Évolution des cryptomarchés du cannabis au Canada en 2018

par David Décary-Hétu, Masarah Paquet-Clouston, Martin Bouchard et Carlo Morselli

Sommaire

Internet est devenu un circuit de distribution pour la vente illicite de drogues. Depuis 2011, des entrepreneurs criminels tirent profit de marchés virtuels anonymes, appelés cryptomarchés. Ces plateformes facilitent les transactions de produits et de services illégaux entre de nombreux vendeurs et acheteurs, en misant sur des technologies de pointe comme le réseau Tor et la monnaie virtuelle pour garantir l’anonymat de tous les participants. Les drogues illicites sont les produits les plus communément vendus sur les cryptomarchés, mais d’autres produits et services, comme les renseignements financiers volés et les produits contrefaits, y sont également offerts. Les cryptomarchés offrent un environnement à faible risque où les transactions peuvent s’opérer de façon organisée. L’objectif principal du présent rapport est de comprendre le commerce illicite de cannabis par les Canadiens opérant sur les cryptomarchés, particulièrement parce qu ’on sait très peu de choses à propos des cryptomarchés à l’échelon national en dehors d’une poignée d’études ayant fourni des résultats fragmentés. Cette analyse est cruciale à un moment où la vente de cannabis à des fins récréatives a été légalisée au Canada dans le but d’éliminer le marché noir de ce produit. Un examen de l’évolution des ventes sur les cryptomarchés depuis la légalisation du cannabis est une mesure essentielle pour comprendre l’incidence de la légalisation du cannabis à des fins récréatives au Canada. Pour atteindre cet objectif, l’étude a puisé dans deux sources de données, à savoir l’outil logiciel DATACRYPTO et un sondage réalisé auprès de trafiquants de drogues sur les cryptomarchés. Nous avons constaté qu’après la légalisation du cannabis, les ventes de cannabis sur les cryptomarchés par des trafiquants canadiens semblent accuser une tendance à la hausse. Cette augmentation est principalement liée aux ventes ciblant un marché international. Une comparaison des ventes de juillet 2018 et de novembre 2018 montre que le Canada s’est hissé du 8e au 4e rang au chapitre des ventes de cannabis sur les cryptomarchés. Il est à noter que les analyses présentées dans notre rapport sont exploratoires, puisque la période de suivi post-légalisation était très courte et que les données sont rares. Ces résultats pourraient changer à long terme, lorsque l’offre légale de cannabis récréatif sera davantage établie et que le marché légal sera à maturité.

Note des auteurs

Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada. Prière d’acheminer toute correspondance à propos du présent rapport à l’adresse suivante :

Division de la recherche
Sécurité publique Canada
340, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0P8
Courriel : PS.CSCCBResearch-RechercheSSCRC.SP@canada.ca

Introduction

Internet est devenu un circuit de distribution pour la vente illicite de drogues. Les pharmacies en ligne qui faisaient de la vente illégale de médicaments d’ordonnance ont été les premières à exploiter ce circuit de distribution (Bloom et Iannacone, 1999; Rost, 2000). Depuis 2011, un éventail d’entrepreneurs criminels sophistiqués a poussé l’innovation au-delà de ce que les pharmacies en ligne traditionnelles avaient fait et créé des marchés virtuels anonymes. Appelés cryptomarchés (Martin, 2014), ces plateformes facilitent les transactions de produits et de services illégaux entre de nombreux vendeurs et acheteurs. Les cryptomarchés sont des marchés imparfaits qui englobent des réseaux fluides d’individus qui négocient la consommation de drogues illicites et l’offre de drogues illicites (Masson et Bancroft, 2018). À ce jour, ces marchés servent principalement à faciliter la vente de drogues illicites. Cela dit, les criminels les utilisent aussi pour vendre d’autres produits et services, comme les renseignements financiers volés et les produits contrefaits (Christin, 2013). Tous les participants créent des comptes et des profils. Les fournisseurs créent des annonces pour les produits et les services qu’ils veulent vendre. Les cryptomarchés sont détenus et gérés par des administrateurs qui sont responsables de la publication et de l’application des règles que tous les participants doivent respecter; ils gèrent aussi les différends entre les participants (Morselli et al., 2017). L’objectif principal du présent rapport est de comprendre le commerce de cannabis illicite par des Canadiens sur les cryptomarchés. Notre première motivation est de contribuer à la poignée d’études existantes qui fournissent des résultats fragmentés sur ce phénomène en établissant la portée des cryptomarchés à l’échelon national. Ce type d’analyse est crucial au moment où la vente de cannabis à des fins récréatives a été légalisée au Canada. Un des grands objectifs de la légalisation est d’éliminer le marché noir des drogues illicites. Un examen de l’évolution des ventes sur les cryptomarchés canadiens à l’aube de la légalisation du cannabis est une étape essentielle de ce processus. En raison du moment où le projet a été réalisé, nous ne pouvons pas fournir une évaluation systématique de l’incidence de la législation sur les cryptomarchés. Néanmoins, une analyse des tendances observées à la fin de 2018 posera les bases d’une discussion structurée sur les répercussions de la légalisation sur les cryptomarchés du cannabis au Canada. Avant toute analyse, nous expliquons d’abord le contexte de la recherche sur les cryptomarchés, y compris des études antérieures qui portaient expressément sur les ventes de cannabis.

La montée des cryptomarchés

L’innovation sur les cryptomarchés découle de la combinaison de trois technologies qui ont grandement amélioré la sécurité des participants (Kruithof et al., 2016). Premièrement, les cryptomarchés utilisent le réseau Tor pour dissimuler les adresses IP des participants en acheminant le trafic Internet par une série de relais anonymes. Le même réseau sert aussi à cacher l’emplacement des serveurs hébergeant les cryptomarchés, ce qui complique encore plus l’identification du personnel et des participants aux cryptomarchés et le démantèlement de ces sites Web. Deuxièmement, tous les paiements sur les cryptomarchés sont faits en cryptomonnaie. Il s’agit d’une monnaie virtuelle pseudo-anonyme, comme le bitcoin, qui peut facilement être utilisée pour blanchir de l’argent et qui rend difficile le suivi des transactions dans le système financier traditionnel. Troisièmement, les cryptomarchés encouragent fortement les participants à chiffrer leurs communications. Cette technologie garantit que seuls les participants à une conversation peuvent déchiffrer les messages, ce qui limite les fuites d’information advenant que la police saisisse le serveur d’un cryptomarché.

Le premier cryptomarché, Silk Road (SR1), a été lancé en février 2011 et est demeuré en activité pendant plus de deux ans et demi avant d’être fermé par la police américaine en octobre 2013 (Department of Justice, 2015). L’arrestation du principal administrateur et son procès subséquent ont donné un aperçu de la fortune que les administrateurs de cryptomarchés peuvent amasser grâce aux commissions qu’ils prélèvent sur chaque transaction facilitée. Dans le cas de SR1, on pense que ces commissions dépassent les 80 000 000 $ US (Kovach, 2013). Cela peut expliquer pourquoi plusieurs cryptomarchés ont été créés dans la foulée de la chute de SR1. La plupart d’entre eux n’ont pas survécu plus de quelques mois en raison des actions policières ou des « arnaques de sortie » (Branwen, 2018). Dans une arnaque de sortie, l’administrateur d’un cryptomarché vole tout l’argent déposé par les participants avant de fermer le site. Les cryptomarchés offrent un service d’entiercement : les acheteurs peuvent placer leur paiement sous le contrôle des administrateurs en attendant la livraison des achats par la poste traditionnelle. Les paiements entiercés peuvent atteindre plus de 100 000 000 $ US (Bradbury, 2013) dans certains cas, ce qui peut inciter fortement les administrateurs à commettre ces arnaques.

La liste des cryptomarchés en activité change constamment, car de nouveaux marchés sont créés et d’autres fermés presque toutes les deux semaines. Par exemple, la Cannabis Growers and Merchant Cooperative, un cryptomarché bien établi, a cessé ses activités quelques jours à peine avant la rédaction de notre rapport. Les ventes sur les cryptomarchés ont augmenté considérablement au fil des ans, passant de 14 400 000 $ US en 2012 (Christin, 2013) à près de 90 000 000 $ US en 2014 (Aldridge et Décary-Hétu, 2014), et à des centaines de millions de dollars américains en 2016 (Kruithof et al., 2016). Les estimations du volume des ventes sur les cryptomarchés sont fondées sur les systèmes de rétroaction automatique sur les cryptomarchés. Les clients sont fortement encouragés à faire des commentaires après chaque achat, comme le font les utilisateurs des plateformes commerciales comme Amazon. Ces commentaires sont donc considérés comme des traces des transactions effectuées et indiquent le nombre de ventes qu’un article a généré. Pour calculer les revenus de chaque article, on multiplie le nombre de commentaires par le prix de l’article pour une période donnée. Le résultat est une estimation du volume des ventes, étant donné que les acheteurs ne laissent pas tous un commentaire après leurs achats. Malheureusement pour les futures études, les estimations des ventes basées sur les commentaires semblent devenir de moins en moins fiables. Sur SR1, environ 88 % des transactions ont généré des commentaires du public (Aldridge et Décary-Hétu, 2014). En 2016, ce pourcentage estimé avait chuté à 70 % (Kruithof et al., 2016), et selon des discussions informelles avec des policiers, il serait maintenant plus près de 55 %.

Les cryptomarchés servent principalement à l’achat de drogues (Christin, 2013; Kruithof et al., 2016). Le cannabis représente le tiers environ de toutes les annonces de drogues sur les cryptomarchés, les médicaments d’ordonnance (24 %) et les drogues de type ecstasy (17 %) arrivant au deuxième et au troisième rang, respectivement. De plus, le cannabis génère aussi le plus de ventes, avec 33 % de toutes les ventes de drogues sur les cryptomarchés (Kruithof et al., 2016). Viennent ensuite les stimulants (24 %) et l’ecstasy (16 %). Les médicaments d’ordonnance suivent de près avec 15 % de tous les revenus de la drogue. Même si la taille des cryptomarchés demeure très modeste par rapport aux marchés illicites internationaux de la drogue, plus de 50 % des consommateurs de drogues de l’Australie et des États-Unis, et 40 % du Royaume-Uni, ont déclaré être au courant de l’existence des cryptomarchés selon un sondage réalisé en ligne en 2012 (Barratt et al., 2014). De ces répondants, 7 % des Australiens, 18 % des Américains et 10 % des Britanniques ont déclaré avoir consommé au moins une fois de la drogue achetée sur un cryptomarché.

Il ressort d’entrevues menées avec des acheteurs utilisant les cryptomarchés qu’ils sont satisfaits de la variété de drogues offertes sur ces plateformes, de la qualité supérieure de la drogue et des systèmes de notation des vendeurs (Barratt et al., 2014). Ils trouvent également que ce processus transactionnel est plus pratique, professionnel et sûr que le processus traditionnel d’achat de drogues (Van Hout et Bingham, 2013a, b; Barratt et al., 2014). Pour déterminer si ces drogues sont effectivement de meilleure qualité, Caudevilla et al. (2016) ont analysé des échantillons de cocaïne, de LSD, de MDMA, d’amphétamine, de kétamine et de cannabis achetés sur des cryptomarchés. Ils ont constaté que la plupart des substances contenaient les ingrédients annoncés et que la majorité des échantillons étaient d’une grande pureté. Ce résultat indique que les cryptomarchés peuvent contribuer à réduire les dommages liés à la consommation de drogues (Aldridge et al., 2018; Barratt et al., 2016). En effet, les consommateurs qui achètent de la drogue sur des cryptomarchés peuvent avoir une meilleure idée de la drogue qu’ils consomment et de la façon de la consommer en toute sécurité, ce qui réduit les problèmes de santé potentiels. De plus, les acheteurs et les vendeurs n’ont jamais l’occasion de se rencontrer en personne et se trouvent souvent dans des lieux géographiques différents. Les risques de violence entre les participants sont donc presque nuls. Ces facteurs montrent que les cryptomarchés peuvent réduire les méfaits traditionnellement associés à la consommation de drogues et aux marchés de la drogue (Aldridge et al., 2018; Barratt et al., 2016). Même si l’absence de preuve directe empêche de confirmer les hypothèses concernant la réduction des dommages (Mounteney et al., 2018; van der Gouwe et al., 2018), on croit que les cryptomarchés offrent un environnement sûr où les participants peuvent échanger de l’information sur la consommation de drogue et discuter de leur expérience de consommation sans subir les préjugés classiques (Maddox et al., 2016; van Hout et Bingham, 2013a; 2013b; 2014).

Les trafiquants de drogues – aussi appelés vendeurs – ont également exprimé leur satisfaction à l’égard des cryptomarchés. Ils aiment la simplicité de la création d’un compte de vendeur, la possibilité d’opérer dans un environnement à faible risque et l’accès libre à un grand bassin de clients potentiels (Barratt et al., 2014; van Hout et Bingham, 2014). Certains vendeurs utilisent les forums des cryptomarchés comme des plateformes de publicité pour rejoindre plus de nouveaux acheteurs potentiels, ce que les vendeurs de drogues traditionnels ne peuvent pas faire (Paquet-Clouston, 2017; Paquet-Clouston et al., 2018a). Néanmoins, la vente en ligne est aussi soumise à de multiples contraintes. Paquet-Clouston et al. (2018b) ont constaté que la taille et la portée des activités des vendeurs étaient limitées par 1) l’anonymat, 2) l’illégalité et 3) les cybercaractéristiques des transactions de drogues sur les cryptomarchés. En raison du caractère illégal de la vente de drogues, la taille et la portée des activités des vendeurs hors ligne doivent demeurer modestes. Le cyberenvironnement favorise la concurrence, tandis que l’anonymat incite les acheteurs à concentrer leurs achats auprès des vendeurs ayant une excellente réputation et bien connus dans la communauté. Les cryptomarchés sont donc des milieux à concurrence de sommet où seulement 1 % des trafiquants font des ventes régulières et 90 % sont confinés à des rôles périphériques (Paquet-Clouston et al., 2018b). Les nouveaux vendeurs se heurtent à de gros obstacles, et ils doivent prouver aux autres participants qu’ils sont dignes de confiance. On constate également une forte concentration dans la répartition des achats : seulement 10 % des comptes d’acheteurs représentent plus de la moitié de toutes les transactions d’achat de drogues (Norbutas, 2018); de nombreux acheteurs ne font jamais de deuxième achat sur les cryptomarchés. Une petite proportion des vendeurs et des acheteurs seulement contribue à la majorité des activités récurrentes sur la plateforme, et cette réalité a des répercussions sur l’évaluation de la taille et de la portée des cryptomarchés.

Le commerce du cannabis et les cryptomarchés

Le cannabis joue un rôle important sur les cryptomarchés, car il est la drogue la plus vendue sur ces plateformes (Christin, 2013; Kruithof et al., 2016; Soska et Christin, 2015). Les produits liés au cannabis représentent environ 25 % de toutes les ventes effectuées sur les cryptomarchés et revendiquent le plus grand nombre d’annonces de toutes les substances (Demant et al., 2018a; Soska et Christin, 2015; van Burskirk et al., 2016).

