La confiance du public dans la justice pénale : bilan des dernières tendances 2004-05
Table des matières
Julian V. Roberts
Département de criminologie
Université d'Ottawa
Rapport à l'intention de Sécurité publique et Protection civile Canada
Novembre 2004
Remerciements
J'aimerais remercier les personnes suivantes de l'aide qu'elles m'ont apportée pour trouver les enquêtes étudiées dans ce rapport : Steve Mihorean (ministère de la Justice Canada), ainsi que Tony Hahn, Stacie Ogg et Emmanuel Chabot (Sécurité publique et Protection civile Canada). Je remercie également Jim Bonta de ses observations sur une première version du présent document.
Julian V. Roberts
Professeur de criminologie
Université d'Ottawa
Jvr1@sympatico.ca
Novembre 2004
Les opinions exprimées sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique et Protection civile Canada.
Sommaire
En matière de justice pénale, les recherches sur l'opinion publique menées au Canada ont généralement porté sur des questions de fond comme la détermination de la peine, la libération conditionnelle ou le maintien de l'ordre. Il existe déjà un nombre d'études considérable sur tous les principaux secteurs du système de justice pénale dans notre pays et ailleurs. Mais depuis quelques années, les chercheurs et les décisionnaires s'intéressent plutôt aux réactions du public face à la criminalité et à la justice de façon plus générale. La peur du crime et la confiance du public dans la justice sont des exemples de questions cruciales qui ont une portée élargie. Les recherches sur la peur du crime ont été résumées dans un document antérieur (voir Roberts, 2001). Le présent rapport porte plus précisément sur la question qui est sans doute la plus cruciale dans ce domaine : la confiance du public dans le système de justice.
Dans la plupart des pays occidentaux, il est de plus en plus largement admis que promouvoir la confiance du public dans l'administration de la justice est un des principaux objectifs d'un bon gouvernement. Cette constatation découle de l'étude d'enquêtes d'opinion publique menées dans différents pays, dans le cadre desquelles on a demandé aux répondants de dire dans quelle mesure ils avaient confiance dans la justice pénale. La plupart des enquêtes ont révélé de faibles degrés de confiance dans l'appareil de justice pénale par rapport à d'autres institutions publiques comme le régime de soins de santé, les forces armées ou le système scolaire (voir Hough et Roberts, 2004). Au vu de ces résultats, de nombreux pays, notamment la Grande-Bretagne, la Belgique et les États-Unis, ont lancé des initiatives pour promouvoir la confiance du public.
L'objet de ce rapport est de faire le bilan des tendances récentes qui se dégagent d'enquêtes dans le cadre desquelles on a cherché à mesurer la confiance du public dans le système canadien de justice pénale, car même si le sujet a été abordé à plusieurs reprises, les données recueillies n'ont jamais été compilées. Plus particulièrement, nous tentons d'élucider les questions suivantes :
i) Comment la confiance du public dans la justice pénale a-t-elle été mesurée au Canada et ailleurs?
ii) Quel est le degré de confiance des Canadiens dans leur système de justice?
iii) Quels sont les secteurs de l'appareil de justice qui suscitent le plus ou le moins de confiance de la part du public?
iv) La confiance du public dans un secteur particulier du système de justice varie-t-elle selon la fonction que remplit ce secteur?
v) Où se situe le degré de confiance du public au Canada par rapport à d'autres pays?
Champ de l'étude
L'étude porte sur toutes les recherches menées au Canada depuis 25 ans (1980 à 2004), plus particulièrement sur les enquêtes représentatives du public, plutôt que sur les études qualitatives comme la recherche par groupes de réflexion. Malheureusement, il nous a été impossible de nous appuyer sur les résultats de sondages continus car, même si la confiance du public dans le système de justice – et ses réactions à ce système – ont fait l'objet de plusieurs enquêtes depuis une décennie, la plupart des sondeurs ont formulé leurs questions différemment, de sorte qu'il est difficile de tirer des conclusions sur les tendances.
Principales constatations
Les récents sondages amènent à penser que les Canadiens ont une opinion plus positive que négative du système en général. L'enquête la plus récente a montré que 46 % d'entre eux avaient confiance dans le système de justice, comparativement à 32 % qui ne s'y fiaient pas. Une proportion importante de Canadiens interrogés lors d'une enquête menée en 2002 se sont dits mécontents de l'action des pouvoirs publics face à la criminalité.
- Mais des études antérieures visant à mesurer la confiance du public dans la justice ont donné des résultats plus négatifs. De même, à une question portant sur la méfiance que peut leur inspirer la justice, les deux tiers des Canadiens interrogés ont indiqué un degré élevé de méfiance.
- Dans l'ensemble, ces résultats amènent à penser qu'il existe un problème de confiance du public dans l'administration de la justice au Canada.
- Si l'on compare avec la population de la plupart des pays européens, les Canadiens expriment une plus grande confiance dans leur système de justice.
- Certains signes montrent que la confiance dans le système de justice a diminué ces dernières années.
- Le public a moins confiance dans le système de justice que dans la plupart des autres institutions publiques comme le régime de soins de santé ou le système éducatif.
- Ces tendances correspondent à celles constatées dans d'autres pays. Les Américains et les Britanniques expriment une moins grande confiance dans leur système de justice que dans d'autres institutions publiques.
- Lorsqu'on leur demande d'indiquer leur degré de confiance dans certains secteurs du système de justice pénale, les Canadiens expriment la plus grande confiance dans la police et la moins grande confiance dans les tribunaux et le système de libération conditionnelle. Cette réponse est restée la même chaque fois que l'on a demandé aux Canadiens de coter la confiance qu'ils accordaient à divers secteurs du système de justice.
- Cette hiérarchie de la confiance se retrouve également dans d'autres pays où les répondants disent avoir plus confiance dans la police que dans d'autres secteurs du système de justice.
- On constate des différences très marquées lorsqu'on demande au public de coter les réalisations d'organismes de la justice pénale par rapport à leurs fonctions. Par exemple, les cotes accordées aux tribunaux sont relativement élevées pour ce qui est de garantir un procès équitable aux accusés, mais plutôt faibles pour ce qui est de rendre rapidement la justice. La police reçoit des cotes plus élevées pour la facilité du contact que pour la rapidité des interventions. Finalement, les gens estiment que les autorités correctionnelles réussissent mieux à contrôler les prisonniers qu'à les surveiller dans la société.
- Les cotes accordées aux professionnels de la justice pénale comme la police, les juges et les procureurs sont plus élevées au Canada qu'en Grande-Bretagne.
- Lorsqu'on demande aux Canadiens d'évaluer leur degré de confiance dans une série de professions, les professionnels de la justice pénale sont relativement bien cotés et, là encore, c'est la police qui obtient l'appréciation la plus positive.
- Un certain nombre de pays ont récemment lancé des initiatives visant à promouvoir la confiance du public dans la justice pénale. Ces initiatives sont généralement précédées par une conférence nationale ou internationale qui réunit les principaux intervenants.
- Presque toutes ces initiatives concernent les tribunaux, en particulier aux États-Unis. Cela s'explique en partie par le fait que le public accorde des cotes de confiance relativement faibles aux tribunaux. Aucune de ces initiatives n'ayant fait l'objet d'une évaluation jusqu'ici, il est impossible de savoir quels effets elles ont pu avoir sur la confiance du public.
Conclusions
Quelle conclusion devrait-on tirer de cette étude de récents sondages sur la confiance du public dans la justice pénale? Peut-on parler de crise de confiance parmi la population canadienne en ce qui concerne le système de justice? Les résultats démontrent que l'on ne peut pas raisonnablement conclure que la confiance du public est grande. Un pourcentage très élevé de Canadiens disent avoir peu confiance dans la justice ou même n'en avoir aucune. Mais cette conclusion doit être nuancée par les remarques suivantes :
- Dans d'autres pays, la confiance n'est pas plus élevée et est même parfois plus faible.
- Le degré de confiance est élevé en ce qui concerne la police.
- Même pour les secteurs du système de justice qui suscitent une confiance relativement faible, le public accorde des cotes positives à certaines de leurs fonctions.
- Les écarts entre les degrés de confiance envers les différents secteurs du système de justice sont liés à plusieurs variables, notamment la mission des différents organismes de l'appareil de justice pénale et les perceptions erronées du public quant à l'objet et à la fonction du système.
Recommendations
Voici les recommandations qui concluent le rapport :
- Il faut regrouper tous les sondages effectués sur la question. Pour le moment, le Canada n'a pas établi de répertoire des sondages d'opinion, contrairement à certains autres pays qui possèdent ce genre de base de données. Par exemple, aux États-Unis, on trouve sur le site « Sourcebook of Criminal Justice Statistics » une section sur les attitudes du public envers la justice. Cette section contient les derniers résultats des sondages concernant la justice pénale, dont les enquêtes sur la confiance du public. Il faudrait qu'un seul ministère ou organisme gouvernemental se charge du dossier, mais ce genre d'initiative pourrait également être confiée à un organisme non gouvernemental ou à une université, le but étant de répondre à la question fondamentale : la confiance du public diminue-t-elle ou non, et dans quel domaine?
