Notre sécurité, nos droits : Livre vert sur la sécurité nationale de 2016
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Ce Livre vert a pour but d'engager une discussion et un débat au sujet du cadre de sécurité nationale du Canada, afin d'informer des changements de politique qui seront apportés à la suite du processus de consultation.
Message des ministres
Une des responsabilités fondamentales dont doit s'acquitter le gouvernement du Canada est de protéger notre sécurité, tant au pays qu'à l'étranger. Il est aussi tenu par l'obligation, toute aussi fondamentale, de respecter la Constitution du Canada, et de s'assurer que les lois adoptées veillent à préserver les droits et les libertés dont nous jouissons en tant qu'habitants d'un pays libre et démocratique.
Lorsque l'ancien projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015, a été déposé à la Chambre des communes en 2015, de nombreux Canadiens ont exprimé des préoccupations au sujet de la démarche du gouvernement à l'égard de ces responsabilités, et de la question de savoir si les mesures législatives proposées permettent de protéger de manière appropriée la sécurité et les droits. Ces préoccupations ne se sont pas estompées depuis l'adoption de la Loi antiterroriste de 2015.
Le gouvernement s'est engagé à faire preuve d'ouverture, de transparence et de responsabilisation. Cet engagement a été démontré dès le départ avec la diffusion publique des lettres de mandat du premier ministre à l'intention de ses ministres afin que la population canadienne sache quelles sont nos priorités. Comme il prend au sérieux les préoccupations soulevées à propos de la Loi antiterroriste de 2015, dans le cadre de nos lettres de mandat le gouvernement nous demande de travailler ensemble pour abroger les éléments problématiques de cette loi et pour proposer de nouvelles mesures législatives qui permettront d'accroître la responsabilisation et la sécurité nationale. À cet égard, nous prenons les engagements ci-après :
- garantir que tous les mandats du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) respectent la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte);
- faire en sorte que tous les Canadiens qui désirent défendre une cause et manifester de manière légitime puissent le faire;
- améliorer le processus de rectification du Programme de protection des passagers et examiner la question des concordances faussement positives;
- restreindre les définitions trop vagues, notamment définir plus clairement le terme « propagande terroriste »;
- instituer un examen obligatoire de l'ensemble des dispositions de la Loi antiterroriste de 2015 après trois ans.
De plus, nous établissons actuellement un comité législatif de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui aurait accès à un large éventail de renseignements classifiés afin d'examiner comment les institutions de sécurité nationale travaillent. Par ailleurs, nous mettons également sur pied le Bureau de la lutte contre la radicalisation menant à la violence (LRV) qui sera chargé d'effectuer la coordination nationale de la prévention de la radicalisation menant à la violence; de travailler avec des partenaires des collectivités, avec des provinces, des intervenants et des experts afin d'assurer la résilience des communautés; et enfin d'élaborer une stratégie nationale comportant des programmes, des politiques et des travaux de recherche.
Ce sont là nos engagements à ce jour, mais nous savons que davantage peut être fait. Ce travail n'est donc pas un simple exercice législatif consistant à abroger des dispositions et à en adopter de nouvelles. Notre objectif est de s'assurer que de bons outils soient à la disposition des responsables de la sécurité et de l'application de la loi et que ces outils soient appropriés et respectent les valeurs canadiennes.
Nous considérons cet exercice comme une occasion de faire participer les Canadiens à une discussion sur certains aspects de notre cadre de sécurité nationale. Ce type de discussion est nécessaire pour que les Canadiens soient bien informés des enjeux relatifs à la sécurité nationale et pour qu'ils puissent contribuer.
Pour qu'il vous soit plus facile de nous transmettre votre opinion, ce Livre vert a été préparé. Celui‑ci contient de l'information qui servira de fondement pour les consultations qui auront lieu au cours des prochains mois.
Nous espérons sincèrement que vous prendrez la peine de lire ce document et de participer à la discussion. Nous attendons avec intérêt vos contributions à cette initiative nationale qui est d'une importance capitale et qui arrive à point nommé. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que le gouvernement parvienne à l'établissement d'un cadre de sécurité nationale qui maintien la sécurité et respecte les droits.
L'honorable Ralph Goodale, C.P., député
Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile
L'honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée
Ministre de la Justice et Procureur général du Canada
Introduction
Au Canada, nous ne sommes pas à l'abri de la menace terroriste. Depuis la Loi antiterroriste de 2001, les menaces à l'endroit de notre sécurité nationaleet internationale ont continué d'évoluer.
