Évaluation du risque que présentent les agresseurs en général et les partenaires violents 2004-04

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Remerciements

Nous remercions particulièrement Bill Sedo et Ron Coles, qui ont tous deux contribué à l'obtention de l'information sur la gestion du risque concernant les probationnaires. Nous tenons également à souligner le travail de nos assistants de recherche, Tiffany Davis, Erik Gaudreault et Kim Smallshaw, qui ont codé les données sur la récidive, ainsi que celui de Karl Hanson et Annie Yessine, qui ont formulé d'utiles commentaires sur une version préliminaire du présent rapport.

Les opinions exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique et Protection civile Canada ni celles du ministère de la Justice du Manitoba (Services correctionnels).

Résumé

L'évaluation du risque et des besoins occupe une place de premier plan dans la classification des délinquants et la gestion de leur cas; elle contribue en effet à l'assignation du niveau de surveillance et à l'imposition de services. Même s'il est possible de faire des prévisions relatives à la récidive criminelle générale au moyen d'instruments d'évaluation du risque et des besoins, ces outils-là ont beau être validés, souvent on estime qu'ils ne permettent pas de prévoir adéquatement la récidive avec violence. En conséquence, il n'est pas rare que les autorités procèdent à des évaluations spécialisées du risque et des besoins auprès des délinquants violents, convaincues que ces instruments améliorent la prévision de certaines infractions avec violence, par exemple l'agression sexuelle, la violence conjugale et les voies de fait.

Le présent rapport décrit deux études dans lesquelles deux outils d'évaluation spécialisés ont fait l'objet d'un contrôle : l'Évaluation secondaire du risque de voies de fait (ESR-Voies de fait) et l'Évaluation secondaire du risque de violence conjugale (ESR-VC). L'ESR-Voies de fait a été conçue à l'intention des délinquants généralement violents (pour des infractions autres que l'agression sexuelle et les voies de fait envers le conjoint). Quant à l'ESR-VC, elle a été conçue pour évaluer les délinquants qui recourent à la violence dans leurs relations intimes. Ni l'un ni l'autre instrument n'ont été validés par des recherches antérieures.

Dans la première étude, nous examinons l'exactitude prédictive de l'ESR-Voies de fait et la comparons à un outil général d'évaluation du risque et des besoins : l'Évaluation primaire du risque (EPR). L'échantillon se compose de 444 probationnaires violents, du Manitoba, qui ont été suivis pendant deux ans. Selon les résultats, l'ESR-Voies de fait (r = 0,30, p < 0,01) et l'EPR (r = 0,30, p < 0,01) se valent pour prévoir la récidive avec violence. Quelques révisions mineures ont été apportées à l'ESR-Voies de fait à la suite de l'examen de ses éléments constitutifs; ces révisions n'ont cependant eu qu'une incidence mineure sur l'exactitude de l'instrument pour prévoir la récidive avec violence (r = 0,34, p < 0,01). À la suite d'analyses supplémentaires, nous avons désigné trois éléments qui pourraient être ajoutés à l'EPR afin d'améliorer cet instrument général pour la prévision de la violence. Toutefois, ces ajouts n'ont entraîné à leur tour que des améliorations mineures à l'exactitude prédictive de l'instrument.

Dans la deuxième étude, nous nous sommes penchés sur l'exactitude de l'ESR-VC et de l'EPR pour la prévision de la violence conjugale. L'échantillon comprenait 613 probationnaires ayant déjà fait preuve de violence dans leurs relations intimes avec leur conjoint ou suscitant des inquiétudes en ce sens. Les résultats du suivi, qui s'est étalé sur deux ans, révèlent que les scores totaux obtenus à l'ESR-VC (r = 0,13, p < 0,01) et à l'EPR (r= 0,12, p < 0,01) sont statistiquement significatifs, mais qu'ils ne permettent guère de prévoir la récidive dans la violence conjugale. L'analyse des éléments de l'ESR-VC révèle qu'un seul de ses 12 éléments constitutifs permet de prévoir la récidive dans la violence conjugale. Ces résultats donnent à penser que l'on peut s'interroger sur l'opportunité de continuer de recourir à l'ESR-VC.

Ensemble, ces études portent à croire que les deux échelles spécialisées d'évaluation du risque et des besoins présentées dans ce rapport n'ont pas ajouté grand chose de significatif à l'exactitude des instruments généraux d'évaluation pour la prévision du risque et des besoins. En outre, l'ESR-VC n'a pas particulièrement bien réussi à prévoir la récidive sur le plan de la violence conjugale. Ces résultats soulignent l'importance de poursuivre l'évaluation, quel que soit l'instrument d'évaluation utilisé, afin que l'instrument en question soit confirmé empiriquement.

Évaluation du risque que présentent les agresseurs en général et les partenaires violents

La classification des délinquants est indispensable à l'efficacité dans la prestation des services correctionnels. C'est grâce à de bons systèmes de classification que l'on détermine les niveaux de surveillance adéquats ainsi que le type de programmes correctionnels nécessaires pour réduire la récidive et l'intensité de ces programmes. Les recherches ont montré que le risque de récidive varie d'un délinquant à l'autre et que l'on arrive à évaluer ce risque avec fiabilité et exactitude. L'évaluation du risque peut comporter à la fois des facteurs de risque statiques (l'âge et les condamnations antérieures, par exemple) et des facteurs dynamiques (l'emploi et la toxicomanie, par exemple). On appelle généralement besoins criminogènes les facteurs de risque dynamiques. Les études donnent à penser qu'en ciblant les besoins criminogènes à un niveau d'intensité correspondant au niveau de risque que présente le délinquant, les programmes correctionnels ouvrent la voie à une réduction substantielle de la récidive (pour une analyse détaillée de la question, voir Andrews et Bonta, 2003).

L'évaluation du risque est un volet important de la classification du risque (les autres volets incluent par exemple l'évaluation des besoins et la disponibilité des ressources). Quand il s'agit d'évaluer le risque que présente un délinquant, l'évaluation actuarielle est supérieure au jugement clinique non structuré (Grove, Zald, Lebow, Snitz et Nelson, 2000). Les méthodes actuarielles font appel à des critères explicites pour l'évaluation du risque, critères qui sont validés par la recherche. Certes, on dispose de nombreux instruments actuariels pour évaluer le risque, mais les plus prometteurs sont ceux qui mesurent systématiquement et objectivement les facteurs statiques aussi bien que les facteurs dynamiques (Gendreau, Little et Goggin, 1996). Ces instruments fournissent des renseignements tant sur le risque de récidive que sur les besoins du délinquant. Grâce à cette information, on est en mesure de prendre des décisions concernant la surveillance et le traitement qui sont liées empiriquement à la réduction de la récidive.

La classification des délinquants dans les Services correctionnels du Manitoba

Le service de probation de la province du Manitoba fait appel depuis longtemps déjà à l'évaluation actuarielle du risque. En 1982, les Services correctionnels communautaires et pour adolescents du ministère de la Justice du Manitoba ont adopté le système de classification du risque et des besoins du Wisconsin. Ce système comprend deux formulaires : une échelle du risque en 11 points et une échelle des besoins en 12 points (Baird, Heinz et Bemus, 1979). Après validation de l'échelle du risque auprès de 4 000 délinquants de l'État du Wisconsin, les uns en probation et les autres en liberté conditionnelle, le système de classification du Wisconsin a été rapidement adopté par un certain nombre d'administrations correctionnelles de l'Amérique du Nord.

Au fil des ans, trois études de validation des échelles de classification du Wisconsin telles qu'elles étaient appliquées au Manitoba ont été effectuées (Barkwell, 1991; Bonta, Parkinson, Pang, Barkwell et Wallace-Capretta, 1994; Sabourin, 1986). La plus récente (Bonta et coll., 1994) a donné lieu à des modifications majeures des échelles d'évaluation du risque et des besoins. On a laissé tomber des éléments, on a simplifié la notation et, surtout, on a combiné les deux formulaires en un seul, ce qui a donné un instrument appelé Évaluation primaire du risque (EPR). Les Services correctionnels du Manitoba ont ainsi fait de l'EPR l'outil d'évaluation standard dans le cas des délinquants adultes.