Hors ligne, le cannabis possède de nombreuses caractéristiques distinctives. Alors que la production de cocaïne ou d’héroïne est concentrée en grande partie dans certaines régions où le climat est propice à la culture de ces plantes (Boivin, 2010), la production de cannabis est développée et répartie de façon plus égale sur la planète, et les pays occidentaux produisent une grande partie du cannabis qui répond à la demande intérieure de cette drogue (Bouchard et al., 2011). La production intérieure de cannabis dans les pays industrialisés découle de la convergence des innovations technologiques (comme les serres hydroponiques), d’une certaine tolérance à l’égard de sa consommation et des actions policières moins nombreuses ou efficaces en répression de sa consommation (Bouchard, 2008; Bouchard et al., 2011). Dans une large mesure, le marché traditionnel du cannabis passe par l’« approvisionnement social » (Hathaway et al., 2018). Les méthodes informelles utilisées pour obtenir de la drogue, comme l’achat auprès d’un ami ou d’une connaissance, la culture à domicile ou les cadeaux, sont courantes chez les consommateurs de cannabis (Caulkins et Pacula, 2006; Caulkins, 2007; Decorte et al., 2011; Nguyen et Bouchard, 2013). En effet, selon la National Household Survey on Drug Abuse (enquête nationale auprès des ménages sur la consommation de drogue) menée aux États-Unis, 58 % des consommateurs ont reçu du cannabis gratuitement et 87 % l’ont acheté d’un ami (Caulkins, 2007). De même, il ressort de l’Enquête canadienne sur le cannabis de 2018 que 24 % des répondants ont obtenu gratuitement des produits comestibles de cannabis et 14 % des fleurs et des feuilles séchées, tandis que 34 % ont obtenu cette drogue d’un ami. La tendance vers l’approvisionnement social montre que l’opinion publique à l’égard du cannabis devient plus universelle et plus tolérante. Puisqu’il y a peu de données démontrant l’efficacité de l’interdiction et de la répression pour réduire les méfaits (Hathaway et Erickson, 2003), certains pays ont assoupli ou complètement revu leurs lois. Les analystes des politiques tentent maintenant de trouver un nouveau consensus mondial afin de revoir les conventions des Nations Unies sur la lutte contre la drogue, car les pays se dirigent lentement vers la réglementation de la consommation de cannabis à des fins non médicales (Jelsma et al., 2018). L’Uruguay et un nombre croissant d’États américains ont légalisé la consommation, la distribution et la production de cannabis. Le Canada a adopté en 2018 la Loi sur le cannabis, qui légalise les activités liées au cannabis, sous réserve des différentes réglementations provinciales et territoriales. D’autres pays comme l’Australie et l’Argentine ont légalisé la production et la consommation de cannabis à des fins médicales.

Bien que la production de cannabis soit répartie partout dans le monde, un tableau différent se dépeint sur les cryptomarchés : les pays occidentaux dominent l’offre de cannabis. D’après les données provenant de huit cryptomarchés, les vendeurs qui livrent la drogue depuis les États-Unis génèrent 50 % des ventes totales de cannabis et jusqu’à 32 % des transactions impliquant du cannabis (Décary-Hétu et al., 2018). Au-delà du contexte américain, les ventes totales ont été attribuées à des vendeurs en Allemagne (10 %), au Royaume-Uni (9 %), au Canada (9 %), en Australie (7 %) et aux Pays-Bas (3 %). Globalement, les ventes dans ces six pays industrialisés représentent 88 % des ventes totales de cannabis (Décary-Hétu et al., 2018). Puisque les cryptomarchés sont principalement localisés, nous pouvons supposer qu’une grande proportion des consommateurs qui achètent du cannabis sur les cryptomarchés vivent aussi dans ces pays (voir ci-dessous). De plus, l’étude de Demant et al. (2018b) indique la présence d’achats de gros au lieu des achats pour la consommation personnelle et l’approvisionnement social. Cette constatation est soutenue par Décary-Hétu et al. (2018), qui ont constaté que la moitié de tous les revenus générés par le cannabis sur les cryptomarchés provenaient de transactions pour 28 à 454 grammes. Aux États-Unis à tout le moins, le prix par gramme de cannabis semble être plus élevé sur les cryptomarchés que dans la rue (Décary-Hétu et al., 2018).

Emplacement géographique des participants aux cryptomarchés

Au départ, on s’attendait à ce que les cryptomarchés révolutionnent le commerce mondial de la drogue (Martin, 2014), parce qu’ils permettaient aux vendeurs d’atteindre de nouveaux marchés internationaux. Cependant, les études ont permis d’observer la tendance inverse. Dans la plupart des cas, les transactions effectuées sur les cryptomarchés ont lieu à l’échelon régional ou national (Décary-Hétu et al., 2016; Demant et al., 2018a; Norbutas, 2018). Cela signifie qu’il est plus probable pour les acheteurs de faire leurs achats auprès de vendeurs se trouvant dans le même pays ou, à tout le moins, dans la même région qu’eux (p. ex., en Scandinavie pour le Danemark). Selon Norbutas (2018), ce regroupement géographique est plus fort entre les continents et plus faible dans les pays d’Europe où les frontières sont ouvertes. Les consommateurs qui achètent de la drogue de multiples pays sont plus susceptibles de sélectionner des vendeurs situés sur le même continent qu’eux. La disposition à commander dans différents pays peut être plus forte chez les clients d’un groupe de pays ayant des frontières ouvertes permettant la libre circulation des biens et des gens. Dans ces endroits, l’inspection des colis peut être moins fréquente que dans le cas des colis provenant de pays comme la Colombie, qui est connu pour sa production de cocaïne. En effet, la propension des participants à éviter les échanges internationaux peut s’expliquer par les risques liés à l’expédition internationale de drogues, où le colis a plus de chances d’être intercepté (Décary-Hétu et al., 2016; Norbutas, 2018; Volery, 2017). L’interception des colis entraîne des retards et crée des conflits entre les participants sur les cryptomarchés. Les acheteurs qui n’ont pas reçu leur drogue se plaignent rapidement sur les forums en traitant leur vendeur d’« arnaqueur ». Ces injures peuvent miner la confiance de la communauté à l’égard d’un vendeur et ternir la réputation du compte (Morselli et al., 2017). Les acheteurs peuvent également décider d’acheter uniquement auprès de vendeurs locaux et ainsi éviter les risques d’interception à la frontière (Demant et al., 2018a; Norbutas, 2018).

La décision des participants d’acheter à l’international ou à un échelon plus local dépend aussi de leur emplacement sur la planète. Par exemple, les vendeurs situés dans les pays où la demande de drogue est forte vendent généralement à l’échelon local (Décary-Hétu et al., 2016). D’un autre côté, les vendeurs dans les pays ayant une petite population de consommateurs de drogues, un produit intérieur brut (PIB) par habitant peu élevé ou une police perçue comme peu efficace sont plus enclins à offrir l’expédition internationale (Décary-Hétu et al., 2016). Van Burskirk et al. (2016) ont constaté des différences propres aux pays dans la disponibilité des substances selon l’origine des vendeurs. Les vendeurs australiens évitent généralement de livrer à l’étranger en raison de l’isolement géographique du pays et des prix élevés de la drogue. Les vendeurs chinois, d’un autre côté, en raison de leur proximité avec le Triangle d’or (Asie du Sud-Est) et du strict contrôle exercé par la Chine sur les nouvelles substances psychoactives (NSP), sont plus susceptibles d’expédier les drogues comme les NSP à l’étranger. Peut-être à cause de la législation plus souple concernant la drogue et de l’accessibilité des drogues illicites, les vendeurs néerlandais sont plus susceptibles de faire des expéditions internationales. Van Burskirk et al. (2016) ont aussi constaté que les trafiquants sur les cryptomarchés américains dominaient la vente de cannabis. Ils ont supposé que cette domination s’explique par la légalisation de cette substance dans certains États américains, ce qui procurerait aux vendeurs situés dans ces États un avantage comparatif par rapport aux autres. Selon ces auteurs, certains vendeurs annoncent même qu’ils sont établis dans des États où le cannabis est légal. La nature régionale des cryptomarchés a aussi des répercussions sur le prix des drogues illicites (Cunliffe et al., 2017). Par exemple, on sait que les drogues illicites coûtent plus cher dans les rues d’Australie qu’au Canada. C’est la même chose pour les cryptomarchés. Deux études se sont penchées sur les activités des Canadiens sur les cryptomarchés (Broséus et al., 2016; Mireault et al., 2016); elles révèlent que le cannabis est la drogue la plus vendue par les trafiquants canadiens (suivi par l’ecstasy et les drogues psychédéliques) et qu’une majorité de vendeurs canadiens sont prêts à livrer n’importe où dans le monde.

Les répercussions de la légalisation du cannabis

Après l’adoption de la Loi sur le cannabis au Canada, les décideurs et les universitaires ont manifesté leur intérêt à évaluer de quelle façon le nouveau cadre juridique influence les activités des participants aux cryptomarchés canadiens. Deux questions demeurent sans réponse : 1) Est-ce que les vendeurs de cannabis sur les cryptomarchés canadiens vont accroître leurs activités étant donné qu’ils ont facilement accès à la drogue? 2) Est-ce que les acheteurs canadiens vont cesser d’acheter sur les cryptomarchés étant donné que le cannabis est facilement accessible par voie légale? La recherche existante sur la décriminalisation et la légalisation du cannabis se concentre sur les effets du nouveau cadre réglementaire sur l’offre et la demande de cannabis – légal et illégal –, et sur la santé publique (pour une analyse, voir Kilmer, 2014). La plupart des auteurs concluent que l’effet net de la légalisation du cannabis dépend de la réglementation du marché. Par exemple, dans un contexte d’interdiction, le risque d’arrestation et les conséquences structurelles de l’illégalité du produit entraînent une inflation des coûts de production, de distribution et de vente de gros du cannabis – des coûts qui se reflètent dans les prix demandés aux consommateurs (Caulkins, 2010; Reuter, 1983; Reuter et Kleiman, 1986). La légalisation, d’un autre côté, donne lieu à des économies d’échelle, ce qui réduit les coûts de production et le prix de vente au détail (Caulkins et al., 2012). Dans ce contexte, le prix pourrait diminuer de 80 %. Cette baisse est fonction de l’intégration verticale ou non de la production complète par les producteurs autorisés (Kilmer et al., 2010). Cependant, un prix de détail plus bas n’est pas nécessairement intéressant, car il peut donner lieu à une augmentation de la consommation de cannabis. En effet, les consommateurs sont sensibles aux changements du prix du cannabis (Gallet, 2010; Ouellet et al., 2017). Aux États-Unis, Pacula (2010) a constaté qu’une baisse de 10 % du prix du cannabis entraîne en moyenne une augmentation de 3 % de sa consommation. Au Canada, selon les meilleures estimations disponibles, ces proportions sont semblables. Ouellet et al. (2017) estiment que l’élasticité de la demande par rapport au prix chez les Canadiens se situait entre -0,42 et -0,60, ce qui signifie qu’une baisse de prix de 10 % peut entraîner une augmentation de 4 à 6 % de la consommation totale de cannabis.

Le prix du cannabis légal doit donc être établi de manière appropriée. Selon Ogrodnik et al. (2010), le prix du cannabis légal devrait être un petit peu plus élevé que le prix du cannabis illicite. Les ajustements de prix tiendraient compte des risques liés aux transactions sur le marché illégal, tout en compensant l’accroissement potentiel de la demande. Toutefois, si le prix légal est trop élevé, beaucoup de consommateurs pourraient se tourner vers le marché noir (Caulkins et al., 2012; Kilmer et al., 2010; Ouellet et al., 2017). La légalisation du cannabis pourrait accroître l’accessibilité de la drogue et des lieux de consommation, ce qui pourrait aussi engendrer une augmentation de la consommation (MacCoun et Reuter, 2011). L’usage à des fins récréatives devrait normalement s’accroître, mais on ne connaît pas l’ampleur du changement à venir (Hall et Linskey, 2016; Kilmer et al.; 2010; Ouellet et al., 2017).

Au CanadaNote de bas de page1, les provinces et les territoires ont la responsabilité de déterminer de quelle manière le cannabis légal est distribué et vendu sur leur territoire. Des points de vente en ligne sont accessibles dans chaque province et territoire, ce qui permet aux consommateurs de faire livrer le cannabis à leur domicile. L’ensemble des provinces et territoires, sauf le Québec et le Manitoba, autorisent la culture de cannabis à domicile à des fins de consommation personnelle. Avant la légalisation, Mahamad et Hammond (2019) ont mené une étude sur le nombre de détaillants illicites et les prix qu’ils exigeaient dans la plus grande ville de chaque province et territoire. Au total, ils ont recensé 997 détaillants de cannabis et 215 points de vente en personne. Le prix moyen du cannabis oscillait entre 7,80 $ et 12,30 $ le gramme, selon la souche du cannabis, ce qui correspond aux analyses de Ouellet et al. (2017).

L’effet de la légalisation du cannabis sur les activités des participants aux cryptomarchés n’a pas encore été étudié. On peut s’attendre à ce que les acheteurs de cannabis canadiens aient peu de raisons d’acheter sur les cryptomarchés étant donné que la drogue est facilement accessible dans tout le pays. De plus, selon Décary-Hétu et al. (2018), la part du Canada dans les cryptomarchés du cannabis pourrait augmenter au cours des prochaines années. En effet, certains trafiquants de cannabis sur les cryptomarchés américains annoncent le fait qu’ils sont situés dans des États où le cannabis a été légalisé, et utilisent aussi les contrôles de qualité de la production du cannabis dans leur État comme un outil de marketing. Les vendeurs canadiens sur les cryptomarchés pourraient suivre leur exemple et profiter de la grande qualité de la production légale pour approvisionner le marché noir au Canada ou à l’étranger.

La suite des choses

Depuis la création de Silk Road 1, les médias et les chercheurs se sont beaucoup intéressés aux cryptomarchés. Ces marchés innovateurs ont fait l’objet de livres (Martin, 2014; Ormsby, 2014), de numéros spéciaux d’une importante revue spécialisée sur la politique en matière de drogues (International Journal of Drug Policy, vol. 35 en 2016 et un autre à venir en 2019) et d’un répertoire d’articles évalués par les pairs qui grossit à vue d’œil. Le domaine est bien établi et combine les efforts de chercheurs interdisciplinaires qui ont introduit de nouvelles méthodes pour le travail actuel. Deux types de devis de recherche ont dominé la recherche sur les cryptomarchés. Le premier regroupe les efforts d’un petit nombre d’enquêtes qualitatives sur le terrain auprès des participants aux cryptomarchés. Ces travaux ont permis de mieux connaître les expériences et les perceptions des acteurs des cryptomarchés. La deuxième série d’études se concentre sur des données transversales plus complètes provenant de sources publiques sur les cryptomarchés (p. ex., descriptions dans les annonces, profils des vendeurs, commentaires). Ces recherches ont généré des données sur les types de drogues vendus, les voies d’expédition et les revenus générés par chaque type de drogues. Comme le montre l’examen des recherches, ces études ont rapidement réagi à la tendance croissante du phénomène des cryptomarchés de la drogue, tout en demeurant sensibles aux répercussions et aux exercices de transfert de connaissances qui doivent être faits pour guider les organismes gouvernementaux et les autres groupes concernés par l’évolution actuelle et rapide des politiques en matière de drogues au Canada et dans le monde entier.

