Instructions du ministre à l'intention de l'ASFC sur la surveillance et les sources humaines confidentielles
Le gouvernement et la population du Canada s'attendent à un haut niveau de rendement de la part l'Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC » ou « l'Agence ») dans l'exercice de ses responsabilités en vertu de la législation frontalière. On s'attend également à ce que l'ASFC s'acquitte de son mandat dans le respect de la primauté du droit et des droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.
La reddition de comptes est essentielle à notre système de gouvernement et au maintien de la confiance des Canadiens. Les ministres de la Couronne sont responsables de l'exercice des pouvoirs qui leur sont légalement attribués et de la réalisation des activités relevant de leur portefeuille; et ils doivent rendre compte de ces responsabilités devant le Parlement et auprès des Canadiens. Le système de reddition de comptes de l'ASFC est multidimensionnel. L'élément central du système est l'obligation de me rendre des comptes, à titre de ministre responsable de l'Agence. L'ASFC doit également rendre compte de ses activités en matière de sécurité nationale auprès d'organismes d'examen externes, comme l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Enfin, l'ASFC doit rendre des comptes aux Canadiens, en raison de l'engagement du gouvernement en ce qui a trait à la transparence.
En vertu du paragraphe 8(1) de la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada et de l'article 5 de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, les présentes instructions du ministre fournissent de l'orientation au président de l'Agence concernant la surveillance et les sources humaines confidentielles (SHC). Elle sert à renforcer la responsabilité de l'ASFC à l'égard du ministre quant à l'administration et à l'exécution de la législation frontalière.
Généralités
Le pouvoir de l'ASFC pour ce qui est d'exécuter des activités de surveillance (annexe A) et d'utiliser des sources humaines confidentielles (annexe B) découle du mandat de l'Agence défini à l'article 5 de la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada et de l'obligation des agents de l'ASFC de gérer et d'exécuter la législation frontalière. Ce pouvoir soutient le recours à la surveillance et à des sources humaines confidentielles comme techniques d'enquête dans le cadre d'enquêtes criminelles, d'enquêtes sur l'exécution de la loi dans les bureaux intérieurs, et comme outils du renseignement pour permettre l'exécution de la législation frontalière.
Principes
Alors que l'ASFC remplit son mandat, je m'attends à ce que les principes énumérés ci‑après guident et éclairent ses activités de surveillance et celles en lien avec les SHC.
L'ASFC doit veiller à ce qui suit :
- les activités de surveillance et celles liées à des sources humaines confidentielles doivent être conformes aux lois du Canada, y compris à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et elles doivent être conformes au cadre stratégique interne de l'ASFC;
- les agents ne réalisent que des activités qui ont été autorisées ou approuvées par le titulaire du pouvoir délégué en vertu des politiques applicables, sauf si des exceptions sont permises dans des circonstances exceptionnelles;
- les agents doivent respecter le cadre de gestion des risques (annexe C) dont il est question dans la politique applicable et les procédures opérationnelles normalisées en vue d'orienter la prise de décisions. Plus le risque associé à une activité est grand, plus l'autorité hiérarchique requise pour l'approbation est élevée.
- gérer de façon uniforme et conformément à la loi les renseignements personnels, à savoir lorsqu'il s'agit de recueillir, de stocker, d'échanger et de divulguer de tels renseignements en vertu des lois qui s'appliquent, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels, et conformément aux directives du gouvernement du Canada en matière de gestion de l'information.
Reddition de comptes
En tant que ministre, je dois rendre compte des activités de l'ASFC devant le Parlement et auprès de tous les Canadiens, et je dois ainsi être bien informé. Par conséquent, le président de l'ASFC doit me tenir au courant dès qu'il est avisé qu'une activité de surveillance ou une activité en lien avec les SHC est menée par l'ASFC, ou encore qu'une action de la part d'une SHC, est susceptible d'avoir des répercussions néfastes importantes, comme :
- susciter une controverse publique;
- menacer la sécurité d'une personne;
- nuire aux relations interministérielles ou intergouvernementales à l'échelle du pays;
- nuire aux relations qu'entretient le Canada avec un pays ou avec une organisation internationale;
- enfreindre l'une des lignes directrices établies dans les présentes instructions ou dans toute politique de l'ASFC en ce qui a trait à la surveillance et aux SHC.
Je peux, à tout moment, de mon propre chef ou lorsqu'on attire mon attention sur une situation susceptible d'avoir d'importantes répercussions néfastes, demander un examen de toute question liée à la surveillance et aux SHC.