On estime que certains délinquants exigent une attention particulière au moment de la classification : le délinquant violent, par exemple. Les crimes avec violence (voies de fait, infractions sexuelles et violence conjugale) et les délinquants qui commettent de tels crimes font souvent l'objet d'un examen minutieux de la part du système de justice pénale, et ces délinquants sont perçus comme étant différents des autres. Confronté aux délinquants violents, le personnel correctionnel s'interroge souvent sur la validité de l'application d'un instrument général de classification des délinquants. De façon précise, il craint que l'instrument général, conçu pour prévoir la récidive quelle qu'elle soit ne parvienne pas à prévoir avec certitude la récidive avec violence.

L'inquiétude à propos de l'utilité des échelles générales d'évaluation du risque que présentent les délinquants violents a conduit à la mise au point d'instruments spécialisés destinés à mesurer le risque de récidive avec violence. Par exemple, la Statique-99 (Hanson et Thornton, 2000) évalue le risque de récidive sexuelle; le Guide d'évaluation du risque de violence (VRAG : Harris, Rice et Quinsey, 1993) évalue le risque de récidive avec violence; quant à l'Évaluation du risque de violence conjugale (inventaire ERVC : Kropp, Hart, Webster et Eaves, 1999), elle détermine le risque de récidive dans la violence conjugale. Chacun de ces instruments est destiné à aider les professionnels de la justice pénale à prendre des décisions judicieuses en matière de classification en leur fournissant une évaluation du risque que se produisent certains types de récidive.

Ces outils d'évaluation du risque spécialisés disposent d'un appui empirique variable. La validité prédictive de la Statique-99 a été répliquée dans de nombreuses études et sur de très larges échantillons (Hanson, Morton et Harris, 2003). On a montré que le Guide d'évaluation du risque de violence parvenait à prévoir la récidive avec violence (Glover, Nicholson, Hemmati, Bernfeld et Quinsey, 2002; Kroner et Loza, 2001; Loza et Loza-Fanous, 2001); l'administration de cet instrument exige toutefois une évaluation de la psychopathie au moyen de l'échelle de psychopathie révisée (PCL-R) (Hare, 1990). Le PCL-R est un test que seules les personnes dûment formées et autorisées à l'utiliser ont le droit d'administrer. Quant à l'Évaluation du risque de violence familiale, c'est un instrument facile d'emploi, mais jusqu'à présent sa validité prédictive n'a fait l'objet que d'un petit nombre d'enquêtes empiriques (Grann et Wedin, 2002; Kropp et Hart, 2000).

L'évolution du système de classification du Manitoba a fait ressortir le besoin d'avoir des instruments spécialisés d'évaluation du risque à aux fins de classification et celui de mettre au point de tels instruments. Avant l'introduction de ces instruments, la politique exigeait que tous les délinquants sexuels, les partenaires violents et les agresseurs en général soient considérés comme à risque élevé, peu importe leur cote selon l'EPR. Or, comme les délinquants violents constituent 50 % à 60 % des probationnaires du Manitoba, les agents de probation ont été submergés par le nombre de délinquants dits à risque élevé. En outre, le personnel a exprimé son manque de confiance à l'égard de l'EPR comme instrument d'évaluation du risque de récidive avec violence. On avait donc besoin d'outils spécialisés pour établir une distinction entre les délinquants violents et pour aider à la prestation des programmes.

Les échelles d'évaluation secondaire du risque

À la suite de l'examen de la documentation sur l'évaluation du risque et de consultations tant auprès d'experts en évaluation du risque que de spécialistes des programmes aux Services correctionnels du Manitoba, trois instruments d'évaluation secondaire du risque (ESR) ont été mis au point dans le but d'évaluer le risque que se produisent certains types d'infractions avec violence : le premier pour les délinquants sexuels (ESR-Agression sexuelle), le deuxième pour ceux qui s'en sont pris à leur conjoint (ESR-VC) et le troisième pour les agresseurs en général, c'est-à-dire les auteurs de voies de fait sans connotation familiale ou sexuelle (ESR-Voies de fait).

Dans chacune des échelles d'ESR, les éléments sont répartis en deux sections. La première, intitulée Antécédents en matière de facteurs de risque, se compose d'éléments qui correspondent à la nature de l'infraction. Par exemple, l'ESR-VC comporte des éléments servant à évaluer les antécédents en matière de condamnation pour violence conjugale et le non-respect de l'interdiction d'établir des contacts avec la victime, alors que l'ESR-Agression sexuelle inclut des éléments servant à évaluer les condamnations antérieures pour violence sexuelle et la déviance quant aux préférences sexuelles. La seconde section, qui s'intitule Facteurs de risque qui évoluent, contient un certain nombre d'éléments dynamiques. Par exemple, l'ESR-Voies de fait renferme des éléments servant à jauger l'acceptation de la responsabilité des voies de fait et les attitudes à l'égard de la violence dans les relations, tandis que les éléments de l'ESR-Agression sexuelle servent à évaluer les attitudes à l'égard des infractions à caractère sexuel et l'empathie à l'endroit des victimes de violence sexuelle.

Une fois mises au point, ces ESR ont été introduites dans le système de classification des délinquants en 1997. La politique exigeait que tous les délinquants sexuels soient évalués au moyen de l'ESR-Agression sexuelle, que les partenaires violents le soient au moyen de l'ESR-VC et que les délinquants violents dont le crime n'était ni à caractère sexuel ni à caractère familial le soient au moyen de l'ESR-Voies de fait. Il fallait qu'au moins un des critères suivants soit présent pour déterminer si le délinquant allait être évalué au moyen de l'ESR : 1) un crime de violence était à l'origine de la peine; 2) il y avait eu condamnation pour acte de violence au cours des cinq années précédentes; 3) une inquiétude existait quant à la possibilité d'actes de violence, d'où la présence d'un facteur de dérogation. On s'attendait à ce que le personnel procède à l'ESR pertinente et se serve des renseignements obtenus pour décider de la classification. Au cours des séances de formation, les employés se sont également fait dire que les ESR n'étaient pas validées et qu'il fallait donc s'en servir avec prudence. C'est la recherche qui a finalement permis d'évaluer la validité prédictive des ESR.

En 2002, Karl Hanson a évalué la validité prédictive de l'ESR-Agression sexuelle auprès de 204 délinquants du Manitoba  — des adultes de sexe masculin. Il a constaté l'absence de corrélation significative entre l'ESR-Agression sexuelle et la récidive à caractère sexuel, avec violence ou d'ordre général, d'une part, et la présence d'un faible degré d'association avec la récidive, quelle qu'en soit la forme, ce qui incluait les manquements aux conditions de la libération conditionnelle. Seulement un des 12 éléments — l'apparition précoce de l'infraction sexuelle — avait une corrélation significative avec la récidive sexuelle. Cette évaluation a entraîné une modification de la politique concernant l'évaluation spécialisée des délinquants sexuels; ainsi l'évaluation au moyen de l'ESR-Agression sexuelle se fait-elle désormais uniquement aux fins de planification clinique.

La présente étude

L'ESR-Voies de fait et l'ESR-VC n'avaient jamais été validées. Le présent rapport décrit deux études qui évaluent la validité prédictive de l'ESR-Voies de fait et de l'ESR-VC. Chacune d'elles comporte deux objectifs généraux. Le premier consiste à évaluer la capacité qu'ont les échelles d'ESR de prévoir le type de récidive précis qu'elles sont censées prévoir et à suggérer des améliorations à apporter. Le second consiste à évaluer les avantages du recours à des évaluations spécialisées dans le cas des délinquants violents que ne procurerait pas la simple administration de l'Évaluation primaire du risque, si avantages il y a.

