Sommaire de recherche - Ce que nous savons et ne savons pas au sujet de l’évaluation du risque que présentent les délinquants d’origine autochtone

La recherche soutient l’utilisation d’outils validés d’évaluation du risque auprès des délinquants autochtones, mais de plus amples recherches sont nécessaires pour expliquer les écarts.

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Contexte

La plupart des décisions prises tout au long de la progression d’un délinquant au sein du système de justice pénale étant orientées par les résultats de l’évaluation du risque, ces évaluations se doivent d’être structurées, objectives, fiables et transparentes. Une des hypothèses sur lesquelles repose l’utilisation d’échelles d’évaluation du risque dans la pratique veut que les délinquants évalués ressemblent à ceux qui ont servi à créer ou à valider l’échelle. La surreprésentation des délinquants autochtones au sein du système de justice pénale fait ressortir la nécessité de mener des recherches sur l’applicabilité de l’évaluation du risque à ce groupe en particulier.

La recherche a démontré que les délinquants autochtones ont tendance à obtenir des scores considérablement plus élevés que les délinquants non autochtones pour la plupart des facteurs de risque. Par exemple, en moyenne, les délinquants autochtones sont plus jeunes, ont des antécédents criminels plus longs et ont connu une enfance plus négative que les délinquants non autochtones. De même, à l’âge adulte, les délinquants autochtones obtiennent des scores plus élevés que les délinquants non autochtones en ce qui a trait aux problèmes familiaux ou conjugaux, aux problèmes à l’école ou au travail ainsi qu’à la toxicomanie. Enfin, comparativement aux délinquants sexuels non autochtones, il est établi que les délinquants sexuels autochtones obtiennent des scores significativement plus élevés en ce qui concerne l’absence d’empathie à l’égard d’autrui, l’impulsivité, les faibles aptitudes cognitives pour la résolution de problèmes et les problèmes de coopération dans le cadre de la surveillance.

Il est également établi que les délinquants autochtones affichent des taux de récidive plus élevés que les délinquants non autochtones. Il importe cependant de souligner que les facteurs de risque (ou les échelles) ne prédiront pas pour autant la récidive différemment chez les délinquants autochtones. Même si les cotes de risque élevées chez les délinquants autochtones devraient conduire à l’accroissement des ressources consacrées à ce groupe, elles ne constituent pas en elles-mêmes une forme de partialité des tests. Lorsqu’il s’agit de déterminer si les échelles d’évaluation du risque conviennent aux délinquants autochtones, la principale question est de savoir dans quelle mesure la validité prédictive de l’échelle diffère entre les délinquants autochtones et non autochtones. Le rapport a pour objet d’examiner la recherche sur les outils structurés d’évaluation du risque utilisés auprès des délinquants autochtones, et de proposer des explications pour les conclusions de cette recherche.

Constatations

Les méta-analyses et les études fondées sur de vastes échantillons ont démontré que les principaux facteurs de risque et les échelles d’évaluation du risque couramment utilisées (la famille d’échelles d’évaluation du risque de l’Inventaire du niveau de service [INS], la Statique-2002R, etc.) arrivent à prédire la récidive chez les délinquants autochtones, mais que leur validité prédictive est moindre comparativement aux délinquants non autochtones. Cette conclusion s’applique à tous les types de récidive (générale, violente ou sexuelle) et à tous les types d’outils d’évaluation du risque examinés (outils actuariels ou jugement professionnel structuré).

De même, une étude fondée sur de vastes échantillons a conclu que les taux de récidive prédits à l’aide de l’INS (révision de l’Ontario) étaient bien étalonnés pour ce qui est des délinquants autochtones ayant obtenu un score modéré ou élevé, mais que les taux de récidive absolus étaient sous-estimés pour les délinquants autochtones ayant obtenu un score faible (c.‑à‑d. que chez les délinquants autochtones ayant obtenu un score faible à l’INS‑RO, les taux de récidive étaient plus élevés que ce que l’échelle d’évaluation du risque aurait prédit).

