Manifestations contre le projet de gazoduc Coastal Gaslink
Sujet :
Arrestations de journalistes en lien avec les manifestations de la Première Nation Wet’suwet’en contre le projet de gazoduc Coastal GasLink (CGL).
Réponse suggérée :
- La GRC respecte et protège le droit de manifester pacifiquement garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.
- Je suis au courant de l’arrestation de deux personnes qui se sont identifiées comme journalistes après avoir été arrêtées et qui ont été libérées depuis.
- Les journalistes jouent un rôle essentiel et fondamental pour la démocratie en informant le public, en remettant en question le statu quo et en favorisant le dialogue sur des questions d’intérêt public.
- La GRC emploie une approche mesurée qui prévoit des mesures proactives d’engagement, de communication et de facilitation de la part de la police afin d’appuyer la tenue de manifestations légales et pacifiques dans un environnement sûr pour les manifestants, les membres du public et les intervenants, tout en cherchant à protéger les libertés fondamentales d’expression et de réunion pacifique.
- La GRC reste déterminée à faire en sorte que les médias aient accès aux manifestations pacifiques, légales et sûres afin qu’ils puissent les observer et en rendre compte.
- Le degré d’intervention appliqué dans toute situation est fonction d’une évaluation pondérée des risques qui tient compte de la probabilité et de l’étendue des préjudices et des dommages possibles à la propriété.
- La GRC continuera de maintenir l’ordre public, de protéger la vie et la propriété et d’appliquer la loi en employant des moyens d’intervention comme dernier recours.
Contexte :
Deux journalistes ont été arrêtés le 19 novembre 2021 au camp de manifestants érigé sur le chemin de service forestier Marten. Ces personnes se trouvaient à l’intérieur de structures appelées des « minimaisons » au moment de leur arrestation. Le 25 novembre 2021, un journaliste a diffusé une vidéo des arrestations. Toutefois, celle-ci ne montre pas ce qui s’est passé avant que les membres de la GRC n’entrent dans les structures. Les agents de la GRC ont lu l’injonction à chacune des structures et ont fait plusieurs appels, pendant plus d’une heure, pour enjoindre les occupants de quitter les structures. Les seules réponses provenant de l’intérieur des structures étaient de nature désobligeante et consistaient en des refus. C’est seulement une fois que les agents de la GRC sont entrés dans les structures et ont arrêté les personnes que celles-ci se sont identifiées comme journalistes. Les journalistes ont eu accès à un avocat et le nécessaire a été fait en vue de leur comparution devant la juge Church. La norme qu’utilise la GRC au moment d’évaluer une situation pouvant mener à l’arrestation de journalistes repose sur la décision Brake rendue en 2019. Évoquée récemment par le juge Thompson lors des manifestations à Fairy Creek, cette norme définit les journalistes et les personnes des médias comme étant ceux qui n’aident pas ou ne défendent pas activement les manifestants ou ne participent pas activement aux manifestations sur lesquels portent les reportages; ne font pas de gestes qui pourraient raisonnablement être considérés comme visant à aider ou à encourager les manifestants à mener des actions de manifestation ou à enfreindre une ordonnance déjà rendue; n’entravent pas de quelque façon le travail de ceux qui cherchent à faire respecter la loi ou une ordonnance déjà rendue, ou l’administration de la justice. Les deux personnes ont été libérées, [Caviardé].
Le projet de CGL consiste en un gazoduc de 670 km devant servir à acheminer du gaz naturel de Dawson Creek à Kitimat (C.‑B.). Dans le cadre de son engagement auprès des groupes autochtones concernés, CGL a conclu 20 accords de prestations à l’endroit de groupes autochtones situés le long du parcours du gazoduc, y compris avec quatre des cinq bandes wet’suwet’en visées par la Loi sur les Indiens. Bien que tous les conseils de bande wet’suwet’en consentent au projet, puisque celui‑ci procurerait des avantages financiers à leur communauté, les chefs héréditaires, représentés par le Bureau des Wet’suwet’en, s’y opposent, étant donné que le trajet proposé traverse leur territoire ancestral, pour lequel ils invoquent des droits autochtones. Cette opposition a créé une profonde division au sein de la communauté wet’suwet’en et est à l’origine de manifestations et de barrages.
Le 14 décembre 2018, CGL a obtenu une injonction provisoire assortie d’une ordonnance d’exécution par les forces policières afin d’empêcher toute perturbation des activités de la société. Cette injonction, qui visait à empêcher quiconque d’entraver le droit légal de CGL de mener ses opérations, comporte une clause d’exécution autorisant la GRC à arrêter toute personne dont elle a des motifs raisonnables et probables de croire qu’elle contrevient à l’injonction. La GRC dispose d’une discrétion opérationnelle quant au moment et à la manière d’intervenir. Malgré un dialogue continu avec le Bureau des Wet’suwet’en, qui s’oppose au projet de gazoduc, des manifestants ont fait savoir qu’ils bloqueraient l’accès au secteur pour la société et la police. La GRC a exécuté l’injonction le 7 janvier 2019, démantelant le barrage des manifestants et arrêtant 14 personnes, ce qui a suscité la critique des communautés autochtones et d’autres entités. Entre‑temps, la GRC a appuyé la négociation d’un protocole entre CGL et les chefs héréditaires visant à accorder à CGL et aux Wet’suwet’en l’accès au secteur, aux fins d’exercer des activités traditionnelles par la Première Nation.