C'est le ministère de la Justice du Manitoba (Services correctionnels) qui nous a fourni les données découlant de l'EPR et de l'ESR. Celles-ci portent sur deux échantillons distincts de délinquants adultes : l'un composé de probationnaires généralement violents, et l'autre constitué de partenaires violents. Des dossiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) au Centre d'information de la police canadienne (CIPC), nous avons tiré de l'information sur la récidive. En outre, dans le cas de l'échantillon de délinquants qui ont agressé leur conjoint, nous avons recueilli des renseignements détaillés au sujet de la récidive en matière de violence conjugale grâce au système informatisé de gestion des délinquants du Manitoba (COMS).

Première étude : Évaluation de l'ESR-Voies de fait

Méthode

Participants

La première étude a porté sur 444 probationnaires (246 hommes et 198 femmes) au sujet de qui nous avions les dossiers judiciaires de la GRC. Ces délinquants ont été évalués entre mai 1996 et octobre 2000, ce qui nous a permis de les suivre pendant au moins deux ans. La grande proportion de délinquantes s'explique vraisemblablement par notre échantillonnage de probationnaires. Dans un échantillon de détenus à qui on a fait subir l'ESR-Voies de fait, la proportion de délinquants de sexe masculin est beaucoup plus élevée (183 délinquants par opposition à 36 délinquantes).

Les délinquants ont été évalués au moyen de l'EPR et de l'ESR-Voies de fait (conformément aux directives de la politique) pour l'une des trois raisons suivantes : a) ils étaient sous le coup d'une condamnation pour crime de violence (ce qui exclut les voies de fait contre le conjoint et les infractions sexuelles) (n = 383 : 86 %); b) ils avaient déjà été condamnés pour voies de fait au cours des cinq années qui ont suivi la condamnation actuelle pour crime non violent (n = 32 : 7 %); c) ils ne réunissaient ni l'un ni l'autre critère mais soulevaient l'inquiétude du personnel à cause de leur propension à la violence (n = 29 : 7 %). L'âge moyen à l'évaluation était de 29,6 ans (écart type = 9,1). Sur le plan de l'âge, il n'y a pas de différence statistiquement significative entre les hommes (= 29,8; écart type = 9,9) et les femmes (M = 29,4; écart type = 8,0).

Instruments d'évaluation du risque

L'Évaluation primaire du risque (EPR). L'EPR comprend les 15 éléments suivants : changements d'adresse, temps passé au travail, consommation de drogue ou d'alcool, attitude, âge, sexe, nombre de condamnations antérieures, types de condamnations antérieures, relations familiales/conjugales, situation financière, stabilité affective, aptitude mentale, pairs/compagnons, emploi, compétences scolaires et professionnelles. On attribue la cote 0 ou 1 ou la cote 0, 1 ou 2 à la plupart des éléments. Dans le cas d'un élément (le type de condamnations antérieures), les cotes vont de 0 à 3. On obtient le pointage total en faisant la somme de tous les éléments, les résultats pouvant aller de 0 à 22. Le risque de récidive est considéré comme faible si le résultat obtenu est de 5 ou moins, comme moyen s'il se situe entre 6 et 11, et comme élevé s'il est de 12 ou plus.

Dans le présent échantillon, le score moyen à l'EPR est de 9,6 (écart type = 3,8). Le score moyen pour les hommes (n = 246) atteint 10,9 (écart type = 3,7); quant au score moyen pour les femmes (n = 198), il se chiffre à 7,9 (écart type = 3,3), soit nettement moins (t = 8,6, p < 0,01) que pour les hommes.

L'ESR-Voies de fait. L'ESR-Voies de fait comprend 11 éléments. Les cinq premiers constituent la section Antécédents en matière de facteurs de risque : condamnation actuelle, condamnations antérieures pour voies de fait, antécédents en matière de comportement agressif, utilisation d'armes, et non-respect de l'interdiction d'établir des contacts. Les scores associés à chacun de ces éléments sont 0, 2 ou 4, sauf pour l'utilisation d'armes dont la cote est 0, 1, ou 2. Les six autres éléments constituent la section Facteurs de risque qui évoluent : acceptation de la responsabilité, empathie envers la victime, attitudes à l'égard de la violence, sensibilité aux signaux avertisseurs, aptitudes pour la prévention de la rechute et motivation à l'égard du traitement. Les scores associés à ces éléments sont 0, 1 ou 2. Le pointage total à l'ESR-Voies de fait est égal à la somme de tous les éléments, et les notes varient de 0 à 30. Le risque de récidive avec violence est considéré comme faible si le résultat est de 9 ou moins, comme moyen s'il se situe entre 10 et 19, et comme élevé s'il est de 20 ou plus.

Dans le présent échantillon, le score moyen à l'ESR-Voies de fait est de 13,9 (écart type = 5,7). Les hommes (n = 246) y obtiennent des résultats nettement supérieurs à ceux des femmes (n = 198) (15,3 [écart type = 5,8] contre 12,1 [écart type = 5,1], t = 6,1, p < 0,01). Quant à la corrélation entre l'EPR et l'ESR ‑ Voies de fait, elle est de 0,57, p < 0,01.

Mesure de la récidive

Dans le cas de chaque délinquant, les renseignements sur la récidive ont été codés à partir des dossiers du CIPC. La récidive générale se définit comme suit : toute nouvelle condamnation (y compris les manquements aux conditions de la libération conditionnelle) survenue dans les deux ans suivant la date d'évaluation. Le taux de récidive générale s'établit à 44,6 %, et celui des hommes est nettement supérieur à celui des femmes (55,3 % contre 31,3 %; X2(1, N = 444) = 25,5, p < 0,01).

Par récidive avec violence, on entend toute condamnation pour crime de violence (voies de fait, vol qualifié, infraction sexuelle, infraction à l'aide d'une arme ou menace, par exemple) survenue dans les deux ans suivant la date d'évaluation. Le taux de récidive avec violence se chiffre à 24,3 % dans l'ensemble. Les probationnaires de sexe masculin ont récidivé dans une plus grande proportion que les femmes (32,9 % contre 13,6 %; X2(1, N = 444) = 22,1, p < 0,01). Chez les délinquants pour qui l'infraction à l'origine de la peine est un crime de violence (n = 383), le taux de récidive avec violence est de 24,0 %; par contre, chez ceux qui purgent une peine à cause d'un crime sans violence (n = 61) mais qui ont des antécédents de violence ou qui ont causé des inquiétudes au personnel, le taux de récidive atteint 26,2 %.

Évaluation de la validité prédictive

Le pointage total à l'EPR et à l'ESR-Voies de fait est lié de façon significative tant à la récidive générale qu'à la récidive avec violence (voir tableau 1). En outre, il ressort des analyses de corrélation de Pearson que les instruments de mesure donnent d'aussi bons résultats pour les délinquantes que pour les délinquants. Toutefois, l'analyse des données selon le niveau de risque ne donne pas des résultats aussi homogènes. Les taux de récidive avec violence pour les trois niveaux de risque de l'ESR-Voies de fait sont significativement différents les uns des autres mais ils ne le sont pas dans le cas de l'EPR. À l'analyse des taux de récidive avec violence chez les hommes, c'est l'EPR qui montre une augmentation statistiquement significative de la récidive avec violence à tous les niveaux de risque, et non l'ESR-Voies de fait. Chez les délinquantes, les taux de récidive avec violence selon l'EPR et l'ESR-Voies de fait augmentent, mais pas d'une manière graduelle qui soit statistiquement significative. Par exemple, à l'ESR-Voies de fait, le taux de récidive avec violence chez les délinquantes à risque élevé (28,6 %) est nettement plus élevé que chez les délinquantes à faible risque (10,3 %), mais il n'est pas statistiquement différent du taux obtenu par les délinquantes à risque moyen (12,8 %). En conséquence, les scores-seuils actuels pour l'EPR et l'ESR-Voies de fait ne sont pas très utiles pour la classification des délinquants.

