Compte rendu présenté aux deux chambres du Parlement : Consultations prévues par la Loi sur les mesures d’urgence

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16 février 2022

Contexte et obligation de consulter

Le 14 février 2022, le gouverneur en conseil a déclaré l'état d'urgence aux termes de la Loi sur les mesures d'urgence. Selon l'article 25 de la Loi, le gouverneur en conseil est tenu de consulter le lieutenant-gouverneur en conseil de chaque province avant de faire une déclaration d'état d'urgence. Un compte rendu de ces consultations doit être déposé devant les deux chambres du Parlement dans les sept jours de séance suivant la déclaration, conformément à l'article 58 de la Loi.

Consultations

Depuis le début de la crise fin janvier, les ministres et hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral n'ont pas cessé de consulter les provinces et les territoires, les municipalités, et les organismes d'application de la loi pour évaluer la situation et leur offrir le soutien et l'aide du gouvernement du Canada. Le personnel du Cabinet du premier ministre et de divers cabinets de ministres fédéraux est en communication continue avec les cabinets des premiers ministres et des ministres provinciaux concernés. Voici quelques exemples de la façon dont nous avons consulté les partenaires provinciaux, municipaux et internationaux :

Des représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux ont aussi tenu des réunions multilatérales et bilatérales :

Le gouvernement du Canada a également engagé des discussions avec les dirigeants autochtones au sujet des blocages. Par exemple, le ministre des Relations Couronne-Autochtones s'est entretenu avec le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, le président de l'Inuit Tapiriit Kanatami, le président du Ralliement national des Métis, le grand chef d'Akwesasne et le grand chef de la Manitoba Southern Chief's Organization.

Les décisions sur les prochaines étapes et sur consulter les premiers ministres et premières ministres au sujet de la Loi sur les mesures d'urgence ont été prises à la lumière de tous les échanges que les ministres et hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral ont eus avec les provinces depuis le début de la crise.

Consultation des premiers ministres au sujet de la Loi sur les mesures d'urgence

Le premier ministre a convoqué une réunion des premiers ministres le 14 février pour consulter ces derniers sur la nécessité de déclarer l'état d'urgence en application de la Loi sur les mesures d'urgence. Il était accompagné du ministre des Affaires intergouvernementales, de l'Infrastructure et des Collectivités, du ministre de la Justice et solliciteur général du Canada et du ministre de la Sécurité publique. Tous les premiers ministres ont participé à cette réunion.

Le premier ministre a expliqué les raisons pour lesquelles la déclaration d'état d'urgence pourrait être nécessaire et a officiellement consulté les premiers ministres. Le ministre de la Justice a exposé les mesures que le gouvernement du Canada envisageait de prendre en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence pour compléter les mesures relevant de la compétence des provinces et réagir à la situation, qui est urgente et sans précédent. Le premier ministre a demandé quelles mesures additionnelles pouvaient être prises par l'entremise de la Loi sur les mesures d'urgence en utilisant des pouvoirs proportionnels et limités dans le temps.

Chaque premier ministre a eu l'occasion de donner son point de vue sur la situation actuelle – au pays et dans sa province ou son territoire – et sur la déclaration d'état d'urgence. Des points de vue et des perspectives variés ont été présentés lors de la réunion. Certains premiers ministres se sont montrés favorables aux mesures proposées, qu'ils considéraient comme nécessaires pour régler la situation actuelle, soulignant qu'elles seraient axées sur des secteurs précis, assorties d'échéances et assujetties à des échanges continus. D'autres premiers ministres estimaient que la Loi sur les mesures d'urgence n'était pas nécessaire pour le moment, soutenant que les gouvernements provinciaux et les administrations municipales disposaient de suffisamment de pouvoirs pour faire face à la situation dans leurs territoires respectifs. Certains premiers ministres ont indiqué craindre que la Loi sur les mesures d'urgence aggrave la situation.

Bien que les points de vue aient été exprimés de façon confidentielle lors de la réunion des premiers ministres, ces derniers ont présenté leurs perspectives dans des déclarations publiques à la suite de la réunion.

Au cours de la réunion des premiers ministres, le premier ministre du Canada a insisté sur le fait qu'il n'était pas encore parvenu à une décision définitive et que l'apport des premiers ministres provinciaux et territoriaux éclairerait la décision du gouvernement fédéral.

D'autres échanges avec les provinces ont eu lieu après la rencontre des premiers ministres et avant que le gouvernement fédéral annonce sa décision de déclarer l'état d'urgence le 14 février :

Le premier ministre a pris en considération tous les commentaires formulés lors de la réunion des premiers ministres, ainsi que les nombreuses autres sources d'informations et de renseignements. Le 14 février en fin de journée, il a annoncé son intention de mettre en œuvre la Loi sur les mesures d'urgence et de prendre des mesures temporaires ciblées pour compléter les pouvoirs provinciaux et municipaux.