S’il faut émettre une réserve, c’est que la plupart des études examinent les cryptomarchés comme un phénomène mondial, sans prendre le temps de se concentrer sur un type de drogues ou un pays en particulier. Seulement deux études récentes portaient sur l’échelon national ou local (voir par exemple Broséus et al., 2016, une étude concernant les acteurs canadiens sur les cryptomarchés, et Duxbury et Hainie, 2017, un examen de la structure de distribution des opioïdes). La recherche traditionnelle sur la drogue a tenté de comprendre les marchés de la drogue en ciblant davantage une drogue en particulier ou un pays/une région en particulier. Ces approches ciblées sont nécessaires parce qu’elles permettent aux chercheurs de mieux évaluer l’incidence de réglementations et de politiques précises sur le cybercommerce de la drogue, et de tenir compte de ces facteurs. Les études antérieures ont montré qu’indépendamment de la portée apparemment illimitée du phénomène des cryptomarchés, les décisions des participants sont malgré tout influencées par le contexte local et par les types de drogues offerts. En ce sens, les cybermarchés s’apparentent beaucoup aux marchés traditionnels de la drogue. En se concentrant sur les tendances nationales ou locales, les décideurs sont en mesure de mieux évaluer les tendances dans leur territoire respectif. De plus, la plupart des études reposent sur des données transversales. Ces études donnent un aperçu du comportement des acteurs des cryptomarchés à un moment précis, mais rendent difficile le développement des tendances dans le temps. La modélisation de l’évolution des cryptomarchés, jumelée à une focalisation sur les contextes locaux ou nationaux et des types de drogues précis, permettra de mieux comprendre l’influence de l’évolution du contexte local sur les activités des participants aux cryptomarchés.

Depuis l’adoption de la Loi sur le cannabis au Canada, le contexte local dans lequel évoluent les vendeurs et les acheteurs canadiens sur les cryptomarchés a inévitablement changé. Des études antérieures indiquent que l’impact de la législation sur les marchés illicites n’est pas nécessairement négatif; tout dépend de la manière dont le marché légal est réglementé. Le cannabis est la drogue la plus vendue sur les cryptomarchés, et le Canada est l’un des principaux fournisseurs. Les cryptomarchés canadiens du cannabis deviennent donc des sujets d’étude essentiels. En comprenant l’évolution des cryptomarchés canadiens du cannabis ces dernières années, nous pouvons découvrir l’impact du nouveau cadre réglementaire sur les participants, du moins à très court terme. Grâce aux résultats de recherche, les décideurs auront une meilleure compréhension du phénomène et seront mieux outillés pour s’attaquer à la montée des cryptomarchés.

Méthode et objectifs du projet

Mis à part le rapport exhaustif de Kruithof et al. (2016) concernant le commerce illicite de la drogue sur les cryptomarchés aux Pays-Bas, on sait très peu de choses sur les cryptomarchés à l’échelon national. Le ministère de la Justice et de la Sécurité des Pays-Bas avait commandé le rapport de Kruithof et al. (2016) afin de mieux comprendre les schémas et les processus généraux entourant le commerce illicite de drogues sur les cryptomarchés dans ce pays. L’Australie (Broséus et al., 2017; Cunliffe et al., 2017) et le Canada (Broséus et al., 2016; Mireault et al., 2016) ont eux aussi retenu l’attention des chercheurs, mais les résultats de ces études sont encore fragmentés et doivent être validés. L’absence de recherches nationales sur les cryptomarchés peut s’expliquer par le fait qu’on pensait, à l’origine, que les cryptomarchés allaient complètement changer les paradigmes (Aldridge et Décary-Hétu, 2014; Martin, 2014). Les cryptomarchés offraient la promesse d’éliminer un grand nombre des couches traditionnelles entre les producteurs de drogues illicites et les consommateurs de drogues illicites pour réduire les coûts et simplifier les circuits de distribution. La livraison de drogues illicites par la poste a également permis aux consommateurs de choisir le meilleur fournisseur de drogues illicites à partir d’un bassin mondial de trafiquants, au prix le plus abordable.

Les constatations des études récentes tendent à démontrer que l’impact des cryptomarchés peut être le plus manifeste à l’échelon national. Les trafiquants de drogues sur les cryptomarchés vendent généralement à l’échelon local afin de réduire les risques d’interception des expéditions (Décary-Hétu et al., 2016), et la vente de drogues illicites se fait généralement à l’échelon national ou régional (Demant et al., 2018). Par ailleurs, la différence de prix des drogues illicites entre les pays demeure principalement la même sur les cryptomarchés (Cunliffe et al., 2017). Les participants aux cryptomarchés semblent donc opérer à l’échelon national, et cette conceptualisation des cryptomarchés ouvre de nouvelles possibilités de recherches portant sur un seul pays à la fois. La légalisation du cannabis au Canada crée une occasion intéressante pour lancer ce nouveau programme de recherches, car le Canada est à l’origine d’une partie importante des transactions de cannabis (Décary-Hétu et al., 2018). Déterminer l’ampleur du trafic de cannabis sur les cryptomarchés au Canada permettra la réalisation d’une analyse quantitative des tendances de l’offre de cannabis à l’échelon national. Qui plus est, le Canada a légalisé le cannabis en octobre 2018, et ce nouveau cadre de réglementation fournira des renseignements préliminaires sur l’impact que le changement législatif a eu sur les activités des vendeurs et des consommateurs de drogues sur les cryptomarchés canadiens.

Le plan de travail de notre projet permet l’analyse des données recueillies jusqu’en novembre 2018. Il est impossible de mesurer complètement l’impact de la légalisation dans ce délai, mais cela devrait être suffisant pour explorer et examiner les changements à venir qui pourraient être analysés dans un projet ultérieur. L’objectif général de notre projet est de comprendre le commerce illicite de cannabis par les Canadiens sur les cryptomarchés. Plus précisément, il s’agit de comprendre l’évolution récente de l’offre de cannabis illicite par des Canadiens sur les cryptomarchés. Ce faisant, nous voulons mieux comprendre le fonctionnement des cryptomarchés, principalement en ce qui a trait à l’intégration relative des vendeurs de cannabis sur les cryptomarchés par rapport aux autres drogues.

Sources de données

Pour atteindre ces objectifs, nous avons utilisé deux grandes sources de données dans notre étude : l’outil logiciel DATACRYPTO et un sondage mené auprès des trafiquants sur les cryptomarchés.

DATACRYPTO

Les données utilisées pour notre projet ont d’abord été recueillies grâce au logiciel DATACRYPTO (Décary-Hétu, 2015). Créé en 2013, cet outil a servi de source de données à plus de 10 rapports universitaires et gouvernementaux, y compris Kruithof et al. (2016) et Martin et al. (2018). L’étude de Demant et al. (2018a, 262) présente une analyse complète de la qualité des données recueillies par le logiciel DATACRYPTO entre 2013 et 2016 et ne relève aucun « motif d’inquiétudes » en ce qui concerne ces données.

La technologie utilisée par DATACRYPTO a évolué au fil des ans, mais ses rouages internes sont demeurés les mêmes. DATACRYPTO est un robot d’indexation et de moissonnage du Web. Essentiellement, le logiciel se connecte à un site Web et en télécharge automatiquement le contenu. Par la suite, il extrait des renseignements précis du contenu téléchargé, comme le prix affiché dans une annonce ou la description d’un vendeur. Cette information est alors stockée dans un système de gestion de base de données. Jusqu’à maintenant, le logiciel DATACRYPTO a extrait des données de plus de 40 cryptomarchés. Il possède de l’information sur des centaines de milliers de vendeurs, des millions d’annonces et des dizaines de millions de commentaires de clients sur les cryptomarchés. L’annexe A fournit la liste de l’information recueillie sur chaque annonce, vendeur et commentaire.

Pour les besoins de notre rapport, nous avons utilisé deux collectes de données, une en juillet 2018 et l’autre en novembre 2018. Ces collectes représentent la situation générale des cryptomarchés avant et après la légalisation du cannabis au Canada. La première a permis de recueillir 162 643 annonces de 4 469 vendeurs sur les huit cryptomarchés suivants : Apollon, Berlusconi, CGMC, Dream Market, French Deep Web, Flugsvamp, Tochka et Wall Street. La deuxième collecte a permis de recueillir 180 917 annonces de 4 057 vendeurs sur les six cryptomarchés suivants : Apollon, Berlusconi, CGMC, Dream Market, French Deep Web et Tochka. Il n’a pas été possible d’inclure l’important Wall Street Market dans la collecte de novembre, car sa technique anti-robot Web a été mise à niveau à l’automne 2018 et a empêché DATACRYPTO de collecter une copie complète des annonces et des pages des vendeurs. Le petit cryptomarché Flugsvamp n’est pas inclus lui non plus dans l’ensemble de données post-légalisation puisqu’il a été fermé avant novembre 2018.

Nous avons fait des manipulations pour nettoyer et valider ces deux ensembles de données. Premièrement, nous avons classé les annonces à l’aide d’un algorithme d’apprentissage automatique semblable à celui de Soska et Christin (2015). L’algorithme a été « entraîné » sur une série de 650 000 annonces qui avaient été étiquetées manuellement par les adjoints à la recherche entre 2016 et 2018, avec une fidélité intercodeur supérieure à 98 %. Deuxièmement, les vendeurs sur les cryptomarchés peuvent indiquer où ils veulent livrer et recevoir leurs produits (p. ex., LIVRE DU Canada; LIVRE AU Canada, aux États-Unis). Nous avons manuellement analysé, nettoyé et uniformisé les noms de pays d’origine et de destination de toutes les annonces pour tous les cryptomarchés dans l’ensemble de données. Troisièmement, on sait que les vendeurs sur les cryptomarchés peuvent relever les prix affichés dans leurs annonces d’un ou plusieurs ordres de grandeur (prix de retenue ou « holding prices », voir Soska et Christin, 2015) pour faire en sorte que leurs produits soient beaucoup trop chers et qu’aucun client ne fasse de commande. Cette technique est utilisée pour garder des annonces actives pendant que le vendeur obtient plus de produits ou est en vacances. Suivant la méthode décrite dans Soska et Christin (2015), nous avons examiné manuellement toutes les annonces affichant un prix de 3 000 $ afin de repérer et de retirer les annonces dont les prix étaient trop élevés. Nous avons répété ce nettoyage pour les annonces de cannabis en utilisant le paramètre du prix par gramme généré seulement pour ces annonces. Nous avons inspecté manuellement toutes les annonces affichant un prix par gramme supérieur à 30 $ et les avons retirées quand nous y détections un prix de retenue. Enfin, les adjoints à la recherche ont contribué au codage manuel du volume de produits vendus pour chaque annonce de cannabis. Même quand le poids du produit vendu était indiqué dans les données, nous avons codé manuellement l’information pour garantir une précision optimale. Cela a permis de nettoyer davantage l’ensemble de données sur le cannabis, puisque certaines annonces mal classées par l’algorithme d’apprentissage automatique ont été retirées. Les annonces de cannabis sans indication de poids ont été retirées des analyses.

Les tableaux 1a et 1b présentent les statistiques descriptives des deux collectes de données. La plus grande source de données est Dream Market, qui représentait 78 % des annonces et 96 % des revenus des cryptomarchés en juillet 2018, et 84 % des annonces et 92 % des revenus en novembre 2018. Cela n’est pas étonnant : l’économie des cryptomarchés est très concentrée et contrôlée par un nombre relativement faible de vendeurs qui effectuent la majorité des ventes des drogues (Paquet-Clouston et al., 2018). Toutefois, ces pourcentages de revenus sont légèrement gonflés puisque les commentaires sur French Deep Web (FDW) ne pouvaient pas être associés à un prix, et que les commentaires sur Flugsvamp ne pouvaient pas être associés à un produit en particulier. En effet, comme FDW associait seulement les commentaires aux vendeurs, et non aux annonces, il a été impossible de lier les commentaires à des annonces précises et donc aux types de drogues et aux prix. En raison de ces limites, les commentaires provenant de ces deux cryptomarchés ne pouvaient être inclus dans nos analyses.

Approches prudente et optimiste

Des études antérieures (Aldridge et Décary-Hétu, 2014; Kruithof et al., 2016) révèlent que les ventes ne donnent pas toutes lieu à des commentaires téléchargeables et analysables. Pour compenser les commentaires manquants, nous avons décidé de présenter les ventes et les revenus suivant deux hypothèses, une prudente et une optimiste. L’approche prudente, basée sur l’étude d’Aldridge et Décary-Hétu (2014), suppose que le nombre de commentaires devrait être multiplié au moins par 1,14 étant donné que 88 % environ des transactions ont été repérées grâce aux commentaires (100 / 0,88 = 114 %). Dans le modèle optimiste, nous avons multiplié les commentaires par 1,82 pour compenser le fait qu’aussi peu que 55 % des transactions peuvent être repérées grâce aux commentaires (100 / 0,55 = 182 %). Ce chiffre est fondé sur nos contacts informels avec des spécialistes de la police qui ont eu accès aux serveurs de cryptomarchés saisis dans la dernière année.

La pondération des estimations prudentes et optimistes quand on mesure la taille des marchés illicites est une méthode couramment utilisée par d’autres chercheurs (p. ex. Bouchard et al., 2018). Les commentaires sont évidemment des paramètres intéressants pour mesurer les ventes, car ils fournissent une donnée supplétive quantitative et facile à recueillir. Cependant, les acheteurs peuvent décider de ne pas laisser de commentaires, et les commentaires peuvent être falsifiés. Il est donc toujours plus judicieux d’utiliser plus d’une estimation du nombre de commentaires et, dans la mesure du possible, de recourir à des analyses plus qualitatives pour mieux apprécier l’exactitude des commentaires recueillis.