Rapport annuel au ministre
Le président de l'ASFC doit me soumettre un rapport annuel sur les activités de surveillance et les activités en lien avec les SHC de l'Agence. Le rapport doit préciser et décrire tout cas de non‑conformité avec les présentes instructions du ministre ou encore les politiques ou procédures applicables à ces activités. Les autres exigences s'appliquant au rapport annuel sont décrites dans les annexes A et B.
Annexe A : Surveillance
La surveillance est une technique d'enquête utile qui permet à l'ASFC d'obtenir de l'information pour mieux administrer et exécuter la législation frontalière.
La surveillance consiste à observer à couvert des personnes, des véhicules, des lieux ou des objets afin d'obtenir des renseignements sur des personnes ou des organisations.
En plus des principes établis dans les présentes instructions, l'ASFC doit réaliser ses activités de surveillance conformément à ce qui suit :
- les activités de surveillance peuvent être réalisées en l'absence d'un mandat judiciaire autorisé seulement si la cible n'a aucune attente raisonnable concernant la vie privé. Lorsqu'on estime que la cible peut avoir des attentes raisonnables concernant la vie privée, on doit mettre fin aux activités de surveillance, à moins que l'Agence ait obtenu un mandat judiciaire autorisé;
- l'ASFC doit s'assurer de respecter l'obligation de divulgation complète, équitable et honnête, ainsi que l'obligation de franchise, dans ses demandes d'autorisation judiciaire, qui sont essentielles à l'intégrité du processus d'autorisation judiciaire;
- les activités de surveillance ne peuvent être réalisées qu'au Canada.
Institutions fondamentales canadiennes
L'ASFC doit évaluer avec soin les sensibilités publiques potentielles si elle songe à effectuer de la surveillance qui pourrait avoir des répercussions – ou sembler avoir des répercussions – sur des institutions fondamentales canadiennes (IFC). Parmi les exemples d'institutions de ce type, il y a, entre autres, les universités, les institutions politiques ou religieuses, les institutions du secteur des médias, ainsi que les hôpitaux, les refuges pour femmes et les organisations syndicales.
Le président, le premier vice‑président ou le vice‑président du renseignement et de l'exécution de la loi doit approuver toutes les activités de surveillance dans une IFC.
Reddition de comptes
Rapport annuel au ministre
Le rapport annuel classifié du président de l'ASFC sur les activités de surveillance doit comprendre de l'information concernant :
- le nombre de plans opérationnels de surveillance qui ont été soumis;
- le nombre de rapports finaux soumis;
- les heures de surveillance effectuées lors des opérations dirigées par l'ASFC;
- le coût des activités de surveillance;
- les priorités en matière d'exécution de la loi et de renseignement qui sont soutenues par les activités de surveillance;
- les résultats immédiats au chapitre de l'exécution de la loi présentés dans les rapports finaux;
- les activités menées à l'intérieur ou sur la propriété d'une IFC, et leurs résultats.
Annexe B : Sources humaines confidentielles
L'ASFC recrute des personnes à titre de sources humaines confidentielles (SHC), les forme et les gère afin d'obtenir des renseignements précieux à l'appui de l'administration et de l'exécution de la législation frontalière.
Une SHC est une personne qui :
- fournit de précieux renseignements liés au mandat de l'ASFC qui ne peuvent être facilement obtenus à partir d'autres sources;
- indique à un employé de l'ASFC qu'elle souhaite que son identité demeure confidentielle;
- après une évaluation favorable effectuée par l'ASFC, obtient d'un agent chargé des SHC formé à cet égard l'assurance qu'elle gardera l'anonymat, et est inscrite à l'ASFC en tant que SHC.
