Exploitation sexuelle d’enfants sur Pornhub

Date : 22 mars 2021
Classification : NON CLASSIFIÉ
Entièrement publiable (AIPRP)? Oui
Secteur / agence : GRC

Réponse proposée :

Contexte :

Pornhub

Pornhub est une plateforme en ligne de divertissement pour adulte parmi les plus populaires et est la propriété de MindGeek. Lorsqu’ils sélectionnent du contenu à visionner, les utilisateurs peuvent appliquer des filtres pour indiquer le contenu qu’ils préfèrent; certaines catégories possibles comprennent des allusions à des enfants et à des jeunes. De plus, de nombreuses victimes d’exploitation sexuelle d’enfants, dont l’exploitation a été enregistrée, ont trouvé les enregistrements sur Pornhub et ont signalé les difficultés qu’elles éprouvent à obtenir que l’entreprise retire ce contenu. Mindgeek est enregistrée au Luxembourg et il est difficile de savoir si ses serveurs se trouvent au Canada. Cette situation se répercute sur le pouvoir de la GRC d’enquêter et sur l’application des lois canadiennes.

Pornhub permet aux utilisateurs de télécharger du matériel sur leurs propres appareils électroniques, si bien qu’il est impossible de déterminer où ce matériel est stocké ou d’empêcher qu’il réapparaisse et soit rediffusé. Pornhub autorise aussi les utilisateurs à télécharger leur matériel non vérifié; il est donc possible que ce matériel montre des mineurs ou des activités sexuelles non consensuelles, par exemple. En décembre 2020, Pornhub a supprimé sa fonction de téléchargement et a désactivé la fonction de chargement pour la plupart des utilisateurs, ce qui était une mesure positive pour empêcher que la plateforme ne soit utilisée pour exploiter sexuellement et revictimiser des enfants.

Cadre législatif

Le droit pénal canadien prévoit un éventail exhaustif de mesures de protection contre toute forme de violence et d’exploitation sexuelle d’enfants. Il prévoit notamment l’interdiction de posséder, de produire et de distribuer toute forme de pornographie juvénile et d’y accéder, que le geste soit commis par Internet, sur les médias sociaux ou à l’aide d’une autre technologie. Au Canada, la définition de pornographie juvénile (ou matériel d’exploitation sexuelle d’enfants) couvre non seulement une représentation réelle d’exploitation sexuelle d’enfants, mais aussi une représentation fictive, les écrits et les enregistrements sonores de pornographie juvénile qui pourraient alimenter le marché pour ce genre de matériel ou normaliser ce comportement. Le droit pénal interdit également l’utilisation d’Internet pour communiquer avec un enfant dans le but de faciliter la perpétration d’une infraction d’ordre sexuel.

En 2011, le Canada a déposé le projet de loi intitulé Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet. La Loi oblige les fournisseurs de services Internet à faire rapport s’ils sont avisés d’une adresse Internet où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public ou s’ils ont des motifs raisonnables de croire à l’utilisation de leurs services Internet pour la perpétration d’une infraction relative à la pornographie juvénile. La Loi reconnaît qu’une personne peut être en conformité avec ses obligations de déclaration si elle fait un signalement en vertu des lois d’une province ou d’un pays étranger.

Depuis 2015, afin de mieux protéger les victimes et de réagir aux nouvelles tendances, le Code criminel interdit également la distribution non consensuelle d’images intimes (article 162.1) et autorise les tribunaux à ordonner le retrait des images intimes d’Internet (article 164). Ces changements ont été apportés à la loi par l’ancien projet de loi C-13, Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, dont il est question dans la lettre. Les tribunaux sont également autorisés à ordonner le retrait ou la suppression de pornographie juvénile, d’enregistrement voyeuriste et de publicité de services sexuels sous forme de documents imprimés ou accessibles au moyen d’un ordinateur au Canada, ce qui comprend Internet (articles 164 et 164.1).

Exploitation sexuelle d’enfants en ligne

La Stratégie nationale pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle sur Internet a été lancée en avril 2004 et renouvelée de façon permanente en 2009. Des investissements récents de 22,24 millions de dollars sur trois ans, à compter de 2019-2020, appuient les efforts accrus de Sécurité publique Canada pour :

Aucun des investissements prévus en 2019-2020 n’est allé à la GRC. Toutefois, le Budget de 2018 a prévu un financement de 19 millions de dollars sur cinq ans, et de 5,8 millions de dollars par la suite, pour accroître la capacité d’enquête du Centre national contre l’exploitation des enfants de la GRC.

Sécurité publique Canada est le ministère responsable de la Stratégie nationale et a établi des partenariats avec la GRC, Justice Canada et le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE), un organisme sans but lucratif qui exploite Cyberaide.ca, la ligne de signalement nationale. Le ministère collabore également avec des partenaires étrangers, comme les membres du Five Eyes, afin de mieux comprendre la menace que représente l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne et de trouver des solutions pour mieux protéger les enfants et les jeunes.