- Les enquêtes devraient également permettre d'étudier les opinions des Canadiens sur la criminalité et les réactions de la justice pénale, aux niveaux local et national.
- Les initiatives devraient être mieux coordonnées : promouvoir la confiance du public dans l'administration de la justice est un objectif auquel peuvent contribuer de nombreuses parties intéressées par la justice pénale, tant au sein du gouvernement que dans le secteur bénévole non gouvernemental.
- Tous les autres pays occidentaux ont tenu une conférence nationale ou internationale à laquelle les principaux intéressés (y compris de simples citoyens) ont été invités. Ce genre de manifestation attire l'attention sur le problème et a donné des résultats positifs dans plusieurs pays. Il serait utile que le Canada organise une telle conférence. L'Alberta est la seule province à l'avoir fait. Les pouvoirs publics consacrent actuellement des ressources considérables à l'évaluation de la confiance du public dans la justice. Il est peut-être temps d'investir dans des mesures visant l'amélioration de cette confiance.
Introduction
En matière de justice pénale, les recherches sur l'opinion publique menées au Canada ont généralement porté sur des questions de fond comme la détermination de la peine, la libération conditionnelle ou le maintien de l'ordre. Il existe déjà un nombre d'études considérable liées aux principaux secteurs du système de justice pénale dans notre pays et ailleurs (p. ex. Hough et Roberts, 1999; Roberts, 1992, 1995; Roberts et Hough, 2001; Roberts et Stalans, 1997; Tufts, 2000; Zamble et Kalm, 1990). Mais depuis quelques années, les chercheurs et les décisionnaires s'intéressent plutôt aux réactions du public face à la criminalité et à la justice de façon plus générale. La peur du crime et la confiance du public dans la justice sont des exemples de questions cruciales qui ont une portée élargie. Les recherches sur la peur du crime ont été résumées dans un document antérieur (voir Roberts, 2001). Le présent rapport porte plus précisément sur la question qui est peut-être la plus cruciale dans ce domaine : la confiance du public dans le système de justice.
Dans la plupart des pays occidentaux, il est de plus en plus largement admis que promouvoir la confiance du public dans l'administration de la justice est un des principaux objectifs d'un bon gouvernement. Cette constatation découle de l'étude d'enquêtes d'opinion publique menées dans différents pays, dans le cadre desquelles on a demandé aux répondants de dire dans quelle mesure ils avaient confiance dans la justice pénale. Des enquêtes menées dans plusieurs pays ont révélé une faible confiance dans l'appareil de justice pénale par rapport à d'autres institutions publiques comme le régime de soins de santé, les forces armées ou le système scolaire (voir Hough et Roberts, 2004a; Sherman, 2002). Au vu de ces résultats, de nombreux pays, notamment la Grande-Bretagne, la Belgique et les États-Unis, ont lancé des initiatives pour promouvoir la confiance du public. Par exemple, un des principaux objectifs que s'est fixé le ministère de l'Intérieur britannique est de renforcer la confiance du public (voir Home Office, 2003).
Importance de la confiance du public dans la justice
Les raisons pour lesquelles la confiance du public dans le fonctionnement du système de justice pénale est cruciale sont nombreuses. Premièrement, dans la plupart des cas, la police est mise au courant de la perpétration d'un acte criminel à la suite d'une déclaration de la victime ou d'un témoin – autrement dit, des citoyens. Si ces derniers manquent de confiance dans l'action de la police, ils seront portés à ne pas faire de déclaration. La participation du public est également essentielle lorsque des accusations sont portées contre un suspect. Les poursuites ne peuvent aboutir que si la victime (devenue le plaignant) collabore et accepte de fournir des preuves (si l'affaire est portée devant les tribunaux). La participation des victimes peut avoir des conséquences directes sur l'évolution de l'affaire; en effet, de nombreux accusés plaident coupables une fois qu'ils savent que la victime va témoigner. En outre, la participation d'autres témoins est souvent essentielle pour obtenir une condamnation. Parfois en effet les poursuites doivent être abandonnées parce que des témoins ont refusé de coopérer. Les victimes et les témoins ne coopéreront avec la police et les procureurs que s'ils ont confiance dans le système de justice en général et plus précisément dans les professionnels de la justice pénale avec qui ils sont en contact.
En théorie, le système de justice doit inspirer confiance au public pour que sa légitimité ne puisse être remise en cause. Le pouvoir peut être conféré, mais la légitimité et l'autorité se méritent. Le fait qu'un tribunal peut imposer une sanction (parfois lourde) exige que la collectivité ait confiance dans la légitimité de l'institution qui l'inflige. Qu'entend-on par légitimité? Cela peut vouloir dire bien des choses, mais les notions d'équité et d'intégrité sont au cœur de ce concept. Par exemple, le public n'accordera pas de légitimité à un système de justice qui punit plus sévèrement les minorités – qui est discriminatoire contre ces groupes – ni à un système dont les membres n'exercent pas leur profession avec intégrité ou n'adhèrent pas aux valeurs de la collectivité (voir Tyler, 1990 et Tyler, 2002 pour une analyse plus approfondie).
La faible confiance du public dans le système de justice appelle également un désir de réforme : une enquête menée aux États-Unis a révélé que plus de quatre répondants sur cinq étaient favorables à l'idée de « restructurer complètement le fonctionnement du système de [justice pénale] » [traduction] (voir Sherman, 2002). Cette volonté de changement radical témoigne d'un manque de confiance dans le fonctionnement actuel du système (ou dans la façon dont le public estime qu'il fonctionne). Si le public a une opinion erronée de la criminalité et de la justice, ces réformes fausseront l'orientation stratégique du système. Par exemple, si le public pense que les prisonniers qui bénéficient d'une libération conditionnelle représentent une menace pour la sécurité de la collectivité, sa confiance dans les commissions des libérations conditionnelles sera minée et il demandera qu'elles soient abolies. De fait, tous les arguments avancés contre la libération conditionnelle ces dernières années sont alimentés par des allégations voulant que les prisonniers en libération conditionnelle représentent une menace pour la sécurité de la collectivité.
Confiance du public et cohésion sociale
Enfin, des recherches menées récemment au Canada, qui s'appuient sur la dernière Enquête sociale générale (ESG) (2003), ont révélé une autre raison pour laquelle le degré de confiance dans la justice et autres institutions publiques est important. Statistique Canada a demandé aux Canadiens d'indiquer le degré de leur confiance dans un certain nombre d'institutions publiques (y compris le système de justice), ainsi que la force de leur sentiment d'appartenance pour le Canada. Les personnes qui avaient une grande confiance dans les institutions publiques canadiennes ont dit avoir un sentiment d'appartenance fort pour le Canada, ce qui semble montrer que la confiance du public dans des institutions fondamentales comme le système de justice favorise la cohésion sociale (Statistique Canada, 2003) Note de bas de page 1
Lien entre la connaissance de la justice pénale et les degrés de confiance
Il existe des liens importants entre la confiance et les attitudes du public envers la justice et le degré de connaissance du système de justice pénale. On peut présumer que la confiance traduit une attitude positive envers le système. Si les gens estiment que la police exerce une discrimination contre certains membres de la population ou qu'elle a excessivement recours à la force face à des suspects, leur confiance dans la police sera certainement minée. De même, s'ils pensent que les peines ne sont pas assez sévères, cela diminuera leur confiance dans le système de justice.
La connaissance peut aussi influencer les opinions et le degré de confiance (voir Chapman, Mirrlees-Black et Brawn (2002); Hough et Park (2002) pour des démonstrations empiriques de l'effet de l'information sur les attitudes du public envers la justice pénale). Par exemple, le fait de croire que les peines sont trop légères dépend finalement de ce que l'on sait des méthodes de détermination de la peine. Les recherches menées au Canada et au Royaume-Uni ont montré que la plupart des gens sous-estiment la sévérité des peines imposées, ce qui contribue sans aucun doute à les amener à penser que les juges sont trop laxistes envers les délinquants reconnus coupables (voir Doob et Roberts, 1988; Hough et Roberts, 1998). Cette perception négative de la magistrature a pour effet de miner la confiance du public.
Objet du rapport
L'objet de ce rapport est de faire le bilan des tendances récentes qui se dégagent d'enquêtes dans le cadre desquelles on a cherché à mesurer la confiance du public dans le système canadien de justice pénale, car même si le sujet a été abordé à plusieurs reprises, les données recueillies n'ont jamais été regroupées et analysées dans un même rapport. En conclusion, nous présentons un résumé des initiatives récentes qui ont été lancées pour renforcer la confiance du public dans le système de justice pénale. Les questions que nous tentons particulièrement d'élucider dans ce rapport sont les suivantes :
i) Comment la confiance du public dans la justice pénale a-t-elle été mesurée au Canada et ailleurs?
ii) Quel est le degré de confiance des Canadiens dans leur système de justice?
iii) Quels sont les secteurs de l'appareil de justice qui suscitent le plus ou le moins de confiance de la part du public?
iv) La confiance du public dans un secteur donné du système de justice varie-t-elle selon la fonction que remplit ce secteur?
v) Où se situe le degré de confiance du public au Canada par rapport à d'autres pays?