Tableau 1a : Statistiques descriptives de l’activité des cryptomarchés, données de juillet 2018 (avant la légalisation)

Cryptomarché

Annonces (N)

Vendeurs (N)

Ventes annuelles (N)

Revenus annuels ($)

Modèle prudent

Modèle optimiste

Modèle prudent

Modèle optimiste

Apollon

1 781

138

492

786

33 345 $

53 235 $

Berlusconi

15 310

410

4 131

6 596

1 379 974 $

2 203 117 $

CGMC

1 580

73

52 504

83 822

3 784 834 $

6 042 454 $

Dream Market

127 190

2 010

1 917 361

3 061 051

264 794 780 $

422 742 544 $

French Deep Web

3 619

512

0

0

0 $

0 $

Flugsvamp

908

91

0

0

0 $

0 $

Tochka

1 482

136

1 737

2 774

96 252 $

153 666 $

Wall Street

10 773

1 099

126 485

201 933

4 865 767 $

7 768 154 $

Total

162 643

4 469

2 102 710

3 356 962

274 954 952 $

438 963 170 $

 

Tableau 1b : Statistiques descriptives de l’activité des cryptomarchés, données de novembre 2018 (après la légalisation)
Cryptomarché

Annonces (N)

Vendeurs (N)

Ventes annuelles (N)

Revenus annuels ($)

Modèle prudent

Modèle optimiste

Modèle prudent

Modèle optimiste

Apollon

230

41

41

66

513 $

819 $

Berlusconi

18 881

456

39 522

63 096

11 098 879 $

17 719 263 $

CGMC

2 103

77

9 261

14 786

1 885 579 $

3 010 310 $

Dream Market

151 551

2 685

2 566 874

4 097 992

332 912 292 $

531 491 554 $

French Deep Web

3 549

547

0

0

0 $

0 $

Tochka

4 603

251

10 862

17 341

17 783 316 $

28 390 908 $

Total

180 917

4 057

2 626 560

4 193 281

363 680 579 $

580 612 854 $


Pris ensemble, les tableaux 1a et 1b montrent que, entre les deux collectes de données (juillet 2018 et novembre 2018), les cryptomarchés ont enregistré une augmentation de 11 % du nombre d’annonces, une augmentation de 25 % des ventes (selon les commentaires) et une augmentation de 32 % des revenus. Le nombre de vendeurs a chuté de 9 %. Ici aussi, il faut considérer ces changements en se rappelant que le marché Wall Street n’est pas inclus dans la deuxième collecte de données.  

Dans l’ensemble, en novembre 2018, l’économie des cryptomarchés semble avoir généré des ventes allant de 364 millions de dollars US à 581 millions de dollars US sur une base annuelle, comparativement à des ventes allant de 275 millions de dollars US à 439 millions de dollars US en juillet 2018. Ces chiffres doivent être interprétés avec prudence. De nombreux facteurs (p. ex. maintenance des serveurs, vendeurs simultanément en vacances ou rumeurs concernant une vaste opération policière prochaine qui influence le comportement des participants) peuvent perturber les activités sur les cryptomarchés au quotidien. Les chiffres présentés dans notre rapport doivent donc toujours être considérés comme une estimation des activités des cryptomarchés.

Enquête auprès des vendeurs de drogues sur les cryptomarchés

Pour mieux comprendre comment les vendeurs opèrent sur les cryptomarchés, nous avons utilisé un sondage mené auprès des trafiquants de drogues sur les cryptomarchés par David Décary-Hétu et son équipe de recherche entre le 24 octobre et le 1er décembre 2017. Ce sondage est le premier à utiliser un travail sur le terrain direct auprès de vendeurs sur les cryptomarchés, une population difficile d’accès et habituellement réticente à fournir de l’information en raison de l’illégalité de ses activités. Cette étude avait été approuvée par le Comité d’éthique de la recherche de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal (projet no CERAS-2015-16-030-D).

L’objectif principal du sondage était d’évaluer l’impact d’un cryptomarché sur les épisodes de conflits et de violence liés aux drogues impliquant les vendeurs. Le sondage incluait des questions sur les sujets suivants : 1) les expériences de la vente de drogues en ligne et hors ligne; 2) les conflits liés à la drogue; 3) les réseaux de trafiquants de drogues; 4) les données démographiques des trafiquants de drogues. Des messages privés ont été envoyés à 1 092 trafiquants de drogues actifs sur 10 cryptomarchés (Aero, Berlusconi, Cannabis Growers Merchants & Cooperative, Dream Market, Libertas, RSClub Market, Sourcery Market, Tochka, Trade Route et Zion). Dans l’ensemble, 745 visiteurs ont ouvert le lien menant au site hébergeant le sondage sur le réseau Tor. De ces 745 visiteurs, 133 ont répondu en partie aux questions du sondage et 20 ont rempli le sondage au complet. Notre analyse repose sur ces 20 répondants et sur un groupe d’environ 20 autres personnes qui ont répondu à plusieurs questions d’intérêt pour notre rapport. Il s’agit d’un petit échantillon de commodité; nos résultats sont modestes et exploratoires. Ils peuvent néanmoins nous aider à mieux comprendre le type de vendeurs actif sur les cryptomarchés et leur intégration relative sur les marchés illégaux. 

Méthodes

Pour comprendre l’évolution de l’offre du cybercommerce de cannabis illicite par les Canadiens sur les cryptomarchés, nous avons utilisé les données recueillies à l’aide de l’outil logiciel DATACRYPTO. Toutes les analyses incluent les résultats (dans différents tableaux) pour l’ensemble de données de juillet 2018 (avant la légalisation du cannabis au Canada) et celui de novembre 2018 (après la légalisation du cannabis au Canada).

Dans la première série d’analyses, nous avons recensé les annonces de cannabis ayant le champ shipping from Canada ou North America (expédition à partir du Canada ou de l’Amérique du Nord; donc, les annonces canadiennes) et généré des statistiques descriptives sur une base annuelle sur le nombre d’annonces affichées, le nombre de vendeurs, le nombre de ventes, les revenus (dollars US), le volume de drogues (kg) et le prix par gramme ($ US). Cette dernière donnée est basée sur la méthodologie de Décary-Hétu et al. (2018). Puisqu’on veut connaître la taille et la portée du cryptomarché canadien du cannabis, les statistiques agrégées sont basées sur les annonces de cannabis qui indiquaient explicitement que le produit est livré à partir du Canada. Les annonces canadiennes offrant la livraison au Canada (livraison à partir du Canada ou d’une région incluant le Canada, comme l’Amérique du Nord) ont été comparées aux annonces canadiennes offrant la livraison internationale. Les premières représentent les annonces qui répondent uniquement à la demande de cannabis au Canada (annonces intérieures), tandis que les dernières représentent l’offre qui répond à une demande intérieure et internationale (annonces internationales).

Dans la deuxième série d’analyses, nous avons sélectionné les vendeurs derrière les annonces de cannabis canadiennes et répertorié les produits qu’ils vendent le plus souvent sur les cryptomarchés (autres que le cannabis). Pour chaque type de produits, nous avons estimé le nombre d’annonces, le nombre de ventes et les revenus générés ($ US). Nous avons ainsi obtenu une estimation de l’importance des ventes de cannabis par les vendeurs par rapport à leurs activités générales sur les cryptomarchés.

Dans la troisième série d’analyses, nous avons recensé les destinations les plus courantes des annonces de cannabis canadiennes. Pour chaque destination, nous avons calculé le nombre d’annonces ainsi que les ventes et les revenus générés ($ US) comme indicateurs des endroits où le cannabis canadien était livré. Un important différenciateur consiste à savoir si l’annonce de cannabis était accessible par des Canadiens ou par des personnes en dehors du Canada. La première donnée représente l’offre de cannabis canadien à d’autres Canadiens, tandis que la deuxième donnée représente l’offre canadienne à des clients internationaux, y compris des Canadiens.

Dans la quatrième série d’analyses, nous avons recensé les régions où les trafiquants de cannabis sont plus souvent actifs en dehors du Canada. Nous avons estimé le nombre de trafiquants de cannabis, le nombre d’annonces, le nombre de ventes, le volume de cannabis vendu (kg) et les revenus générés ($ US) dans chaque région. Cela nous a permis d’avoir une meilleure idée du rôle des trafiquants canadiens dans l’économie mondiale des cryptomarchés de cannabis.

Enfin, à l’aide de la méthodologie de Paquet-Clouston et al. (2018b), nous avons évalué le niveau de concurrence sur les marchés canadiens et internationaux du cannabis. Cela nous a permis de mieux comprendre la structure et la vulnérabilité des cryptomarchés du cannabis. Si un petit nombre de trafiquants de drogues contrôlent une part considérable du volume et des transactions de cannabis, les actions de perturbation peuvent avoir plus de chances de réussir.

Pour connaître l’évolution du fonctionnement des cryptomarchés, nous avons utilisé les données du sondage afin d’analyser qualitativement l’origine potentielle des produits vendus sur les cryptomarchés, la taille et la portée des vendeurs sur les cryptomarchés, l’implication de ces vendeurs dans le commerce traditionnel de la drogue et leurs liens avec le crime organisé. Les réponses au sondage fournissent de l’information qui n’était pas accessible auparavant, mais le faible taux de réponse limite notre capacité de tirer des conclusions de ces résultats. Nous exhortons les lecteurs à ne pas utiliser les résultats en dehors de ces limites précises. Les pays d’origine des participants au sondage sont également inconnus, et les différences entre les pays peuvent jouer sur les résultats qui s’appliquent exclusivement aux trafiquants canadiens.

Pour notre analyse, nous avons d’abord créé une typologie incluant six catégories de vendeurs. Ces catégories servent à fournir plus de détails personnels sur le type de personnes qui vend de la drogue sur les cryptomarchés. Ensuite, nous présentons les données démographiques des participants au sondage et abordons des questions précises qui peuvent nous aider à mieux comprendre comment les vendeurs opèrent sur les cryptomarchés. Ces renseignements incluent les suivants : 1) la source de leurs produits; 2) la taille et la portée de leurs activités; 3) la mesure dans laquelle ils participent au trafic traditionnel de la drogue; 4) la mesure dans laquelle ces trafiquants – et leur réseau – sont impliqués dans le crime organisé. Une poignée de chercheurs ont cherché à savoir si les organisations des individus impliqués dans la cybercriminalité peuvent être considérées comme des organisations du « crime organisé » (Broadhurst et al., 2014; Leukfeldt et al., 2017; Lusthaus, 2013), mais on ne sait à peu près rien de la mesure dans laquelle le crime organisé traditionnel participe à la cybercriminalité. À l’aide des résultats du sondage, nous avons évalué l’implication possible des vendeurs sur les cryptomarchés dans le crime organisé traditionnel et présentons des renseignements directs sur la structure du trafic de drogues en ligne et hors ligne.

Résultats

Le but premier de notre rapport est de comprendre l’offre de cannabis sur les cryptomarchés canadiens. Ci-dessous, nous analysons les activités des trafiquants canadiens de cannabis et situons ces activités dans le contexte élargi du commerce international du cannabis sur les cryptomarchés. La plupart des tableaux sont présentés en paire – a) et b) – de façon à illustrer l’état des cryptomarchés avant et après la légalisation du cannabis au Canada.

Comprendre l’offre sur les cryptomarchés

Comme nous l’indiquons ci-dessus, les vendeurs sur les cryptomarchés peuvent livrer la drogue au pays ou à l’international. L’expédition de drogues au-delà des frontières nationales augmente les risques de détection, puisque la plupart des inspections de colis ont lieu à la frontière (Décary-Hétu et al., 2016; Volery, 2016). Puisque les prix des drogues varient en fonction des risques (Reuter et Kleiman, 1986) et que la livraison internationale est une décision à haut risque (Décary-Hétu et al., 2016), nous devrions nous attendre à trouver des paramètres différents pour les annonces offrant la livraison au pays par rapport à celles offrant la livraison internationale. Le tableau 2a présente les ventes, les volumes et les revenus des trafiquants canadiens de cannabis avant la légalisation.

Tableau 2a : Estimations annuelles des ventes, du volume de cannabis et des revenus des trafiquants canadiens de cannabis, données de juillet 2018 (avant la légalisation)
 

Livraison au Canada seulement

Livraison internationale

Total

Nombre d’annonces

60

242

302

Nombre de trafiquants

11

27

38

Nombre de ventes

  • Modèle prudent

588

1 697

2 285

  • Modèle optimiste

939

2 708

3 647

Volume (kg)

  • Modèle prudent

113

110

223

  • Modèle optimiste

180

177

357

Revenus

  • Modèle prudent

51 074 $

432 162 $

483 236 $

  • Modèle optimiste

81 539 $

689 942 $

771 481 $

Le tableau 2a tend à démontrer qu’avant la légalisation, la plupart des annonces (N = 242) offraient la livraison internationale et les deux tiers des trafiquants (N = 27) étaient disposés à livrer à l’international. De plus, les annonces offrant la livraison internationale généraient près de trois fois plus de ventes et huit fois plus de revenus que les annonces offrant la livraison nationale.

En ce qui concerne la taille et la portée, le volume de cannabis vendu par année (357 kg) dans le modèle optimiste semble être assez faible. Selon le Système de suivi du cannabis, 7 313 kg de cannabis séché ont été vendus au Canada rien qu’en janvier 2019, et 6 671 kg en février 2019, après la légalisation (Gouvernement du Canada, 2019). Les revenus, qui se chiffrent en centaines de milliers de dollars américains, sont également faibles par rapport aux 5,7 milliards de dollars CA (4,2 milliards de dollars US) dépensés par les consommateurs canadiens pour le cannabis à des fins médicales et non médicales en 2017 (Statistique Canada, 2018). Donc, en juillet 2018, les vendeurs canadiens sur les cryptomarchés ne semblaient pas être des acteurs importants du commerce de cannabis.

Le tableau 2b présente des statistiques similaires, mais pour l’après-légalisation. Selon ces données, le nombre d’annonces accessibles en novembre 2018 (après la légalisation) était plus élevé qu’en juillet 2018. Le nombre de vendeurs canadiens de cannabis est demeuré relativement stable entre les deux périodes. Par contre, les ventes de cannabis semblent avoir triplé, atteignant 11 576 transactions annuelles (estimées) dans le modèle optimiste comparativement à 3 647 transactions en juillet 2018. Apparemment, le volume de drogues livré a lui aussi augmenté; les estimations de novembre dans le modèle optimiste s’élevaient à 2 229 kg de cannabis livrés chaque année, comparativement à 357 kg en juillet. En effet, dans la période post-légalisation, nous estimons qu’environ 2,5 tonnes de cannabis par année sont vendues et livrées à partir du Canada. Cela entraîne un accroissement considérable des revenus, qui atteignent 6,9 millions de dollars US sur une base annuelle en novembre 2018 selon le modèle optimiste. Nous observons également une augmentation de la proportion des annonces qui offrent la livraison internationale : elle est passée de 80 % à 91 % pour l’ensemble des annonces, reflétant une probable baisse de la demande intérieure ou une nouvelle possibilité d’exportation du cannabis, qui bénéficie maintenant d’une distribution et d’une accessibilité élargies. Ce résultat est appuyé par une diminution du volume des annonces canadiennes offrant la livraison intérieure entre les deux périodes.

Tableau 2b : Estimations annuelles des ventes, du volume de cannabis et des revenus des trafiquants canadiens de cannabis, données de novembre 2018 (après la légalisation)
 

Livraison au Canada seulement

Livraison internationale

Total

Nombre d’annonces

50

491

541

Nombre de trafiquants

8

38

46

Nombre de ventes

  • Modèle prudent

643

6 607

7 250

  • Modèle optimiste

1 026

10 550

11 576

Volume (kg)

  • Modèle prudent

86

1 310

1 396

  • Modèle optimiste

137

2 092

2 229

Revenus

  • Modèle prudent

63 178 $

4 278 358 $

4 341 536 $

  • Modèle optimiste

100 864 $

6 830 360 $

6 931 224 $

Le tableau 3a présente le prix par gramme affiché dans les annonces de cannabis canadiennes avant la légalisation et classe les niveaux de cannabis vendus d’après les catégories créées par Décary-Hétu et al. (2018). Il montre qu’en juillet 2018, la plupart des annonces offraient des quantités de cannabis allant de 10 à 454 grammes, et que la quantité la plus couramment annoncée était de 28 à 454 grammes. Cette constatation soutient la présence d’achats de gros, plutôt que pour la consommation personnelle et l’approvisionnement social (Demant et al., 2018b). En outre, et comme on s’y attendait, le prix par gramme – moyen ou médian – est inversement proportionnel à la quantité de drogue achetée. Le rabais pour l’achat d’une grande quantité de cannabis est important, surtout si l’on compare les deux extrémités du spectre. Le prix par gramme est plus élevé dans les annonces offrant la livraison internationale, ce qui reflète ici aussi les risques accrus associés à l’expédition de drogue au-delà des frontières (Décary-Hétu et al., 2016).

