ARCHIVE - De la réforme à l’amélioration continue : l’avenir de la GRC
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Rapport final du Conseil de mise en œuvre de la réforme
Décembre 2010
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Table des matières
- Introduction
- Le sens du mot «réforme»
- Progrès de la réforme
- Perspectives 'avenir
- Annexe A : Le Conseil de mise en œuvre de la réforme
December, 2010
L'honorable Vic Toews
Ministre de la Sécurité publique
Monsieur le Ministre,
C'est avec plaisir que le Conseil de mise en œuvre de la réforme à la GRC vous soumet son cinquième et dernier rapport, en application d'un mandat qui doit se terminer le 19 décembre 2010.
En recommandant la création d'un tel conseil dans le but de fournir « un leadership et une orientation relativement au processus de renouvellement », le Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC lançait une innovation au chapitre de la gestion dans le secteur public. Depuis notre nomination en 2008, nous nous sommes efforcés de remplir notre mandat en guidant la GRC dans son processus de réforme continu sans perdre de vue les changements à la culture et à la gestion de l'organisation qui s'imposaient afin de lui garantir un solide avenir.
Nous nous sentons privilégiés d'avoir pu travailler avec les cadres supérieurs de la GRC. Ces gens assument leurs responsabilités avec un talent et un dévouement dignes de respect; nous espérons les avoir aidés, par nos différents points de vue, à mieux comprendre comment transformer avec succès l'institution qui leur a été confiée.
Nous saluons aussi les membres de la GRC, hommes et femmes, dont le courage, la compétence et le dévouement perpétuent les meilleures traditions de la Gendarmerie. Ayant eu l'honneur d'en voir plusieurs à l'œuvre sur le terrain, nous avons pu apprécier dans toute sa mesure le travail difficile et souvent dangereux qu'ils accomplissent au service de leurs collectivités. De plus, nous avons appris le rôle crucial des employés qui occupent des postes techniques ou administratifs, et sans qui l'organisation ne pourrait fonctionner. Entre autres priorités, la réforme devrait permettre à tout le personnel de mieux concourir à la sécurité de la population canadienne.
Dans nos rapports à votre intention, à l'intention de vos prédécesseurs et ultimement à l'intention de tous les Canadiens, nous nous sommes efforcés d'aider le gouvernement à se faire une idée des grands enjeux qui touchent la GRC, et d'amener le public à soutenir la Gendarmerie dans ses initiatives de transformation continues.
Le message central de ce rapport final est le suivant : on ne peut tenir pour acquises ni la santé ni la performance de la GRC. Bien qu'absolument prioritaire pour les officiers supérieurs, le renouvellement exige un appui indéfectible du gouvernement et du public.
Nous en sommes convaincus depuis le début de nos travaux, le développement de la GRC dans tous ses rôles nécessite une réforme de la gestion et de la gouvernance. Selon nous, le succès de la transformation lancée par le gouvernement il y a trois ans passe entre autres par la création d'un conseil de gestion officiel, et par le changement du statut de la GRC en tant qu'employeur.
En conclusion, nous sommes heureux d'avoir pu contribuer à la transformation du service de police national du Canada. Nous ne doutons pas un instant que la GRC va demeurer pour des dizaines d'années encore un atout précieux pour la population.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre très haute considération.
David McAusland
Jean-Claude Bouchard
Jocelyne Côté-O'Hara
Beverley A. Busson
Introduction
Une GRC en évolution
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) passe depuis longtemps pour l'une des grandes institutions canadiennes. Dès ses débuts, elle a joué un rôle de premier plan dans la colonisation de l'Ouest et dans le développement du Nord. Avec les décennies, elle a grandi en taille et en portée jusqu'à avoir sous sa responsabilité une grande partie du territoire canadien et tout un éventail de fonctions au niveau national, devenant par le fait même l'un des corps de police les plus respectés du monde.
Aujourd'hui, la GRC fournit des services de police dans les trois territoires, dans huit provinces, ainsi que dans des centaines de collectivités autochtones et de villes réparties dans tout le pays. Elle collabore étroitement avec les autres services de police canadiens, surtout municipaux, mais aussi provinciaux (en Ontario et au Québec). Elle applique les lois, notamment pour le gouvernement fédéral, dans des secteurs aussi variés que le crime organisé, le trafic de drogue, l'antiterrorisme et les délits commerciaux. Elle prodigue aux autres corps de police des services de soutien essentiels (identité judiciaire, banque nationale des casiers judiciaires, etc.). Elle protège le gouverneur général, le premier ministre, les dignitaires étrangers et les diplomates. Au pays comme ailleurs, la GRC représente le Canada lors de cérémonies, contribue à la formation des policiers et collabore avec la police dans d'autres pays ainsi qu'avec des organismes internationaux. Finalement, elle travaille de concert avec différents organismes fédéraux, comme l'Agence des services frontaliers du Canada, Transports Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité.
La population comprend l'importance de la GRC, aussi bien localement que nationalement. Elle veut que la Gendarmerie se montre digne d'une réputation bien méritée jusqu'à maintenant, à la fois comme police nationale et comme protectrice des collectivités. Bien entendu, les gens savent qu'à exercer des responsabilités complexes et à interagir quotidiennement avec des dizaines de milliers de personnes, la GRC va inévitablement faire des erreurs (parfois graves), fût-ce dans une minorité de cas. Quand la GRC se trompe, ils s'attendent à la voir rendre des comptes et accueillir les examens minutieux qui s'ensuivent dans un esprit de franchise et de collaboration. Si, comme nous en sommes persuadés, la Gendarmerie agit résolument pour s'améliorer, alors Canadiens et Canadiennes verront qu'elle a tiré la leçon de ses erreurs comme de ses bons coups.
Malgré les années qui passent, malgré les rôles qui se transforment et s'élargissent, malgré l'évolution marquée de la police communautaire avec tout ce qu'elle implique de comptes à rendre au public, une certaine prédilection pour le commandement et le contrôle reste bien enracinée dans la culture institutionnelle, dans les mécanismes de gouvernance et dans le mode de gestion. L'évolution dans ces trois domaines impressionne par sa lenteur.
Pour relever les nouveaux défis et répondre à des attentes croissantes, la GRC doit manifestement prendre l'engagement et avoir les moyens d'opérer en elle-même des changements fondamentaux. Tout le monde en est conscient : le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et les municipalités où elle offre des services de police, le grand public et, sans doute plus important encore, les dirigeants de la Gendarmerie. La nouvelle idée à assimiler, c'est que le changement à la GRC doit devenir permanent.