De nouveaux groupes terroristes, y compris le soi-disant État islamique en Iraq et au Levant (EIIL), ont émergé et provoqué le chaos et la destruction dans de nombreuses parties du monde. Ce qui a été appelé l'EIIL sera appelé Daesh dans ce document. Un nombre croissant de Canadiens se sont rendus au Moyen‑Orient pour se joindre à des organisations terroristes, y compris Daesh. De plus, les discours extrémistes ont motivé un certain nombre de Canadiens à orchestrer et à perpétrer des attaques contre des cibles nationales.
En effet, la principale menace terroriste pour le Canada demeure la possibilité que des extrémistes violents lancent des attaques à l'intérieur de nos frontières.
Nos organismes de sécurité nationale se partagent le devoir d'assurer la sécurité des Canadiens, et c'est ce qu'ils font quotidiennement. Ce faisant, ces organismes sont eux‑mêmes assujettis aux mesures qui les rendent responsables aux Canadiens et à s'assurer que la primauté du droit est respectée.
Dans un monde d'incertitudes, de risques et de changements rapides, disposons‑nous des outils nécessaires pour assurer la sécurité des personnes, et utilisons‑nous tous nos outils de manière à également préserver nos valeurs?
Le gouvernement recommande vivement aux Canadiens d'avoir recours au présent processus de consultation pour être des partenaires actifs de la réorganisation de notre cadre de sécurité nationale. Nous voulons que les politiques soient plus éclairées et qu'elles reflètent davantage le caractère de notre pays.
Les efforts de lutte contre le terrorisme représentent un domaine de politique publique complexe et controversé. Les gens ont des points de vue fermes et des opinions claires, comme ils le devraient à l'égard d'enjeux aussi importants.
Chacun des chapitres suivants énonce brièvement les enjeux en cause et présentent les défis pertinents. D'autres documents disponibles en ligne, y compris un document de contexte, fournissent des renseignements plus détaillés et techniques au sujet de ces enjeux.
Nous vous invitons et vous encourageons à répondre en ligne et à nous faire part de votre opinion au sujet du présent Livre vert et des documents connexes. Vous pourrez nous faire part de vos commentaires jusqu'au 1er décembre 2016, date à laquelle le gouvernement entamera le processus d'élaboration de nouvelles dispositions législatives, des options stratégiques et/ou des programmes.
Nous avons la possibilité de concevoir le cadre de sécurité nationale que nous voulons pour notre pays, un cadre qui reflète les valeurs et les priorités des Canadiens ainsi que la nature et le caractère qui nous représentent et qui représentent la façon dont nous voulons vivre. Commençons.
Responsabilisation
Pour protéger notre sécurité nationale, un certain nombre d'organismes gouvernementaux se sont vu accorder le pouvoir de recueillir du renseignement et de mettre en application les lois. Une bonne partie de ce travail est très sensible et confidentiel.
Nous devons nous assurer qu'un système est en place pour garantir la responsabilisation de ces organismes. C'est de cette façon que les Canadiens sauront que nous exerçons nos pouvoirs en matière de renseignement et d'application de la loi avec grand soin, d'une manière qui est conforme à la Charte.
Surveillance ministérielle
En plus du premier ministre, deux ministres en particulier assument d'importantes responsabilités relativement à la sécurité nationale et la collecte de renseignement :
- Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est responsable de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et de Sécurité publique Canada.
- Le ministre de la Défense nationale est responsable du Centre de la sécurité des télécommunications (CST), du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes.
Tous les ministres sont responsables directement au Parlement en ce qui concerne les activités de leurs organismes.
La magistrature
Les tribunaux ont un important rôle à jouer au chapitre de la sécurité nationale.
Par exemple, ils se prononcent sur la question de savoir si un mandat doit être émis pour autoriser le recours à des pouvoirs intrusifs pour enquêter sur une menace. C'est là une des façons de nous assurer que nos efforts en matière de sécurité sont conformes à la Charte.
Les tribunaux examinent et jugent également si les méthodes utilisées pour mener des arrestations et des poursuites étaient justifiables et adéquates. De plus, ils ont le pouvoir d'offrir des recours dans les cas appropriés relatifs à une inconduite en matière d'application de la loi.
Examen indépendant
Il y a des organes d'examen indépendants et impartiaux qui examinent minutieusement les activités de certains organismes gouvernementaux. Leur tâche est de s'assurer que nos organismes de sécurité nationale et de renseignement exercent leurs activités :
- dans les limites de la loi;
- en conformité avec les directives établies par leur ministre.