Champ de l'étude
L'étude porte sur toutes les recherches menées au Canada depuis 25 ans (1980-2004), plus particulièrement sur les enquêtes représentatives du public, plutôt que sur des études qualitatives comme la recherche par groupes de réflexion.Note de bas de page 2 Malheureusement, il nous a été impossible de nous appuyer sur les résultats de sondages continus, car même si la confiance du public dans le système de justice – et ses réactions à ce système – ont fait l'objet de plusieurs enquêtes depuis une décennie, à l'exception de l'Enquête sociale générale (ESG) – menée seulement quatre foisNote de bas de page 3 - la plupart des sondeurs ont formulé leurs questions différemment, de sorte qu'il est difficile de tirer des conclusions sur les tendances. L'étude porte également sur des sondages provenant directement de ministères qui les ont commandés; ces documents sont rarement publiés, voire jamais.
Mesurer la confiance
Les sondeurs abordent généralement la question de la confiance du public de deux façons. On demande parfois aux répondants d'évaluer leurs attitudes et opinions à l'égard du système en général ou de secteurs particuliers de l'appareil de justice pénale (p. ex. police, tribunaux, services correctionnels; « Dans quelle mesure avez vous confiance dans ... » « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de ... »). Dans d'autres sondages, on leur demande d'évaluer les réalisations du système de justice ou de certains de ses secteurs. Les sondeurs partent du principe que les cotes de confiance sont corrélées, de sorte que l'une peut servir d'indicateur de l'autre. Les résultats des quelques études qui incluaient plusieurs mesures révèlent d'importantes corrélations entre les variables. Autrement dit, les cotes de confiance semblent capter le même concept général. Les cotes des réalisations concernent un ensemble distinct de concepts, mais elles restent clairement liées à la confiance[4].C'est pourquoi dans ce rapport, nous faisons le bilan des résultats de sondages où tous les types de questions ont été utilisés.
Le problème du « seuil »
Il est difficile de tirer des conclusions comparatives sur le degré de confiance du public dans les différents domaines de la politique publique. Si 60 % des Canadiens disent être très ou assez satisfaits de l'action du gouvernement pour combattre la criminalité, ce pourcentage est-il élevé ou faible? Jusqu'où les degrés de confiance doivent-ils tomber avant que nous puissions parler d'une « crise de confiance »? Pour répondre à la question, on peut situer ce pourcentage dans un contexte comparatif et se demander s'il est plus élevé ou plus faible que la proportion de Canadiens qui ont cette opinion au sujet de l'action du gouvernement concernant une autre institution publique, par exemple, le régime de soins de santé. Nous allons présenter dans ce document quelques comparaisons de ce type. Les lecteurs qui souhaitent obtenir plus de précisions sur les variations démographiques concernant les questions traitées ici peuvent consulter les publications originales.
Satisfaction à l'égard de l'action locale et nationale face à la criminalité
Une enquête récente (2003) menée en Grande-Bretagne (voir Page, Wake et Ames, 2004) a donné une nouvelle dimension aux recherches sur la confiance du public : on a demandé aux répondants de donner leur avis sur l'action des autorités aux échelons national et local. Compte tenu des réponses très différentes selon le niveau concerné, cette distinction pourrait être importante. Les répondants britanniques ont dit avoir beaucoup plus confiance dans l'action au niveau local (voir Hough et Roberts, 2004b). Malheureusement, aucune enquête au Canada n'a encore exploré les opinions du public sur le système de justice pénale, aux échelons local et national. C'est là une lacune importante qu'il faudra combler dans les prochains sondages du domaine.
Résultats des recherches
1. Réactions du public à l'égard du système de justice dans son ensemble
Échelle de confiance (2002)
Au Canada, seules quelques enquêtes ont porté sur le degré de confiance du public à l'égard du système de justice dans son ensemble, bien que, comme on le verra plus loin dans le présent rapport, plusieurs sondages aient été menés pour évaluer les réactions des Canadiens à l'égard de certains secteurs du système.
En 2002, on a demandé aux participants à une enquête nationale d'apprécier le degré de confiance qu'ils accordaient au « système de justice du Canada ». Sur une échelle de sept, une « grande confiance » était notée 7 et « aucune confiance », 1 (Compas, 2002). (Seul 1 % de l'échantillon a répondu « sans opinion »). Les résultats sont donnés au tableau 1Note de bas de page 5.
% de répondants | |
---|---|
7 = Grande confiance | 5% |
6 | 12% |
5 | 29% |
4 | 22% |
3 | 17% |
2 | 8% |
1 = Aucune confiance | 7% |
Source: Compas (2002)
Comme on l'a noté dans l'introduction, l'interprétation des réponses à une question de ce genre est un exercice subjectif. Dix-sept pour cent des personnes interrogées ont choisi l'une des réponses les plus optimistes (6 ou 7), environ le même pourcentage ayant choisi une des options les plus négatives (1 ou 2). Une façon d'interpréter ces données est d'envisager les options comme représentant une échelle de confiance, et de se demander si la proportion des répondants ayant opté pour une réponse positive dépasse la proportion des réponses négatives par rapport au point médian (4). C'est une forme de « registre » de la confiance, grâce auquel nous comparons les crédits (% d'opinions positives) au déficit (% d'opinions négatives).
Mis à part les 22 % de la catégorie médiane (4), 46 % des répondants se situaient sur le versant positif, 32 % sur le versant négatif, soit un taux de confiance « net » de 14 %. Globalement, les résultats de ce sondage suggèrent au moins que les Canadiens ont une opinion légèrement plus positive que négative de leur système de justice, bien que la balance ne penche pas très fortement en faveur des opinions positives. En outre, une importante minorité – environ un tiers de l'échantillon – n'a pas une grande confiance dans le système. Par ailleurs, les résultats qui ressortent d'autres sondages sont moins positifs en ce qui concerne la confiance du public dans la justice.
Échelle de satisfaction (2002)
En 2002, Léger Marketing a demandé aux répondants d'un sondage d'indiquer leur degré de satisfaction du système judiciaire[6], en indiquant s'ils étaient très satisfaits, satisfaits, mécontents ou très mécontents du système judiciaire. Seuls 3 % étaient très satisfaits, 51 % satisfaits, 30 % mécontents et 11 % très mécontents (6 % se déclarant « sans opinion »). Le solde de confiance positif s'établit donc à 10 %. Les optimistes peuvent souligner que, dans l'ensemble, les répondants étaient plus satisfaits que mécontents. Les pessimistes, toutefois, peuvent faire remarquer qu'au total, 41 % des répondants étaient mécontents et que le pourcentage des très mécontents était presque quatre fois plus élevé que le pourcentage des très satisfaits (Léger Marketing, 2002).
Échelle des impressions à propos de la justice (1994)
Une autre approche « globale » de la question avait été adoptée dans un sondage précédent. Lors d'une enquête menée au Canada en 1994, on a demandé aux répondants de donner leurs impressions du système de justice, en recourant à une échelle de dix points où 10 correspondait à une impression « très positive » et 1 à une impression « très négative ». Si l'on élimine les répondants se situant aux points médians de cette échelle (5 à 6), 22 % avaient une impression positive (points 7 à 10 sur l'échelle), et un pourcentage beaucoup plus élevé (50 %), une impression négative (points 1 à 4; voir Insight Canada, 1994). Il s'ensuit un « déficit » de confiance de 38 % – un résultat beaucoup plus négatif que les conclusions des sondages récents. La question n'est pas exactement la même que celle qui a été posée plus récemment sur la confiance (voir plus haut); néanmoins, pris ensemble, les deux sondages amènent à penser que la réaction du public à l'égard du système de justice est peut-être devenue plus favorable au cours des dernières années. D'un autre côté, la structure différente des réponses aux deux sondages peut tout simplement résulter de la différence entre les libellés des questions posées.
Perceptions du public des degrés de confiance
Une autre perspective du degré de confiance du public peut être dérivée du public lui-même. En 2002, on a demandé à un échantillon de Canadiens d'approuver ou de désapprouver une série d'affirmations concernant la justice, dont deux étaient pertinentes pour le présent rapport : « Le système de justice favorise ceux qui ont de l'argent » et « Le degré de méfiance à l'égard de l'ordre juridique est élevé ». Pour ce qui est de la première affirmation, au moins les deux tiers des répondants ont approuvé : près de la moitié, fortement, en cochant « 7 » sur une échelle de sept points (Compas, 2002). Quant à l'affirmation concernant la méfiance, près de la moitié des répondants l'ont approuvée, 16 % avaient une opinion neutre et seulement un sur cinq l'ont désapprouvée (Compas, 2002). Ces tendances appuient l'opinion voulant qu'il existe un malaise prononcé au sein de la population canadienne à l'égard du système de justice au Canada.