Tableau 1. Coefficients de corrélation r de Pearson entre l'EPR et l'ESR-Voies de fait, d'un côté, et la récidive générale, la récidive avec violence et les taux de récidive avec violence, de l'autre, selon le niveau de risque
Échantillon Toute forme de récidive
r (CI)
Récidive
avec violence

r (CI)
Récidive avec violence, selon le niveau de risque (n)
a. Faible b. Moyen c. Élevé Différences entre les groupes
Au complet (N=444)
EPR .43**
(.35 - .50)
.30**
(.21 - .38)
9.3
(75)
18.6
(220)
 40.3
(149)
c > (b = a)
 ESR-Voies de fait .38**
(.29 - .45)
.30**
(.21 - .38)
9.7
(113)
25.7
(245)
39.5
(86)
c > b > a
Hommes (N = 246)
EPR .40**
(.29 - .50)
.26**
(.14 - .37)
4.3
(23)
27.4
(106)
43.6
(117)
c > b > a
ESR-Voies de fait .33**
(.22 - .44)
.28**
(.16 - .39)
8.9
(45)
36.0
(136)
43.1
(65)
(c = b) > a
Femmes (N = 198)
EPR .33**
(.20 - .45)
.18*  
(.04 - .31)
11.5
(52)
10.5
(114)
28.1
(32)
c > (a = b)
ESR-Voies de fait .33**
(.20 - .45)
.21**
(.07 - .34)
10.3
(68)
12.8
(109)
28.6
(21)
c > (a = b)

Notes : * p < 0,05; **p < 0,01; IC = intervalle de confiance de 95 %.

Comme il existe une corrélation significative entre l'EPR et l'ESR-Voies de fait (r = 0,57, p < 0,01), nous avons examiné l'utilité prédictive relative de la combinaison des deux instruments au moyen d'une analyse de régression multiple. Cette technique permet d'évaluer la puissance de la combinaison d'instruments de mesure multiples (dans notre cas, l'EPR et l'ESR-Voies de fait) pour prévoir le résultat (c.-à-d. la récidive avec violence). D'après les résultats des analyses de régression multiple, bien que l'ESR-Voies de fait améliore la prévision de la récidive avec violence (R2changement = 0,03; p < 0,01), l'augmentation de la puissance de prévision découlant de la combinaison des deux instruments est assez faible (REPR et ESR-Voies de fait = 0,34, p < 0,01), en comparaison de la puissance de prévision de chaque instrument pris isolément (rEPR = 0,30, p < 0,01 et rESR-Voies de fait = 0,30, p < 0,01).

Y a-t-il moyen d'améliorer l'évaluation du risque dans le cas des délinquants violents?

Comme nous l'avons indiqué précédemment, la notion d'évaluation spécialisée applicable à des sous‑groupes spécifiques de délinquants a donné naissance à un certain nombre d'instruments d'évaluation du risque et des besoins conçus spécialement pour prévoir des types spécifiques d'activités criminelles. L'ESR-Voies de fait est l'un de ces instruments spécialisés conçus pour prévoir la récidive avec violence. Les instruments d'évaluation du risque et des besoins conçus spécialement en fonction de la violence sont-ils oui ou non supérieurs aux instruments généraux dans leurs prévisions? La question fait l'objet de débats dans les publications, particulièrement en ce qui concerne la prévision de la violence (Gendreau, Goggin et Smith, 2002). Les résultats actuels, qui démontrent que l'EPR — un instrument d'évaluation général — donne des résultats tout aussi bons que l'ESR ‑ Voies de fait, portent à croire que, dans ce cas, un instrument spécialisé n'améliore guère la prévision de la récidive avec violence.

Il y a néanmoins possibilité d'améliorer les évaluations de la récidive avec violence. De deux choses l'une : ou bien nous essayons d'améliorer l'ESR-Voies de fait en en modifiant les éléments constitutifs; ou bien nous intégrons les meilleurs éléments de l'ESR-Voies de fait dans l'EPR. Nous allons maintenant décrire ces deux façons de procéder.

L'amélioration de l'ESR-Voies de fait par modification de son contenu. Nous avons procédé à une analyse afin de déterminer la relation entre chacun des éléments de l'ESR-Voies de fait et la récidive avec violence. Cette analyse des éléments avait pour objectif d'évaluer la contribution de chacun à la prévision de la récidive avec violence. Comme les tendances des corrélations sont à peu près identiques chez les hommes et les femmes, nous avons combiné tous les délinquants dans les analyses subséquentes.

Nous avons calculé les corrélations entre chacun des 11 éléments de l'ESR-Voies de fait et la récidive avec violence. De plus, nous avons examiné les taux de récidive associés à chaque score qu'un élément était susceptible de mériter. Chaque élément a été évalué en fonction : a) de son degré d'association avec la récidive avec violence; b) des taux de récidive avec violence observés pour chaque score qu'il était susceptible d'obtenir. L'élément a été jugé adéquat s'il y avait corrélation positive de 0,10 ou plus avec la récidive avec violence, d'une part, et augmentation de la récidive avec violence observable pour toutes les cotes attribuées à cet élément, d'autre part, ainsi qu'une différence de 10 % ou plus entre le plus haut et le plus bas score obtenu par l'élément en question.

On trouvera du côté gauche du tableau 2 les corrélations entre les antécédents en matière de facteurs de risque et la récidive avec violence ainsi que les taux de récidive correspondant à chaque score de l'élément. Quant aux corrélations entre les éléments dynamiques, la récidive avec violence et les taux de récidive correspondants, elles se trouvent du côté droit.

Seulement trois éléments de l'ESR-Voies de fait ne sont pas associés de façon significative à la récidive avec violence : la condamnation actuelle, le non-respect de l'interdiction d'établir des contacts et la sensibilité aux signaux avertisseurs. Les autres éléments sont liés de façon significative à la récidive avec violence (p < 0,05 ou p < 0,01), les corrélations se situant entre r = 0,10 et r = 0,25. De plus, dans le cas de la condamnation actuelle et du non-respect de l'interdiction d'établir des contacts, il n'y a pas d'augmentation progressive des taux de récidive avec violence du premier au deuxième puis du deuxième au troisième score.

Chez les probationnaires qui ont obtenu la note 0 pour le non-respect de l'interdiction d'établir des contacts, le taux de récidive avec violence (22,8 %) est inférieur à celui des probationnaires qui ont obtenu la note 4 (31,1 %), mais en fait, ce sont ceux qui ont obtenu la note 2 qui ont le taux de récidive avec violence le plus élevé (32,3 %). Conceptuellement, ce qu'on tente d'évaluer au moyen de cet élément, c'est la disposition à ne pas respecter l'interdiction d'établir des contacts, facteur présenté dans les recherches antérieures comme prédicteur de la récidive avec violence (Harris, Rice et Quinsey, 1993). Ces résultats portent à croire que l'on pourrait réviser cet élément afin d'évaluer simplement la présence ou l'absence d'une quelconque forme de non-respect de l'interdiction d'établir des contacts, peu importe que le délinquant ait été arrêté ou non. La dichotomisation des résultats relatifs à cet élément ne révèle toutefois qu'un accroissement marginal de la corrélation entre celui-ci et la récidive avec violence (r = 0,08, ns).