Le cinquième et dernier rapport du Conseil de mise en œuvre de la réforme cherche avant tout à orienter l'avenir de la GRC. Il explique pourquoi la réforme doit non pas se limiter au fonctionnement de la Gendarmerie, mais englober jusqu'à sa mentalité. Rappelant les progrès accomplis depuis le début de la réforme qui remonte à quelques années, ce rapport désigne les mesures et structures nécessaires pour que l'idée de réforme continue s'installe à tous les niveaux.
Le Conseil de mise en œuvre de la réforme
Nommé par le gouvernement en mars 2008, le Conseil de mise en œuvre de la réforme (CMR) devait veiller « à ce que la GRC mette en œuvre les réformes nécessaires pour moderniser son organisation et ses opérations, de façon à bien se positionner pour relever les défis de l'avenir ». Ainsi, le conseil devait superviser la réforme et rendre compte des progrès au ministre de la Sécurité publique en plus de conseiller ce dernier, ainsi que le commissaire de la GRC, sur les questions connexesNote 1.
Bien que de différents horizons, tous les membres du conseil partagent un respect profond pour la GRC et une aspiration à la voir se renouveler. Sur presque trois ans de travail, nous avons profité d'une relation tout à fait franche et coopérative avec les cadres supérieurs, nous n'avons pas été d'accord sur tous les sujets. De plus, nous avons acquis une fervente admiration pour le travail de tous les employés, qu'ils portent l'uniforme ou non. Nous avons tenté établir les conditions pour que ces quelque 31 000 hommes et femmes bénéficient de la direction et de l'appui nécessaires pour servir encore mieux la population.
Vu que le conseil termine son mandat le 19 décembre 2010, il est temps que la GRC aille de l'avant sous l'égide d'une entité externe plus permanente qui puisse conseiller et critiquer les cadres supérieurs. Autre évidence, la GRC doit redéfinir sa relation avec le gouvernement. Nous avons préconisé un nouveau cadre de gestion et de gouvernance pendant tout notre mandat, et cette priorité n'est pas près de changer, bien au contraire.
Premièrement, le gouvernement doit nommer un conseil de gestion qui puisse fournir à la GRC un indispensable point de vue externe sur la meilleure façon d'accomplir sa mission, se prononcer sur les décisions prises dans les plus hautes sphères, et plus généralement aider la Gendarmerie à atteindre une excellence en gestion comparable à son engagement pour l'excellence dans le travail policier. En fait, les difficultés des cadres supérieurs ces derniers mois nous en convainquent encore davantage : il est nécessaire de créer ce mécanisme, cette instance indépendante qui, en toute bonne foi, de façon constructive et dans un souci d'amélioration continue, orientera, poussera et critiquera la GRC pour qu'elle excelle en matière de leadership et de gestion.
Deuxièmement, le gouvernement doit donner à la GRC un statut mieux adapté à son mandat et à ses responsabilités. La Gendarmerie a besoin d'autonomie et de marge de manœuvre, surtout en matière de relations de travail et de gestion des ressources humaines.
Nous sommes conscients que quelques mois ne suffiront pas pour opérer ces changements. En revanche, nous trouverions inquiétant qu'un trop grand délai s'écoule entre notre départ et la formation d'un conseil de gestion. Nous aborderons ce point plus tard dans le rapport.
Notre troisième objectif prioritaire en tant que conseil a été d'intégrer l'amélioration continue à la mentalité même de la GRC. Comme nous l'expliquons dans la prochaine section, notre conception des réformes nécessaires a évolué rapidement à mesure que nous prenions connaissance de la Gendarmerie et de ses problèmes.
Avec le temps, nous sommes devenus de plus en plus convaincus d'une chose : qu'une réforme réelle et durable doit venir de l'intérieur et qu'il ne faut jamais la voir comme terminée, pas plus d'ailleurs que l'amélioration ou l'affinement, que ce soit en gestion ou en travail policier. Ces trois tâches sont des obligations qui demeureront toujours.
Le sens du mot « réforme »
Une idée en évolution
L'idée même de la réforme a beaucoup évolué ces trois dernières années. À la nomination initiale du conseil, on mettait l'accent sur le rapport déposé en 2007 par le Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC, que présidait M. David Brown. Les 49 recommandations de ce rapport traitaient aussi bien de la relation entre la GRC et le gouvernement que des rôles et responsabilités incombant à différents secteurs de la Gendarmerie. Au moins la moitié des recommandations abordaient des questions de ressources humaines ou de milieu de travail.
Au début, plusieurs croyaient que les changements, bien que difficiles, allaient prendre un temps bien défini (quelques mois ou quelques années), après quoi on pourrait essentiellement dire « mission accomplie ». Ni le conseil ni les cadres supérieurs ne partageaient cette vision irréaliste.
Dans ses premières démarches, l'Équipe de gestion du changement sentait l'urgence de répondre précisément aux recommandations du groupe de travail, mais au fil de ses travaux d'exploration avec le conseil, une idée plus fondamentale et à plus long terme de la réforme s'est fait jour. Il en a résulté la Vision axée sur le changement, définition du genre d'organisation que la GRC s'engageait à devenir : « une organisation responsable, digne de confiance et souple, composée d'employés motivés à se démarquer par un leadership exceptionnel et à fournir des services de police de toute première classe ». Encore aujourd'hui, cette vision guide toute réflexion sur la réforme, au conseil comme à la GRC.
Le concept d'amélioration continue est une clé pour faire de la vision une réalité. Trouvant ses origines dans le secteur privé mais de plus en plus adopté par les organismes publics y compris les services de police, il consiste en un engagement à toujours s'efforcer de mieux servir sa clientèle et de mieux gérer ses employés, entre autres ressources. Une organisation qui adopte l'amélioration continue apprend à s'auto-ajuster, surveillant son propre rendement et cherchant à s'améliorer sur tous les plans. Du coup, aucun tiers n'a plus à exiger de réformes, puisque l'organisation est constamment en réforme.
Une culture d'amélioration continue ne peut prendre racine que si elle est préconisée activement à tous les niveaux hiérarchiques par des chefs confiants à l'esprit ouvert, prêts à écouter aussi bien leurs subordonnés que le public. Assumer des risques dans leurs propres décisions ne suffit plus; ces chefs doivent encourager et récompenser l'initiative chez leurs subordonnés, afin que les nouvelles idées soient toujours les bienvenues peu importe d'où elles viennent. Favoriser ce genre de leadership doit devenir une priorité pour la Gendarmerie.