Centre national contre l’exploitation des enfants de la GRC et Pornhub

Le Centre national contre l’exploitation des enfants (CNEE) de la GRC est l’entité nationale responsable de l’application de la loi pour la Stratégie nationale pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle sur Internet. C’est également le point de contact central pour les enquêtes relatives à l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne au pays et à l’étranger lorsque la victime ou le délinquant est canadien. La GRC mène des enquêtes pour dépister les prédateurs et identifier et secourir les victimes. De plus, elle donne de la formation, fait des recherches et fournit un soutien aux enquêtes à l’intention des services de police municipaux, provinciaux, fédéraux et internationaux.

La Loi concernant la déclaration obligatoire force les fournisseurs de services Internet à transmettre au Centre canadien de protection de l’enfance les signalements qu’ils reçoivent concernant des sites Web où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public, et à avertir la police et à protéger tout élément de preuve s’ils croient que leurs services Internet ont été utilisés pour la perpétration d’une infraction relative à la pornographie juvénile. La Loi reconnaît qu’une personne peut être en conformité avec ses obligations de déclaration si elle fait un signalement en vertu des lois d’une province ou d’un pays étranger. La GRC mobilise les fournisseurs de services pour expliquer la législation et les obligations pertinentes au Canada, et applique la loi dans toute la mesure du possible. Toutefois, l’application des lois criminelles canadiennes aux services Internet, qui peuvent être de nature mondiale et ne pas être limités par les frontières traditionnelles, peut soulever des problèmes de compétence.

En 2018, la GRC a rencontré des représentants de MindGeek pour soulever la question de la Loi concernant la déclaration obligatoire (LDO). L’entreprise a indiqué par la suite que la LDO ne s’appliquait pas à MindGeek, puisqu’elle n’était pas une entreprise canadienne. Cette affaire illustre les difficultés liées à l’application des lois pénales canadiennes et aux limites territoriales de compétence en matière d’enquête, Internet étant de nature mondiale et transcendant les frontières traditionnelles. Les conflits de lois internationaux soulèvent des questions très complexes. Depuis cette rencontre, Mindgeek a informé la GRC que, suivant un avis du conseiller juridique de l’entreprise, celle-ci transmettrait tout signalement au National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC) aux États-Unis.

Depuis juin 2020, la GRC a reçu 120 signalements de la part de Pornhub par l’intermédiaire du National Centre for Missing and Exploitation Children (NCMEC) aux États-Unis. De ces signalements, 25 ont été transmis à un organisme canadien d’application de la loi. Aucune mesure n’a pu être prise à l’égard de 93 signalements pour diverses raisons, notamment parce qu’il était impossible de déterminer avec certitude si la personne avait moins de 18 ans et que le matériel ne répondait donc pas à la définition de pornographie juvénile au sens du Code criminel. Les autres signalements sont en cours d’évaluation.

Le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique a récemment adopté une motion pour que le ministre Blair, le ministre Lamentti (Justice), la commissaire Lucki et la direction du Service des poursuites pénales comparaissent dans le cadre de son étude sur la protection de la vie privée et de la réputation sur les plateformes telle Pornhub. Des représentants des Services de police spécialisés de la GRC ont déjà comparu devant le Comité pour cette étude le 22 février 2021.

Plus de 70 parlementaires de tous les partis ont aussi envoyé une lettre à la commissaire de la GRC pour demander la tenue d’une enquête criminelle complète sur la société mère de Pornhub (MindGeek) à la suite des témoignages de victimes et d’organisations de protection de l’enfance devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique. Les 53 députés et 20 sénateurs qui ont signé la lettre accusent MindGeek d’avoir omis de signaler des cas de pornographie juvénile au Centre canadien de protection de l’enfance et au National Center for Missing and Exploited Children des États-Unis entre 2011 et 2020. La GRC confirme que la commissaire a reçu la lettre des parlementaires et que l’affaire est en cours d'examen.

En ce qui concerne la demande d’enquête criminelle, cette affaire est entre les mains de la GRC pour que celle-ci procède à un examen et prenne toute mesure qui s’impose.

Principes volontaires pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants sur Internet

La Réunion des ministres des cinq nations en juillet 2019 à Londres comportait une séance mixte à laquelle ont participé des représentants de l’industrie numérique (Facebook, Google, Microsoft, Roblox, Snap et Twitter) pour discuter du rôle que joue cette industrie dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne sur leurs plateformes. La réunion a abouti à un accord entre les pays membres du Five Eyes selon lequel les représentants des gouvernements collaboreraient avec l’industrie numérique pour mettre au point un ensemble de principes volontaires pour orienter les efforts du secteur privé à cet égard.

Le Five Eyes a annoncé officiellement les principes volontaires lors d’un événement à Washington le 5 mars 2020. En parallèle, les partenaires de l’industrie numérique ayant participé à l’élaboration des principes volontaires, de même que d’autres intervenants de l’industrie, ont diffusé des communiqués en appui aux principes volontaires. L’objectif est que les principes soient adoptés par un grand nombre d’entreprises, constituent un cadre commun pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, incitent une action collective, forment une norme de référence pour la sécurité, notamment pour encourager des initiatives visant à vérifier l’âge des utilisateurs, et complètent des initiatives propres à chaque pays partenaire.

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