L'incidence de la prison sur le comportement criminel

L'incidence de la prison sur le comportement criminel Version PDF (11 Ko)

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Vol. 4 No. 6
Novembre 1999

Question

L'augmentation de la durée de l'incarcération réduit-elle le comportement criminel des délinquants?

Contexte

L'emprisonnement vise de nombreux objectifs. Il montre d'abord que la société réprouve certains comporte-ments antisociaux et permet de retirer des individus de la société pendant un certain temps. Toutefois, la plupart des délin-quants sortiront de prison un jour ou l'autre. En conséquence, l'emprisonnement cherche également à les dissuader de récidiver.

L'emprisonnement est devenu une conséquence commune de la violation de la loi partout en Amérique du Nord. Le taux d'incarcération du Canada est élevé comparativement à celui d'autres pays industrialisés de l'hémisphère occidental, bien qu'il soit largement en deçà de celui des États-Unis. Non seulement l'emprison-nement est-il plus fréquent, mais il est imposé pour de plus longues périodes. On tient largement pour acquis que les peines plus longues sont plus punitives et qu'elles sont plus susceptibles de dissuader les délinquants de récidiver. Cependant, le recours accru à l'incarcération et l'impo-sition de peines plus longues comportent des coûts financiers et sociaux importants. Dans l'étude présentée ici, on examine si des peines plus longues réduisent la récidive et permettent d'atteindre l'objectif de dissuasion visé.

Méthode

Au cours d'un examen quantitatif (méta-analytique) des recher-ches, une cinquantaine d'études sur l'incidence de l'incarcération et des peines plus longues sur la récidive ont été analysées. Ces études décrivaient les écarts observés dans le recours à l'incarcération et dans la récidive. Pour être incluses dans l'examen, elles devaient porter sur une période de suivi minimale de six mois. Ainsi, une étude pouvait examiner les taux de récidive des délinquants condamnés à une peine d'incarcération de courte durée comparativement à ceux qui avaient purgé de longues peines. On a également utilisé des méthodes statistiques pour déterminer si la prison a un effet dissuasif sur les délinquants qui présentent des niveaux de risque de récidive différents. Par exemple, l'incarcération et des peines plus longues sont-elles plus efficaces pour les délinquants à risque élevé que pour les délinquants à faible risque?

Réponse

Les 50 études examinées portaient sur plus de 300 000 délinquants. Aucune des analyses effectuées n'a permis de conclure que l'emprisonnement réduit la récidive. En effet, le taux de récidive des délinquants emprisonnés était semblable à celui des délinquants condamnés à une peine communautaire. En outre, on n'a établi aucun lien entre des peines de longue durée et la réduction de la récidive. En fait, il semblerait plutôt que ce soit le contraire : les longues peines étant associées à une augmentation de 3 % de la récidive.

L'analyse des études axées sur le risque que présentent les délinquants n'a mis au jour aucun effet dissuasif de l'incarcéra-tion. Pour les délinquants à faible risque comme pour ceux à risque élevé, l'augmen-tation de la durée de la peine est associée à une légère augmentation de la récidive. Les délinquants à faible risque se sont montrés un peu plus enclins à commettre une nouvelle infraction que les délinquants à risque élevé. Cette constatation avalise quelque peu la théorie voulant que la prison serve, pour certains, " d'école du crime ".

Quel que soit le type d'analyse, on n'a rien trouvé qui prouvait que l'incarcération a un effet dissuasif sur le comportement criminel des délinquants.

Incidences sur les politiques

  1. Dans la plupart des cas, l'emprisonne-ment ne réduit pas la récidive. L'affirmation voulant qu'un recours accru à cette mesure permette de dissuader les criminels de retomber dans le crime est sans fondement empirique. On pourrait donc réserver l'emprisonnement aux seules fins de châtiment et de neutralisation sélective de ceux qui présentent les plus grands risques pour la société.
  2. Les coûts de l'emprisonnement doivent être évalués en regard de moyens plus rentables pour réduire la récidive et d'une utilisation judicieuse des fonds publics. Par exemple, une augmentation, même modeste, du recours à l'incarcé-ration peut drainer des ressources d'autres secteurs publics importants, comme la santé et l'éducation.
  3. Il ressort d'autres sources qu'il existe des moyens plus efficaces de réduire la récidive. Les programmes de traitement se sont révélés plus efficaces que l'imposition d'un châtiment plus rigoureux.

Source

Pour de plus amples renseignements

James Bonta, Ph.D.
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