Au moment de déposer notre premier rapport à l'automne 2008, nous (le conseil de mise en œuvre) étions déjà convaincus que l'idée d'amélioration continue devait faire partie intégrante de la culture et de la mentalité de la GRC. Les employés n'accepteront le changement et n'y contribueront que quand ils auront vu que l'amélioration continue peut leur donner les moyens de mieux servir les Canadiens en changeant véritablement la façon dont la GRC s'acquitte de ses responsabilités sur le terrain et utilise ses ressources, humaines et matérielles. Ceci commence par des chefs, des gestionnaires et des superviseurs informés et mobilisés.
Nous savions aussi que pour durer, une réforme doit autant que possible venir de l'intérieur. C'est comme éveiller le potentiel d'un élève plutôt que de l'assommer avec du par cœur. Dans cet ordre d'idées, nous avons sollicité les instincts et le savoir-faire de la GRC avec nos conseils et notre expérience.
Les grands thèmes de la réforme
Comme conseil, nous n'avions pas pour mandat de critiquer la GRC dans son travail policier, mais de l'aider à mieux gérer ses ressources humaines et financières, son aide au développement des futurs chefs, ses communications internes et externes et finalement, sa reddition de comptes au gouvernement et au public. Le travail policier allait en bénéficier de toute façon, car lorsque tous ces éléments sont bien gérés, on a des chefs et des gestionnaires de toute première classe outillés pour remplir la mission de leur organisme, conformément aux attentes de la population.
En observant la GRC, nous avons rapidement vu d'une part une culture de l'excellence dans le travail policier admirée dans le monde entier, et d'autre part des succès mitigés dans l'adoption de pratiques de gestion modernes.
Nos longues discussions avec le commissaire et l'État-major supérieur se sont toutes fondées sur une prémisse commune, à savoir que la nouvelle culture devait combiner les meilleurs aspects de la mentalité traditionnelle des Tuniques rouges avec une vision nouvelle, celle de l'amélioration continue pour l'excellence en gestion. Plusieurs grands thèmes se sont dégagés :
- Premièrement, l'effectif comme plus grande force de la Gendarmerie. Sans ces hommes et ces femmes, policiers ou civils, la GRC n'existerait pas. Il faut donc accorder une priorité absolue aux dossiers de ressources humaines et de milieu de travail. À cet égard, les progrès ont été substantiels.
- Deuxièmement, le fait qu'une réforme en profondeur passait par un leadership nouveau genre combinant un engagement envers le changement continu, un sens aiguisé de l'éthique personnelle et institutionnelle, ainsi que les aptitudes et compétences nécessaires à la gestion d'un organisme moderne complexe. Encore une fois, les progrès sont substantiels, mais les défis qui restent le sont aussi. Ce point doit donc demeurer prioritaire.
- Troisièmement, dès le début, nous les membres du conseil croyions fermement en l'utilité des communications modernes pour tout organisme. Notre mandat n'a fait que raffermir notre conviction que la GRC doit tendre la main plus efficacement et ouvertement à son effectif comme à la population canadienne. La partie est loin d'être gagnée.
- Dernier thème et non le moindre, la nécessité d'un nouveau cadre de gouvernance et de gestion, qui comprendrait aussi bien une source externe de conseils et de critiques pour la haute direction qu'une redéfinition du statut de l'organisation. Persistant à défendre le concept d'un conseil de gestion civil, nous sommes devenus persuadés que la GRC avait besoin d'une plus grande indépendance, surtout en tant qu'employeur. Les mesures qui précèdent serviront de fondement à tous les autres aspects du progrès et de la réforme.
Dans la prochaine section, nous verrons la place que ces thèmes ont occupée dans la réforme jusqu'à maintenant, et celle qu'ils doivent occuper à l'avenir selon nous pour que la réforme garde son erre d'aller.
Progrès de la réforme
À ce jour, les changements aux systèmes et processus de la GRC n'ont pas tous été notés et surtout appréciés à leur juste valeur. En fait, beaucoup d'efforts ont eu pour seul objectif de restructurer certaines pratiques de gestion ou d'administration. Dans notre quatrième rapport, nous avons dressé un compte rendu détaillé des projets consécutifs aux recommandations du groupe de travail (2007). La GRC elle-même en a fait autant. Son rapport Transformation de la Gendarmerie royale du CanadaNote 2 a beaucoup circulé, à l'interne comme parmi les gouvernements, organismes publics et autres parties intéressées. Excellent et à point, il est digne d'éloges.
Dans la présente section, nous exposerons les progrès en cours ou déjà accomplis, et donnerons notre avis sur la façon de maintenir l'élan de la réforme. Nous devons toutefois commencer par commenter brièvement deux faits nouveaux extérieurs à notre mandat, mais qui revêtent une importance considérable pour l'avenir de la GRC.
Surveillance par des civils
Le 14 juin 2010, le gouvernement a déposé le projet de loi C-38, pour remplacer l'actuelle Commission des plaintes du public contre la GRC par une nouvelle instance civile indépendante responsable des examens et des plaintes, qui jouirait de pouvoirs d'enquête accrus et d'un accès plus large aux données de la Gendarmerie. Cette nouvelle commission pourrait se pencher sur les politiques, entreprendre des enquêtes conjointes, échanger des renseignements avec d'autres organismes de surveillance, et faire rapport aux provinces et territoires qui signent avec la GRC des contrats de services policiers.
Ce geste du gouvernement donne suite à des démarches de la GRC, celle-ci ayant tenté depuis janvier 2010 de rendre plus transparentes les enquêtes sur les incidents graves mettant en jeu ses membres. La nouvelle loi éventuelle dirigerait toutes les affaires du genre vers les organismes spéciaux des provinces et territoires s'ils existent, et vers des services de police externes dans le cas contraire. Nous croyons comprendre que les choses fonctionnent déjà ainsi dans au moins deux administrations, et que le dialogue se poursuit dans certaines autres. Ultimement, c'est seulement en dernier recours que la GRC prendra en charge les enquêtes sur ses propres membres.
Le conseil voit en la GRC une ardente promotrice de la surveillance par des civils, et il accueille les progrès en la matière comme autant d'avancées dans la réforme. Certes, la surveillance des opérations par des civils est tout à fait distincte des enjeux de gestion, mais nous croyons que la responsabilisation sous toutes ses formes se trouve au cœur de la réforme.
Police contractuelle
La GRC est en train de renégocier ses contrats avec les provinces, territoires et municipalités où elle offre des services de police. En tant que conseil, nous reconnaissons la place primordiale qu'occupent les services policiers contractuels dans le mandat de la Gendarmerie. Nous avons bien vu d'une part les progrès réalisés dans l'établissement de nouveaux principes et de nouveaux mécanismes de consultation et de coopération qui traiteront les autorités contractantes comme des partenaires dans les décisions policières, et d'autre part la volonté bien réelle de reconnaître les priorités provinciales et locales et de laisser les autorités contractantes prendre part à la planification et à la gestion de la GRC, réforme comprise.
