinions exprimées dans le présent sommaire sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada.

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