Tableau 3a : Prix du cannabis par gramme ($ US), données de juillet 2018 (avant la légalisation)

Quantité

Livraison au Canada seulement

Livraison internationale

Total

N

Moyen

Médian

Moyen

Médian

Moyen

Médian

5 g et moins

6,84 $

7,15 $

15,17 $

9,14 $

12,67 $

7,50 $

20

5-10 g

6,33 $

5,53 $

19,57 $

7,28 $

16,69 $

7,17 $

23

10-28 g

3,91 $

4,02 $

7,09 $

6,45 $

6,32 $

5,62 $

86

28-454 g

3,19 $

3,45 $

4,82 $

4,15 $

4,58 $

3,79 $

162

Plus de 454 g

1,43 $

1,39 $

3,15 $

3,90 $

2,52 $

1,58 $

11

Nota : N = nombre d’annonces affichées.

Le tableau 3b présente le prix par gamme du cannabis canadien sur les cryptomarchés en novembre 2018. Après la légalisation, la plupart des annonces vendent encore autour de 10 à 454 grammes. Nous observons la même relation entre la quantité de cannabis achetée et le prix par gramme : ce dernier est inversement proportionnel à la quantité de drogues achetée. Le prix médian semble être demeuré relativement stable avant et après la légalisation, les augmentations de prix étant concentrées dans la plage des poids plus faibles. Un test U de Mann-Whitney (non présenté dans les tableaux) n’a révélé aucun changement significatif dans les prix du cannabis avant et après la légalisation, sauf dans le quantile inférieur (5 grammes et moins), où le prix unitaire a augmenté. Ces prix, aussi bien avant qu’après la légalisation, sont beaucoup plus faibles que ce qu’ont constaté Décary-Hétu et al. (2018) pour les prix du cannabis aux États-Unis. Selon la quantité et le type de livraison, la différence entre les deux études est un prix environ 20 % moins élevé au Canada en 2018, comparativement aux prix de 2016 aux États-Unis.

Tableau 3b : Prix du cannabis par gramme ($ US), données de novembre 2018 (après la légalisation)

Quantité

Livraison au Canada seulement

Livraison

internationale

Total

N

Moyen

Médian

Moyen

Médian

Moyen

Médian

5 g et moins

6,22 $

6,51 $

20,82 $

12,48 $

19,73 $

11,86 $

40

5-10 g

4,78 $

4,80 $

8,56 $

7,43 $

8,19 $

7,43 $

41

10-28 g

5,59 $

3,90 $

8,49 $

6,04 $

8,15 $

5,94 $

170

28-454 g

3,60 $

3,71 $

4,81 $

4,06 $

4,70 $

3,79 $

265

Plus de 454 g

-

-

2,66 $

2,59 $

2,66 $

2,59 $

25

Nota : N = nombre d’annonces affichées.

Le tableau 4a présente les autres produits vendus par les trafiquants de drogues canadiens, classés par revenus générés (en ordre décroissant) selon les données de juillet 2018. À partir des revenus et des ventes présentés dans le tableau 1a, pour le modèle optimiste, il semble que les trafiquants de cannabis qui étaient actifs avant la légalisation ont tiré des revenus d’environ 1,6 million de dollars US de la vente de produits illicites autres que le cannabis. Leur principale autre activité concerne les stimulants (comme la cocaïne), l’héroïne et les tryptamines, mais ils offrent aussi un large éventail d’autres drogues.

Tableau 4a : Diversification des ventes et des revenus des trafiquants de cannabis canadiens, données de juillet 2018 (avant la légalisation)
 

Ventes (N)

Revenus ($)

Annonces (N)

P.

O.

P.

O.

Stimulants

2 353

3 756

336 379 $

537 027 $

110

Héroïne

1 477

2 359

198 561 $

317 000 $

100

Tryptamines

1 053

1 682

110 847 $

176 966 $

33

Benzodiazépine, sédatifs,

hypnotiques, barbituriques

684

1 092

92 107 $

147 048 $

54

Extraits de cannabisa

657

1 048

71 439 $

114 052 $

91

Stimulants à base de plantes

41

66

52 503 $

83 820 $

12

MDMA

274

437

40 903 $

65 301 $

50

Drogues à propriétés dissociatives

1 135

1 813

26 152 $

41 751 $

11

Opioïdes

192

306

21 042 $

33 594 $

23

Renseignements financiers

725

1 158

16 407 $

26 193 $

27

Autres

917

1 463

33 834 $

54 016 $

77

Total

9 508

15 180

1 000 174 $

1 596 768 $

588

Nota : P. = modèle prudent, O. = modèle optimiste.
a Nous n’avons pas inclus les extraits de cannabis et autres types de cannabis dans les autres analyses pour maintenir la cohérence de la substance et du volume pouvant être évalués dans d’autres annonces comparables.

Le tableau 4b présente les autres produits vendus par les trafiquants de cannabis canadiens, classés par revenus générés (en ordre décroissant) selon les données de novembre 2018. Quelques semaines après la légalisation, il semble que les trafiquants de cannabis canadiens ont subi une baisse des ventes et des revenus générés par les autres produits. Cette baisse peut s’expliquer par la forte hausse des ventes de cannabis. Les trois drogues les plus vendues sont maintenant les extraits de cannabis (en hausse du 5e rang), le MDMA (en hausse du 7e rang) et les stimulants (en baisse du 1er rang), et elles représentent plus de la moitié de toutes les ventes de produits autres que le cannabis. Les stimulants affichent une baisse significative par rapport aux ventes d’avant la légalisation. Nous remarquons une présence plus grande des ventes liées au cannabis, et un accroissement des ventes d’extraits de cannabis, de stimulants à base de plante et des produits du cannabis à ingérer et à boire. Nous constatons aussi une montée des ventes d’armes blanches et d’autres armes autres que les armes à feu. La littérature s’est rarement penchée sur la vente d’armes par les vendeurs canadiens dans le passé, et cette nouvelle tendance devrait être suivie à l’avenir. Une autre tendance intéressante est la baisse des ventes d’opioïdes, une situation qui mérite aussi des études approfondies. Au total, les ventes des autres produits ont reculé d’environ 50 % entre juillet et novembre 2018.

Tableau 4b : Diversification des trafiquants canadiens de cannabis, données de novembre 2018 (après la légalisation)

 

Ventes (N)

Revenus ($)

Annonces (N)

P.

O.

P.

O.

Extraits de cannabisa

192

306

123 222 $

196 723 $

40

MDMA

397

633

114 303 $

182 483 $

25

Stimulants

451

721

56 977 $

90 964 $

32

Benzodiazépine, sédatifs,

hypnotiques, barbituriques

315

502

53 686 $

85 710 $

54

Héroïne

903

1 441

51 079 $

81 546 $

98

Tryptamines

328

524

27 636 $

44 121 $

4

Stimulants à base de plantes

766

1 223

19 104 $

30 499 $

11

Stimulants d’ordonnance

96

153

17 754 $

28 343 $

6

Produits à ingérer et à boire

547

874

11 382 $

18 171 $

1

Armes blanches et autres armes

328

524

10 244 $

16 354 $

4

Autre

1 026

1 638

22 261 $

35 539 $

64

Total

5 349

8 539

507 648 $

810 453 $

339

Nota : P. = modèle prudent, O. = modèle optimiste.
a Nous n’avons pas inclus les extraits de cannabis et autres types de cannabis dans les autres analyses pour maintenir la cohérence de la substance et du volume pouvant être évalués dans d’autres annonces comparables.

Le tableau 5a présente les régions du monde où les annonces canadiennes de cannabis offraient la livraison en juillet 2018. Comme on l’indique, les trafiquants canadiens de cannabis offrent plus d’annonces avec livraison internationale, qui génèrent environ 89 % des revenus du marché. Il est à noter que certaines ventes internationales peuvent inclure des achats faits par des Canadiens. À partir des estimations précitées, le volume de cannabis livré au Canada seulement est un peu plus élevé que le volume de cannabis offert à l’international, même si les revenus sont beaucoup moins élevés. Cela montre que les ventes entre les acheteurs et vendeurs canadiens peuvent être moins coûteuses et représenter de plus grosses quantités. Ces ventes, qui comportent moins de risques puisqu’elles sont intérieures, semblent néanmoins beaucoup moins rentables que les ventes internationales pour les vendeurs canadiens.

Tableau 5a : Destinations du cannabis vendu par des trafiquants canadiens, données de juillet 2018 (avant la légalisation)

Destination

Ventes (N)

Revenus ($)

Volume (kg)

Annonces (N)

P.

O.

P.

O.

P.

O.

À travers le monde

1 259

2 009

349 139 $

557 397 $

84

135

229

États-Unis

424

677

82 660 $

131 965 $

26

41

5

Canada

588

939

51 074 $

81 539 $

113

180

60

Canada, Amérique du Nord

14

22

363 $

580 $

0

1

8

Total

2 285

3 647

483 236 $

771 481 $

223

357

302

Nota : P. = modèle prudent, O. = modèle optimiste.

Le tableau 5b montre les destinations selon les données post-légalisation. On peut voir que les exportations de cannabis à l’étranger jouent un rôle encore plus important pour les trafiquants de cannabis canadiens dans la période post-légalisation examinée. En effet, la quasi-totalité de leurs ventes et revenus est générée par les annonces qui ciblent le marché américain ou le marché international. Il convient de noter que, ici aussi, les ventes liées aux annonces offrant la livraison internationale peuvent très bien faire intervenir des acheteurs canadiens. Il semble que le marché intérieur se soit légèrement développé depuis juillet 2018, mais cette croissance est beaucoup plus faible que l’augmentation des revenus pour les produits livrés aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

Tableau 5b : Destinations du cannabis vendu par les trafiquants canadiens, données de novembre 2018 (après la légalisation)

Destination

 

Ventes (N)

Revenus ($)

Volume (kg)

Annonces (N)

P.

O.

P.

O.

P.

O.

États-Unis

3 283

5 242

2 139 087 $

3 415 034 $

879

1 403

51

À travers le monde

3 201

5 111

2 086 641 $

3 331 304 $

429

685

366

Canada

657

1 048

105 640 $

168 653 $

86

137

60

Canada, États-Unis

109

175

10 168 $

16 233 $

2

4

56

Asie, Canada, Union européenne, États-Unis

0

0

0 $

0 $

0

0

7

Canada, Royaume-Uni

0

0

0 $

0 $

0

0

1

Total

7 250

11 576

4 341 536 $

6 931 224 $

1 396

2 229

541

Nota : P. = estimations prudentes, O. = estimations optimistes.

Le tableau 6a présente les principaux pays des cryptomarchés du cannabis d’après les données extraites en juillet 2018, avant la légalisation.

Tableau 6a : Marché international du cannabis vendu sur les cryptomarchés, données de juillet 2018 (avant la légalisation)
 

Revenus ($)

Ventes (N)

Volume (kg)

Annonces (N)

Vendeurs (N)

P.

O.

P.

O.

P.

O.

États-Unis

22 633 341 $

36 133 930 $

78 929

126 010

9 067

14 475

3 657

316

Royaume-Uni

10 753 853 $

17 168 431 $

100 071

159 763

4 498

7 182

3 472

181

Allemagne

8 495 746 $

13 563 383 $

77 462

123 667

2 509

4 006

1 781

107

Australie

3 270 452 $

5 221 248 $

19 959

31 865

549

877

293

39

Amérique du Nord

1 648 876 $

2 632 416 $

15 623

24 941

1 558

2 487

466

1

Union européenne

1 204 206 $

1 922 504 $

13 425

21 432

393

627

728

74

France

994 380 $

1 587 520 $

10 553

16 848

969

1 546

218

23

Canada

483 236 $

771 481 $

2 285

3 647

223

357

302

38

Espagne

415 826 $

663 863 $

4 098

6 543

70

111

632

26

Autre

1 676 627 $

2 676 720 $

20 005

31 937

2 678

4 275

1 426

253

Total

51 576 543 $

82 341 496 $

342 410

546 653

22 514

35 943

12 975

1 058

Nota : P. = estimations prudentes, O. = estimations optimistes.

Selon le tableau 6a, avant la légalisation, le Canada arrivait au 8e rang au chapitre des revenus du cannabis, avec des revenus annuels de 771 481 $ US selon le modèle optimiste. Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne occupaient les trois premières places, avec des revenus annuels de plus de 10 millions de dollars US selon le modèle optimiste. La 8e position du Canada avant la légalisation au chapitre des revenus estimés de la vente de cannabis sur les cryptomarchés peut s’expliquer en partie par une action policière ayant ciblé les trafiquants de cannabis canadiens. L’étude de Gagné (à venir bientôt) démontre que la vente de cannabis canadien a chuté brutalement dans les semaines suivant l’action menée par la GRC en 2016, tandis que les ventes des vendeurs situés à l’extérieur du Canada sont demeurées relativement stables. Le tableau 6a montre aussi que, d’après les données de juillet 2018, le cryptomarché mondial du cannabis a atteint des ventes potentielles de plus de 82 millions de dollars US, avec 22 à 36 tonnes de cannabis vendues par année. Cela dit, ce chiffre est encore très modeste compte tenu du fait que les Canadiens à eux seuls ont dépensé 5,7 milliards de dollars CA (4,2 milliards de dollars US) pour du cannabis séché à des fins médicales et non médicales en 2017 (Statistique Canada, 2018). Le tableau 6b présente aussi les principaux pays participant aux cryptomarchés du cannabis, mais d’après les données extraites en novembre 2018 (après la légalisation).

Tableau 6b : Marché international du cannabis sur les cryptomarchés, données de novembre 2018 (après la légalisation)
 

Revenus ($)

Ventes (N)

Volume (kg)

Annonces (N)

Vendeurs (N)

P.

O.

P.

O.

P.

O.

États-Unis

24 907 916 $

39 765 269 $

90 767

144 908

7 602

12 137

4 377

334

Royaume-Uni

14 513 339 $

23 170 418 $

140 453

224 231

2 053

3 278

4 914

214

Allemagne

7 139 955 $

11 398 875 $

67 059

107 060

769

1 228

1 604

117

Canada

4 341 536 $

6 931 224 $

7 250

11 575

1 396

2 229

541

46

Australie

3 456 870 $

5 518 862 $

22 941

36 626

465

743

346

49

Suède

1 439 062 $

2 297 450 $

13 365

21 338

119

191

339

34

Espagne

1 312 653 $

2 095 639 $

11 231

17 931

206

330

1 213

31

France

1 170 680 $

1 868 981 $

11 478

18 324

111

177

165

25

Union européenne

655 093 $

1 045 850 $

8 413

13 432

121

193

765

59

Autre

2 487 207 $

3 970 804 $

26 512

42 326

336

536

2 061

172

Total

61 424 311 $

98 063 373 $

399 470

637 750

13 179

21 040

16 325

1 127

Nota : P. = estimations prudentes, O. = estimations optimistes.