Les gens
Questions de ressources humaines
Comme nous l'avons déjà mentionné, à peu près la moitié des 49 recommendations formulées par le groupe de travail en 2007 touchent de près ou de loin aux ressources humaines. C'est dire qu'une grande partie des efforts initiaux sont allés dans ce domaine, avec des résultats très positifs. Victoire particulièrement digne de mention, la remise à neuf du système de recrutement, combinée à l'avènement de la rémunération des cadets, a rapidement éliminé le déficit de postulants dont la GRC souffrait depuis plusieurs années. Depuis 2007, plus de 29 000 personnes ont posé leur candidature. Cette hausse, de même qu'un meilleur système de sélection, a donné à la Gendarmerie les moyens de retenir des candidats avec les compétences et les qualités nécessaires pour former une nouvelle génération exemplaire de membres en uniforme (membres réguliers). Le recrutement de membres civils et de fonctionnaires s'est lui aussi amélioré. Le 1er avril 2010, l'effectif avait atteint 31 337 employés, un sommet historique.
Ces grandes réalisations ont été pilotées par le sous-commissaire Peter Martin, qui a tragiquement perdu la vie quelques semaines à peine après son départ à la retraite en avril 2010. Aujourd'hui mieux qu'avant, la GRC parvient à attirer les meilleurs candidats et à se doter d'un effectif représentatif en embauchant des femmes, des Autochtones et des membres de minorités visibles.
Les choses ont changé pour le mieux, aussi bien au Dépôt à Regina que dans la formation pratique partout au pays. On insiste désormais sur le mentorat à toutes les étapes de la carrière. Un processus revu et simplifié d'évaluation du rendement intègre les plans personnels de perfectionnement. Ayant connu des améliorations notoires, le régime de promotion se fonde maintenant sur le potentiel en matière de leadership. Finalement, le régime disciplinaire et le traitement des griefs connaissent une remise à neuf.
Toute une gamme de dossiers liés à la solde, aux avantages, aux conditions de vie et de travail ou alors au bien-être et aux incapacités sont soit réglés, soit en voie de règlement. Par exemple, les membres reçoivent désormais une indemnité quand ils doivent se tenir disponibles en dehors de leur quart de travail, et de nouvelles pratiques novatrices ont été introduites pour la relève dans les collectivités petites ou isolées. En offrant une solde de service accrue aux membres réguliers qui comptent de longues années de service et à certains membres civils spécialisés, la GRC parvient à maintenir son personnel expérimenté en poste et à attirer des candidats qualifiés.
Finalement, ce que le conseil trouve particulièrement important, la GRC produit désormais une stratégie annuelle de ressources humaines dans le cadre de sa planification fonctionnelle et opérationnelle.
Nous saluons les grandes réalisations de la GRC au service de ses gens. Il y aura toujours moyen de faire mieux; cela n'empêche pas que ces réalisations ont fait disparaître une grande partie des problèmes qui nuisaient le plus au personnel et qui empêchaient la GRC d'utiliser son effectif de façon optimale au service des Canadiens. En développement des ressources humaines, la Gendarmerie a opté pour une approche méthodique axée sur l'avenir – en un mot, stratégique. C'est une bonne chose.
Relations de travail
Nous sommes tout à fait conscients que le nouveau contexte au regard des relations de travail va influer sur la réforme. La nature exacte du nouveau régime reste à déterminer; c'est l'affaire des tribunaux et du Parlement, mais aussi des membres de la GRC eux-mêmes.
Tout a commencé en avril 2009, quand la Cour supérieure de l'Ontario a statué que le régime actuel bafouait les membres subalternes dans leur liberté d'association. Le gouvernement a réagi le 17 juin 2010 en déposant à la Chambre des communes le projet de loi C-43, Loi sur la modernisation de la Gendarmerie royale du Canada.
Celui-ci propose un nouveau régime de relations de travail qui, entre autres caractéristiques, inviterait les membres à se prononcer dans les dossiers de milieu de travail par l'entremise d'un système de comités consultatifs – système qu'ils pourraient aussi abandonner au profit de la syndicalisation, se choisissant un agent de négociation accrédité.
Par de nombreuses modifications à la Loi sur la GRC, le C-43 améliorerait les processus régissant les griefs, la discipline et les conditions d'emploi. Il serait un gage d'efficacité, donnant au commissaire des pouvoirs comparables à ceux d'un administrateur général dans la fonction publique fédérale, ou du chef d'un grand corps de police.
Sans être un joueur actif sur le terrain des relations de travail, notre conseil a été tenu au courant des faits nouveaux, et il reconnaît tout le poids des enjeux pour la GRC. La transition imminente dans les relations employeur-employés rend particulièrement urgent un changement majeur du statut d'employeur de la GRC. C'est aussi un argument de plus pour la création précoce d'un conseil de gestion. À notre avis, l'instauration d'un modèle de gouvernance et de gestion moderne au service de police national du Canada passe nécessairement par les changements dont nous venons de parler.
Leadership
Former les chefs de demain
L'avènement d'une GRC plus forte exige premièrement le recrutement, la formation et le maintien en poste de bons employés, et deuxièmement la nomination de chefs compétents à tous les niveaux. Rien n'a autant d'importance pour l'avenir de la GRC que le perfectionnement continu, dans toute la hiérarchie, de nouvelles générations de chefs qui auront les forces, les attitudes et les compétences en gestion nécessaires pour diriger une organisation nationale aussi complexe. Ces gens doivent faire preuve d'intégrité, de confiance en eux et d'ouverture au changement, respectant les traditions tout en cherchant constamment à mieux servir la population canadienne.
Il y a un an, nous disions que la GRC était sur la bonne voie dans sa recherche de nouvelles méthodes pour la sélection et le perfectionnement des futurs chefs. Les progrès stables réalisés depuis lors semblent nous donner raison. Et, ce qui ne compte pas moins, la Gendarmerie repense sa définition du leadership. Nous saluons sa décision d'insister sur la sélection, l'avancement et le perfectionnement d'hommes et de femmes qui présentent non seulement des qualités de chefs, mais aussi des compétences en gestion et en supervision. C'est avec plaisir que nous avons entendu les cadres supérieurs souligner l'importance de développer le leadership chez les sous-officiers et autres gestionnaires subalternes.