Le 15 février, le premier ministre a écrit à tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux pour exposer les raisons pour lesquelles le gouvernement du Canada a décidé de déclarer l'état d'urgence et pour préciser les types de mesures qui pourront être prises en vertu de la Loi. Cette lettre répondait aux questions soulevées au cours de la discussion, notamment sur la question de savoir si la déclaration de l'état d'urgence devait s'appliquer partout au pays. Par exemple, la lettre soulignait que les mesures seraient appliquées à des secteurs ciblés; que les mesures viseraient à compléter, et non à remplacer, les pouvoirs provinciaux et municipaux; que ces outils pourraient être utilisés par les services de police locaux, à leur discrétion; et que la Gendarmerie royale du Canada ne serait mobilisée qu'à la demande des autorités locales. La lettre insistait également sur la volonté du gouvernement du Canada de collaborer avec les provinces et les territoires à l'égard de ces questions.

Prochaines étapes

Conformément aux exigences de la Loi sur les mesures d'urgence, le gouvernement du Canada est déterminé à travailler en consultation et en collaboration avec les provinces et les territoires pour veiller à ce que la réponse du gouvernement fédéral complète les efforts des gouvernements provinciaux et territoriaux. Des consultations continues seront également nécessaires s'il faut modifier ou prolonger les décrets pris en application de la Loi sur les mesures d'urgence.

Appuyés par leurs fonctionnaires, les ministres ont communiqué avec leurs homologues à la suite de la rencontre des premiers ministres, et ils continueront de mobiliser les provinces et les territoires de façon continue. Ils seront ainsi en mesure de réagir rapidement aux problèmes et aux situations qui se présentent. Voici les activités de mobilisation les plus récentes :

Le gouvernement du Canada continuera à recueillir et à examiner la rétroaction reçue dans le cadre de ces communications continues afin d'évaluer les décrets et les règlements pris en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence et d'assurer une réponse coordonnée et efficace au nom des Canadiens.

Annexe : Lettre du premier ministre du Canada aux premiers ministres des provinces et territoires

Monsieur le premier ministre

Avant tout, je souhaite vous remercier pour les échanges productifs que nous avons eus à la rencontre des premiers ministres du 14 février 2022, au cours de laquelle nous vous avons consulté à propos de la prise d'effet d'une déclaration d'état d'urgence en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence.

Beaucoup de Canadiens et de Canadiennes en ont assez de la pandémie et des perturbations qu'elle cause à leur vie depuis deux ans. Je suis moi-même de ce nombre. Bien que des gens aient pris part aux manifestations pour exprimer leur insatisfaction et leur frustration à l'égard des mesures sanitaires, il semble que ce ne sont plus ces sentiments qui motivent une bonne partie des manifestants et des organisateurs. Nous assistons en effet à des activités qui menacent notre démocratie et minent la confiance du public dans nos institutions.

Le gouvernement du Canada croit fermement au droit de manifester pacifiquement. Toutefois, tel que nous en avons discuté, les activités qui se déroulent actuellement à l'échelle du pays dépassent largement le cadre de ce qui pourrait être considéré comme des manifestations pacifiques. Il s'agit d'évènements concertés et la situation demeure instable. Le mouvement s'est amorcé à Ottawa, mais des situations semblables émergent maintenant dans presque toutes nos régions.

En bloquant les chaînes d'approvisionnement, ce mouvement perturbe considérablement notre économie. Il prive des Canadiens et des Canadiennes de leur gagne-pain, compromet notre sécurité économique et nationale, en plus d'avoir des répercussions potentiellement importantes sur la santé et la sécurité de la population. Il mine la réputation du Canada à l'étranger, met à mal les affaires et le commerce, et ébranle la confiance dans nos institutions.

Puisque la situation va en s'aggravant, nous devons tous et toutes envisager l'ensemble des mesures susceptibles de la régler dans les meilleurs délais. Nous estimons que nous sommes désormais en présence d'une situation d'urgence nationale causée par des menaces envers la sécurité du Canada. Le gouvernement du Canada a donc jugé qu'il est nécessaire d'agir afin de protéger la population canadienne et de préserver notre économie. Pour ce faire, nous avons déclaré l'état d'urgence en application de la Loi sur les mesures d'urgence.