Toutefois, le 31 décembre 2019, par suite d’une seconde demande de CGL, la Cour suprême de la C.‑B. a annulé l’injonction provisoire susmentionnée pour y substituer une version interlocutoire (ordonnance valide jusqu’au procès). Le 4 janvier 2020, les chefs héréditaires wet’suwet’en ont ordonné à CGL de quitter le territoire. La GRC a exécuté l’injonction provisoire le 7 février 2020 et a arrêté 22 personnes dans les trois jours qui ont suivi. En riposte, divers groupes un peu partout au pays ont tenu des manifestations et érigé des barrages par solidarité avec les Wet’suwet’en. Notamment, un barrage ferroviaire érigé sur le territoire mohawk de Tyendinaga en Ontario a interrompu la circulation ferroviaire entre Montréal et Toronto pendant une période prolongée. Ces manifestations ont mené à une multiplication des barrages ferroviaires et routiers ailleurs au pays durant plusieurs semaines. Le 14 mai 2020, des pourparlers de haut niveau entre les gouvernements provincial et fédéral et les Wet’suwet’en ont débouché sur un protocole d’entente visant à orienter les négociations futures sur les droits et titres ancestraux autochtones.
Les discours tenus en ligne se sont faits plus virulents en septembre 2021, marqués par des appels plus pressants à la mobilisation, ce qui a poussé des manifestants à s’établir de nouveau dans le secteur. La GRC est intervenue selon une approche mesurée afin d’éviter que la situation ne s’envenime, tout en maintenant contact avec le chef héréditaire Woos (Frank Alec) du clan Gidimt’en afin de parvenir à une résolution pacifique. L’arrivée récente de guerriers mohawks et de figures connues d’autres mouvements de manifestants autochtones canadiens a exacerbé la situation; des discours encore plus virulents, évoquant la « guerre » et appelant à une action directe contre la police et l’industrie, se sont multipliés dans les médias sociaux parmi des membres influents des groupes contestataires et sur les lieux mêmes des manifestations. Malgré les assurances du chef Woos selon lesquelles ce dernier entendait mettre tout en œuvre pour obtenir une résolution pacifique, les manifestations se sont intensifiées. Les manifestants et les groupes qui y sont associés ont appelé à l’action directe contre la police et d’autres parties visées dans des affrontements antérieurs.
CGL tente d’effectuer des travaux de préparation du site, notamment le forage sous la rivière Morice près d’un tronçon du chemin de service forestier Morice, long de 63,5 km. L’endroit se trouve dans le secteur du camp de guérison Unit’ot’en, en territoire traditionnel wet’suwet’en. Le matin du 4 novembre, des membres du clan Gidimt’en ont annoncé qu’ils expulsaient des employés de CGL du territoire wet’suwet’en. Peu après, la GRC a signalé que trois barrages avaient été érigés le long du chemin de service forestier Morice, près de Smithers (C.-B.), qui donne accès aux chantiers de CGL. Par conséquent, environ 700 travailleurs se sont retrouvés coincés derrière les barrages, avec un accès limité aux fournitures essentielles.
Le Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et de l’industrie de la GRC est arrivé sur les lieux et a soigneusement évalué la situation tout au long de la semaine. La prise de mesures d’application était considérée comme une option de dernier recours, afin de ne pas aggraver la situation. Le 18 novembre 2021, la GRC a pris la décision de mobiliser des ressources pour secourir les travailleurs coincés derrière les barrages. L’intervention de la GRC respectait l’injonction interlocutoire accordée par la Cour suprême de la C.‑B. en décembre 2019, qui est toujours en vigueur.
Des responsables du gouvernement fédéral poursuivent les discussions avec des représentants de la province, la Nation et des chefs héréditaires wet’suwet’en, et CGL en vue de désamorcer la situation et d’assurer la sécurité de toutes les personnes présentes sur les lieux, et de déterminer les prochaines mesures à prendre.
Dans un incident connexe survenu l’après-midi du 14 novembre 2021, une manifestation sur les voies ferrées du Canadien National à proximité de New Hazelton (C.-B.), a également été signalée. Quinze manifestants se seraient trouvés sur les voies ferrées et auraient aussi bloqué l’autoroute. Ils ont indiqué qu’il s’agissait d’une manifestation à l’appui de l’expulsion de CGL du territoire wet’suwet’en. En tout, quatre trains ont été arrêtés en soirée avant que le service complet ne reprenne dans l’après-midi du 15 novembre 2021. D’autres appels ont été lancés pour que des manifestations soient organisées à l’appui de celles qui se déroulent sur le territoire wet’suwet’en. La police a exécuté l’ordonnance d’injonction accordée à CGL le 18 novembre 2021 dans le but de secourir des centaines de travailleurs coincés dans leur camp par des auteurs d’outrage au tribunal. Depuis le 19 novembre 2021, le chemin de service forestier Morice est ouvert à la circulation et l’industrie poursuit le transport de fournitures et de personnel vers ses camps. Cependant, des manifestations sont toujours en cours à New Hazelton, où des participants tentent de bloquer des trains, malgré l’injonction qui a été accordée.
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