Le tableau 6b montre qu’entre juillet et novembre 2018, le commerce illicite du cannabis sur les cryptomarchés a progressé de 19 % au chapitre des revenus. Les trois mêmes pays (États-Unis, Royaume-Uni et Allemagne) ont conservé leur position de tête, tandis que le Canada s’est hissé au 4e rang. Le volume de cannabis semble avoir diminué entre les deux collectes de données, ce qui laisse entendre que les prix ont augmenté à l’international ou que des transactions moins importantes, mais plus nombreuses, ont été effectuées. Cette dernière explication semble être la plus logique, car le nombre de ventes a augmenté un peu, passant de 547 000 à 638 000 dans le modèle optimiste.

Enfin, nous avons voulu déterminer si le niveau de concurrence sur le cryptomarché du cannabis avait changé d’après l’indice Herfindahl-Hirschman (IHH). Cet indice mesure la concurrence sur un marché, et c’est l’une mesures de la concurrence les plus couramment utilisées (Diallo et Tomek, 2015; Hindriks et Myles, 2006). Lorsque l’IHH s’approche de 1, la concurrence sur le marché est faible (monopole), alors que si l’indice s’approche de 0 (ou près de 1 divisé par le nombre d’entreprises sur le marché), on considère que le marché est très concurrentiel (Owen et al., 2007). Le tableau 7 présente l’IHH pour les marchés canadien et international du cannabis d’après les ensembles de données de juillet 2018 et de novembre 2018.

Tableau 7 : Niveau de concurrence sur le cryptomarché du cannabis avant et après la légalisation du Canada, mesuré par l’indice de Herfindahl-Hirschman (IHH)

Moment

Indice de Herfindahl-Hirschman

Canada

À travers le monde

Juillet 2018 (avant la légalisation)

0,0800

0,0005

Novembre 2018 (après la légalisation)

0,1993

0,0062

Il ressort du tableau 7 que l’IHH est 2,5 fois plus élevé en novembre 2018 qu’en juillet 2018 pour le cryptomarché canadien du cannabis, ce qui permet de penser qu’après la légalisation, la concurrence entre les vendeurs canadiens sur les cryptomarchés s’est atténuée, et qu’un petit nombre de vendeurs canadiens ont réalisé une grande proportion des ventes de cannabis. Cela est vrai aussi pour le marché international du cannabis, mais dans une moindre mesure (même si la concurrence a diminué à l’échelle mondiale, le faible score global à l’IHH indique que le marché international est demeuré concurrentiel en novembre 2018). Pourtant, comme nous l’expliquons ci-dessus, le nombre de vendeurs de cannabis canadiens est demeuré assez stable au fil du temps. Cela indique que certains vendeurs canadiens ont réussi à accroître leurs ventes au détriment d’autres vendeurs. Nous avons remarqué que la moitié des vendeurs sur Dream Market identifiés par la collecte de juillet n’avaient plus de comptes actifs lors de la collecte de novembre, ce qui permet de penser que les nouveaux vendeurs n’ont peut-être pas encore eu le temps de laisser une trace sur le marché. Ces résultats corroborent les conclusions de Paquet-Clouston et al. (2018b) selon lesquelles les cryptomarchés posent de gros obstacles aux ventes : les vendeurs peuvent facilement créer un compte, mais ils ont quand même de la difficulté à détrôner les vendeurs existants et réputés qui ont la confiance de la communauté.

Résumé des changements observés sur les cryptomarchés canadiens du cannabis

Des changements ont été observés dans les cryptomarchés canadiens du cannabis après la légalisation. Les ventes canadiennes de cannabis se sont accrues, tout comme la proportion des annonces offrant la livraison internationale. Ce constat est aussi confirmé par l’augmentation post-légalisation des revenus de la vente de cannabis canadien générés par les annonces ciblant les clients américains ou internationaux. Cependant, certaines ventes internationales peuvent avoir été faites à des clients canadiens. Il semble que les vendeurs canadiens ont exploité davantage le marché international comparativement à leurs homologues qui étaient en activité avant la légalisation. Les prix du cannabis canadien étaient beaucoup plus bas que les prix américains rapportés dans Décary-Hétu et al. (2018). Apparemment, les vendeurs de cannabis canadiens ont aussi diminué leurs ventes d’autres types de produits après la légalisation. Au même moment, leur part du marché du cannabis a augmenté. En effet, les vendeurs canadiens sont passés du huitième au quatrième rang en ce qui concerne les ventes de cannabis sur les cryptomarchés après la légalisation, alors que les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont conservé leur position dominante. Enfin, la concurrence parmi les vendeurs de cannabis canadiens semble s’être atténuée après la légalisation, et quelques vendeurs canadiens bien établis ont peut-être réussi à accroître leurs ventes dans une proportion plus grande que d’autres. Beaucoup de vendeurs qui étaient actifs avant la légalisation n’avaient plus de compte actif après la légalisation. Dans l’ensemble, les changements recensés plus tôt indiquent que la taille et la portée des vendeurs canadiens ont augmenté après la légalisation. Évidemment, ces observations représentent des schémas et tendances provisoires, et il faudrait réaliser une analyse approfondie sur une plus longue période de suivi afin d’évaluer avec plus d’exactitude l’incidence de la légalisation de la vente de cannabis sur les cryptomarchés.

Informations fournies par une enquête concernant les activités des vendeurs sur les cryptomarchés

Dans cette section, nous présentons les résultats d’une enquête menée auprès de vendeurs sur des cryptomarchés dans l’espoir de mieux comprendre le fonctionnement des cryptomarchés. Sur les 133 vendeurs qui ont cliqué sur le lien menant au sondage, 20 ont rempli le sondage au complet et 20 autres ont répondu à un grand nombre des questions examinées ci-dessous. Le taux de réponse varie donc considérablement, certaines questions ayant reçu une douzaine de réponses et d’autres seulement une poignée de réponses, selon la sensibilité du sujet. En même temps, ces résultats exploratoires sont inédits et, à notre connaissance, ce sondage est unique en son genre dans la littérature grise et universitaire. Pour préparer le terrain, nous présentons d’abord les réponses agrégées de six vendeurs impliqués dans le commerce de cannabis sur les cryptomarchés. Nous examinons ensuite les statistiques agrégées, y compris les donnes démographiques, l’origine des produits vendus sur les cryptomarchés, la taille et la portée des activités des vendeurs sur les cryptomarchés, l’implication de ces vendeurs dans le commerce traditionnel de la drogue ainsi que leurs liens et ceux de leurs contacts avec le crime organisé.

L’histoire de six vendeurs sur des cryptomarchés

En analysant les sondages remplis, nous avons relevé six types différents de vendeurs qui sont décrits ci-dessous et résumés dans la figure 1. Un sommaire de leurs réponses est fourni à l’annexe B. Puisqu’on sait très peu de choses à propos des vendeurs sur les cryptomarchés, ces profils sont utiles, car ils permettent d’avoir une idée de la variabilité des profils existants et de rendre les origines et les profils du trafic plus concrets pour les lecteurs, et ils peuvent servir de base à de futures études sur les caractéristiques des vendeurs sur les cryptomarchés et leur façon d’opérer. Compte tenu de la méthode d’échantillonnage et du taux de réponse, nous ne pouvons pas quantifier la prévalence de chaque profil – et cela n’est pas notre objectif à ce stade-ci. Nous avons retenu les études de cas dans les sondages remplis qui illustrent une foule de modèles et de styles s’appliquant aux cryptomarchés du cannabisNote de bas de page2. Il convient de noter ce qui suit : 1) nous avons étiqueté les profils d’après les caractéristiques qui ressortaient lors de l’examen de leurs schémas d’achat et de vente; 2) le premier profil (le courtier en ligne) est le seul qui décrit des activités de commerce de drogue exclusivement en ligne; et 3) le dernier profil (le membre de groupe organisé) est l’un des rares répondants ayant déclaré faire partie d’un groupe organisé.

Figure 1 : Six types de vendeurs en ligne recensés dans le sondage

Figure 1 : Six types de vendeurs en ligne recensés dans le sondage
Description d'image

La figure 1 fait un survol des six types de vendeurs en ligne recensés dans le sondage : (1) le courtier en ligne (Amérique du Nord; vend du cannabis, de l’ecstasy et des champignons; fait 100 % de ses achats de drogues en ligne; pas de vente de drogues hors ligne; 100 % des revenus proviennent des ventes en ligne); (2) le vendeur hybride (origine inconnue; vend du cannabis, du LSD, de l’amphétamine et de l’ecstasy; fait 55 % de ses achats de drogues en ligne; vend des drogues hors ligne; pas d’information sur les revenus des ventes en ligne); (3) le vendeur aux sources multiples (Amérique du Nord; vend du cannabis, des champignons et des médicaments d’ordonnance; fait 10 % de ses achats de drogues en ligne; vend des drogues hors ligne; 60 % des revenus proviennent des ventes en ligne); (4) l’indépendant (Européen; vend du cannabis, de l’amphétamine, de l’ecstasy et des médicaments d’ordonnance; pas d’achat de drogues en ligne; pas de vente de drogues hors ligne; 70 % des revenus proviennent des ventes en ligne); (5) le vétéran (Amérique du Nord; vend du cannabis et de l’ecstasy; fait 30 % de ses achats de drogues en ligne; vend des drogues hors ligne; 66 % des revenus proviennent des ventes en ligne); et (6) le membre de groupe organisé (Européen; vend du cannabis, de l’amphétamine, de la cocaïne et de l’ecstasy; pas d’achat de drogues en ligne; vend des drogues hors ligne; 98 % des revenus proviennent des ventes en ligne).

 

Le courtier en ligne

Le courtier en ligne a préféré ne pas fournir de renseignements démographiques à son sujet, à l’exception du fait qu’il exerce ses activités en Amérique du Nord. Ce vendeur a commencé à mener des activités sur les cryptomarchés en 2011, et il vend du cannabis, de l’ecstasy et des champignons. Les produits offerts proviennent entièrement (à 100 %) de sources en ligne. Une analyse approfondie de ses activités révèle qu’il agit comme intermédiaire entre les clients qui achètent en ligne et d’autres vendeurs opérant en ligne. Ce vendeur ne vend pas de drogues sur le marché traditionnel et a déclaré que la totalité de ses revenus provenait des activités sur les cryptomarchés.

Le vendeur hybride

Le vendeur hybride a préféré ne pas fournir de renseignements démographiques à son sujet. Il a déclaré qu’il est actif sur les cryptomarchés depuis 2015 et qu’il vend surtout du cannabis, des amphétamines, de l’ecstasy et du LSD. De façon générale, 55 % des produits qu’il vend proviennent de sources en ligne, 40 % de transactions faites en personne et 5 % des marchés publics ouverts. Depuis 1996, il a aussi vendu des amphétamines et de l’ecstasy hors ligne ainsi que d’autres drogues à des connaissances personnelles ou à d’autres vendeurs connus. Ce vendeur ne se considère pas comme un membre d’un groupe organisé et a choisi de ne pas fournir d’information à propos de ses revenus.

Le vendeur aux sources multiples

Le vendeur aux sources multiples n’a pas voulu fournir de renseignements démographiques à son sujet, à l’exception du fait qu’il vend du cannabis, des champignons et des médicaments d’ordonnance en Amérique du Nord depuis 2016. Les produits qu’il vend proviennent en partie de sources en ligne (10 %) et de transactions en personne (5 %), et principalement de magasins (50 %) et de la culture à domicile ou manufacturière (35 %). Il vend du cannabis, de l’ecstasy et des champignons hors ligne à des connaissances personnelles ou à d’autres vendeurs depuis 2007. En ce qui concerne ses revenus, 60 % proviennent de la vente de drogues en ligne, 38 % de sources légitimes et 2 % du commerce de la drogue hors ligne. Ce vendeur ne se considère pas lui non plus comme un membre d’un groupe organisé.

L’indépendant

Le vendeur indépendant est un homme dans la vingtaine possédant un diplôme universitaire qui vit en Europe. En 2012, il a commencé à vendre des produits en ligne, notamment du cannabis, des amphétamines, de l’ecstasy et des médicaments d’ordonnance. Quatre-vingt-cinq pour cent (85 %) de ses produits proviennent de transactions en personne et 15 % de la culture à domicile ou manufacturière. Il ne vend pas de drogues hors ligne et ne se considère pas comme un membre d’un groupe criminel. Il a déclaré que 70 % de ses revenus provenaient de la vente de drogues en ligne, et que les 30 % restants provenaient d’autres activités illégales hors ligne.

Le vétéran

Le vétéran est un homme dans la cinquantaine qui possède un diplôme universitaire. Il vit en Amérique du Nord et a commencé à vendre des produits comme du cannabis et de l’ecstasy sur les cryptomarchés en 2014. Ses produits proviennent à 55 % de transactions en personne, à 30 % de sources en ligne et à 15 % de la culture à domicile ou manufacturière. Il vend du cannabis et d’autres drogues à des connaissances personnelles ou à d’autres vendeurs connus hors ligne depuis 1975. Ses revenus proviennent à 66 % de la vente de drogues en ligne et à 33 % de la vente de drogues hors ligne. Il ne se considère pas non plus comme un membre d’un groupe criminel organisé.

Le membre de groupe organisé

Le membre d’un groupe organisé est un homme dans la vingtaine vivant en Europe et possédant un diplôme universitaire. Selon ses réponses au sondage, il a commencé la vente en ligne en 2015 et vend une foule de produits, notamment du cannabis, des amphétamines, de la cocaïne et de l’ecstasy. Il s’approvisionne principalement par l’entremise de transactions en personne (90 %) et, dans une moindre mesure, auprès de producteurs à domicile ou manufacturiers (10 %). Depuis 2012, il a aussi vendu de la cocaïne et de l’ecstasy hors ligne, notamment à des connaissances personnelles ou à d’autres vendeurs connus. Ses revenus annuels proviennent principalement de la vente de drogues en ligne (98 %). Il se considère comme un membre d’un groupe criminel organisé.

Données démographiques des participants

Le sondage incluait des questions sur le sexe, l’âge, l’origine ethnique et la scolarité des vendeurs ainsi que la région où ils exercent leurs activités. Les réponses montrent que la majorité des répondants sont blancs (50 %), de sexe masculin (60 %), dans la trentaine (M = 36; médiane = 33) et d’Amérique du Nord (50 %). Il semble aussi que les vendeurs sur les cryptomarchés ont un niveau de scolarité relativement élevé : 40 % possèdent un diplôme universitaire. On demandait aux vendeurs d’indiquer les types de drogues qu’ils vendent. Les réponses indiquent que 54 % vendent du cannabis, 42 % de l’ecstasy, 29 % de la cocaïne, 25 % des médicaments d’ordonnance, 22 % des champignons, 16 % des méthamphétamines, 14 % de l’héroïne et 28 % d’autres types de drogues. Dans l’ensemble, nous avons constaté que 37 % des vendeurs étaient « spécialisés », c’est-à-dire qu’ils ne vendaient qu’un type de drogues, alors que 57 % vendaient entre 2 et 5 types de drogues et que 6 % vendaient plus de 6 types de drogues.  