Tableau 2. Coefficients de corrélation de Pearson et taux de récidive avec violence relatifs aux éléments de l'ESR-Voies de fait (N = 444)
Antécédents en matière de facteurs de risque
Élément

Score

n

Récidive avec violence

Facteurs de risque
qui évoluent
Élément

Score

n

Récidive avec violence

Condamnation actuelle


 

r = .01

Acceptation de la responsabilité

 

 

r = .14**

Crime sans violence 0 61 26.2% Acceptation complète ou partielle 0

123

17.9%
Menaces / v. de fait sans préjudice 2 169 21.9% Acceptation partielle 1 218 22.9%
Menaces crédibles / préjudice 4

55

25.7% Refus d'accepter sa responsabilité 2 103 35.0%
Condamnations antérieures pour voies de fait

 

 

r = .25*

Empathie envers la victime

 

 

r = .11*

Aucune / seulement la présente 0 202 15.3% Empathie adéquate 0 77 15.6%
Une condamnation antérieure 2 92 17.4% Empathie partielle 1 185 23.8%
Deux condamnations ou plus 4 150 40.7% Empathie superficielle / pas d'emp. 2 182 28.6%
Antécédents en matière de comportement agressif

 

 

r = .24**

Attitudes à l'égard de la violence

 

 

r = 18**

Pas de preuve 0 164 13.4% Défavorables à la violence 0 132 12.9%
Tentatives / menaces 2 71 15.5% Appui minimal, faible 1 219 27.4%
Voies de fait par le passé 4 209 35.9% Attitudes très favorables 2 93 33.3%
Utilisation d'armes

 

 

r = .10*

Sensibilité aux signaux avertisseurs

 

 

r=.08

Pas d'utilisation d'armes

0

279

20.4%

Défavorables à la violence

0

66

18.2%

Menaces de recours à des armes 1 56 33.9% Appui minimal, faible 1 213 23.5%
Utilisation d'armes pr faire du mal 2 109 29.4% Attitudes très favorables 2 165 27.9%

Non-respect de l'interdiction d'établir des contacts

 

r = .07 Aptitudes pour la prévention de la rechute

 

 

r=.18**

Pas de violation / d'ordonnance 0 368 22.8% Évite soigneusement les situations 0 99 16.2%
Non-respect sans arrestation 2 31 32.3% Se met rarement dans les situations 1 189 19.6%
Non-respect suivi d'arrestation 4 45 31.1% Se met souvent dans les situations 2 156 35.3%

 

 

 

 

Motivation à l'égard du traitement

 

 

r = .22**

Motivé et coopératif 0 208 15.9%
Faible motivation, mais coopératif 1 195 28.2%
Peu disposé, refuse, a décroché 2 41 48.8%

Notes: * p < .05; ** p < .01.

Finalement, malgré l'existence d'une corrélation significative entre l'utilisation d'armes et la récidive avec violence dans l'avenir, la discrimination dans les taux correspondant aux différents scores est faible (p. ex., les probationnaires qui ont obtenu 1 comme score ont un taux de 33,9 % , tandis que ceux qui ont obtenu 2 ont un taux de récidive avec violence de 29,4 %, ce qui est moindre). Encore une fois, la fusion des catégories « menace d'utilisation d'une arme » et « utilisation réelle d'une arme » pour simplifier la notation de cet élément, ce qui donne 0 ‑ 1 comme possibilités de pointage, n'entraîne qu'une légère amélioration de l'exactitude de la prévision (r = 0,12, p < 0,05).

En somme, l'analyse des éléments invite à réviser l'ESR-Voies de fait comme suit. Premièrement, on retirerait « condamnation actuelle » de l'instrument, étant donné que cet élément s'est révélé de peu de valeur pour prévoir ou pour discriminer. Deuxièmement, on réviserait le pointage de deux éléments. Dans le cas de l'utilisation d'armes, on pourrait fusionner les anciennes cotes 1 et 2 (indicatives de l'utilisation d'une arme pour menacer ou faire du mal) et leur donner la cote 2. La cote 0 demeurerait telle quelle (elle signifie qu'il n'y a pas eu d'utilisation d'armes pour menacer ou faire du mal). Dans le cas du non-respect de l'interdiction d'établir des contacts, on pourrait fusionner les cotes 2 et 4 (indicatives d'une contravention à l'ordonnance portant interdiction d'établir des contacts, suivie ou non d'une arrestation) et leur attribuer un seul et unique score : 2.

Dans le but d'évaluer l'exactitude prédictive et discriminative de ces révisions apportées à l'ESR-Voies de fait, nous avons calculé un nouveau score (l'ESR-Voies de fait révisée). Cette échelle révisée est encore liée de façon significative à l'EPR (r = 0,59, p < 0,01). Son exactitude pour prévoir la récidive sous quelque forme que ce soit (r = 0,38, p < 0,01) et la récidive avec violence (r = 0,31, p < 0,01) ne montre cependant presque aucune amélioration comparativement à l'échelle originale ESR-Voies de fait (coefficients de corrélation de 0,38 et de 0,30 respectivement, p < 0,01). Finalement, nous avons procédé à une analyse de régression multiple en nous servant de l'EPR et de l'échelle ESR-Voies de fait révisée pour prévoir la récidive avec violence. Il en résulte que l'ESR-Voies de fait améliore de façon significative la prévision de récidive avec violence (R2changement = 0,03; p < 0,01). Toutefois, l'utilisation parallèle de l'EPR ne se traduit pas par une amélioration de l'exactitude prédictive d'ensemble de l'échelle révisée (REPR et échelle ESR-Voies de fait révisée = 0,34, p < 0,01) par comparaison avec l'échelle originale (REPR et ESR-Voies de fait = 0,34, p < 0,01).

L'amélioration de l'EPR. Dans la présente enquête, l'EPR a prévu la récidive avec violence aussi bien que l'ESR-Voies de fait, en dépit du fait que l'EPR ne contient aucun élément qui se rapporte spécifiquement au comportement violent. L'ajout de quelques éléments servant à évaluer la violence constitue donc une façon possible d'améliorer l'EPR. Par conséquent, nous avons effectué une analyse de l'ESR-Voies de fait qui visait à déterminer les éléments prédicteurs de la violence que l'on pourrait ajouter à l'EPR.

Dans une analyse de régression multiple, nous avons d'abord examiné l'ensemble des éléments de l'ESR ‑ Voies de fait et choisi les meilleures variables explicatives. Nous avons procédé par degrés pour nous assurer que toute colinéarité entre les éléments serait prise en compte. Cette analyse a permis de faire ressortir deux variables explicatives importantes : les condamnations antérieures pour voies de fait (b = 0,231; t = 5,08; p < 0,01), d'une part, et la motivation à l'égard du traitement (b = 0,197; t = 4,34; p < 0,01), d'autre part. Un troisième élément — les antécédents en matière de comportement agressif — est presque statistiquement significatif (b = 0,113; t = 1,92; p = 0,056). Pris ensemble, ces trois éléments ont une relation significative avec la récidive avec violence (R = 0,33, p < 0,01). L'élément « condamnations antérieures pour voies de fait » sert à évaluer les voies de fait commises par le passé qui se sont soldées par des condamnations en bonne et due forme; quant à l'élément « antécédents en matière de comportement agressif », il sert à évaluer les voies de fait (ou menaces de voies de fait) survenues par le passé qui n'ont pas donné lieu à des condamnations officielles.

Nous avons ensuite ajouté la somme de ces trois éléments au pointage total de l'EPR et nous avons évalué l'exactitude de cette échelle EPR améliorée (l'échelle EPR originale, assortie des trois éléments). Nous présentons au tableau 3 à la fois les coefficients de corrélation de Pearson et les surfaces sous la courbe de la fonction d'efficacité du récepteur. Une analyse de cette fonction est insensible aux taux de base et aux rapports de sélection. Une surface sous la courbe de 1,0 représente une prévision parfaite, alors qu'une surface sous la courbe de 0,50 représente le hasard. Selon les deux types d'analyse statistique, l'échelle EPR améliorée établit un lien avec la récidive avec violence aussi bien qu'avec toute forme de récidive. Toutefois, comme l'indique le chevauchement des intervalles de confiance, l'échelle EPR améliorée ne donne pas de meilleurs résultats que l'échelle EPR originale ou que l'ESR-Voies de fait.