En plus des principes établis dans les présentes instructions, l'ASFC doit gérer les SHC conformément à ce qui suit :
- le recours aux SHC doit être raisonnable et appuyer l'administration et l'exécution de la législation frontalière;
- la prise en considération d'une personne à titre de SHC doit être fondée sur une évaluation des risques dans le cadre de laquelle on compare les avantages susceptibles de découler de l'information que peut fournir la personne avec les risques liés au fait de permettre à la personne de devenir une SHC;
- les fonctionnaires de l'ASFC doivent donner de l'information à la SHC sur la conduite jugée acceptable et sur le fait qu'elle ne peut pas faire sciemment appel à des agents ni demander à une personne d'agir à titre d'agent. Les renseignements fournis par la SHC ne doivent pas avoir été obtenus par des moyens illégaux;
- la gestion des SHC sera effectuée de façon à protéger l'identité de ces personnes et à voir à leur sécurité, tout en assurant également l'intégrité du programme;
- la gestion des SHC doit être effectuée de façon éthique et juste. L'ASFC veillera à ce qu'un mécanisme informel de règlement des différends soit en place pour traiter les plaintes des SHC;
- les agents de l'ASFC ne doivent pas recruter ni gérer des SHC à l'extérieur du Canada;
- l'ASFC ne doit pas recruter, désigner, ni utiliser les personnes suivantes comme SHC :
- les personnes de moins de 18 ans;
- les personnes faisant l'objet de mandats non exécutés pour des actes criminels;
- les personnes qui sont soupçonnées de prendre part à des activités criminelles graves ou à toute autre activité criminelle pouvant causer un préjudice physique à d'autres personnes;
- les personnes qui souhaitent fournir, sous le couvert de l'anonymat, des renseignements qu'elles pourraient être tenues de transmettre pour des raisons professionnelles, juridiques ou éthiques (p. ex. un professionnel de la santé, des agents d'exécution de la loi);
- des employés de l'ASFC ou d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), ou encore des personnes qui sont au service d'un autre organisme d'application de la loi ou d'une autre agence de renseignement au pays ou à l'étranger;
- d'autres fonctionnaires fédéraux, provinciaux ou municipaux qui veulent fournir ou ont fourni des renseignements auxquels ils ont accès dans l'exercice de leurs fonctions;
- des membres de la famille immédiate ou des connaissances intimes d'employés de l'ASFC ou d'IRCC.
Reddition de comptes
Pour veiller à la conformité avec les instructions ci‑dessus, l'ASFC doit évaluer régulièrement les relations actives entretenues avec les SHC et ainsi évaluer si elles sont toujours adéquates et pertinentes dans le contexte des obligations et des rôles de l'ASFC.
Approbations spéciales
Une possible SHC qui entre dans l'une des catégories ci‑après au titre des approbations spéciales ne doit pas être acceptée à titre de SHC à moins qu'une évaluation exhaustive des risques ne soit effectuée et qu'une approbation spéciale ne soit accordée par le président, par le premier vice‑président ou par le vice‑président du renseignement et de l'exécution de la loi. Voici les catégories en question :
- un membre d'une IFC;
- un ancien employé d'un organisme étranger d'exécution de loi ou du renseignement;
- un informateur ou un agent travaillant pour le compte d'un autre ministère ou organisme du Canada;
- une personne fournissant des renseignements en lien avec les articles 34, 35 et 37 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés;
- une personne qui n'a pas le statut de résident permanent, dont la demande à cet égard est en attente ou qui est partie à un litige en raison de son statut, y compris les personnes détenues dans un centre de surveillance de l'immigration;
- une personne qui est actuellement en liberté conditionnelle ou en période de probation;
- une personne qui est en train de purger une peine pénale;
- une personne qui, selon une évaluation, détient de l'information pouvant être très utile, mais qui présente un niveau de risque plus élevé que le niveau normalement accepté.
Rapport annuel au ministre
Le rapport annuel classifié du président de l'ASFC sur les SHC doit comprendre de l'information concernant :
- le nombre de SHC actives;
- le nombre de gestionnaires s'occupant activement de SHC;
- le nombre de comptes rendus fournis par les SHC;
- les priorités en matière d'exécution de la loi et de renseignement soutenues par l'information fournie par les SHC;
- les « approbations spéciales », notamment en ce qui a trait aux personnes qui peuvent avoir une incidence – ou qui semblent avoir une incidence – sur le rôle intégral et les fonctions d'une IFC;
- tous les cas où l'ASFC apprend qu'une SHC a obtenu des renseignements par des moyens illégaux, la décision qu'a prise l'ASFC quant à la pertinence de continuer de recourir à la SHC et toute mesure prise par l'ASFC à la suite de cette décision;
- les primes versées aux SHC, les dépenses de ces personnes et la valeur de l'information fournie par celles-ci.
Annexe C : Cadre de gestion des risques
Les risques juridiques doivent être évalués conformément aux critères d'évaluation des risques du ministère de la Justice. Des politiques et des procédures opérationnelles normalisées ont été établies pour guider les agents et leurs gestionnaires quant aux risques à gérer, tel que le prescrit le ministère de la Justice.
Le risque opérationnel lié à la sécurité doit être évalué en fonction de l'environnement opérationnel et des activités opérationnelles, y compris le risque de décès ou de lésions corporelles auquel sont exposés les agents et le public. Des politiques, des procédures opérationnelles normalisées et des formulaires normalisés permettent aux agents et à leurs gestionnaires de cerner les risques et, s'il y a lieu, d'atténuer les risques ou de mettre fin aux activités en question.
Le risque d'atteinte à la réputation doit être évalué, y compris le risque de controverse publique, de même que le risque que l'on discrédite l'Agence ou le gouvernement du Canada.
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