Origines des produits vendus sur les cryptomarchés

En vendant et en s’approvisionnant uniquement en ligne, les vendeurs sur les cryptomarchés ont la possibilité d’agir comme des courtiers en ligne, ce qui les place au milieu du processus d’approvisionnement. Selon les réponses au sondage, 28 % seulement des vendeurs jouent ce rôle intégralement, en obtenant la totalité des produits qu’ils vendent sur les cryptomarchés ou d’autres sources en ligne. À l’autre extrémité du circuit de distribution, 40 % des vendeurs ne s’approvisionnent jamais en ligne. Seulement 14 % des vendeurs ont dit qu’ils achètent leurs produits uniquement par l’entremise de transactions en personne auprès de connaissances personnelles ou de vendeurs de drogues connus.

Le sondage incluait aussi une question sur la proportion des drogues vendues sur les cryptomarchés qui proviennent de la culture à domicile (artisanale ou manufacturière). Dans ces contextes, les vendeurs procéderaient à l’intégration verticale de leur processus d’approvisionnement, en produisant et en vendant directement aux clients finaux à un prix plus élevé. Seulement 20 % des vendeurs ont répondu qu’ils obtiennent la totalité de la drogue par l’entremise de la culture à domicile, alors que 42 % ont dit qu’ils ne cultivaient ou ne produisaient pas leurs propres produits. La tendance concernant les marchés publics ouverts (p. ex., étrangers sur la rue, festivals, boîtes de nuit ou portes ouvertes) et les points de vente en personne (p. ex. magasins d’articles pour adultes, magasins d’accessoires de cannabis, cafés, tabagies et magasins de cannabis) semble être claire : pour ces deux circuits, plus de 80 % des vendeurs ont indiqué qu’ils ne les utilisaient pas pour obtenir leurs produits.

Ces résultats permettent de penser que les drogues vendues sur les cryptomarchés proviennent surtout de sources en ligne, de connaissances personnelles, de vendeurs de drogues connus ou de la culture à domicile ou manufacturière. Les vendeurs sur les cryptomarchés ne semblent pas se limiter à un seul mode d’approvisionnement; ils alternent plutôt entre ces trois modes, ce qui indique qu’ils utilisent probablement le mode le plus accessible au moment de la transaction.

Taille et portée des activités des vendeurs sur les cryptomarchés

Nous avons cherché à connaître la taille et la portée des activités des vendeurs sur les cryptomarchés en posant des questions sur les revenus. Dans l’ensemble, 51 % des vendeurs ont déclaré que la vente de drogues en ligne représentait plus de la moitié de leurs revenus, et seulement 23 % ont dit qu’elle représentait la totalité de leurs revenus. Pour ce qui est de la proportion des revenus provenant d’autres activités illégales en ligne, 96 % ont répondu que cette proportion était nulle. De même, 89 % des vendeurs ayant répondu à cette question pour ce qui est de la proportion de revenus provenant d’activités illégales hors ligne ont déclaré qu’elle était nulle. Cela montre que les vendeurs sur les cryptomarchés ne tirent pas de revenus d’autres activités illégales, en ligne ou non. De plus, 64 % des vendeurs ont déclaré que leurs revenus légitimes représentaient moins de 25 % de leurs revenus annuels. En moyenne, les vendeurs sur les cryptomarchés ne semblent pas participer à des activités qui leur permettraient de tirer un revenu intéressant d’activités légitimes.

Participation au commerce traditionnel de la drogue

Dans le sondage, on demandait aux vendeurs s’ils avaient fait du trafic de drogues en personne au cours des 12 mois précédents, et 46 % ont répondu par l’affirmative. D’autres questions étaient alors posées à ces répondants. Au total, 60 % de ces répondants étaient déjà actifs (trafic hors ligne) avant l’arrivée du premier cryptomarché, Silk Road 1.0, en 2011. Le sondage posait aussi des questions sur les principaux acheteurs des vendeurs hors ligne. Au total, 91 % des répondants ont affirmé qu’ils vendaient de la drogue à des connaissances personnelles ou à d’autres vendeurs de drogues connus. Un seul répondant a indiqué qu’il vendait de la drogue sur le marché public ouvert, et un autre a précisé qu’il vendait de la drogue par l’intermédiaire d’un magasin. Ces résultats montrent que les trafiquants de drogues sur les cryptomarchés qui font aussi le commerce traditionnel de la drogue sont des vendeurs matures qui vendent principalement à des connaissances personnelles ou à d’autres vendeurs de drogues connus.

Liens avec un groupe criminel ou le crime organisé

Ici aussi, les résultats sont à titre indicatif seulement en raison de la petite taille de l’échantillon. Presque tous les répondants au sondage (85 %) ont dit qu’ils ne faisaient pas partie d’une organisation criminelle, 11 % ont répondu qu’ils en étaient membres et 4 % ont préféré ne pas répondre. Selon nos résultats, les vendeurs liés au crime organisé travaillent avec un grand nombre de personnes pour mener leurs activités sur les cryptomarchés. Ils pouvaient travailler avec cinq personnes, tandis que les vendeurs non associés au crime organisé travaillaient en moyenne avec deux personnes. Les deux tiers des vendeurs liés au crime organisé ont déclaré qu’ils étaient aussi impliqués dans le commerce traditionnel de la drogue.

Les vendeurs étaient aussi invités à identifier au plus 10 personnes/relations avec qui ils faisaient des affaires. Ils devaient indiquer si ces relations étaient liées au crime organisé. Des 62 relations déclarées par les vendeurs (chaque vendeur pouvait en indiquer 10 au plus), 63 % n’avaient pas de lien avec le crime organisé, tandis que 18 % étaient liées au crime organisé. Ces relations n’étaient pas nécessairement des vendeurs eux-mêmes liés au crime organisé. Dans l’ensemble, en illustrant la répartition des relations entre les 24 vendeurs ayant répondu à ces questions (voir les plus gros cercles ci-dessous), la figure 2 montre que les liens avec le crime organisé semblent éparpillés et non prévalents chez les vendeurs sur les cryptomarchés.

Figure 2 : Sociogramme des types de contacts des vendeurs

Figure 1 : Sociogramme des types de contacts des vendeurs
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La figure 2 contient un sociogramme qui indique si les contacts des vendeurs sont impliqués dans le crime organisé, s’ils ne sont pas impliqués dans le crime organisé, ou si on ne sait pas s’ils sont impliqués dans le crime organisé. En général, cette figure démontre que les contacts de la plupart des vendeurs n’ont pas de liens avec le crime organisé, et que les liens qui ont été déclarés sont éparpillés parmi les vendeurs sur les cryptomarchés.

 

Sommaire des résultats du sondage en ligne

Dans le passé, l’accès aux réseaux de trafiquants de drogues en ligne s’est avéré difficile. Dans la présente section, nous présentons les résultats préliminaires d’un sondage mené en ligne auprès de vendeurs sur les cryptomarchés. Compte tenu de la petite taille de l’échantillon, les lecteurs doivent se rappeler que le taux de réponse limite énormément les conclusions pouvant être tirées des résultats. Malgré cela, nos résultats indiquent que l’organisation des activités et l’identité des vendeurs varient. Les vendeurs types de cet échantillon sont des hommes blancs dans la trentaine qui vivent en Amérique du Nord. Leurs activités ne sont pas dissociées du commerce traditionnel de la drogue. Dans plusieurs cas, ces vendeurs s’approvisionnent ou vendent de la drogue par l’entremise de transactions en personne et ne s’identifient pas, pour la plupart, comme appartenant à un groupe criminel organisé.

Analyse et conclusions

L’objectif général du présent rapport est de comprendre la configuration du commerce illicite du cannabis sur les cryptomarchés au Canada. Nous avons examiné la structure des ventes à deux moments en 2018, avant la légalisation du cannabis (juillet 2018) et après (novembre 2018). Il ressort de nos résultats qu’au cours des derniers mois, le Canada est peut-être devenu un acteur plus important du commerce du cannabis sur les cryptomarchés. Sur une base annuelle, les ventes générées par les vendeurs canadiens de cannabis semblaient se chiffrer dans les centaines de milliers de dollars il y a un an, et elles auraient depuis augmenté pour atteindre des millions de dollars. Le volume de cannabis livré semble lui aussi avoir augmenté pendant la même période, passant de centaines de kilogrammes à potentiellement 2 229 kilogrammes par année selon le modèle optimiste. Il s’agirait d’une hausse considérable qui peut avoir permis au Canada de se hisser du 8e au 4e rang au classement des pays actifs sur les cryptomarchés, selon les revenus tirés du cannabis. En raison des données limitées qui sont disponibles et du court délai écoulé depuis la réglementation du cannabis, il est impossible de déterminer si la légalisation a eu une incidence sur les ventes de cannabis sur les cryptomarchés au Canada. Nos analyses sont très préliminaires. Cela dit, il semble y avoir une corrélation entre les périodes préalable et postérieure à la légalisation qui pourrait faire l’objet d’études plus poussées à l’avenir.

Incidence potentielle de la légalisation sur le marché intérieur

Si l’augmentation des ventes de cannabis par les vendeurs canadiens est confirmée, elle serait principalement attribuable aux ventes ciblant le marché international. Selon nos modèles, le volume de cannabis vendu par des vendeurs canadiens à des clients canadiens peut avoir diminué après la légalisation du cannabis. Cela n’est pas étonnant compte tenu du fait que les vendeurs sur les cryptomarchés doivent maintenant affronter la concurrence des détaillants légaux et que le prix du cannabis légal est compétitif, se situant en moyenne à 8,92 $ CA le gramme à l’échelle du pays (Statistique Canada, 2019). Selon Statistique Canada, ce prix est légèrement plus élevé que le prix d’avant la légalisation. En effet, depuis la légalisation, le prix du cannabis a augmenté en moyenne de 15 % partout au pays; la hausse varie de 5 % à 27,7 % selon la province (Statistique Canada, 2019). Fait intéressant, après la légalisation, nous avons constaté que les vendeurs sur les cryptomarchés semblaient faire moins de publicité (et potentiellement moins de ventes) sur le marché intérieur. Cela signifie que les vendeurs ont peut-être compris que les acheteurs canadiens sont plus susceptibles de se tourner vers le marché légal, surtout compte tenu des coûts supplémentaires associés aux achats sur les cryptomarchés (achat de bitcoins ou connaissance du fonctionnement du réseau Tor). Le prix légal serait donc établi à un niveau assez bas pour que les vendeurs de cannabis canadiens sur les cryptomarchés offrent (et effectuent) des ventes à l’international plutôt qu’au pays, en étant conscients que leur marché cible n’est pas le marché intérieur. L’incidence de la légalisation dépend de la réglementation du marché (pour une analyse, voir Kilmer, 2014), et les résultats des études actuellement disponibles indiquent que les vendeurs sur les cryptomarchés canadiens se tourneraient vers le marché international, étant donné que le marché légal est assez compétitif (Caulkins et al., 2012; Kilmer et al., 2010; Ouellet et al., 2017). Toutefois, cette étude porte uniquement sur les cryptomarchés; d’autres études devraient être réalisées sur le marché noir traditionnel, qui utilise un processus d’approvisionnement différent. 

Incidence potentielle de la légalisation sur les marchés internationaux

Il semble que les ventes internationales se sont multipliées; toutefois, d’autres études ont démontré que les transactions sur les cryptomarchés sont plus susceptibles de se produire à l’échelon régional ou national (Décary-Hétu et al., 2016; Demant et al., 2018a; Munksgaard et al., 2017; Norbutas, 2018), car les vendeurs et les acheteurs sont plus susceptibles de faire affaire avec des gens qui se trouvent dans le même pays qu’eux pour éviter les risques d’interception à la frontière (Décary-Hétu et al., 2016; Norbutas, 2018; Volery, 2017). D’après les constatations de notre étude, et compte tenu de la position des vendeurs canadiens sur un marché où le cannabis est légal, ces vendeurs pourraient donc être disposés à livrer à l’international pour tirer profit d’autres marchés, même si cela accroît les risques d’interception des colis. La décision des vendeurs canadiens de vendre à l’international peut aussi être liée au fait que le marché intérieur est modeste. En effet, Décary-Hétu et al. (2016) ont constaté que les vendeurs actifs dans les pays ayant un bassin moins grand de consommateurs de drogues potentiels sont plus susceptibles d’offrir la livraison internationale. Qui plus est, les vendeurs actifs dans le commerce du cannabis après la légalisation concentrent apparemment davantage leurs activités autour du cannabis. Même s’ils peuvent vendre de nombreuses autres drogues (MDMA, stimulants, etc.), les revenus tirés de la vente de ces drogues semblent avoir diminué après la légalisation, tandis que les ventes de cannabis semblent avoir augmenté pendant la même période. Cela indique que les trafiquants sur les cryptomarchés ont peut-être profité de l’occasion de tirer parti de la légalisation du cannabis pour se présenter aux clients internationaux comme des fournisseurs de cannabis de premier ordre.

Quand on examine l’emplacement géographique des vendeurs canadiens, toutefois, on remarque clairement que le marché potentiel le plus proche est celui des États-Unis. Pourtant, les vendeurs américains stimulent l’offre de cannabis : ils réalisent 50 % de toutes les ventes de cannabis et 32 % des transactions liées au cannabis (Décary-Hétu et al., 2018). De plus, notre étude montre que ces vendeurs sont demeurés en tête des fournisseurs, avant et après la légalisation. Van Buskirk et al. (2016) ont émis l’hypothèse que cette domination s’explique peut-être par la légalisation du cannabis dans certains États américains, qui procurerait un avantage concurrentiel aux vendeurs dans ces États. La question demeure de savoir si les acheteurs américains seraient disposés à acheter du cannabis aux vendeurs canadiens, alors qu’ils ont accès à un grand bassin de vendeurs dans leur pays, y compris dans les États ayant légalisé cette drogue (van Buskirk et al., 2016). Compte tenu de l’importante offre américaine, les acheteurs américains seraient peut-être plus enclins à s’approvisionner auprès de vendeurs intérieurs et réduire le risque d’échec des transactions (Décary-Hétu et al., 2016; Demant et al., 2018a). Cela pourrait expliquer pourquoi le Canada semble occuper le 4e rang sur le marché international du cannabis, même après la légalisation. Sans aucun doute, les cryptomarchés sont des milieux concurrentiels (Paquet-Clouston et al., 2018b), et même si les vendeurs canadiens actifs sur les cryptomarchés veulent utiliser leur avantage pour exploiter le marché international, ils peuvent être limités par les diverses forces économiques associées aux activités illégales dans lesquelles ils sont impliqués (Reuter, 1983).  