Il existe trois organes d'examen de ce genre :
- La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes (CCETP), qui est responsable d'examiner les activités de la GRC;
- Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS), qui examine les opérations du SCRS;
- Le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications (BCCST), qui examine les activités du CST.
Ces trois organes d'examen ont pour mandat d'examiner les activités et de recevoir les plaintes. Chacun émet un rapport public annuel qui résume ses activités.
Parlement
Le Parlement demande aux ministres de rendre compte des activités des organismes dont ils sont responsables. De plus, il considère les dispositions législatives relatives aux enjeux touchant la sécurité nationale, débat de ces projets de loi et mène des votes à leur égard.
Les comités de la Chambre des communes et du Sénat peuvent aussi examiner les enjeux stratégiques liés à la sécurité nationale et mener des études sur les activités du gouvernement et sur les mesures législatives existantes ou proposées.
Actuellement, la plupart des parlementaires n'ont pas accès à l'information classifiée, ce qui limite leur capacité d'examiner pleinement les questions de sécurité nationale. Par conséquent, le gouvernement s'est engagé à créer un nouveau comité sur la sécurité nationale et le renseignement composé de parlementaires qui auront un vaste accès aux documents classifiés.
Agents du Parlement
Certains « agents du Parlement » ont le pouvoir d'examiner minutieusement les activités liées à la sécurité nationale.
Le commissaire à la protection de la vie privée, par exemple, peut examiner de quelle manière les renseignements personnels sont traités. Le commissaire à l'information peut mener une enquête au sujet des plaintes concernant les demandes d'accès à l'information. De plus, le vérificateur général peut effectuer des contrôles d'optimisation des ressources sur les programmes de sécurité nationale.
Commissions d'enquête
Des commissions peuvent être établies dans le but d'enquêter de façon impartiale au sujet de questions d'importance nationale. Au cours de la dernière décennie, trois commissions d'enquête distinctes ont examiné certains organismes de sécurité nationale. Ces trois commissions d'enquête sont les suivantes :
- la Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar;
- l'Enquête interne sur les actions des responsables canadiens relativement à Abdullah Almalki, à Ahmad Abou‑Elmaati et à Muayyed Nureddin;
- la Commission d'enquête relative aux mesures d'investigation prises à la suite de l'attentat à la bombe commis contre le vol 182 d'Air India.
Prévention
Au cours des dernières années, nous avons tous entendu parler du concept de « radicalisation menant à la violence ». Il s'agit d'un processus par lequel une personne ou un groupe de personnes adoptent une croyance ou une idéologie qui les mènent à l'extrémisme, à la violence et, ultimement, à des activités terroristes.
Ce n'est pas un crime d'être radical, ni d'avoir des pensées ou des idées radicales. Cependant, en tant que société, notre objectif doit être d'empêcher la violence sous toutes ses formes, y compris les actes de violence commis au nom d'idéologies ou de croyances radicales, et les activités qui appuient de tels actes de violence, comme la facilitation et le financement.
Pour ce faire, nous devons mieux comprendre comment et pourquoi la radicalisation menant à la violence se matérialise. De plus, nous devons nous questionner : que pouvons‑nous faire de plus pour empêcher les gens de se radicaliser à la violence?
Voici ce que nous savons :
- Les membres de la famille et les amis sont souvent les premiers à être témoins des premiers pas d'une personne sur le chemin de la radicalisation menant à la violence, et peuvent être en meilleure posture pour la tenir à l'écart de ce chemin.
- La radicalisation menant à la violence est souvent encouragée par des « discours » qui réduisent les événements mondiaux à quelques idées simplistes.
- Elle prend souvent forme dans des réseaux et des communautés, tant physiques que virtuels (Internet joue souvent un rôle important).
- La radicalisation menant à la violence peut être incitée par des amis, des mentors ou d'autres personnes qui ont de l'influence.
- L'association avec des personnes radicalisées peut influencer d'autres individus à adopter un point de vue semblable.
Que faisons-nous actuellement?
Au gouvernement du Canada, un certain nombre d'organismes jouent un rôle pour contrer la radicalisation menant à la violence :
- La GRC forme des agents afin qu'ils puissent reconnaître les signes précurseurs de la radicalisation. Elle mène également des interventions afin de dissuader ceux qui sont sur le chemin de la violence.
- Le Service correctionnel du Canada procède à des interventions adaptées aux personnes incarcérées qui se sont radicalisées à la violence ou qui sont susceptibles de le faire.
Que pouvons-nous faire de plus?