Il existe au moins quatre raisons possibles expliquant la validité prédictive moindre observée pour les délinquants autochtones. La première explication possible est la discrimination raciale au sein du système de justice pénale. Il peut être plus ardu pour les échelles d’évaluation du risque de faire la distinction entre les délinquants à risque faible et à risque élevé si les taux de récidive sont accrus par des préjugés systémiques. La deuxième explication possible réside dans le fait que même si les facteurs de risque de récidive sont les mêmes pour les délinquants autochtones et non autochtones, les délinquants autochtones peuvent afficher beaucoup plus de facteurs de risque, surtout en raison de désavantages historiques, sociaux et économiques. La troisième explication tient au fait que les facteurs de risque négligent les circonstances uniques des Autochtones. À titre d’exemple, les conceptualisations élargies de la famille dans les communautés autochtones ne sont peut-être pas incorporées à l’évaluation des facteurs de risque liés aux relations familiales et conjugales (c.‑à‑d. que les concepts pertinents pour le risque sont peut-être semblables pour les délinquants autochtones et non autochtones, mais les indicateurs de ces concepts peuvent différer entre les groupes). Une quatrième hypothèse veut que certains facteurs de risque uniques aux délinquants autochtones ne soient pas suffisamment représentés dans les échelles d’évaluation du risque actuelles. Il faudrait donc créer des échelles d’évaluation du risque propres aux délinquants autochtones, ou incorporer des facteurs de risque propres à la culture aux outils d’évaluation actuels (p. ex. isolement culturel ou spirituel, perte de la langue maternelle, manque ou perte de fierté envers le patrimoine). Malheureusement, peu de recherches ont testé empiriquement le lien entre ces facteurs de risque potentiels et la récidive.

Prochaines Étapes

Vu les conséquences de l’évaluation du risque pour les délinquants et les affaires de sécurité publique, les raisons expliquant ces écarts de validité demeurent un sujet de recherche important. Malgré le manque de données probantes, les recherches disponibles à ce jour appuient l’utilisation d’outils d’évaluation du risque structurés ayant été validés empiriquement auprès des délinquants d’origine autochtone, jusqu’à ce que de plus amples recherches permettent de mieux comprendre les écarts au chapitre de la validité prédictive.

Si les études méta-analytiques et fondées sur de vastes échantillons examinées dans le rapport indiquent que certaines des échelles structurées d’évaluation du risque couramment utilisées (comme la famille d’échelles de l’INS et la Statique‑99R) arrivent à prédire la récidive chez les délinquants autochtones, il n’en reste pas moins que la validité prédictive de ces outils est moindre par rapport aux délinquants non autochtones. Il faut donc faire montre d’une grande prudence dans les évaluations menées auprès de ce groupe, particulièrement en ce qui a trait aux décisions qui changent une vie (p. ex. les désignations à titre de délinquant dangereux). Néanmoins, puisque ces échelles arrivent tout de même à prédire la récidive avec une validité modérée, il n’est pas défendable d’abandonner leur utilisation à moins de les remplacer par une méthode dont la validité supérieure a été démontrée empiriquement.

Les délinquants autochtones étant désavantagés dans pratiquement chaque décision du système de justice pénale et ayant de plus longs antécédents criminels, nous ne pouvons pas éliminer la possibilité que les délinquants autochtones soient victimes de discrimination dans le processus décisionnel correctionnel. L’un des meilleurs moyens de lutter contre les préjugés dans le processus décisionnel consiste à prendre appui sur des méthodes objectives, structurées et empiriquement défendables.

Nous ignorons par contre pourquoi la validité prédictive est moindre chez les délinquants autochtones. Il est nécessaire de mieux comprendre ces écarts afin d’améliorer l’évaluation du risque que présente ce sous-groupe de délinquants, et de déterminer comment intervenir pour réduire son risque de récidive. De plus amples recherches sont donc requises pour mieux comprendre la signification des facteurs de risque couramment utilisés, et pour étudier la possibilité d’ajouter des facteurs de risque propres à la culture pour ce groupe.

Source

Gutierrez, L., Helmus, L. M. et Hanson, R. K. (2016). Ce que nous savons et ne savons pas au sujet de l’évaluation du risque que présentent les délinquants d’origine autochtone. Rapport de recherche 2017-R009. Ottawa, Ontario : Sécurité publique Canada.

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Les sommaires de recherche sont produits pour le Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, Sécurité publique Canada. Les opinions exprimées dans le présent sommaire sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada.

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