Notre conseil avalise la nouvelle méthode d'évaluation tous azimuts, qui consiste à recueillir l'opinion des subordonnés, des supérieurs, des collègues et des clients. Il accueille aussi favorablement la création du Bureau de l'intégrité professionnelle, qui témoigne de nouvelles exigences en matière d'éthique et d'intégrité à l'endroit de tous les membres, mais surtout des superviseurs, des gestionnaires et des cadres supérieurs.
Nous croyons que l'investissement dans le leadership non seulement se justifie, mais est essentiel pour l'avenir de l'organisation. La preuve se matérialisera dans les prochaines années, à mesure que les nouveaux chefs exerceront leurs talents.
La GRC hésite moins qu'avant à recruter ses cadres supérieurs à l'externe. Nous voyons là une bonne tendance. Ajoutons que si elle a beaucoup à gagner des cadres compétents recrutés dans la fonction publique fédérale, la Gendarmerie devrait aussi chercher des compétences et des points de vue rafraîchissants dans les autres ordres de gouvernement, dans les corps de police et dans le secteur privé. Idéalement, la circulation se fera dans les deux sens; des gestionnaires expérimentés de la GRC représenteraient des atouts précieux pour les corps de police, gouvernements et entreprises privées, qu'ils s'y rendent pour une affectation de perfectionnement ou pour une nouvelle carrière.
Nous sommes satisfaits de voir que la GRC a reconnu la vérité suivante : Qu'ils soient policiers ou civils, les professionnels compétents ne font pas nécessairement de bons gestionnaires. Il faut choisir les chefs d'après leur potentiel, et non pas seulement d'après leurs réalisations passées. La sélection et le perfectionnement d'un employé comme superviseur, comme gestionnaire ou comme cadre devrait viser non pas à récompenser ce dernier pour son rendement dans d'autres secteurs (fussent-ils névralgiques), mais à combler les besoins de l'organisation. Les personnes qui excellent dans le travail policier méritent reconnaissance, mais celle-ci leur est rarement témoignée de la bonne façon.
Un autre phénomène donne de la crédibilité à cette nouvelle approche : le regain d'intérêt pour la succession dans le commandement, à l'heure où s'annoncent plusieurs années de départs massifs à la retraite. Sans compter que l'avenir de la réforme dépend des qualités que possédera la prochaine génération de chefs.
Le conseil félicite la GRC pour ses progrès dans l'élaboration d'un nouveau concept de leadership et pour la nouvelle rigueur cohérente avec laquelle elle sélectionne et perfectionne ses futurs chefs à tous les niveaux. La réforme étant avant tout une question de leadership, ces démarches comptent parmi les mesures les plus avisées que la GRC puisse prendre pour instaurer l'amélioration continue. L'élan est pris; il ne reste plus qu'à le maintenir, voire à l'amplifier.
Mobilisation du personnel
Les gestionnaires et superviseurs doivent amener tous leurs employés à comprendre et à soutenir les objectifs et stratégies de changement de l'organisation. Dans le cas de la GRC, cela signifie que l'idée d'amélioration continue doit non seulement circuler de haut en bas, mais aussi devenir immanente à tous les niveaux hiérarchiques. Impossible d'y arriver si tous les employés ne s'engagent pas à bâtir l'avenir de la Gendarmerie. La mobilisation du personnel doit faire partie intégrante de la culture organisationnelle.
Les cadres sont allés expliquer la réforme au personnel lors de réunions générales dans tout le pays, et des pages Web nationales et régionales ont rendu compte des efforts déployés. Les employés ont donc eu l'occasion de mettre la main à la pâte, mais à notre avis, cela ne suffira pas pour leur faire comprendre parfaitement comment la réforme progresse et où elle se dirige ni pour incorporer l'idée d'amélioration continue dans la culture organisationnelle.
Assurément, la mobilisation exige du temps et des efforts. Il semble que la plupart des mesures les plus prometteuses en soient encore au stade de l'élaboration, ou que leur mise en œuvre débute à peine. Cela dit, nous croyons que les dirigeants de la GRC peuvent en faire encore davantage pour amener l'effectif à apprécier toute l'importance de la réforme.
Notre message est clair : la GRC doit mobiliser tout son personnel policier et civil, afin que celui-ci prenne part au renouvellement et à la prestation de services policiers de toute première classe pour la population canadienne. Il importe avant tout de mettre à contribution les superviseurs de terrain (soit les sous-officiers et leurs homologues civils), car ce sont eux dont les conseils, les attitudes et l'exemple comptent le plus pour la majorité des employés.
Communication
Le principe d'ouverture
Notre conseil croit que les organisations modernes comme la GRC devraient considérer la communication non pas comme un petit accessoire, mais comme un élément essentiel à leur fonctionnement, comme un véhicule dont dépendent leur mission et leur rôle. À cet égard, tout commence par une ouverture de la part des gestionnaires. Les cadres de la GRC ont justement reconnu la nécessité d'une franchise et d'une transparence accrues dans leurs échanges avec le personnel et avec le public.
Nous sommes tout à fait conscients que la nature des enquêtes policières et les lois sur la protection des renseignements personnels empêchent de toujours tout dire. Notre message, c'est que la GRC devrait avoir pour principe de communiquer le plus de renseignements possible, et non pas le strict minimum.
Autre chose, la GRC doit souvent parler au public d'incidents difficiles. Jamais tous les auditeurs ne repartiront satisfaits, mais nous croyons tout de même qu'une bonne communication peut avoir des effets réels.
Bref, la GRC doit se montrer aussi ouverte et transparente que possible quand elle traite avec son personnel et avec le public. C'est une autre façon de prouver que sa réforme réussit, et qu'elle tient véritablement à s'améliorer. La Gendarmerie peut viser encore plus haut.
Les communications en tant que fonction
Dès les débuts de notre mandat, nous avons pressé la GRC de reconnaître les communications comme une partie intégrante de ses opérations. Ce message a trouvé écho dans la haute direction, car peu après, nous voyions l'embauche d'un directeur exécutif des affaires publiques, et la création de programmes et d'activités pour des publics internes et externes. Malgré des ressources limitées, la Gendarmerie s'est donné les moyens de communiquer ses forces et de régler ses problèmes, tout en recevant au passage certaines leçons plutôt brutales sur la correction des erreurs qui peuvent résulter de communications mal gérées.
Entre autres initiatives pour redorer l'image et la réputation de la GRC auprès du public canadien, mentionnons la production et la diffusion de la série télévisée Courage en rouge. De même, les rapports de la DG et des régions, dont celui mentionné plus haut, ont su bien expliquer la transformation et les différentes activités policières de la GRC. Finalement, nous ne sommes pas mécontents de voir que conformément à notre recommandation, les porte-parole dans les dossiers d'envergure sont des gens relativement haut placés.