Le gouvernement a consacré 35 M$ sur cinq ans à la création d'un bureau de sensibilisation communautaire et de lutte contre la radicalisation menant à la violence.
Les activités qui pourraient être soutenues par ce bureau pourraient inclure les suivantes :
- Collaboration avec les collectivités : Permettre aux dirigeants locaux de renforcer la résilience communautaire et d'élaborer des programmes d'intervention précoce peut être un moyen efficace d'empêcher la radicalisation menant à la violence.
- Participation des jeunes : La radicalisation menant à la violence est disproportionnellement commune chez les jeunes au Canada; il est important de sensibiliser et de soutenir les jeunes d'une manière qui leur sera significative.
- Messages alternatifs : La promotion de messages alternatifs positifs par des intervenants crédibles est une manière de réduire l'influence qu'ont les messages radicaux et violents.
- Recherche émergente : En collaborant avec des universitaires, des groupes de réflexion et d'autres Canadiens, nous pouvons réunir des pratiques exemplaires et nous assurer que les moyens les plus efficaces sont employés pour lutter contre la radicalisation menant à la violence. Le fait de savoir ce qui fonctionne nous aidera à orienter nos politiques dans ce domaine à l'avenir.
Réduction de la menace
Voici de quelle manière notre système a fonctionné au cours des 30 dernières années :
- Le SCRS recueille de l'information sur les menaces soupçonnées à la sécurité du Canada et des Canadiens, ici et à l'étranger.
- Le SCRS informe les autres organismes du gouvernement, tels que les responsables de l'application de la loi, des menaces.
- Ces autres organismes agissent en fonction de l'information.
Lorsque le projet de loi C-51 (la Loi antiterroriste de 2015) a été adopté, le SCRS a reçu un nouveau mandat de prendre des mesures directes pour réduire les menaces à la sécurité du Canada. C'est ce qu'on appelle la « réduction de la menace » ou la « perturbation ». Ces menaces sont définies dans la Loi sur le SCRS et n'ont pas changé depuis les 30 dernières années.
Soyons clairs, le SCRS ne peut pas mettre des personnes en état d'arrestation. Cependant, il est maintenant investi du pouvoir de prendre des mesures en temps opportun pour réduire une menace, par exemple en perturbant les transactions financières ou en nuisant aux communications des terroristes.
Pour enquêter, le SCRS doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu'une activité est une menace. En ce qui concerne les mesures de réduction des menaces, le SCRS doit se conformer à un seuil plus élevé; il doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une activité est une menace.
Toutes les mesures de réduction des menaces doivent être raisonnables et proportionnelles dans les circonstances et font l'objet de restrictions explicites. Selon la directive du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le SCRS doit aussi procéder à une évaluation du risque, et consulter des organismes d'application de la loi et autres, tel qu'approprié, pour chaque mesure de réduction des menaces.
Selon les mesures qu'il prévoit adopter, la loi exige que le SCRS puisse devoir obtenir un mandat pour procéder, particulièrement si les mesures risquent potentiellement de porter atteinte aux droits des Canadiens, tels qu'ils sont enchâssés dans la Charte.
Communication interne d'information sur la sécurité nationale
Les menaces à la sécurité nationale peuvent émerger et évoluer rapidement. L'information doit être recueillie et échangée entre les organismes gouvernementaux pour assurer une pleine compréhension d'une menace potentielle, puisque divers organismes peuvent disposer de différentes informations au sujet de la situation dans son ensemble.
Il existe des règles qui touchent le pouvoir du gouvernement de communiquer de l'information, particulièrement l'information qui peut avoir une incidence sur les droits à la vie privée des personnes.
Toutefois, ces règles sont complexes. Il est parfois difficile pour un organisme de savoir s'il peut communiquer de l'information à un autre organisme, et dans certains cas, il n'est pas autorisé à le faire. Cela peut avoir une incidence sur ce dont nous savons au sujet d'une nouvelle menace à la sécurité nationale et sur notre manière d'y réagir.
Voici quelques éléments de contexte importants : la Loi sur la protection des renseignements personnels régit la gestion gouvernementale des renseignements personnels, y compris leur collecte, leur utilisation et leur divulgation. La divulgation n'est pas autorisée sans le consentement de la personne concernée, sauf dans certaines circonstances, dont certaines peuvent s'appliquer à la communication d'information sur la sécurité nationale.
Par exemple, le ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada communiquera au SCRS certains renseignements personnels concernant les demandeurs de résidence permanente dans notre pays. Cela favorise les contrôles de sécurité plus efficaces.
La Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada
Le projet de loi C-51 (la Loi antiterroriste de 2015) a créé à la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada (LCISC), qui a établi des pouvoirs supplémentaires pour la communication d'information sur la sécurité nationale. Elle donne à toutes les institutions fédérales un nouveau pouvoir explicite de communiquer de l'information relative à une « activité portant atteinte à la sécurité du Canada » à certaines institutions fédérales désignées assumant des responsabilités en matière de sécurité nationale.
Ce qui est important de retenir, c'est que cela n'inclut pas les activités de protestation, de défense d'une cause, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique. L'information au sujet de ces activités ne peut être communiquée en vertu de la LCISC.
Programme de protection des passagers
Protéger les passagers aériens est une responsabilité clé du gouvernement du Canada. Nous devons aussi faire face à la menace que posent les personnes qui voyagent à l'étranger, vers des pays comme la Syrie et l'Iraq, pour prendre part à des actes de terrorisme.
Ces personnes peuvent participer à des formations, des collectes de fonds et d'autres activités au nom de groupes terroristes, comme Daesh. Il existe également un risque que, à leur retour au Canada, ces personnes puissent lancer ou inspirer des attaques ici.
En vertu de la nouvelle Loi sur la sûreté des déplacements aériens (LSDA), laquelle est entrée en vigueur avec l'adoption du projet de loi C-51, le gouvernement peut avoir recours au Programme de protection des passagers (PPP), un programme de contrôle de l'identité des passagers aériens, pour identifier les personnes qui posent une menace à la sécurité du transport ou qui cherchent à voyager pour commettre certaines infractions de terrorisme.
Ces personnes figurent sur ce qu'on appelle au gouvernement la « liste établie en vertu de la LSDA » (appelée familièrement la « liste d'interdiction de vol »).
Les personnes qui figurent sur cette liste peuvent faire l'objet d'un éventail de mesures visant à atténuer la menace qu'elles posent, y compris se voir refuser l'embarquement dans un aéronef, ou avoir à se soumettre à des mesures de contrôle supplémentaires.
Cette liste doit être révisée tous les 90 jours pour s'assurer qu'il y a encore des motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne pose une menace.
Quiconque se voit refuser l'embarquement dans un aéronef a le droit de présenter une demande au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile pour que son nom soit retiré de la liste établie en vertu de la LSDA, et si sa demande est refusée, de faire appel de la décision à la Cour fédérale.
Des faux positifs se produisent à l'occasion. Cela peut engendrer des retards pour les déplacements aériens. Le gouvernement s'est engagé à introduire un nouveau, et plus efficace, programme de rectification pour régler le problème des faux positifs de noms avec la liste établie en vertu de la LSDA.
Mesures de lutte contre le terrorisme prévues au Code criminel
Depuis 2001, un certain nombre de personnes ont été déclarées coupables d'une infraction de terrorisme au Canada. Certaines ont été condamnées à l'emprisonnement à perpétuité. Notre Code criminel prévoit un vaste éventail de pouvoirs antiterroristes relatifs à l'application de la loi et énumère une liste d'infractions liées au terrorisme.
En raison de la Loi antiterroriste de 2015, le Code criminel a été modifié de manière à :
- faire en sorte qu'il soit plus facile d'empêcher l'exécution d'activités terroristes ou d'infractions de terrorisme;
- rendre criminel le fait de préconiser ou de fomenter des infractions de terrorisme;
- donner aux tribunaux le pouvoir d'ordonner la saisie ou la confiscation de propagande terroriste;
- accorder une protection supplémentaire aux témoins et aux autres participants dans les instances relatives à la sécurité nationale.
Jetons un coup d'œil à chacune de ces modifications, une par une.
Conditions raisonnables
De façon générale, le droit criminel canadien met l'accent sur les poursuites pour des infractions qui ont déjà eu lieu. Cependant, les tribunaux peuvent aussi imposer des conditions raisonnables à une personne en vue de réduire le risque que la personne commette une infraction.
Lorsqu'il est question de terrorisme potentiel, les organismes d'application de la loi ont deux outils qu'ils peuvent utiliser s'ils obtiennent l'approbation d'un juge :
- L'engagement assorti de conditions, qui autorise la police à intervenir et à demander au tribunal d'imposer des conditions à une personne soupçonnée d'être liée d'une certaine manière à des activités terroristes.
- L'engagement de ne pas troubler l'ordre public en matière de terrorisme, qui est utilisé pour empêcher une personne de commettre une infraction de terrorisme, comme quitter le Canada pour commettre une infraction pour un groupe terroriste.