Confiance du public dans la justice
L'opinion un peu négative de la justice qui ressort des sondages que nous venons d'analyser s'est également manifestée lors d'une enquête menée en Alberta. Le gouvernement albertain est un chef de file pour ce qui est de promouvoir la confiance du public dans la justice pénale. En 1998, le procureur général de l'Alberta a organisé un sommet dans le but de « dégager un consensus sur les mesures à prendre pour rehausser la confiance du public et élargir la participation communautaire au système de justice » [traduction] (ministère de la Justice de l'Alberta, 1999; on trouvera dans les sections suivantes de ce rapport un résumé de cette initiative). Ce sommet avait été précédé par une enquête qui explorait les réactions des Albertains à l'égard de la justice dans leur province. Une des questions posées était la suivante : « Globalement, dans quelle mesure êtes-vous satisfait du travail qu'effectue le ministère de la Justice de l'AlbertaNote de bas de page 7? ». Les résultats ont montré que les Albertains étaient uniformément divisés : 49 % étaient très ou assez satisfaits et 48 % étaient assez ou très mécontents (3 % s'étant déclarés « sans opinion »). On aboutit à une cote de confiance qui est neutre.
Satisfaction du public à l'égard des mesures prises par les pouvoirs publics face à la criminalité
Une autre manière d'explorer la confiance ou la satisfaction du public à l'égard du système de justice est de demander aux gens d'exprimer leur degré de satisfaction envers les pouvoirs publics chargés de la justice pénale. Cette approche a rarement été adoptée au Canada; toutefois, lors d'une enquête effectuée pour le compte du solliciteur général du Canada (comme il s'appelait alors) en 2002, on a posé la question suivante : « Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de l'action des administrations fédérales, provinciales et municipales face à la criminalité au Canada? ». Les réponses possibles étaient : très satisfait, assez satisfait, pas très satisfait ou pas satisfait du tout. Les résultats ont fait ressortir des niveaux relativement modestes de satisfaction : seuls 6 % des répondants étaient très satisfaits, 54 % étaient assez satisfaits et quatre répondants sur dix n'étaient pas très satisfaits ou pas satisfaits du tout (Ipsos-Reid, 2002).
Si l'on adopte un point de vue de « vérificateur » pour interpréter ces sondages, on est amené à penser que la satisfaction à l'égard de la justice est loin d'être répandue. Quand la cote de confiance nette qui se dégage des enquêtes est positive, la marge est assez étroite; dans tous les sondages, des pourcentages importants de répondants expriment un manque de confiance dans le système de justice.
Comparaison internationale (Canada et Royaume-Uni)
Comment ces degrés de confiance du public se comparent-ils avec ceux constatés dans d'autres pays? Comme on l'a noté dans l'introduction, lors d'une enquête réalisée en Angleterre et au pays de Galles en 2003 par l'institut de sondage MORI, on a posé une question concernant la réaction à la criminalité « dans la région où vous habitez » ainsi qu'au niveau national. On a constaté un « crédit » de confiance net de 29 % dans le premier cas, mais un « déficit » de 4 % dans le second (voir Page et autres, 2004). Vu que la formulation de la question concernant le niveau national britannique semble se rapprocher davantage du libellé des sondages réalisés au Canada, les degrés de confiance sont probablement supérieurs au Canada qu'en Grande-Bretagne. Toutefois, deux réserves s'imposent. Premièrement, le libellé MORI pourrait encourager une opinion plus critique de la part des répondants . centrée sur la réduction de la criminalité – que la formulation canadienne. Deuxièmement, lorsque MORI a demandé aux répondants d'apprécier la réaction à la criminalité « dans la région où vous habitez », cela a donné un « crédit » de confiance de 29 %. Comme on l'a souligné, les comparaisons avec le Canada ne sont pas possibles en ce qui concerne cette question parce qu'aucun sondage n'a exploré la confiance dans la justice au niveau local.
2. Comparaisons avec d'autres institutions publiques
Peu d'enquêtes portent sur la confiance du public dans le système de justice par rapport à d'autres institutions publiques. Cependant, les données limitées dont on dispose actuellement, tirées de l'Enquête sociale générale (ESG) de 2003, autorisent une telle analyse comparative. Les répondants avaient le choix entre quatre appréciations et pouvaient dire qu'ils avaient : « une très grande confiance », « une grande confiance », « peu confiance » ou « pas du tout confiance ». Le tableau 2 résume le degré de confiance exprimé par les Canadiens à l'égard de plusieurs institutions publiques.
Comme on peut le constater, un peu plus de la moitié (57 %) des répondants ont déclaré avoir une grande ou très grande confiance dans le système de justice; un tiers ont dit avoir peu ou pas du tout confiance. À nouveau, l'interprétation de cette tendance s'avère un exercice subjectif. On peut dire, au moins, que la proportion des répondants qui ont déclaré avoir une très grande confiance était deux fois plus élevée que celle des personnes qui n'ont exprimé aucune confiance. En revanche, les Canadiens continuent d'avoir plus de confiance dans le régime de soins de santé, bien que ce soit une institution qui ait fait l'objet de nombreuses critiques au cours des dernières années : 67 % des personnes interrogées ont déclaré avoir confiance dans le régime de soins de santé, comparativement à 57 % pour ce qui est du système de justice. S'il y a une crise de confiance dans le régime de soins de santé, le problème est encore plus grand en ce qui concerne la confiance à l'égard du système de justice.
Très grande confiance | Grande confiance | Peu confiance | Pas du tout confiance | |
---|---|---|---|---|
Police | 35% | 48% | 11% | 2% |
Entreprises locales | 19% | 61% | 11% | 1% |
Banques | 9% | 49% | 21% | 6% |
Régime de soins de santé | 19% | 48% | 24% | 4% |
Système scolaire | 17% | 48% | 21% | 3% |
Système de justice | 14% | 43% | 27% | 7% |
Entreprises | 8% | 38% | 33% | 10% |
Parlement | 8% | 35% | 35% | 10% |
Système d'aide sociale | 9% | 32% | 29% | 9% |
Nota : Les chiffres ayant été arrondis, la somme des pourcentages peut ne pas correspondre à 100.
Source : Statistique Canada (2003).
Variation régionale
Le tableau suivant (tableau 3) montre une répartition régionale des degrés de confiance du public à l'égard de quatre institutions publiques, tirée de l'ESG de 2003. Comme on peut le constater, il y a relativement peu d'écart entre les degrés de confiance à l'égard du système de justice. Le pourcentage des répondants déclarant avoir confiance est le plus élevé au Nouveau-Brunswick (66 % déclarant avoir une « très grande » ou « grande » confiance dans le système de justice) et le plus faible en Colombie-Britannique (50 %). Le tableau 3 montre également que la confiance dans les autres institutions publiques diverge dans une plus large mesure, particulièrement en ce qui a trait au système d'aide sociale, où l'écart entre les degrés de confiance est de 35 %.
Système de justice | Système de soins de santé | Système scolaire | Système d'aide sociale | |
---|---|---|---|---|
Terre-Neuve | 62% | 63% | 72% | 38% |
Î-P-É. | 63% | 68% | 76% | 40% |
Nouvelle-Écosse | 59% | 63% | 62% | 34% |
Nouveau-Brunswick | 66% | 71% | 67% | 42% |
Québec | 65% | 74% | 78% | 64% |
Ontario | 57% | 69% | 58% | 33% |
Manitoba | 46% | 62% | 66% | 32% |
Saskatchewan | 51% | 65% | 75% | 29% |
Alberta | 51% | 64% | 62% | 34% |
Colombie-Britannique | 50% | 56% | 59% | 31% |
Étendue | 16% | 18% | 20% | 35% |
Source : Statistique Canada (2003) Comparaison internationale — Canada et États-Unis.
Le tableau suivant (tableau 4) résume les conclusions d'une enquête auprès de répondants américains. Note de bas de page 8Comme on peut le constater, le pourcentage de répondants exprimant de la confiance dans le système de justice pénale est significativement moindre que le pourcentage exprimant de la confiance dans la plupart des autres institutions publiques. La tendance au Canada n'est donc pas unique. De fait, la population, dans la plupart des pays occidentaux, accorde moins de confiance au système de justice qu'à la plupart des autres institutions publiques.