Tableau 3. Estimations de la validité prédictive de l'EPR, de l'ESR-Voies de fait et de l'échelle EPR améliorée
  Toute forme de récidive Récidive avec violence Toute forme de récidive Récidive avec violence
  r (IC) r (IC) SSC (IC) SSC (IC)
EPR .43 (.35-.50) .30 (.21-.38) .74 (.70-.79) .69 (.64-.75)
ESR - Voies de fait .30 (.21-.38) .30 (.21-.38) .72 (.67-.76) .70 (.64-.75)
EPR améliorée .46 (.40-.52) .34 (.26-.42) .77 (.72-.81) .73 (.67-.78)

Notes : Toutes les estimations de la validité prédictive sont significatives
(p < 0,01); IC = intervalle de confiance de 95%; *SSC = surface sous la courbe.

Discussion

L'évaluation spécialisée du risque et des besoins a deux fins principales. Premièrement, la prévision d'un type précis de récidive avec une nette supériorité par rapport à une échelle générale d'évaluation du risque de récidive et des besoins. Deuxièmement, l'amélioration des décisions concernant la gestion des cas grâce à la détermination des besoins et des objectifs pertinents en matière de gestion des cas, d'une part, et à l'assignation des niveaux de surveillance et de traitement adéquats, d'autre part. Dans le cas de l'ESR-Voies de fait, l'accent est mis sur les délinquants généralement violents et la récidive avec violence.

Contrairement à la croyance selon laquelle les instruments de nature générale qui servent à l'évaluation du risque et des besoins ne sont pas bien adaptés pour prévoir la violence, les résultats de la première étude révèlent que l'EPR permet effectivement de prévoir la récidive avec violence tout aussi bien que l'ESR-Voies de fait, un outil spécialisé destiné à évaluer la violence. Selon une étude détaillée de l'ESR-Voies de fait, on pourrait en retirer un élément parce qu'il n'est aucunement associé à la récidive avec violence; on pourrait aussi simplifier la notation de deux autres éléments sans diminuer pour autant la validité prédictive de cet instrument. Cela n'entraîne cependant pas d'amélioration appréciable de l'exactitude prédictive de l'échelle ESR-Voies de fait révisée.

Bien que les scores obtenus selon l'EPR et l'ESR-Voies de fait prévoient tout aussi bien l'un que l'autre la récidive avec violence, nous nous sommes demandés si la combinaison des deux instruments améliorerait la prévision de la récidive avec violence. Il ressort des analyses de régression multiples que la combinaison des résultats de l'EPR et de l'ESR-Voies de fait (ou de sa version révisée) entraîne une amélioration significative, mais relativement mineure, de la prévision de la récidive avec violence.

Enfin, nous nous sommes penchés sur une des faiblesses de l'EPR (c.-à-d. sur l'absence d'éléments ayant un lien direct avec la violence) en désignant trois éléments de l'ESR-Voies de fait qui pourraient être ajoutés à l'EPR. Toutefois, le pointage total selon l'échelle EPR améliorée ne fournit pas de meilleures prévisions que l'échelle EPR originale.

Deuxième étude : Évaluation de l'ESR-VC

Méthode

Participants

Au total, 613 probationnaires (502 hommes et 111 femmes) ont servi de base à l'analyse. Ceux-ci ont été évalués avant l'an 2000 (entre octobre 1996 et décembre 1999) pour que le suivi se fasse pendant au moins deux ans.

Les probationnaires ont été évalués au moyen de l'EPR et l'ESR-VC (conformément aux lignes directrices de la politique) pour l'une des raisons suivantes : a) ils étaient sous le coup d'une condamnation pour voies de fait contre leur conjoint (n = 542 : 88 %); b) ils avaient déjà été condamnés pour voies de fait contre leur conjoint au cours des cinq ans qui ont précédé leur condamnation actuelle pour infraction avec violence contre une personne autre que leur conjoint (= 38 : 6 %); c) ils ne répondaient à aucun de ces critères, mais le personnel s'inquiétait de leur propension à la violence envers leur conjoint
(n = 33 : 5 %). L'âge moyen à l'évaluation était de 32,7 ans dans l'ensemble (écart type = 9,0), soit 32,8 ans pour les hommes (écart type = 9,1) et 32,2 ans pour les femmes (écart type = 8,4) (t = 0,66; ns).

Instruments d'évaluation du risque

Évaluation primaire du risque (EPR). Le pointage moyen à l'EPR était de 9,6 (écart type = 3,6), 13,2 % des probationnaires (n = 81) se trouvant dans la catégorie dite à faible risque, 58,6 % (n = 359) dans la catégorie dite à risque moyen et 28,2 % (n = 173) dans la catégorie dite à risque élevé. Sur l'échelle EPR, les hommes (M = 9,7; écart type = 3,6) ont obtenu un pointage nettement supérieur (t= 2,23, p < 0,05) à celui des femmes (M = 8,9; écart type = 3,4).

L'ESR-VC. L'ESR-VC comprend 12 éléments. Les six premiers constituent la section Antécédents en matière de facteurs de risque : condamnations actuelles, condamnations antérieures pour violence envers le conjoint, antécédents en matière de comportement agressif, utilisation d'armes, pensées suicidaires et tentatives de suicide. Les scores associés à chacun de ces éléments sont 0, 2 ou 4, sauf dans le cas de l'utilisation d'armes dont la cote est 0, 1, ou 2. Les six autres éléments constituent la section Facteurs de risque qui évoluent : acceptation de la responsabilité, empathie envers la victime, attitudes à l'égard de la violence, sensibilité aux signaux avertisseurs, aptitudes pour la prévention de la rechute et motivation à l'égard du traitement. Les scores associés à ces éléments sont 0, 1, ou 2. Le pointage total à l'ESR-VC est égal à la somme de tous les éléments, et les notes varient de 0 à 34. Le risque de récidive en matière de violence conjugale est considéré comme faible si le résultat est de 10 ou moins, comme moyen s'il se situe entre 11 et 20, et comme élevé s'il est de 21 ou plus.

Le score moyen à l'ESR-VC est de 14,9 (écart type = 5,5), et 21 % (n = 129) des délinquants sont dits à faible risque, 61 % (n = 376) à risque moyen, et 18 % (n = 108) à risque élevé. Il n'y a pas de différence significative dans le pointage obtenu à l'ESR-VC (t = 1,74, ns) entre les hommes (M = 15,1; écart type = 5,6) et les femmes (M = 14,1; écart type = 4,8). Il existe une corrélation significative entre l'EPR et l'ESR-VC (r = 0,60, p < 0,01).

Mesure de la récidive

Le codage de l'information sur la récidive s'est fait à partir des dossiers du CIPC, et les renseignements détaillés concernant la récidive dans la violence conjugale ont été tirés du système informatisé de gestion des délinquants du Manitoba (COMS). Nous avons reçu les dossiers du CIPC le 30 octobre 2002; c'est la GRC qui nous les a fait parvenir. Nous avons eu accès au COMS dans le courant de l'été 2003, et nous avons consigné l'information allant jusqu'au 30 octobre 2002 inclusivement. Tous les délinquants ont fait l'objet d'une période minimale de suivi de deux ans à partir de la date de leur évaluation.

La récidive générale se définit comme suit : toute nouvelle condamnation (y compris les manquements aux conditions de la libération conditionnelle) survenue dans les deux ans suivant la date d'évaluation. Le taux de récidive générale s'établit à 36,1 % dans l'ensemble, et il n'y a pas de différence significative entre les hommes (37,5 %) et les femmes (29,7 %).