Avec l'adoption du projet de loi C-51, il est devenu plus facile pour la police de présenter une demande pour avoir recours à ces deux outils et de les utiliser.
Par exemple, le seuil pour obtenir un engagement assorti de conditions a été abaissé pour s'appliquer aux situations où un responsable de l'application de la loi croit « à la possibilité qu'une activité terroriste soit entreprise » et est d'avis que l'engagement « aura vraisemblablement pour effet d'empêcher » l'activité terroriste, au lieu des seuils précédents qui contenaient les expressions « sera entreprise » et « nécessaire pour éviter ».
Et un engagement de ne pas troubler l'ordre public en matière de terrorisme peut maintenant être obtenu dans des cas où un responsable de l'application de la loi craint à « la possibilité qu'une personne commette » ─ plutôt que « commettra » ─ une infraction de terrorisme.
Les personnes qui sont visées par un engagement assorti de conditions ou un engagement de ne pas troubler l'ordre public en matière de terrorisme s'exposent à la possibilité d'être détenues et de voir d'autres restrictions s'appliquer à leur liberté, sans avoir été accusées ou reconnues coupables d'une infraction.
Préconiser des infractions de terrorisme
Il est maintenant considéré comme une infraction criminelle le fait pour une personne de sciemment préconiser la perpétration d'infractions de terrorisme en général. La personne doit savoir qu'une infraction sera commise ou ne pas se soucier de savoir si une infraction pourrait être commise en raison de ce qu'elle dit ou écrit.
Saisie et confiscation de propagande terroriste
Il existe deux nouveaux mandats en vertu du Code criminel qui autorisent la police à saisir de la propagande terroriste. Il s'agit de matériel qui encourage la perpétration d'une infraction de terrorisme en particulier, ou d'infractions de terrorisme en général. Ce matériel peut être sous forme imprimée, audio ou vidéo, ou peut être sous forme électronique sur Internet.
Des modifications connexes ont été apportées au Tarif des douanes pour aussi permettre aux agents de l'ASFC de saisir de la propagande terroriste importée au Canada, et ce, sans mandat, tout comme cela en est le cas pour d'autres objets de contrebande.
Protection des témoins et d'autres participants dans le système de justice
En vertu de la Loi antiterroriste de 2015, des mesures améliorées sont maintenant en place pour protéger les témoins et d' autres participants dans les instances touchant la sécurité nationale.
Par exemple, les juges peuvent maintenant ordonner que les gens témoignent derrière un écran pour dissimuler leur identité, qu'ils utilisent un pseudonyme, ou qu'ils portent un déguisement. De plus, il y a un plus large éventail de circonstances dans lesquelles des accusations peuvent être portées contre ceux qui tentent d'intimider les participants dans le système de justice.
Procédures d'inscription à la liste des entités terroristes
Le fait d'inscrire officiellement sur la liste une personne ou un groupe désigné comme une « entité terroriste » est un moyen de restreindre l'appui qu'il reçoit et de rendre publique son implication dans le terrorisme.
La méthode d'inscription la plus commune est par l'entremise du Code criminel. Si une personne ou un groupe figure sur la liste des entités terroristes en vertu du Code criminel, ses fonds sont gelés immédiatement et peuvent également être saisis et confisqués.
Il y a actuellement plus de 50 entités terroristes qui ont été inscrites à la liste de cette manière. Il y a entre autres Al-Qaïda, les talibans, Daesh et Boko Haram.
De quelle manière un groupe est‑il inscrit sur la liste?
Tout commence par une enquête menée par la GRC ou le SCRS. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile peut alors recommander au Cabinet d'inscrire l'entité sur la liste, pour autant qu'il existe des motifs raisonnables de croire que l'entité :
- s'est sciemment livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l'a facilitée;
- a sciemment agi au nom d'une entité, sous sa direction ou en collaboration avec l'entité qui s'est sciemment livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l'a facilitée.
Plusieurs des plus proches alliés du Canada conservent des listes semblables d'entités terroristes.
Financement terroriste
Les entités terroristes amassent, collectent et transfèrent des fonds dans le monde entier pour financer leurs attaques et soutenir leurs opérations quotidiennes. Elles se servent de tout, du système bancaire officiel, des entreprises de transfert de fonds, même du transfert physique de l'or.
Le financement est vital pour ces organisations et pour les actes de violence qu'elles commettent. Il est donc important que nous les privions de l'argent dont elles ont besoin pour planifier et mener à bien leurs activités.