Pourcentage de répondants accordant une « très grande » ou une « grande » confiance à l'institution concernée | |
---|---|
Armée | 82% |
Police | 61% |
Présidence | 55% |
Banques et secteur bancaire | 50% |
Églises ou groupes religieux | 50% |
Cour suprême | 47% |
Système de santé | 44% |
Écoles publiques | 40% |
Nouvelles télévisées | 35% |
Journaux | 33% |
Congrès | 29% |
Système de justice pénale | 29% |
Mouvement syndical | 28% |
Grandes entreprises | 22% |
Source: Gallup Organization (2003)
Comparaisons internationales (Canada et pays européens)
Le tableau 5 situe la confiance dans la justice dans un contexte élargi, en comparant le degré de confiance des Canadiens à l'égard de la justice avec celui enregistré dans 14 pays européens. Comme on peut le constater, la fourchette dans laquelle s'inscrit la confiance du public dans tous ces pays est frappante : au Danemark, environ quatre répondants sur cinq accordent une très grande ou une grande confiance à leur système de justice, alors que seulement 32 % des Italiens interrogés ont la même opinion du système de justice de leur pays. La proportion de Canadiens qui accordent une très grande ou une grande confiance à leur système de justice est légèrement supérieure à la moyenne européenne.Note de bas de page 9
Très grande ou grande confiance | Peu ou pas du tout confiance | |
---|---|---|
Danemark | 79% | 21% |
Autriche | 69% | 31% |
Finlande | 66% | 34% |
Allemagne | 62% | 38% |
Suède | 61% | 39% |
Canada(2003) | 57% | 43% |
Irlande | 55% | 45% |
Royaume-Uni | 49% | 51% |
Irlande du Nord | 48% | 52% |
Grèce | 47% | 53% |
France | 46% | 54% |
Portugal | 40% | 60% |
Belgique | 37% | 63% |
Espagne | 32% | 68% |
Italie | 32% | 68% |
Moyenne européenne | 45% | 55% |
Sources: Sourcebook of European Values Study (2001); Statistics Canada (2003)
Passons maintenant aux cotes accordées par le public aux divers secteurs du système de justice pénale.
3. Confiance accordée à certains secteurs de la justice pénale
Une conclusion quasi générale émerge concernant la confiance du public dans différents secteurs du système de justice. Dans toutes les juridictions et au fil du temps, une nette hiérarchie se dégage : la police bénéficie des évaluations les plus positives (voir Hough and Roberts, 2004b). Le tableau 6 révèle cette tendance à partir de données recueillies par le Angus Reid Group en 1997. La police a bénéficié de l'évaluation la plus positive du public; 37 % des personnes interrogées ont dit accorder une très grande confiance à la police locale, avec des degrés de confiance presque aussi élevés accordés à la GRC. En revanche, seulement 3 % des répondants ont déclaré accorder une très grande confiance au régime de libération conditionnelle, et seulement 4 % ont exprimé ce degré de confiance dans le système de justice pour les jeunes.Note de bas de page 10
Très grande confiance | Confiance relative | Peu confiance | Pas du tout confiance | |
---|---|---|---|---|
Police locale | 37% | 49% | 10% | 3% |
GRC | 33% | 50% | 8% | 3% |
Tribunaux | 7% | 45% | 30% | 17% |
Système carcéral | 6% | 36% | 34% | 20% |
Régime de libération conditionnelle | 3% | 22% | 37% | 35% |
Système de justice pour les jeunes | 4% | 22% | 33% | 39% |
Source: Angus Reid (1997)
Tel que mentionné précédemment, déterminer si le public accorde ou non sa confiance au système de justice est un exercice subjectif. Si l'on adopte un point de vue de « vérificateur », on peut se demander si la proportion des répondants qui donnent une réponse positive dépasse le pourcentage de ceux qui donnent une réponse négative. Ici encore, si l'on part du principe que les quatre réponses possibles représentent une échelle avec deux options positives et deux options négatives, on peut dire que le public canadien est plus positif que négatif dans son attitude à l'égard des forces de police locales et fédérales (opinions positives de 73 % et 72 % respectivement). Toutefois, la population est également partagée en ce qui concerne les tribunaux, et plus négative que positive à propos du système carcéral et du système de libération conditionnelle (voir tableau 7).
% de l'échantillon « très » ou « relativement » confiant | % de l'échantillon « peu » ou « pas du tout » confiant | |
---|---|---|
Police locale | 86% | 13% |
GRC | 83% | 11% |
Tribunaux | 52% | 47% |
Système carcéral | 42% | 54% |
Régime de libération conditionnelle | 25% | 72% |
Système de justice pénale pour les adolescents | 26% | 72% |
Source: Angus Reid (1997)
Une tendance similaire émerge des résultats d'un sondage effectué par Environics un an plus tard. Comme il ressort du tableau 7, la police et la Cour suprême attirent plus de réponses positives de la part des citoyens que les autres organismes.
Très grande confiance | Confiance relative | Juste un peu confiance | Pas confiance du tout | |
---|---|---|---|---|
GRC | 34% | 46% | 10% | 5% |
Cour suprême | 20% | 49% | 19% | 7% |
Police locale | 30% | 50% | 11% | 6% |
Cours provinciales | 12% | 48% | 25% | 11% |
Juges | 11% | 50% | 23% | 13% |
Avocats | 7% | 38% | 30% | 22% |
Commission des libérations conditionnelles | 4% | 31% | 31% | 26% |
Nota : Les réponses « sans opinion » sont exclues.
Source : Extrait de Stein (2001).
L'enquête la plus récente menée pour mesurer la confiance du public dans les secteurs du système de justice a été réalisée en 2002. Les résultats apparaissent au tableau 9. Une fois encore, le secteur policier de la justice pénale a obtenu les cotes de confiance les plus élevées de la part du public.[12]
% de l'échantillon « très » ou « relativement » confiant | % de l'échantillon « peu » ou « pas du tout » confiant | |
---|---|---|
GRC | 88% | 9% |
Police locale | 83% | 12% |
Police provinciale | 78% | 11% |
Cour suprême | 78% | 18% |
Procureurs | 71% | 24% |
Tribunaux | 62% | 36% |
Système carcéral | 49% | 48% |
Régime de libération conditionnelle | 36% | 61% |
Nota :
1. Le rapport remis au gouvernement par Ipsos-Reid amalgamait les réponses endeux catégories, bien que quatre options aient été proposées aux répondants.
2. Le total de la ligne numéro trois donne 89 %; les 11 % manquants ne peuvent pas être expliqués par une erreur d'arrondi; le lecteur est prié de s'adresser à Ipsos-Reidpour toute clarification.
Source : Ipsos-Reid (2002).
Le tableau 10 résume les données fournies par les répondants dans une seule ville (Kingston, en Ontario). On aurait pu s'attendre à ce que les cotes de confiance soient différentes dans une ville dans laquelle sont situés plusieurs établissements correctionnels fédéraux. Toutefois comme on peut le constater au tableau 10, l'ensemble des cotes diffère peu de celles relevées au niveau national.
Grande confiance | Confiance relative | Peu confiance | Pas du tout confiance | |
---|---|---|---|---|
Police provinciale | 57% | 34% | 6% | 1% |
Police locale | 56% | 32% | 8% | 2% |
Tribunaux | 17% | 50% | 21% | 8% |
Service correctionnel du Canada | 15% | 47% | 25% | 7% |
Commission des libérations conditionnelles | 10% | 41% | 25% | 11% |
Nota : Les pourcentages ne totalisent pas 100 % en raison de l'exclusion des réponses « sans opinion ».
Source : Environics Research Group Limited (2000).
Changements au fil du temps
Le tableau 11 donne une comparaison des réponses sur la confiance pendant une période de neuf ans (1989-1998). Bien qu'une comparaison soit seulement possible pour cinq secteurs de la justice pénale, il ressort clairement de ce tableau qu'en l'occurrence, la proportion des répondants qui disent avoir confiance a régressé, quoique marginalement seulement en ce qui concerne la police. Faute de données supplémentaires, il est difficile de déterminer s'il s'agit d'une tendance; pour le moment, il suffit simplement de noter que les degrés de confiance dans la justice étaient un peu plus faibles en 1998 qu'en 1989.
Grande confiance ou confiance relative | Peu ou pas confiance | |||
---|---|---|---|---|
1989 | 1998 | 1989 | 1998 | |
GRC | 82% | 80% (-2%) | 11% | 15% (+4%) |
Police locale | 81% | 80% (-1%) | 16% | 17% (+1%) |
Cour suprême | 76% | 69% (-7%) | 18% | 26% (+8%) |
Cours provinciales | 66% | 60% (-6%) | 28% | 36% (+8%) |
Avocats | 56% | 45% (-12%) | 40% | 52% (+12%) |
Sources : Riopelle-Ouellet (1991); Environics (1998; tiré de Stein, 2001).
