Résumé
Cette étude porte sur les représentations et les pratiques des enquêteurs de différents services de police municipaux du Québec dans le traitement des fausses allégations d’agression sexuelle de plaignantes adultes. On peut définir la fausse allégation comme un mensonge délibéré par une présumée victime accusant un homme d’un viol qui ne s’est pas produit. Il peut aussi s’agir d’une allégation imaginaire que la personne croit être vraie (Katz et Mazur, 1979 : 207). Il existe une multitude de pratiques et de démarches d’enquête. Toutefois, elles diffèrent peu d’un corps policier à l’autre. La principale distinction repose essentiellement sur le contexte d’application de ces diverses pratiques ; le choix de mettre à profit ou non certaines stratégies se fonde, la plupart du temps, sur le jugement des enquêteurs, sur leur interprétation personnelle de la situation ou sur la présence de politiques internes au sein de l’organisation qui dictent la marche à suivre dans de telles situations. Leur expérience d’enquête, leur implication dans différents dossiers d’allégations non fondées et les contextes dans lesquels ils ont été appelés à intervenir ont façonné leur perception de la problématique et ont guidé leurs pratiques professionnelles. Si les enquêteurs s’accordent tous pour dire qu’il est de leur devoir de demeurer neutre, il n’en demeure pas moins que ce sont, bien souvent, les indices qu’ils identifient comme étant ceux d’une fausse allégation qui font état du caractère personnel de la démarche d’enquête. Plusieurs de ces indices ne reposent pas sur des traces matérielles ou des faits mais résultent de l’interprétation des faits ou ne reposent que sur l’intuition. Les éléments susceptibles d’influencer les pratiques des enquêteurs sont donc en termes de représentations du phénomène ou de contextes pratiques. Malgré tout, un constat demeure : la complexité du phénomène des fausses allégations d’agression sexuelle se reflète dans l’inefficience des procédés et des méthodes d’enquête visant à les détecter. À l’heure actuelle, la détection des fausses allégations repose essentiellement sur la compréhension des motivations des plaignantes et sur la mise à profit de stratégies communicationnelles et de ressources humaines pouvant fournir une expertise supplémentaire. Au risque de formuler hâtivement des conclusions erronées, il importe pour les enquêteurs de demeurer vigilant quant à l’analyse des faits allégués et quant à l’interprétation des caractéristiques imputables à l’attitude de la victime et à la nature de ses réponses émotionnelles au moment de l’agression et en cours d’enquête. Les autorités et les différents acteurs qui sont confrontés, dans leur pratique, à l’élaboration de la problématique des fausses allégations d’agression sexuelle se doivent d’être conscientisés aux causes de cette problématique. Pour ce faire, il serait favorable d’investir davantage dans la formation portant sur le phénomène des fausses allégations d’agression sexuelle et ce, dans l’optique de standardiser les pratiques professionnelles à l’endroit de cette problématique – qui constitue un méfait public, crime pour lequel l’auteur est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 5 ans – et de mettre l’emphase sur l’identification d’indicateurs plus objectifs pouvant contribuer à leurs détections..