L'approche du Canada visant à couper les fonds aux groupes terroristes fait intervenir 11 ministères et organismes. De plus, les fournisseurs de services financiers, comme les banques, ont l'obligation de connaître leurs clients, de tenir des registres et de faire état de certaines transactions pour aider à repérer le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes.
Les organismes d'application de la loi et de renseignement peuvent utiliser certains renseignements provenant de ces rapports pour les aider à cibler et à perturber les activités terroristes.
Une des difficultés à laquelle font face le Canada et d'autres pays avancés est le rythme avec lequel évolue le secteur financier. Il peut être difficile de rester au fait des avancées technologiques en matière de finances et des nouvelles plateformes qui pourraient être exploitées pour le financement des activités terroristes.
Capacités d'enquête dans le monde numérique
Nous vivons dans un monde numérisé et extrêmement connecté où l'innovation technologique progresse continuellement, ce qui fait progresser notre qualité de vie, mais fait également évoluer les menaces à notre sécurité.
Les mêmes technologies que nous utilisons et dont nous dépendons tous les jours, soit les téléphones intelligents, les ordinateurs portatifs et autres, peuvent être exploitées par les terroristes et d'autres criminels pour coordonner, financer et mener leurs attaques ou leurs activités criminelles.
Nous attachons une grande valeur à notre votre vie privée, et avec raison. Cependant, nous nous attendons à ce que nos enquêteurs responsables de l'application de la loi et de la sécurité nationale soient aussi efficaces à maintenir notre sécurité dans le monde numérique qu'ils le sont dans le monde physique.
Toutefois, nos lois régissant comment l'information peut être collectée et ensuite utilisée à la cour en tant que preuve ont été rédigées avant que la vitesse d'apparition de nouvelles technologies devienne une considération à cet égard. Alors qu'ils sont confrontés à des menaces en évolution, les enquêteurs se préoccupent de quatre problèmes principaux :
- l'accès inconstant et lent aux renseignements de base sur les abonnés pour aider à identifier qui a utilisé un service de communication particulier à un moment précis;
- le manque d'une exigence générale pour que les réseaux de télécommunications intérieurs maintiennent une capacité technique pour intercepter des messages;
- l'utilisation de techniques de chiffrement avancées qui peuvent rendre des messages illisibles;
- la conservation peu fiable et inégale de données de communications.
Examinons de plus près chacun de ces quatre défis :
Renseignements de base sur les abonnés
Tout comme consulter une adresse dans un bottin téléphonique ou vérifier un numéro de plaque d'immatriculation, le fait d'accéder aux renseignements de base sur les abonnés constitue une méthode pour les enquêteurs responsables de l'application de la loi et de la sécurité nationale d'identifier une personne. Cependant, des décisions judiciaires canadiennes ont renforcé le besoin d'avoir des protections appropriées pour les renseignements de base sur les abonnés, dont certains—lorsque combinés à d'autres informations—pourraient révéler des détails au sujet des activités d'une personne. Ces décisions et le manque d'une loi claire régissant l'accès aux renseignements de base sur les abonnés ont compliqué l'accès par les responsables de l'application de la loi à ces renseignements en temps opportun et de manière efficace. Certains autres pays autorisent les services de police et les organismes de renseignement à accéder aux renseignements de base sur les abonnés sans passer par un tribunal.
Capacité d'interception
Avec une autorisation légale, la capacité d'intercepter des communications est un outil précieux aux enquêtes liées à la sécurité nationale et à la criminalité. Toutefois, certains fournisseurs de services de communications sont incapables de se conformer à des ordonnances de la cour parce qu'ils ne maintiennent pas une capacité technique à cet effet. Leur incapacité à intercepter les communications peut faire en sorte que des renseignements et des éléments de preuve clés sont manqués.
Chiffrement
La technologie de chiffrement peut être utilisée comme un moyen d'éviter d'être exposé ou de faire l'objet d'enquêtes et de poursuites. Après que les enquêteurs aient obtenu les autorisations légales nécessaires et aient procédé à une interception ou une saisie, l'information obtenue peut être indéchiffrable en raison du chiffrement. Actuellement, il n'existe aucune procédure juridique conçue pour obliger une personne ou une organisation à déchiffrer son matériel.
Conservation des données
La conservation des données se rapporte au stockage de renseignements sur les télécommunications, ce qui permet d'assurer le suivi des numéros de téléphone qu'a composés une personne, par exemple, ou de la durée des appels. Les données de téléphone et d'Internet de ce genre peuvent être essentielles pour des enquêtes efficaces. Toutefois, il n'existe aucune exigence générale obligeant les fournisseurs de services de communications à conserver ces renseignements. Certains les suppriment presque immédiatement. D'autres les utilisent à des fins commerciales qui leur sont propres, et ensuite les suppriment.