Par récidive avec violence, on entend toute condamnation pour crime de violence (voies de fait, menaces, vol qualifié, agression sexuelle ou infraction à l'aide d'une arme, par exemple) survenue dans les deux ans suivant la date d'évaluation, qu'elle ait ou non un lien avec le foyer. Le taux de récidive avec violence dans l'ensemble de l'échantillon se chiffre à 15,0 %, les hommes ayant un taux nettement supérieur (16,9 %) à celui des femmes (6,3 %). Il n'y a pas de différence significative dans les taux de récidive dans la violence entre les délinquants pour qui la violence conjugale est l'infraction à l'origine de la peine (n = 542; récidive avec violence = 15,5 %) et ceux qui ont été condamnés pour violence à l'égard d'une personne autre que leur conjoint, mais qui ont des antécédents en matière de violence conjugale ou qui suscitent des inquiétudes de la part du personnel (n = 71; récidive avec violence = 11,3 %).

Par récidive dans la violence conjugale, on entend toute arrestation ayant un lien avec la violence conjugale (voies de fait, menaces, harcèlement criminel, non-respect de l'interdiction d'établir des contacts, par exemple) survenue dans les deux ans suivant la date d'évaluation. Nous avons choisi l'arrestation de préférence à la condamnation afin d'augmenter le taux de base. Toutefois, les taux de base en matière de violence conjugale demeurent relativement faibles, même en prenant l'arrestation comme critère de résultat. Dans l'ensemble, le taux de récidive dans la violence conjugale s'établit à 11,4 %, les hommes ayant un taux nettement supérieur (13,1 %) à celui des femmes (3,6 %). Il n'y a pas de différence significative dans les taux de récidive dans la violence conjugale entre les délinquants pour qui la violence familiale est l'infraction à l'origine de la peine (n = 542; récidive dans la violence conjugale = 12,0 %) et ceux qui ont été condamnés pour violence à l'égard d'une personne autre que leur conjoint, mais qui ont des antécédents en matière de violence conjugale ou qui suscitent des inquiétudes de la part du personnel (n = 71; récidive dans la violence conjugale = 7,0 %).

Évaluation de la validité prédictive

Afin d'évaluer l'exactitude prédictive de l'EPR et de l'ESR-VC, nous avons calculé les coefficients de corrélation de Pearson entre les scores totaux obtenus au moyen de ces deux instruments et la récidive générale, la récidive avec violence et la récidive dans la violence conjugale. Les résultats sont présentés au tableau 4. De plus, en ce qui concerne la prévision de la récidive dans la violence conjugale, la surface sous la courbe est de 0,62 (intervalle de confiance = 0,55 – 0,68) dans le cas de l'EPR, et de 0,61 dans celui de l'ESR ‑ VC (intervalle de confiance = 0,54 – 0,68). L'EPR et l'ESR ‑ VC sont liées de façon significative à toutes les mesures de résultat. Cette tendance s'observe également chez les délinquants de sexe masculin, mais non chez les délinquantes, phénomène attribuable sans doute à la petitesse de l'échantillon de délinquantes et aux très faibles taux de récidive de base parmi elles (on ne compte que sept délinquantes qui ont récidivé avec violence et seulement quatre femmes qui ont récidivé dans la violence conjugale). Comme il y a si peu de délinquantes qui ont récidivé dans la violence envers leur conjoint, le reste des résultats est basé uniquement sur les délinquants de sexe masculin.

Aux trois niveaux de risque définis dans chaque instrument, nous n'observons pas de progression graduelle, ordonnée, des taux de récidive dans la violence conjugale qui soit statistiquement significative. C'est uniquement aux niveaux de risque extrêmes que les taux de violence conjugale sont statistiquement significatifs, selon nos observations. Les délinquants dits à risque élevé selon l'EPR présentent un taux de récidive dans la violence conjugale nettement plus élevé (17,6 %) que les délinquants de sexe masculin dits à faible risque (6,3 %); quant aux délinquants dits à risque élevé selon l'ESR-VC, ils affichent un taux de récidive dans la violence conjugale supérieur (20,8 %) à celui des délinquants dits à faible risque (9,3 %) ou à risque moyen (12,1 %).

Nous avons en outre examiné l'utilité prédictive relative de la combinaison des deux instruments au moyen d'une analyse de régression multiple (uniquement pour les délinquants de sexe masculin). Dans cette analyse, nous avons évalué la puissance de la combinaison de l'EPR et de l'ESR-VC pour prévoir la récidive dans la violence conjugale. D'après les résultats des analyses de régression multiple, l'ESR-VC ne permet pas de prévoir la récidive dans la violence conjugale mieux que l'EPR (R2changement = 0,01; p > 0,05).

Analyse des éléments de l'ESR-VC

Le score total à l'ESR-VC est lié de façon significative à la récidive dans la violence conjugale, mais les estimations de la validité prédictive sont faibles et ne sont pas significativement supérieures à celles obtenues par l'EPR prise isolément. Nous avons procédé à une analyse élément par élément en utilisant la même méthode que dans la première étude, mais en adoptant la récidive dans la violence conjugale comme critère. Il ressort de l'analyse qu'un seul élément — le non-respect de l'interdiction d'établir des contacts — présente un degré d'association à la récidive dans la violence conjugale qui soit statistiquement significatif (r = 0,16; p < 0,01). Dans le cas des 11 autres éléments, les corrélations avec la récidive dans la violence conjugale varient entre r = – 0,01 et r = 0,06 (aucune n'est statistiquement significative).

Tableau 4. Coefficients de corrélation r de Pearson entre l'EPR et l'ESR-VC, d'un côté, et la récidive générale, la récidive avec violence et la récidive dans la violence conjugale et les taux de récidive dans la violence conjugale, de l'autre, selon le niveau de risque
 

Toute forme de récidive
r (CI)

Récidive avec violence
r (CI)

Récidive dans la violence conjugale
r (CI)
Récidive dans la violence conjugale,
selon le niveau de risque % (n)
a. Faible b. Moyen c. Élevé Différences entre les groupes
Échantillon (N= 613)
EPR .25**
(.17 - .32)
.15**
(.07 - .22)
.12**
(.04 - .20)
4.9
(81)
10.6
(359)
16.2
(173)
(c = b) > a
ESR-VC .17**
(.09 - .25)
.15**
(.07 - .22)
.13**
(.05 - .20)
 8.5
(129)
10.4
(376)
 18.5
(108)
c > (b = a)
Hommes (N = 502)
EPR .27**
(.18 - .35)
.16**
(.07 - .24)
.12**
(.03 - .20)
6.3
(63)
12.4
(291)
 17.6
(148)
(c = b) > a
ESR-VC .17**
(.08 - .25)
.17**
(.08 - .25)
.13**
(.04 - .21)
9.3
(108)
12.1
(298)
20.8
(96)
c > (b = a)
Femmes (N = 111)
EPR .14 
(–.05 - .32)
.02 
(–.17 - .20)
 .09 
(–.10 - .27)
0
(18)
2.9
(68)
 8.0
(25)
N/A
ESR-VC .15 
(–.03 - .33)
–.05 
(–.24 - .14)
.06 
(–.13 - .24)
4.8
(21)
3.8
(78)
0
(12)
N/A

Notes : * p < 0,05; ** p < 0,01; IC = intervalle de confiance de 95 %; S/O = sans objet à cause de la petite taille des cellules.

Discussion

Les résultats de la deuxième étude fournissent un faible appui empirique à l'utilisation de l'ESR ‑ VC pour identifier les délinquants violents à l'égard de leur conjoint à l'un ou l'autre niveau de risque. Malgré l'existence d'une corrélation significative entre l'ESR ‑ VC et la récidive dans la violence conjugale, la relation est ténue et ne diffère pas de celle obtenue dans le cas de l'EPR. De plus, l'ESR ‑ VC ne parvient pas à montrer l'existence d'une augmentation de la récidive dans la violence conjugale ordonnée et graduelle d'un niveau à l'autre, qui soit statistiquement significative. Seuls les délinquants dits à risque élevé selon l'ESR-VC présentent, en matière de récidive dans la violence conjugale, des scores supérieurs à ceux des délinquants dits à faible risque ou à risque moyen. En outre, il ressort de l'analyse élément par élément qu'un seul des 12 éléments de l'ESR ‑ VC prévoit la récidive avec violence conjugale.