Approvisionnement sur les circuits légaux et participation au crime organisé

Les vendeurs canadiens ont maintenant un avantage comparatif : ils peuvent s’approvisionner auprès d’entreprises légales. Selon les résultats du sondage, les trafiquants de drogues sur les cryptomarchés s’approvisionnent effectivement hors ligne, auprès de diverses sources comme des connaissances personnelles ou d’autres vendeurs connus, et leurs drogues sont issues de la culture à domicile ou manufacturière. Ils peuvent maintenant tirer parti de la production légale de cannabis pour obtenir du cannabis de qualité qui peut être vendu et reconnu à l’échelle internationale. Les vendeurs canadiens peuvent aussi annoncer leur emplacement géographique sur les cryptomarchés, comme le font les vendeurs américains établis dans les États ayant légalisé le cannabis (van Buskirk et al., 2016). De plus, Décary-Hétu et al. (2018) ont trouvé dans les descriptions des annonces américaines des preuves empiriques selon lesquelles l’approvisionnement légal était détourné vers les cryptomarchés et même utilisé pour mousser les ventes, étant donné que le cannabis légal est habituellement analysé et de grande qualité. Il faudrait réaliser d’autres études pour voir si les trafiquants de cannabis canadiens mentionnent l’origine de leur cannabis et leur lien avec des entreprises légales ou des souches de cannabis, afin de savoir si le marché légal a été infiltré par le crime organisé ou d’autres entrepreneurs criminels qui participent à ce marché.

Prix de la drogue

Les prix de la drogue servent depuis longtemps d’indicateurs pour comprendre l’adaptation et l’évolution du marché noir du cannabis. Le prix est l’un des quelques points de données accessibles dans un réseau de trafiquants et de consommateurs de drogues autrement fermé. Pourtant, la qualité des données sur les prix fait depuis longtemps l’objet de critiques dans la littérature (Reuter et Caulkins, 1998). Selon une étude récente (Martin et al., 2018; Mireault et al., 2018), les marchés de la drogue hors ligne et en ligne ont des prix convergents d’après l’emplacement et le type de drogue. Cette étude montre que les annonces sur les cryptomarchés canadiens de 5 grammes et moins ont un prix moyen de 19,73 $ US et un prix médian de 11,86 $ US après la légalisation. Même si, selon le taux de change, un dollar américain équivaut à environ 1,35 $ CANote de bas de page3, le prix unitaire médian canadien pour 5 grammes et moins serait d’environ 16 $ CA, comparativement au prix légal de 8,92 $ CA le gramme au pays (Statistique Canada, 2019). Les prix affichés sur les cryptomarchés sont donc plus élevés que le prix légal et comprennent aussi des coûts supplémentaires, comme la conversion de la monnaie fiduciaire en monnaie virtuelle (bitcoins), ce qui introduit une certaine volatilité (Dyhrberg, 2016), ainsi que des frais d’administration et de livraison potentiels. Qui plus est, les prix canadiens avant et après la légalisation sont demeurés beaucoup plus faibles que ceux observés dans Décary-Hétu et al. (2018) pour le cannabis aux États-Unis. Selon la quantité et le type de livraison, la différence entre les deux études représente une baisse de 20 % des prix au Canada en 2018 comparativement aux États-Unis en 2016. Il peut s’agir d’un avantage comparatif potentiel qui aiderait les vendeurs sur les cryptomarchés canadiens à exploiter le marché américain. Il serait intéressant de quantifier les coûts liés aux risques que représente pour les clients américains l’achat auprès de vendeurs canadiens, par rapport à la différence de prix entre les deux pays.

Concentrations des ventes

Le constat le plus intrigant de notre rapport est peut-être la concentration plus élevée des ventes au fil du temps. La concurrence semble s’être atténuée avec le temps au Canada, et des vendeurs en nombre encore plus limité contrôlent une part importante des transactions. Cela permet à la police de cibler les acteurs les plus importants du commerce du cannabis et de perturber une grande partie du marché canadien en procédant à des arrestations relativement peu nombreuses, mais mieux ciblées. Des trafiquants de drogues sur les cryptomarchés ont été identifiés et arrêtés assez régulièrement ces dernières années (Décary-Hétu et Giommoni, 2017). Puisque le bassin de vendeurs à cibler est plus petit, la police pourrait réduire la taille du marché. Charette (2016) a démontré que les délinquants connaissent bien les risques et qu’ils sont en mesure de s’adapter aux actions policières. Si la police réussit à miner la confiance à l’égard des trafiquants canadiens, les acheteurs canadiens pourraient se tourner vers les fournisseurs légaux ou les trafiquants étrangers.

Taille et portée limitées des cryptomarchés canadiens du cannabis

De façon générale, il est important de se rappeler que les cryptomarchés constituent un nouveau circuit de distribution pour le cannabis. Ce circuit est toutefois petit quand on le compare au marché traditionnel hors ligne du cannabis. Selon l’Enquête canadienne sur le cannabis, plus de quatre millions de Canadiens ont pris du cannabis sur une période de quatre mois l’an dernier, ce qui permet de croire que, à tout le moins, des milliers de kilogrammes de cannabis ont été consommés pendant cette période. Avec des ventes de 2 229 kilogrammes selon le modèle optimiste post-légalisation et 46 vendeurs, l’offre sur le cryptomarché canadien du cannabis était encore faible à la fin de 2018. Cela peut s’expliquer par les caractéristiques distinctives du marché du cannabis. En effet, comparativement à d’autres drogues comme la cocaïne ou l’héroïne, la production du cannabis est répartie de façon plus étendue sur la planète (Boivin, 2010), et la recherche sur la consommation de cannabis montre que la plupart des consommateurs obtiennent cette drogue au moyen de l’approvisionnement social, en le cultivant eux-mêmes ou en le recevant en cadeau (Caulkins, 2007; Caulkins & Pacula, 2006). L’accessibilité du cannabis demeure relativement simple dans les pays occidentaux (Bouchard et al., 2011; Clements, 2006), et l’avantage comparatif des vendeurs de cannabis canadiens sur les cryptomarchés peut être limité, surtout compte tenu des coûts associés à la commande de cannabis sur les plateformes en ligne. De plus, l’étude de Norbutas (2018) indique que la plupart des acheteurs sur les cryptomarchés ne font qu’un seul achat. Les cryptomarchés représentent donc un indicateur d’avertissement utile pour comprendre les tendances sur les marchés de la drogue, plutôt qu’une innovation révolutionnaire comme on le pensait au moment de leur création.

Recommandations

Compte tenu de ces résultats, nous pouvons faire les recommandations suivantes concernant la recherche future. L’objectif général est de fournir aux chercheurs et aux décideurs de l’information à propos des liens entre la vente légale et illégale de cannabis, aussi bien hors ligne qu’en ligne.

  1. Même si des contrôles ont été mis en place pour retracer le cannabis de la plante à la vente dans un contexte commercial, il sera difficile de le faire pour toute la production du cannabis, puisque la plupart des Canadiens ont le droit de cultiver un certain nombre de plants à la maison. Néanmoins, il faudrait consentir des efforts pour analyser le cannabis saisi dans les envois postaux afin d’établir un lien entre les activités de production de cannabis commerciales et les cryptomarchés. Ces marchés illicites ont apparemment accru leurs expéditions de drogues au cours des derniers mois, et une partie du cannabis vendu en ligne peut avoir été produite légalement avant d’être détournée vers le marché noir. Si cette situation est confirmée, elle pourrait créer des tensions politiques avec d’autres pays qui ont déjà émis des réserves à propos de l’incidence de la légalisation du cannabis au Canada. Des efforts s’imposent pour démontrer que l’offre légale de cannabis est distincte de la drogue vendue illégalement, surtout si ce cannabis doit être livré dans d’autre pays.

  2. Compte tenu de l’accroissement des expéditions par les trafiquants de cannabis canadiens sur les cryptomarchés, il faudrait déployer des efforts pour surveiller les ventes de cannabis sur les cryptomarchés. Si les ventes poursuivent leur progression, d’autres efforts seront nécessaires pour comprendre la structure des réseaux responsables de la vente du cannabis. Un très petit nombre de vendeurs sont souvent à l’origine de la majorité des ventes d’une drogue dans un pays en particulier. Cela indique que les cryptomarchés sont vulnérables aux actions policières, même s’ils ont démontré leur capacité à attirer de nouveaux vendeurs lorsque les vendeurs établis sont retirés. 

  3. Les cryptomarchés sont des circuits de distribution relativement nouveaux pour les drogues illicites. Notre étude indique que les cryptomarchés ont changé à peu près au moment où le cannabis a été légalisé au Canada. Elle montre également que le marché canadien du cannabis sur les cryptomarchés est assez modeste. Il serait donc intéressant de surveiller les autres types de distribution en ligne du cannabis pour savoir si des échanges plus importants sont effectués à l’aide d’autres moyens technologiques, et si le même changement s’est produit sur les autres plateformes après la légalisation. Cette question pourrait être étudiée par la surveillance de magasins et petits sites Web détenus et exploités par une ou plusieurs personnes qui vendent de la drogue. En effet, un grand nombre de sites Web commerciaux qui annoncent du cannabis le vendent sous le couvert du cannabis à des fins médicales. Ces sites Web ont peut-être enregistré une augmentation des ventes après la légalisation et pourraient semer la confusion chez les Canadiens, qui peuvent penser que ces sites Web fournissent du cannabis légal, alors qu’ils s’approvisionnement en fait sur le marché noir. L’évaluation des réussites commerciales de ces sites Web peut être compliquée par l’absence de commentaires du public sur leur page Web. Pourtant, d’autres techniques comme les outils d’investigation de source ouverte (p. ex. Google Search Trends) offrent un aperçu de la montée ou de la chute du marché noir du cannabis au Canada.

L’incidence des politiques en matière de drogues sur les cryptomarchés est un domaine de recherche nouveau et sous-développé. Il faudrait investir des ressources dans une évaluation systématique de ces politiques sur les marchés en ligne et hors ligne.

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Annexe A

Liste des champs recueillis par DATACRYPTO

Nom des champs relatifs aux annonces

Description

PID

Identifiant unique

MARKETID

Identifiant unique du cryptomarché

TITLE

Titre de l’annonce

DESCRIPTION

Description de l’annonce

PRICE

Prix de l’article annoncé en $ US, converti selon le taux en vigueur à la date de la collecte de données

HISTORICAL_PRICE

Prix médian de tous les prix recueillis dans l’annonce

VOLUME

Volume (ou nombre) d’annonces

SHIP_FROM

Pays d’origine de l’annonce

SHIP_FROM_REGION

Région d’origine de l’annonce

SHIP_FROM_CONTINENT

Continent d’origine de l’annonce

SHIP_TO

Pays où la livraison est offerte

SHIP_TO_REGION

Région où la livraison est offerte

SHIP_TO_CONTINENT

Continent où la livraison est offerte

SID

Identifiant unique du vendeur

CATEGORY_GENERAL

Catégorie générale de l’annonce

CATEGORY_MID

Catégorie intermédiaire de l’annonce

CATEGORY_SPECIFIC

Catégorie précise de l’annonce

VARIA

Autre information disponible, qui varie d’un cryptomarché à un autre

 

Liste des champs recueillis par DATACRYPTO

Nom des champs relatifs aux vendeurs

Description

SID

Identifiant unique

USERNAME

Nom d’utilisateur du vendeur

DESCRIPTION

Description dans le profil

RATING

Notation sur une échelle de 1 à 5

JOIN_DATE

Date de création du compte du vendeur

LAST_SEEN

Date de la dernière session ouverte par le vendeur

VARIA

Autre information disponible, qui varie d’un cryptomarché à un autre

 

Liste des champs recueillis par DATACRYPTO

Nom des champs relatifs aux commentaires

Description

ID

Identifiant unique

PID

Identifiant unique du produit associé au commentaire

SID

Identifiant unique du vendeur associé au commentaire

DATE

Date d’affichage du commentaire sur le cryptomarché

USERNAME

Nom d’utilisateur (partiel ou complet) de l’acheteur

RATING

Notation (1-5 étoiles)

DESCRIPTION

Notation qualitative de l’acheteur

Annexe B

Typologie des vendeurs sur les cryptomarchés

Facteur

Le courtier en ligne

Le vendeur hybride

Le vendeur aux sources multiples

L’indépendant

Le vétéran

Le membre de groupe organisé

Sexe

-

-

-

Homme

Homme

Homme

Âge

-

-

-

20-30

50-60

20-30

Diplôme

-

-

-

Diplôme universitaire

Diplôme universitaire

Diplôme universitaire

Continent

Amérique du Nord

-

Amérique du Nord

Europe

Amérique du Nord

Europe

Année de début de la vente en ligne

2011

2015

2016

2012

2014

2015

Types de drogues vendues en ligne

Cannabis, ecstasy, champignons

Cannabis, amphétamine, ecstasy, LSD

Cannabis, champignons, médicaments d’ordonnance

Cannabis, amphétamine, ecstasy, médicaments d’ordonnance

Cannabis, ecstasy

Cannabis, amphétamine, cocaïne, ecstasy

Source des produits vendus

100 % en ligne

55 % en ligne, 40 % transactions en personne, 5 % marchés publics ouverts

10 % en ligne, 5 % transactions en personne, 50 % magasins, 35 % culture à domicile ou manufacturière

85 % transactions en personne, 15 % culture à domicile ou manufacturière

30 % en ligne, 55 % transactions en personne, 15 % culture à domicile ou manufacturière

90 % transactions en personne, 10 % culture à domicile ou manufacturière

Vend de la drogue hors ligne

Non

Oui

Oui

Non

Oui

Oui

Année du début de la vente hors ligne

S.O.

1996

2007

S.O.

1975

2012

Types de drogues vendues hors ligne

S.O.

Amphétamine, cannabis, ecstasy, autres drogues

Cannabis, ecstasy, champignons

S.O.

Cannabis, autres drogues

Cocaïne, ecstasy

Types de clients hors ligne

S.O.

Connaissances personnelles ou autres vendeurs connus

Connaissances personnelles ou autres vendeurs connus

S.O.

Connaissances personnelles ou autres vendeurs connus

Connaissances personnelles ou autres vendeurs connus

Répartition des revenus annuels

100 % provenant de la vente de drogues en ligne

-

60 % de la vente de drogues en ligne, 2 % de la vente de drogues hors ligne, 38 % de sources légitimes

70 % de la vente de drogues en ligne, 25 % d’autres activités illégales hors ligne

66 % de la vente de drogues en ligne, 33 % de la vente de drogues hors ligne

98 % de la vente de drogues en ligne, 2 % de la vente de drogues hors ligne

Membre d’un groupe criminel

Non

Non

Non

Non

Non

Oui

Notes

  1. 1

    L’information sur le cadre de légalisation dans chaque province et territoire est accessible à l’adresse suivante : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/drogues-medicaments/cannabis/lois-reglementation/provinces-territoires.html

  2. 2

    Idéalement, nous aurions automatisé ce processus à l’aide des méthodes d’analyse typologique, mais les données peu nombreuses ne se prêtaient pas à ces analyses.

  3. 3

    Le taux de change a été extrait le 31 mai 2019 à l’adresse suivante : https://www.xe.com/currencyconverter/convert/?Amount=1&From=‌USD‌&To=CAD.

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