Cela dit, nous sommes inquiets de voir que l'organisation tarde à se doter d'une stratégie de communication proactive, et qu'elle semble plus souvent réagir aux événements que de les anticiper. À croire que la direction juge la communication secondaire, voire facultative.
Ce qu'il faut, c'est une stratégie de communication complète qui reconnaisse la valeur d'échanges ouverts et opportuns à l'interne, avec les intervenants externes, et surtout avec les médias. On nous a soumis un plan, mais sa mise en œuvre se fait attendre, de même que le soutien général de l'État-major supérieur (EMS) qui la rendrait possible.
Par exemple, les ressources demeurent insuffisantes pour la formation et le perfectionnement des membres qui agissent comme porte-parole de la Gendarmerie jour après jour, à la Direction générale et partout au pays. Quant à la question névralgique de savoir qui décide quoi en matière de communication (la DG, les divisions ou les détachements), elle demeure sans réponse satisfaisante.
Nous sommes d'avis qu'une stratégie de communication bien conçue et bien appliquée générerait une compréhension et un soutien généralisés du programme de réforme, qu'elle aiderait l'EMS à justifier l'affectation de ressources à la communication et qu'elle intégrerait la communication aux opérations dans toute la hiérarchie.
Une bonne stratégie augmenterait l'efficacité des outils de communication, et en particulier des tout nouveaux comme le réseautage social, qui offrent une bonne visibilité à peu de frais. Assurément, elle prévoirait des prises de contact susceptibles d'améliorer les relations avec les intervenants externes et d'établir des réseaux d'échanges bilatéraux avec les médias. Ainsi, la Gendarmerie serait perçue comme une organisation ouverte et transparente dans la mesure où la loi et les contraintes opérationnelles le permettent.
Nous croyons qu'une lutte plus musclée aux obstacles de communication élémentaires profiterait à « l'image de marque » de la GRC et à la fierté des Canadiens envers l'icône culturelle que celle ci représente. Il y a très loin de la coupe aux lèvres si la GRC veut prodiguer des services de communication performants et se doter d'une stratégie globale pour les communications internes et externes. Il n'y a pas de recette magique : il faut de la priorisation, des ressources, et un travail acharné.
Gestion et gouvernance
En 2007, le groupe de travail préconisait trois changements à ses dires fondamentaux pour établir la bonne gouvernance et la responsabilisation : la nomination d'un conseil de gestion externe, le statut d'entité distincte, et la création d'une commission indépendante chargée des examens et des plaintes. À ce jour, le gouvernement n'a pris de mesures législatives que pour la dernière proposition.
Vers un nouveau cadre de gestion et de gouvernance
Nous sommes persuadés qu'une réforme viable de la GRC passe par une nouvelle optique en matière de gestion et de gouvernance, où la haute direction accepterait qu'une entité externe lui donne des conseils et remette ses décisions en question. Nous jugeons aussi nécessaire une redéfinition du statut de la GRC en tant qu'employeur, redéfinition qui toutefois tiendrait compte de l'unicité de la Gendarmerie par rapport aux autres ministères et organismes.
Depuis le début, nous croyons que la réforme ne pourra réussir durablement sans la mise sur pied d'un conseil de gestion, instance extérieure officielle chargée de fournir des conseils, de la supervision et des orientations. Ce modèle de gouvernance revu et corrigé deviendra la pierre d'assise de toute réforme et de toute amélioration réussie.
Nous avons aussi conclu qu'il était temps pour la GRC de revoir sa relation avec son personnel et avec le gouvernement. Pour nous, quand le groupe de travail parle d'entité distincte, il veut dire que la GRC devrait devenir un employeur distinct de la fonction publique canadienne. Le gouvernement devrait sans plus tarder procéder à ce changement.
Conseil de gestion
Comme nous l'avons expliqué dans des rapports antérieurs, le conseil de gestion proposé regrouperait des Canadiens éminents choisis pour leur indépendance, leur discernement et leur expertise. La GRC en retirerait toute une série d'avantages.
- Par ses riches perspectives quant aux options et aux implications, le conseil de gestion inciterait la haute direction à prendre de meilleures décisions de fond; il serait aussi un interlocuteur valable pour explorer des idées d'orientations nouvelles. Les risques d'une mentalité « si ce n'est pas de nous ce n'est pas bon » chez les dirigeants s'en trouveraient diminués.
- En exposant la haute direction aux raisonnements de personnes expérimentées dans les secteurs public et privé, le conseil serait un gage d'excellence et d'innovation dans la philosophie et les techniques de gestion de la GRC. Dans des domaines primordiaux comme les valeurs et l'éthique, son aide serait précieuse.
- Un conseil de gestion rendrait la direction de la GRC plus fiable aux yeux du gouvernement; il l'aiderait à obtenir les pouvoirs et la marge de manœuvre dont tout corps de police moderne a besoin, surtout quand il doit composer avec autant de demandes disparates. Ce conseil comprendrait les enjeux de gestion de la GRC mieux que le Conseil du Trésor les comprendra jamais.
- Finalement, un conseil de gestion pourrait remplacer le Conseil de mise en œuvre de la réforme comme plus ardent promoteur de la réforme et de l'amélioration continue.
Un conseil de gestion officiel avec un mandat défini par la loi contribuerait à une gestion moderne et efficace, amenant la GRC à tenir compte des attentes et du savoir du secteur privé, des organisations non gouvernementales et du secteur public. Et dans les situations difficiles comme celle de l'été dernier, il serait un atout précieux pour régler les problèmes avant qu'ils ne s'enveniment.
Comme l'ont écrit les auteurs de l'étude Building Better Boards : [traduction] « Nous avons l'intime conviction que des conseils de gestion actifs capables de canaliser leurs énergies et de mettre à profit l'expérience, les idées et l'intellect de leurs membres peuvent se faire partenaires de la haute direction. Il en résulte un climat de saine rivalité, et les décisions sont meilleures que si la haute direction les avait prises toute seuleNote 3. » Nous sommes tout à fait d'accord.
Or, pour que ces avantages se concrétisent, il faut nommer au conseil des personnes choisies avec minutie pour leur savoir et pour leur volonté de défendre les intérêts de la GRC et du public qu'elle sert. Ces gens doivent être prêts à investir beaucoup d'efforts pour comprendre et améliorer le fonctionnement de l'organisation. Leur mission consistera non pas à agir comme des représentants d'autres ordres de gouvernement ou de groupes d'intérêts, mais à mettre leur jugement et leur savoir personnel au service de la GRC. Et si d'une part, la sélection visera un certain équilibre entre les régions, les langues et les sexes, d'autre part, elle favorisera avant tout les candidats possédant les connaissances, l'expérience, l'habileté, l'énergie et l'intégrité nécessaires pour participer véritablement au travail du conseil. Ainsi méritantes, les personnes choisies pourront relever un défi des plus gratifiants, contribuant à une institution nationale indispensable.