4. Cotes de fonctions particulières
Il est clair, au vu des tableaux précédents, que le degré de confiance du public dans la justice varie considérablement en fonction d'un secteur donné du système de justice. On constate également une variation des cotes de confiance au sein d'un seul et même secteur. Un certain nombre de sondages ont exploré de façon approfondie la cote accordée par le public aux organismes du système de justice pénale : on a demandé aux répondants d'évaluer la confiance que leur inspirent les principaux secteurs du système de justice pénale par rapport aux fonctions qu'ils sont chargés de remplir. On trouvera un récapitulatif de ces cotes au tableau 11. Ces données sont tirées de l'Enquête sociale générale réalisée par Statistique Canada en 1999 (Tufts, 2000)Note de bas de page 13.
Comme pour les sondages que l'on a déjà décrits, les cotes sont significativement plus positives pour la police que pour les tribunaux ou les autorités correctionnelles. Toutefois, les évaluations du public ne sont pas uniformes pour toutes les fonctions; les gens ont le sentiment que ces organismes sont plus efficaces dans l'exercice de certaines de leurs fonctions que dans d'autres. Ainsi, les autorités correctionnelles obtiennent des cotes plus favorables pour la supervision ou le contrôle des prisonniers que pour la surveillance des délinquants en liberté conditionnelle. De la même façon, la police est mieux cotée pour son accessibilité que pour sa capacité à répondre promptement à des demandes de service (voir tableau 12).
% de répondants qui jugent les réalisations de l'organisme satisfaisants | |
---|---|
Police | |
Est accessible | 66% |
Assure la sécurité des citoyens | 62% |
Fournit de l'information sur la réduction de la criminalité | 54% |
Réagit promptement | 49% |
Tribunaux | |
Assurent un procès équitable aux accusés | 41% |
Déterminent la culpabilité ou l'innocence | 21% |
Aident les victimes de la criminalité | 15% |
Rendent justice diligemment | 13% |
Autorités correctionnelles | |
Supervisent/contrôlent les prisonniers | 26% |
Aident les prisonniers à devenir respectueux de la loi | 14% |
Relâchent des délinquants qui ne sont pas susceptibles de commettre de nouvelles infractions | 15% |
Assurent la surveillance des délinquants en liberté conditionnelle | 13% |
Source: Tufts (2000)
Comparaison internationale : Grande-Bretagne
La hiérarchie des degrés de confiance qui ressort des enquêtes canadiennes peut également être constatée ailleurs. L'enquête britannique sur la criminalité (British Crime Survey) a fourni plusieurs indices sur l'opinion de la population à l'égard de différents éléments du système de justice pénale. Comme l'avaient montré plusieurs enquêtes et sondages précédents, la police tend à occuper une place de choix dans de telles comparaisons (voir tableau 13).
% de répondants qui jugent les réalisations bonnes ou excellentes | |
---|---|
Police | 48% |
Prisons | 25% |
Ministère public | 23% |
Service de probation | 24% |
Juges | 25% |
Tribunaux pour adolescents | 14% |
Source: Nicholas et Walker (2004)
Globalement, des résultats similaires ressortent d'un sondage effectué par l'organisation MORI en 2003. Les répondants devaient indiquer dans quelle mesure ils étaient convaincus que différents secteurs du système de justice pénale faisaient du bon travail. Cette formulation amalgame les concepts de confiance et d'évaluation dans une même question, mais la hiérarchie des professions qui en émerge est comparable à celle qui se dégage de sondages où l'on demande uniquement aux répondants d'évaluer le travail effectué par diverses professions.
Le tableau 14 illustre les résultats de l'enquête britannique sur la criminalité : le public a plus confiance dans la police, et moins confiance dans les tribunaux et les prisons. On constate un écart de 30 % entre les « cotes » de confiance. Bien que celles-ci soient significativement plus basses pour certains secteurs du système de justice que pour d'autres, le « bilan » est positif même pour le secteur qui bénéficie des plus faibles cotes de confiance – les tribunaux pour adolescents. Toutefois, comme on l'a déjà noté, il est difficile de dire ce qui constituerait effectivement un bilan acceptable.
Beaucoup ou assez de confiance | Pas beaucoup ou pas de confiance du tout | |
---|---|---|
Police locale | 76% | 22% |
Police en Angleterre et au pays de Galles | 73% | 25% |
Service de probation | 59% | 29% |
Ministère public | 57% | 36% |
Juges | 54% | 43% |
Tribunaux | 51% | 44% |
Prisons | 48% | 43% |
Tribunaux pour adolescents | 46% | 38% |
Source: MORI (2003)
Comparaison entre la Grande-Bretagne, le Canada et la Nouvelle-Zélande
On trouve, au tableau 15, un récapitulatif des cotes attribuées par le public à des professionnels de la justice pénale en Grande-Bretagne, au Canada et en Nouvelle-Zélande. Alors que, généralement, le libellé différent des questions rend plus compliquées les comparaisons entre pays, des enquêtes récentes menées au Canada et en Nouvelle-Zélande utilisaient exactement les mêmes questions que celles de l'enquête britannique sur la criminalité. On a demandé aux gens, dans les deux pays : « Comment évaluez-vous les réalisations de chacun de ces groupes? » [traduction] Les résultats figurent au tableau 15, et on peut en tirer plusieurs conclusions. Premièrement, comme la police britannique, la police canadienne obtient une cote plus positive que les autres organismes. Deuxièmement, les évaluations sont moins favorables en Grande-Bretagne, en particulier en ce qui concerne les professionnels responsables des poursuites. Ainsi, plus de la moitié de l'échantillon canadien considère que les procureurs font du bon ou de l'excellent travail, contre seulement environ un quart de l'échantillon britannique.Note de bas de page 14Les juges, eux aussi, bénéficient d'évaluations plus positives au Canada qu'en Grande-Bretagne.
Excellent ou bon | Moyen | Médiocre ou très médiocre | |
---|---|---|---|
Canada | |||
Police | 67% | 25% | 7% |
Avocats de la défense | 56% | 36% | 6% |
Procureurs | 53% | 40% | 5% |
Juges | 50% | 31% | 17% |
Grande-Bretagne | |||
Police | 53% | 30% | 6% |
Avocats de la défense | N/A | N/A | N/A |
Procureurs | 23% | 53% | 24% |
Juges | 21% | 49% | 32% |
Nouvelle-Zélande | |||
Police | 74% | 19% | 7% |
Avocats de la défense | 45% | 42% | 13% |
Procureurs | N/A | N/A | N/A |
Juges | 42% | 37% | 22% |
Sources : Mirrlees-Black, (2001); Paulin et coll. (2003); Roberts (2002).
Comparaisons des évaluations par le public de diverses fonctions particulières, au fil du temps
On dispose des données de trois des quatre Enquêtes sociales générales qui ont été effectuées jusqu'ici (1988, 1993 et 1999). On peut ainsi effectuer une comparaison relative des degrés de confiance au cours de la dernière décennie concernant les tribunaux et la police. Le tableau 16 indique les pourcentages de répondants aux trois éditions de l'enquête qui ont jugé médiocre l'action de la police et des tribunaux. Comme on peut le constater, les pourcentages sont relativement stables. Les faibles augmentations du pourcentage des répondants ayant une opinion négative des tribunaux pourraient être dues à une erreur aléatoire. Ces tendances contrastent avec celles qui se dégagent du tableau précédent qui indiquait une détérioration des cotes attribuées par le public. Il est possible que la perception globale des secteurs de la justice pénale se soit détériorée, mais que les opinions du public sur les différentes fonctions en cause soient restées stables.
Ainsi, les données canadiennes ont une stabilité qui est assez comparable à celle qui se dégage de plusieurs éditions de l'enquête britannique sur la criminalité (p. ex. Mirrlees-Black, 2001). La seule exception à cet égard est l'évaluation des services de police qui est moins favorable en Grande-Bretagne pendant la période allant de 1996 à 2000. En effet, en 1996, 64 % des répondants considéraient que la police faisait du bon ou de l'excellent travail, mais en 2000, ce pourcentage chutait à 53 % (Mirrlees-Black, 2001).Note de bas de page 15
1988 | 1993 | 1999 | |
---|---|---|---|
Police | |||
Est accessible | 5% | 5% | 4% |
Assure la sécurité des citoyens | -- | 7% | 5% |
Fait appliquer les lois | 5% | 6% | 5% |
Fournit de l'information sur la prévention de la criminalité | 9% | 12% | 9% |
Répond rapidement aux appels | 9% | 9% | 8% |
Courts | |||
Assurent un procès équitable aux accusés | 9% | 12% | 11% |
Déterminent la culpabilité ou l'innocence | 17% | 21% | 20% |
Aident les victimes | 33% | 42% | 35% |
Rendent justice diligemment | 37% | 50% | 41% |
Source: Tufts (2000)
5. Les prisons
Il existe des données qui permettent une comparaison entre trois pays (États-Unis, Canada et Grande-Bretagne) des cotes attribuées par le public au système carcéral. Le tableau 17 fait ressortir des tendances semblables dans les trois pays. Bien que les réponses possibles diffèrent légèrement, il semble évident que la population des trois pays soit plus portée à penser que la prison est plus susceptible de paralyser les délinquants que de les réadapter.