La déclaration d'état d'urgence confère au Canada le pouvoir de prendre les mesures décrites au paragraphe 19(1) de la Loi sur les mesures d'urgence. Au cours de notre appel, le ministre Lametti a décrit six types de mesures temporaires permises en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence :

  1. Réglementer et interdire les assemblées publiques qui ont pour effet de troubler la paix, autres que les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord,

    Ce que nous voyons à Ottawa et sur le pont Ambassador ne constitue pas des manifestations légales. Des mesures pouvant être prises incluent : empêcher la participation de mineurs à une activité illicite; empêcher les ressortissants étrangers d'entrer au Canada pour participer à un rassemblement illégal; expulser des ressortissants étrangers du Canada quand cela s'avère nécessaire; allonger la liste des délits qui entraînent l'inadmissibilité à entrer au Canada.

  2. Désigner et aménager des lieux protégés où les blocages sont interdits

    Cela pourrait inclure l'application des mesures à des lieux bien délimités comme les frontières, les voies d'accès aux frontières, d'autres infrastructures essentielles ou la ville d'Ottawa.

  3. Ordonner à des personnes de fournir des services essentiels pour atténuer les répercussions des blocages sur l'économie du Canada

    Cela pourrait comprendre les conducteurs de dépanneuses et leur équipement, contre rémunération.

  4. Autoriser ou obliger les institutions financières à fournir des services essentiels pour atténuer les répercussions des blocages

    Ceci pourrait inclure la réglementation et l'interdiction de l'utilisation de certains biens qui servent à financer ou soutenir les blocages.

  5. Permettre à la Gendarmerie royale du Canada de faire appliquer les règlements municipaux et les lois provinciales, si le besoin s'en fait sentir et si les autorités locales le lui demandent

    Toutes les mesures adoptées en application de la Loi sur les mesures d'urgence seraient applicables par les services de police municipaux et provinciaux; la Gendarmerie royale du Canada pourrait prêter main-forte si on le lui demande.

  6. Imposer des amendes ou des peines d'emprisonnement en cas de contravention aux décrets ou règlements émis en vertu de l'article 19 de la Loi sur les mesures d'urgence

Notre gouvernement est conscient de l'importance de la coordination avec les provinces, les territoires ainsi que les municipalités pour garantir la sûreté et la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Des mesures ciblées, temporaires et proportionnées à la situation, prises en application de la Loi sur les mesures d'urgence, donneraient un appui supplémentaire aux services de police de votre province. Nous ne tentons ni de nous immiscer dans les champs de compétence des provinces et des territoires ni de remplacer les mesures que vous avez mises en place. Il s'agit plutôt pour le gouvernement fédéral de vous fournir des pouvoirs supplémentaires qui donneront à vos services de police tous les outils dont ils ont besoin pour faire respecter la loi et dénouer la crise que nous traversons. Nous ne proposons pas que la Gendarmerie royale du Canada ou une autre autorité supplante les services de police locaux; nous voulons en fait élargir l'éventail des outils dont disposent les forces de l'ordre à tous les niveaux. Nous souhaitons que l'intervention du gouvernement fédéral complète les mesures que votre gouvernement et vos municipalités prennent déjà pour apporter de la stabilité à notre pays. Le gouvernement fédéral demeurera à l'écoute de vos besoins en ressources et vous aidera, si vous en faites la demande, à composer avec la situation actuelle.

J'apprécie les points de vue que vous avez partagés hier lors de notre appel et je peux vous assurer qu'ils ont été pris en compte dans les approches que nous avons prises, en plus d'alimenter le rapport de consultation qui sera déposé avec la motion confirmant la déclaration. En plus des discussions que nous avons eues jusqu'à présent, des séances d'information et des discussions entre fonctionnaires dans les prochains jours seront utiles. La consultation et la coordination sur la mise en œuvre demeureront essentielles, ce qui cadre d'ailleurs avec les dispositions de la Loi sur les mesures d'urgence qui régissent les consultations.

Encore une fois, je vous remercie pour la discussion que nous avons eue au sujet de la Loi sur les mesures d'urgence.J'ai hâte d'en apprendre davantage sur votre point de vue au cours du processus de consultation que nous poursuivrons. Le gouvernement fédéral fera le suivi et évaluera continuellement l'application des pouvoirs conférés par la Loi sur les mesures d'urgence et se tiendra prêt à réagir pour répondre à tous les besoins exprimés par les premiers ministres des provinces et des territoires. De plus, le ministre de la Sécurité publique fera le point régulièrement avec ses homologues. Vous pouvez vous adresser à moi, ou encore aux ministres Lametti, Mendicino et LeBlanc, pour discuter plus avant de cette question.

Je transmets un exemplaire de cette lettre, à titre d'information, à David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada; Chrystia Freeland, vice‑première ministre et ministre des Finances; William Sterling Blair, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre de la Protection civile; Marco E. L. Mendicino, ministre de la Sécurité publique; et à Dominic LeBlanc, ministre des Affaires intergouvernementales, de l'Infrastructure et des Collectivités.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le premier ministre, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

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