Par la création en 2009 du Comité de vérification ministériel, le gouvernement a montré qu'il tenait à solidifier dans le secteur public la reddition de comptes, la gestion des risques, la gérance des ressources et la gouvernance. Nous avons rencontré ce comité pour échanger avec lui sur la gouvernance et la responsabilisation de la GRC. Nous voyons en lui un acteur distinct et incontournable dans les démarches pour solidifier la fonction de gestion. Son rôle concorde avec notre vision de l'excellence en gouvernance, mais aussi avec le rôle que nous imaginons pour un futur conseil de gestion.
La création initiale et les deux renouvellements de notre comité nous portent à croire que le gouvernement reconnaît l'importance des points de vue extérieurs pour la réforme. Il serait très avisé selon nous d'étendre cette logique sur le long terme.
À notre avis, le succès de la réforme à long terme passe nécessairement par l'établissement urgent d'un conseil de gestion officiel, mesure que le groupe de travail a par ailleurs recommandée en 2007.
Statut d'employeur distinct
Nos rapports antérieurs ont abordé la recommandation dans laquelle le groupe de travail préconisait la conversion de la GRC « en une entité distincte du gouvernement; une entité qui sera un employeur distinct ». Nous avons conclu que la GRC avait effectivement besoin d'une plus grande autonomie, car les règles imposées par le Conseil du Trésor se marient souvent mal avec les besoins d'un service de police.
D'après nous, il est temps que la GRC devienne un véritable employeur distinct. Elle pourra alors se créer un régime de ressources humaines adapté à ses fonctions policières, résorbant les anomalies qu'implique la distinction entre membres civils et employés de la fonction publique, le tout dans une optique de simplicité et de cohérence.
Certes, le statut d'employeur distinct réclamerait la création de nouveaux systèmes de gestion, donc des efforts et des ressources considérables, mais nous voyons là quelque chose de positif, une occasion pour la GRC de prendre en charge ses ressources humaines et financières. Les victoires des trois dernières années dans le domaine des ressources humaines nous portent à croire que la Gendarmerie relèvera le défi avec brio.
Le conseil juge que le gouvernement doit sans plus tarder entreprendre les démarches législatives qui feront de la GRC à la fois une entité distincte et un employeur distinct.
Pourquoi l'action ne peut plus tarder
Les changements essentiels dont nous venons de parler réclament des mesures législatives. Et au chapitre des ressources humaines, devenir un employeur distinct va forcer la GRC à prendre le temps de créer les outils et les systèmes nécessaires pour prendre en charge les fonctions critiques que le Conseil du Trésor assume aujourd'hui pour elle; raison de plus pour passer à l'action dès maintenant.
Si l'on y regarde de plus près, il y a trois principales raisons de fonder un conseil de gestion sans plus tarder, et d'introduire le statut d'employeur distinct immédiatement après :
- Premièrement, trois ans de réforme ont créé un élan dont on peut profiter, mais qui pourrait facilement retomber.
- Deuxièmement, il s'agit de positionner la GRC pour qu'elle puisse prendre en charge, de la façon la plus constructive qui soit, le nouveau régime de relations de travail qui s'annonce.
- Troisièmement, la GRC a besoin d'un cadre de gestion et de gouvernance nouveau et solide pour relever efficacement les défis énormes et souvent imprévisibles de son mandat complexe.
Par conséquent, nous croyons fermement que l'heure a sonné pour le gouvernement d'entreprendre les démarches législatives qui donneront à la GRC son nouveau cadre de gestion et de gouvernance, c'est-à-dire entre autres son statut d'employeur distinct. Des changements aussi profonds représentent pour nous des moteurs et des catalyseurs de changement.
Ce qui nous inquiète plus particulièrement, c'est la probabilité qu'une longue période (un an à tout le moins) s'écoule entre la fin de notre mandat et la mise sur pied d'un conseil de gestion pleinement opérationnel. Le gouvernement devrait penser sérieusement à nommer une instance provisoire pour empêcher que la GRC soit privée de conseils de l'extérieur aussi longtemps.
Perspectives d'avenir
Des années difficiles
La GRC vient de vivre plusieurs années éprouvantes. Non seulement elle a pris en charge les problèmes notamment administratifs qui avaient mené au rapport du Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC et à la nomination inédite d'un civil comme commissaire, mais d'autres défis sont venus s'ajouter. La mort tragique de Robert Dziekanski à l'aéroport de Vancouver a retenu l'attention du public pendant des mois, tandis que le rapport Major sur l'attentat d'Air India ramenait le passé sous les projecteurs et que plusieurs autres incidents ou rapports cruciaux forçaient la GRC à réexaminer la structure et l'application de certaines politiques opérationnelles élémentaires.
Sur une note plus encourageante, la Gendarmerie a pu profiter des Olympiques et des sommets du G8 et du G20 en 2010 pour se montrer capable de prodiguer des services de police et de sécurité experts en collaboration avec d'autres corps de police, organismes de sécurité, gouvernements provinciaux et municipalités. Ce qui a néanmoins représenté pour elle des pressions énormes.
En toile de fond, la renégociation des ententes de police contractuelle avec les gouvernements provinciaux et autres administrations, processus complexe encore inachevé qui concerne au moins 60 % de l'effectif. Et comme nous l'avons déjà mentionné, la GRC a dû repenser dans la dernière année toute sa façon d'aborder les relations de travail, la Cour supérieure de l'Ontario ayant frappé le régime actuel d'inconstitutionnalité.
Pour couronner le tout, les pressions et les tensions en matière de gestion se sont multipliées dans les derniers mois, attirant l'attention des médias.
Bien que mettant la GRC à rude épreuve, les faits susmentionnés lui ont permis d'attaquer de front les enjeux qui intéressent directement son avenir. Nous croyons que la Gendarmerie en sortira grandie.
La réforme
Pendant cette période difficile, la GRC a aussi planché sur la réforme la plus profonde de son histoire, une réforme visant à renforcer le leadership, la responsabilisation et la gestion avec les conseils, l'appui et les critiques constructives du Conseil de mise en œuvre de la réforme (CMR).