Canada | |||||
---|---|---|---|---|---|
Bon travail | Travail passable | Travail médiocre | Sans opinion | ||
Maintien de la sécurité | 26% | 32% | 20% | 21% | |
Promotion de la réadaptation | 14% | 32% | 28% | 26% | |
États-Unis | |||||
Excellent | Bon | Satisfai-sant | Médiocre | Sans opinion | |
Maintien de la sécurité | 18% | 49% | 23% | 8% | 2% |
Promotion de la réadaptation | 2% | 12% | 34% | 48% | 4% |
Grande-Bretagne | |||||
Grande confiance | Confiance relative | Pas très confiance | Pas confiance du tout | Sans opinion | |
Maintaining security | 25% | 64% | 7% | 1% | 3% |
Promoting rehabilitation | 5% | 39% | 40% | 9% | 7% |
Sources: Gallup (2000); MORI (2003); Tufts (2000)
6. Appréciation des professionnels de la justice pénale
Une autre façon d'explorer la confiance dans la justice pénale est de comparer les perceptions que le public a de différentes professions appartenant à ce secteur. Le tableau 18 met en contexte, dans une certaine mesure, les degrés de confiance que suscitent, parmi la population, les professionnels de la justice pénale au Canada. Ce tableau confirme à nouveau la tendance qui se dégage des sondages précédents : le public a plus confiance dans la police que dans les autres professionnels de la justice pénale. Toutefois, à l'exception des avocats, le pourcentage de répondants exprimant une grande confiance envers les autres professionnels de la justice pénale était relativement élevé. En outre, comme on le précisera dans la conclusion de ce rapport, il est probablement irréaliste de s'attendre à ce que la cote de confiance du public à l'égard des professionnels de la justice pénale soit aussi favorable que celles concernant les professionnels de la santé ou de l'enseignement.
% de répondants exprimant un degré élevé de confiance dans la profession | |
---|---|
Personnel infirmier | 89% |
Médecins | 79% |
Enseignants | 74% |
Police | 72% |
Bénévoles | 63% |
Juges | 59% |
Procureurs | 52% |
Employés d'ONG (temps plein) | 51% |
Enquêteurs | 50% |
Chefs religieux | 49% |
Chefs d'entreprise | 43% |
Fonctionnaires provinciaux | 42% |
Fonctionnaires fédéraux | 37% |
Avocats | 34% |
Journalistes | 34% |
Chefs syndicaux | 24% |
Politiciens | 19% |
Lobbyistes | 14% |
Source: Ekos Research Associates (2000)
Le tableau 19 confirme la hiérarchie des professions établie dans une étude de 1993. Le pourcentage de la population accordant une grande confiance à la police était beaucoup plus élevé que celui des gens qui exprimaient le même degré de confiance envers les juges ou les avocats.
% accordant « une grande confiance » à la profession en cause | |
---|---|
Médecins | 48% |
Police | 48% |
Enseignants | 45% |
Prêtres et ministres du culte | 30% |
Juges | 27% |
Journalistes | 15% |
Avocats | 11% |
Politiciens | 4% |
Source: Angus Reid (1993)
Discussion et conclusions
Pourquoi le public a-t-il peu confiance dans la justice?
Cet examen de récents sondages d'opinion publique sur le système de justice pénale a révélé que la population canadienne ne fait pas particulièrement confiance à la justice. Cette constatation doit toutefois être mise en contexte. On ne peut logiquement s'attendre à ce que la cote de confiance ou d'efficacité de la justice pénale corresponde à celle d'autres institutions publiques et ce, pour plusieurs raisons.
Différentes missions
Dans la documentation internationale (voir Hough et Roberts, 2004b), on trouve partout cette constatation : la cote que le public attribue généralement au système de justice et la confiance qu'il manifeste à son égard sont d'habitude moins favorables qu'envers le régime de soins de santé, le système scolaire ou les forces armées. Cette tendance se dessine également lorsqu'on demande aux gens de coter certaines professions : le personnel infirmier, les enseignants et les militaires sont mieux cotés par le public que les avocats, les juges ou les membres des commissions des libérations conditionnelles. Cependant, il ne faut pas oublier que les professions cotées plus favorablement ont en commun une mission – aider ou protéger la population. En revanche, les juges sont chargés de missions multiples, entre autres, celle de s'assurer que les accusés sont jugés équitablement. De la même manière, les procureurs doivent agir dans l'intérêt public, ce qui ne signifie pas toujours intenter des poursuites ou en appeler d'un acquittement ou d'une peine prononcée.
En outre, comme le notent Kritzer et Voelker (1998), à propos des tribunaux du Wisconsin : « Il n'est pas surprenant que les gens manifestent une certaine insatisfaction à l'égard des tribunaux : ils les associent à des choses peu plaisantes – actes criminels, blessures, divorce, etc. Bien des gens, peut-être la plupart d'entre eux, sont probablement aussi peu portés à faire appel volontairement aux tribunaux qu'à se faire arracher leurs dents de sagesse. » [traduction] (p. 59). La mission de la justice pénale n'est pas principalement d'aider les victimes, mais plutôt de travailler en faveur de la sécurité publique et d'imposer des sanctions appropriées. Il est donc probablement impropre de faire des comparaisons entre la confiance à l'égard du système de justice et la confiance envers le système de santé, dont le but premier est le bien-être du citoyen qui y a recours.
La perception du public à l'égard des professionnels de la justice pénale
Les citoyens font souvent peu de cas de la complexité des rôles de certains professionnels du secteur de la justice pénale. Par exemple, les gens sont nombreux à présumer que l'avocat de la Couronne « représente » la victime de la même manière que l'avocat de la défense représente l'accusé (Roberts, 2002). Le public a tendance à se rallier à un type de justice axée sur le « contrôle de la criminalité » plutôt que vouée à « l'application régulière de la loi »; bien des gens sont agacés et frustrés par les garanties de procédure ou les protections constitutionnelles accordées aux suspects. En deux mots, les missions professionnelles des représentants du système de justice leur garantissent en fait une cote moins favorable que celle dont bénéficient les professionnels du secteur des soins de santé ou de l'éducation.
La police a une mission qui concorde mieux avec l'image qu'en a le public. Les agents de police protègent la société et facilitent les poursuites engagées contre les criminels en recueillant des preuves. Ce sont là des rôles que le public peut facilement endosser, et cela explique dans une large mesure l'écart entre les degrés de confiance du public à l'égard de la police et à l'égard des autres professionnels du système de justice pénale.
Relative visibilité des professionnels de la justice pénale
Il existe également une explication plus prosaïque de la cote favorable accordée par le public à la police. Les agents de police sont les professionnels de la justice pénale les plus visibles. Le public les voit quotidiennement à l'œuvre, remplissant habituellement un rôle utile et salutaire à leurs concitoyens, par exemple, en réglant la circulation ou en prenant les dispositions nécessaires lors d'un accident. Les juges remplissent les devoirs de leur charge dans des salles d'audience où généralement peu de représentants du public sont présents. Les délibérations des membres des commissions des libérations conditionnelles sont encore moins publiques. L'attention de la population n'est attirée sur ces professions que lorsque les médias en parlent, habituellement lorsqu'une décision a été prise et qu'aux yeux d'un journaliste, elle semble, d'une certaine façon, porter à la controverse. Il n'est donc pas étonnant que la cote accordée par le public aux juges, aux procureurs et aux membres des commissions des libérations conditionnelles soit moins favorable que celle qu'il attribue à la police.
Victimisation et perceptions du crime : Tendances
Un autre facteur qui mine la confiance du public à l'égard du système de justice pénale est l'évolution du taux de criminalité et la façon dont cela est perçu par le public. L'ESG de 1999 a montré qu'un quart des répondants avaient été victimes d'un acte criminel sous une forme ou sous une autre au cours des 12 mois précédents (Besserer et Trainor, 2000). Les données recueillies en 2000 dans le cadre de l'Enquête internationale sur les victimes de la criminalité (EIVC) démontrent que le nombre des actes criminels déclarés par des victimes au Canada est plus élevé que dans la plupart des autres pays participant à l'enquête (Besserer, 2002; figure 1).
En outre, le public a une opinion exagérément pessimiste de l'évolution de la criminalité. Même si, au Canada, pendant dix années consécutives (de 1991 à 2001), les taux de criminalité ont chuté (Wallace, 2004), en 2002, moins d'un Canadien sur dix croyait que ces taux avaient effectivement baissé. Environ un tiers des personnes interrogées pensaient qu'en réalité, ces taux avaient augmenté (Ipsos-Reid, 2002).