Dans l'ensemble, ces résultats donnent à penser qu'il y a lieu de se pencher sur d'autres mesures d'évaluation du risque de violence conjugale chez les délinquants violents à l'égard de leur conjoint. Il existe certains instruments de mesure tels que l'Évaluation du risque de violence conjugale (inventaire ERVC : Kropp, Hart, Webster et Eaves, 1999) et l'Évaluation du risque de violence familiale en Ontario (ERVFO; Hilton, Harris, Rice, Lang et Cormier, à paraître). Ces instruments sont relativement nouveaux, cependant, et ils requièrent de nouvelles validations. Autre possibilité : on pourrait mettre au point un nouvel instrument d'évaluation du risque et des besoins à l'intention des délinquants violents envers leur conjoint, instrument qui intégrerait les présentes conclusions et les résultats des nouvelles recherches auxquels les concepteurs de l'ESR-VC n'ont pas eu accès. Quelle que soit la solution retenue, il faudra du temps et des ressources pour mettre en application un instrument d'évaluation du risque et des besoins qui soit valide et utile dans les cas de violence conjugale.

Conclusions générales

Si elle est efficace, la gestion des cas protège la société en fournissant aux délinquants des services qui réduisent les probabilités de récidive de leur part. Pour chacun d'entre eux, il faut prendre des décisions concernant les programmes de réadaptation et le niveau de surveillance pertinents. On obtient des renseignements essentiels à la prise de ces décisions au moyen d'évaluations exactes et valides du risque de récidive et des besoins criminogènes des délinquants. Il existe certes des instruments d'évaluation du risque et des besoins qui ont été validés et grâce auxquels on évalue la récidive générale. Mais on se sert souvent d'outils spécialisés pour l'évaluation des délinquants violents parce que l'on croit que ces outils fournissent des renseignements qui permettent de prévoir la récidive avec violence de façon plus précise.

Au cours de la présente recherche comparative, nous nous sommes penchés sur la validité et l'utilité prédictives de deux instruments spécialisés servant à l'évaluation du risque et des besoins : l'ESR-Voies de fait, destinée aux délinquants généralement violents, et l'ESR-VC, destinée aux délinquants qui s'en sont pris à leur conjoint. Dans la première étude, nous avons constaté que l'EPR, à caractère général, et l'ESR-Voies de fait, un instrument spécialisé, permettaient tous deux de prévoir la récidive avec violence de façon modérée. Aucun de ces instruments n'est supérieur à l'autre, cependant. Même la combinaison des deux instruments n'améliore pas de façon sensible la prévision de la récidive avec violence. Les analyses de l'ESR-Voies de fait, élément par élément, nous ont amenés à éliminer un élément et à simplifier le pointage attribué à deux autres éléments, mais ces révisions n'ont pas entraîné d'augmentation sensible de la validité prédictive de l'instrument. Finalement, nous avons songé à intégrer à l'EPR trois éléments de l'ESR-Voies de fait, mais encore là, nous n'avons pas trouvé que l'échelle EPR révisée était supérieure à l'échelle EPR originale en ce qui a trait à l'exactitude des prévisions.

Dans la deuxième étude, nous avons examiné l'EPR et l'ESR-VC appliquées à des probationnaires violents envers leur conjoint. Comme dans la première étude, les deux instruments se valent pour prévoir la récidive dans la violence conjugale. Toutefois, les scores obtenus avec l'un et l'autre ne sont pas de très bons prédicteurs. Seulement un des 12 éléments de l'ESR-VC a permis de prévoir la récidive dans la violence conjugale. Dans l'ensemble, les résultats indiquent qu'avec ou sans l'EPR, l'ESR-VC n'ajoute pas grand-chose qui permette d'établir une distinction entre les groupes de délinquants, qui n'ont pas tous le même taux de récidive dans la violence conjugale. Nous en avons donc conclu qu'il fallait un autre instrument pour déterminer avec plus d'exactitude le risque que présentent les délinquants violents envers leur conjoint et les besoins de ces délinquants.

En conclusion, l'instrument général d'évaluation du risque et des besoins a donné des résultats tout aussi bons que ceux obtenus au moyen de deux instruments spécialisés, destinés à mesurer la récidive avec violence et la récidive dans la violence conjugale. Les résultats des deux études ne veulent pas nécessairement dire, cependant, que la mise au point d'échelles spécialisées pour l'évaluation du risque que présentent les délinquants a peu de chances de donner de meilleurs résultats que les instruments de nature générale. Ce qui pourrait avoir de l'importance, c'est le type de comportement que l'on prévoit. Les déterminants du comportement violent en général et du comportement marqué par des voies de fait ne diffèrent peut-être pas des prédicteurs des contraventions à la loi sans recours à la violence. Il existe certaines preuves selon lesquelles les prédicteurs de la récidive générale, pris individuellement, sont les mêmes que ceux de la récidive avec violence (voir Bonta, Law et Hanson, 1998). Regroupés pour constituer des échelles d'évaluation du risque à caractère général, ces éléments servent à prévoir à la fois la récidive générale et la récidive avec violence (voir Gendreau, Goggin et Smith, 2002). Dans la présente étude, l'échelle EPR originale (surface sous la courbe = 0,69, intervalle de confiance = 0,64 – 0,75) a donné d'aussi bons résultats que le Guide d'évaluation du risque de violence, échelle largement utilisée et conçue spécifiquement pour prévoir la violence (surface sous la courbe = 0,72; http://www.mhcp-research.com/ragpage.htm).

Faut-il avoir des outils spécialisés pour s'attaquer à des types précis d'infraction avec violence? La question se pose. La récidive sexuelle est un exemple évident. Toutefois, même dans ce cas, certains travaux portent à croire que de telles évaluations spécialisées pourraient ne pas ajouter grand chose sur le plan de la prévision (Hanson et Morton-Bourgon, 2004). Dans la deuxième étude, l'ESR-VC ne s'est pas révélée très bonne pour prévoir la violence conjugale. Mais l'EPR n'a pas donné non plus d'excellents résultats. Il existe cependant une autre étude qui fait appel à un instrument général pour l'évaluation du risque et des besoins des délinquants et selon laquelle cet instrument permet de prévoir la violence conjugale (Hanson et Wallace-Capretta, 2000). Dans le domaine de la prévision du risque de voies de fait envers le conjoint, la mise au point d'échelles n'a guère retenu l'attention, ce qui a de quoi surprendre (Dutton et Kropp, 2000). Il y a bien quelques études sur la validité prédictive de l'Évaluation du risque de violence conjugale, mais elles sont minées par la petitesse des échantillons (Grann et Wedin, 2002). Une récente étude au sujet de l'ERVFO (ODARA) paraît particulièrement prometteuse. À ce propos, Hilton et ses collègues (sous presse) font état d'une surface sous la courbe de 0,72 dans leur échantillon de contrevalidation. En général, il est particulièrement difficile de valider les échelles de violence conjugale parce que la police ne précise habituellement pas dans ses dossiers criminels officiels si l'infraction avec violence avait ou non un caractère familial. Il faut donc se donner beaucoup de mal pour trouver l'information ailleurs.

Finalement, une des leçons tirées de la recherche décrite dans ce rapport est que nous ne pouvons pas considérer comme admis un nouvel instrument d'évaluation du risque qui a été mis au point avec les meilleures intentions du monde et suivant les plus judicieux conseils de spécialistes que l'on pouvait obtenir à l'époque. Comme nous l'avons constaté dans ces deux études, on ne peut pas se permettre de sous-estimer le besoin d'évaluation empirique. Pour quelque organisme que ce soit, les pratiques exemplaires ont comme préalables la mise au point de méthodes d'évaluation et l'évaluation continue.

Bibliographie

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