Nous avons accepté de former le CMR parce que nous croyons que le sort de la GRC concerne toute la population canadienne. Comme bien des gens, nous étions déçus de voir les difficultés que connaissait la GRC, en partie par sa propre faute, déçus de voir s'effriter un respect et une confiance de longue date. Aujourd'hui, nous sommes très fiers d'avoir contribué aux efforts pour restaurer cette confiance et ce respect, et nous croyons que les ambitions énoncées dans ce rapport sont tout à fait réalisables.
En tant que conseil, nous achevons notre dernier mandat avec la conviction que la GRC est beaucoup mieux outillée qu'il y a trois ans, et que ses gestionnaires les plus haut placés ont reconnu la nécessité du changement. Sur bien des fronts, l'évolution est déjà évidente. Quant aux améliorations qui restent à accomplir, les cadres supérieurs les ont clairement définies, de même que nos rapports. Et si deux choses ressortent depuis le début, ce sont l'immense savoir-faire de la GRC comme corps de police et les qualités de ses employés, policiers comme civils, autant d'atouts majeurs pour le Canada.
Si nous émettons certaines réserves, elles n'ont strictement rien à voir avec les progrès accomplis ni avec les progrès en cours. Déjà, la GRC est plus à même d'accomplir ses nombreuses tâches. Elle rend davantage de comptes au gouvernement, mais aussi aux collectivités qu'elle sert et aux Canadiens en général. Finalement, ses responsabilités policières variées reposent sur une gestion plus solide. Autant dire que la plupart des problèmes cernés par le groupe de travail il y a trois ans sont en voie de résolution.
Et pourtant, on peut encore se demander si la réforme est vraiment devenue permanente. Le risque à nos yeux, c'est que la Gendarmerie, ou bien les personnes qui la gèrent et la dirigent, achèvent le cycle de changements actuel, puis se disent que la réforme est terminée. Le cas échéant, ce ne sera plus qu'une question de temps avant que l'organisation bute sur un nouvel obstacle, et doive une fois de plus changer par la force des choses.
Il s'agit d'un scénario tout à fait plausible, à moins que s'enracine pour de bon la culture d'amélioration continue,
de leadership solide et éthique et de communication franche à l'interne comme à l'externe qu'on a vue prendre forme dans les trois dernières années.
Autre point tout aussi important, le développement des acquis de la réforme passe par la création d'un mécanisme permanent pour faire profiter la haute direction de conseils et de critiques indépendants, et par une nouvelle définition du lien entre d'une part la GRC, et d'autre part ses employés et le gouvernement. Alors seulement, on aura « une organisation responsable, digne de confiance et souple, composée d'employés motivés à se démarquer par un leadership exceptionnel et à fournir des services de police de toute première classe ».
Finalement, nous avons beaucoup insisté sur l'amélioration continue, mais cela ne revient pas à dire que le changement doive toujours être graduel. Comme nous l'avons dit, l'avènement d'un nouveau régime de relations de travail réclame une action décisive. Le gouvernement doit saisir cette occasion inédite de consolider les gains de la réforme en donnant à la Gendarmerie le cadre de gestion et de gouvernance qui lui permettra d'affronter l'avenir. Il doit aussi admettre que sans ressources supplémentaires, la GRC ne pourra ni réussir sa transformation ni répondre aux demandes de service accrues qui lui viennent de partout.
Conclusions
Pour que la réforme garde son élan compte tenu de ses progrès depuis trois ans et de ce qui reste à accomplir, le CMR estime que des changements continus s'imposent dans quatre secteurs :
- En matière de ressources humaines et de milieu de travail, la GRC a fait beaucoup de chemin. Elle doit aller plus loin encore en poursuivant son programme de réforme et de renouvellement, qui réclame entre autres une plus grande mobilisation du personnel. Pour sa part, le gouvernement doit l'épauler adéquatement dans ses démarches.
- Quant au développement du leadership à tous les niveaux hiérarchiques, la GRC est partie du bon pied. Elle doit continuer d'affirmer son nouveau modèle et d'y investir, améliorant la sélection, la formation et le perfectionnement des futurs chefs civils ou policiers.
- Pour les communications internes et externes, les mesures à ce jour sont trop timides. La GRC doit envisager ses communications de façon véritablement stratégique, et se montrer toujours de plus en plus ouverte et transparente avec son personnel, avec ses partenaires et avec le public.
- Le cadre de gestion et de gouvernance figurait en tête des recommandations du groupe de travail, mais il n'a pratiquement pas changé. Le gouvernement doit sans plus tarder créer un comité de gestion officiel, et donner à la GRC le statut d'employeur distinct.
Annexe A : Le Conseil de mise en œuvre de la réforme
En mars 2008, donnant suite à une recommandation du Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRCNote 4, le gouvernement a formé le Conseil de mise en œuvre de la réforme en lui donnant le mandat suivant :
- conseiller le ministre sur la mise en œuvre des réformes approuvées par le gouvernement;
- fournir au commissaire de la GRC conseils et assistance en ce qui a trait au plan de mise en œuvre;
- surveiller le progrès des réformes apportées par la GRC;
- présenter régulièrement au ministre des rapports d'étape sur les progrès accomplis.
Ce mandat a été renouvelé pour 12 mois en mars 2009, puis une nouvelle fois pour neuf mois en mars 2010. Il doit prendre fin le 19 décembre 2010.
Présidé par David McAusland, un directeur d'entreprise et avocat de Montréal, le Conseil de mise en œuvre de la réforme à la GRC comprend aussi les membres suivants :
- Jean-Claude Bouchard, ancien sous-ministre fédéral et fonctionnaire de carrière;
- Beverley A. Busson, ancienne commissaire de la GRC;
- Jocelyne Côté-O'Hara, directrice d'entreprise et ancien cadre supérieur du gouvernement;
Kevin McAlpine, professeur et ancien chef du service de police régional de Durham, a lui aussi été membre pendant les deux premiers mandats.
Notes
1 Voir le mandat et la composition du conseil à l'annexe A.
2 Disponible en ligne : http://www.rcmp-grc.gc.ca/pubs/pro-trans/index-fra.htm.
3 Building Better Boards; a blueprint for effective governance, David A. Nadler, Beverly A. Behan et Mark B. Nadler, Jossey-Bass, San Francisco, 2006.
4 « […] nous croyons nécessaire que la GRC et le gouvernement du Canada prennent des mesures concluantes et qu'ils rendent compte publiquement de ces mesures. Par conséquent, un des aspects fondamentaux de nos recommandations concerne la création immédiate d'un Conseil de mise en œuvre, qui offrira un leadership et une orientation relativement au processus de renouvellement et qui tiendra le public informé des progrès réalisés. » Groupe de travail sur la gouvernance et le changement culturel à la GRC, Rétablir la confiance, décembre 2007.
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