Ces défis et d'autres sont amplifiés par le fait que les données peuvent traverser instantanément les frontières nationales. Des fournisseurs de services de communications peuvent offrir des services au Canada, sans que leur entreprise se trouve ici, et par conséquent peuvent échapper à la portée de la loi canadienne.
Renseignement et preuve
Nous voulons tous nous assurer que l'information sur la sécurité nationale du Canada est protégée. En effet, le gouvernement a l'obligation de protéger les sources, les capacités et les techniques sensibles. En même temps, il existe des cas où cette information peut être nécessaire à des instances judiciaires.
Il existe des cadres qui régissent la protection et l'utilisation de l'information sur la sécurité nationale dans un éventail d'instances judiciaires. Pour la plupart, un juge de la Cour fédérale doit décider si la divulgation de l'information peut porter atteinte à nos relations internationales, à notre sécurité nationale ou à notre défense nationale. Si c'est le cas, le juge doit alors examiner si l'intérêt public à l'égard de la divulgation l'emporte sur l'intérêt public à l'égard de la protection.
Parfois, cela signifie qu'un tribunal pénal peut être incapable d'entendre l'information sur la sécurité nationale et être obligé de s'appuyer plutôt sur un sommaire non classifié. Il se pourrait également que, dans le cadre d'une poursuite civile, un demandeur n'ait pas un accès complet à l'information requise pour préparer son cas, ou un défendeur peut être dans l'incapacité de préparer une défense adéquate. Cela soulève la question de savoir si justice peut vraiment être rendue dans ces exemples.
Il y a également des répercussions en ce qui concerne les instances en immigration, où de l'information classifiée est parfois utilisée. Un bon exemple de cela est ce qu'on appelle une « procédure portant sur les certificats de sécurité » au cours de laquelle le gouvernement fait valoir qu'un non-citoyen est interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité, d'atteinte aux droits humains ou internationaux, de grande criminalité ou de criminalité organisée.
Dans ces cas, un juge de la Cour fédérale tranche la question de savoir si le certificat est raisonnable. L'ancien projet de loi C-51 a apporté des changements aux instances en immigration s'appuyant sur de l'information classifiée afin de mieux protéger ce type d'information.
Conclusion
Nous invitons tous les Canadiens à examiner les questions soulevées dans le présent Livre vert et à lire le document de contexte plus long et complet, qui comprend plus de détails et un certain nombre de scénarios qui aident à illustrer ce qui est en jeu alors que nous travaillons à améliorer notre cadre de sécurité et de renseignement.
Avant tout, nous encourageons les Canadiens à faire connaître leurs opinions, leurs idées et leurs solutions potentielles.
Comme point de départ, voici quelques questions à examiner :
- Quelles mesures le gouvernement devrait-il prendre pour renforcer la responsabilisation des institutions de sécurité nationale au Canada?
- La prévention de la radicalisation menant à la violence aide à assurer la sécurité de nos collectivités. Quels efforts particuliers de prévention le gouvernement devrait-il déployer?
- Dans un environnement où la menace terroriste évolue, le gouvernement a-t-il ce dont il a besoin pour protéger la sécurité des Canadiens tout en protégeant les droits et libertés?
- Avez-vous d'autres idées ou commentaires sur les thèmes présentés dans ce Livre vert et le document de contexte?
Ce ne sont que des suggestions pour entamer le dialogue alors que nous demandons aux Canadiens de contribuer de manière significative au processus.
Invariablement, les points de vue différeront. Nous n'avons pas tous la même opinion de ce qui est justifié et de ce qui est raisonnable. Il y aura des opinions bien arrêtées sur les outils qui devraient être mis à la disposition du gouvernement et de ses organismes de sécurité et de renseignement, et ceux qui ne le devraient pas.
Mais c'est ce que nous recherchons. Nous voulons entendre vos opinions et celles de vos concitoyens canadiens.
N'oubliez pas notre double objectif :
- assurer la sécurité des Canadiens de manière efficace;
- protéger nos valeurs, nos droits et libertés ainsi que le caractère ouvert, inclusif et démocratique de notre pays.
Nous tenons à examiner attentivement les résultats des consultations à même que nous travaillons à apporter des améliorations significatives aux lois et procédures du Canada en matière de sécurité nationale.
Vous pouvez répondre aux questions en ligne à l'adresse : Canada.ca/consultation-securite-nationale
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