Images de la justice
Enfin, il est important de prendre en considération ce qui vient à l'esprit des gens lorsqu'ils pensent au système de justice. Quand on leur demande de dire ce qu'évoque « spontanément » pour eux la justice pénale, les gens vont citer des choses comme la détermination de la peine, les prisons et la libération conditionnelle. En fait, ces secteurs sont à la fois les plus visibles et les moins populaires. C'est un facteur qui doit avoir une influence sur les cotes attribuées par le public lorsqu'on lui pose des questions sur le « système dans son ensemble ». Les cotes accordées aux tribunaux et aux services correctionnels ont tendance à faire chuter les cotes globales du système de justice. Ne serait-ce que pour cette raison, il est important d'approfondir les réactions du public à l'égard de certains secteurs, ainsi que les cotes attribuées au système dans son ensemble.
Causes du manque de confiance
Comme on l'a noté dans l'introduction, il y a un rapport entre la connaissance et la confiance. La plupart des Canadiens ont plusieurs idées fausses à propos du problème que pose la criminalité et de la nature des réactions de la justice pénale. Plus précisément, beaucoup de Canadiens :
- pensent que les taux de criminalité grimpent inexorablement;
- surestiment les taux de récidive;
- pensent que le système de justice pénale penche en faveur des suspects, des accusés et des délinquants;
- sous-estiment la sévérité des peines imposées;
- croient que, dans l'ensemble, la détermination de la peine a tendance à être plus indulgente au Canada qu'ailleurs;
- surestiment le nombre de délinquants qui bénéficient d'une libération conditionnelle;
- surestiment le taux de récidive des délinquants en liberté conditionnelle.
Ces idées fausses - qui se fondent toutes sur des représentations inexactes du crime et de la justice dans les médias - contribuent sans aucun doute à miner la confiance du public dans le système de justice pénale et envers les professionnels qui le font fonctionner. Lorsqu'on leur demande pourquoi ils ont peu ou pas confiance dans le système de justice, la plupart des Canadiens répondent en citant certains aspects de la détermination de la peine et de la libération conditionnelle. Des recherches par groupes de discussion menées en 2003 ont permis de constater que « les gens avaient généralement le sentiment que la durée des peines était beaucoup trop courte » [traduction] (Angus Reid, 2003, p. 14). De nombreux sondages d'opinion publique ont été effectués au Canada au cours des 20 dernières années, et leurs résultats révèlent un désenchantement généralisé à propos de la détermination de la peine (ou de ce que les gens perçoivent comme étant la façon dont les peines sont déterminées).Note de bas de page 16
La mesure dans laquelle les Canadiens pensent que le crime est un problème qui préoccupe les pouvoirs publics est une autre cause du manque de confiance de la population à l'égard de la justice pénale. En 1997, dans le cadre d'un sondage effectué pour le gouvernement fédéral, on a posé la question suivante : « Comment compareriez-vous l'attitude du gouvernement fédéral à l'égard du crime et votre propre attitude à ce propos? Est-ce que le gouvernement fédéral est beaucoup plus préoccupé par la criminalité que vous, un peu plus préoccupé, un peu moins préoccupé, beaucoup moins préoccupé ou aussi préoccupé que vous l'êtes? » [traduction]. Environ un quart des répondants croyaient que le gouvernement était aussi préoccupé qu'ils l'étaient. Cependant, parmi ceux qui estimaient qu'il y avait un écart entre les degrés de préoccupation, ils étaient beaucoup plus nombreux à croire que le gouvernement était moins préoccupé qu'eux par la criminalité (20 % des répondants estimaient que le gouvernement était plus préoccupé qu'eux, alors que 50 % déclaraient que le gouvernement l'était moins; Palmer, 1997).
Initiatives visant l'amélioration de la confiance du public
Plusieurs pays ont lancé des initiatives destinées à améliorer la confiance du public dans l'administration de la justice (pour de plus amples informations, voir Hough et Roberts, 2004b). La première étape vers l'élaboration d'une stratégie qui a été le plus fréquemment utilisée est l'organisation d'une conférence nationale ou internationale sur le sujet, avec la participation des principaux intéressés. De telles conférences ont été organisées en Belgique, en Australie, aux États-Unis et dans d'autres pays. Il est important de noter, cependant, qu'aucune de ces initiatives n'a été officiellement évaluée; nous ne savons donc pas dans quelle mesure elles ont été utiles pour relever le degré de confiance du public.
C'est aux États-Unis que la question de la confiance du public dans la justice a été à l'origine du plus grand nombre d'initiatives. On a effectué dans ce pays plus d'enquêtes sur le sujet qu'ailleurs. Les résultats de ces enquêtes, menées à l'échelle nationale et à celle des États, ont inspiré divers types de mesures, en réaction à ce qui est perçu comme une crise de la confiance du public dans le système de justice, notamment dans les tribunaux de juridiction criminelle. Parmi les initiatives lancées le plus fréquemment aux États-Unis, on peut noter :
Comités consultatifs de citoyens :En Californie, un groupe d'étude distinct a été établi et chargé de formuler des propositions ayant pour but d'amorcer et d'améliorer la collaboration entre les tribunaux et les collectivités, à l'échelle de l'État et des localités. Dans la foulée de cette initiative, un rapport exhaustif et un manuel ont été publiés (le manuel peut être consulté à l'adresse : www.courtinfo.ca.gov/programs/community/handbook.htm). En Caroline du Sud, le barreau a d'abord organisé une série de sommets des citoyens sur la justice et, ensuite, une conférence à l'échelle de l'État qui a eu lieu en 1998.
Tribunaux en « tournée » et audiences dans les écoles : En Arizona, le tribunal part en tournée dans tout l'État, et ses audiences sont suivies de discussions avec le public. Au Wisconsin, le programme connu sous le nom de « Justice on Wheels » donne aux citoyens de l'État la possibilité d'entendre des plaidoiries. Au Minnesota, la Cour suprême part en tournée pour entendre des plaidoiries lors d'audiences tenues dans des écoles. Ce programme touche plus de 4 000 jeunes par an.
Programmes éducatifs :Au Kansas, la Cour suprême collabore avec l'association du barreau de l'État pour mettre au point et coordonner des projets d'éducation publique qui ont le droit pour thème.
Programmes de sensibilisation du public : L'association des avocats plaidants du Nevada (Trial Lawyers' Association) a mis en œuvre un programme de vulgarisation du droit dans le but d'éclairer le public sur des questions d'ordre juridique. Dans l'Utah, un comité de sensibilisation du public (Public Outreach Committee), qui regroupe des représentants des tribunaux et du barreau, coordonne et parraine plusieurs forums publics.
Activités de rayonnement à l'intention des médias : Dans plusieurs États, l'appareil judiciaire a mis sur pied des activités de rayonnement à l'intention des médias. Par exemple, la magistrature du Colorado, en collaboration avec l'association du barreau de cet État, organise des séminaires et des ateliers à l'intention des membres des médias. Au Tennessee, l'Université Vanderbilt offre des ateliers d'une journée sur le thème : « Le droit pour les journalistes ». Le but de ces initiatives est de rehausser la confiance du public dans la justice en améliorant la qualité de la couverture des médias à cet égard.
Activités de rayonnement de la magistrature : Une des initiatives les plus couramment lancées aux États-Unis est l'organisation de réunions publiques auxquelles participent des membres de la magistrature. Les tribunaux de l'État de New York délèguent des juges pour prendre la parole dans le cadre de diverses réunions de type communautaire. Au Wisconsin, il existe un service de conférenciers de la magistrature (Judicial Speakers Bureau) qui a établi une liste de plus de 100 juges disposés à participer à des tribunes organisées localement. En Arkansas, dans le cadre de réunions organisées sur le thème : « Rencontrez vos juges », les citoyens ont la possibilité de poser des questions à des juges.
Faciliter la participation du public : Dans de nombreux États, les citoyens sont appelés à participer à des consultations officielles. En Arizona, l'opinion des collectivités a été sollicitée dans le cadre d'une série de sommets des citoyens. En Californie, 57 des 58 tribunaux de première instance ont mis au point un plan stratégique qui s'appuie sur la participation de la collectivité. Dans le comté d'Orange, on a également fait une enquête parmi les gens qui avaient eu recours aux tribunaux. Les résultats sont utilisés pour aider les tribunaux à planifier leurs activités à long terme. En Oregon, une conférence sur la justice et les citoyens a été organisée à l'échelle de l'État, sur le thème : « Rehausser la confiance dans le système de justice en faisant participer les citoyens ». Venus des quatre coins de l'État, des citoyens ont ainsi pu cerner les problèmes que pose l'administration de la justice, ainsi que les priorités en la matière, en discuter et recommander des solutions.
Amélioration de sites Web :Ces dernières années, tous les États ont apporté des améliorations à leur site Web afin de fournir plus de renseignements aux citoyens. Le barreau du district de Columbia a créé un site Web en 1999, ce qui a suscité des réactions extrêmement positives de la part du public. Dans de nombreux États, sur le site des tribunaux qui mettent en ligne les jugements rendus, on trouve également une page réservée à l'information des citoyens (p. ex. le site Web des tribunaux de Caroline du Nord : www.nccourts.org). Sur le site de certains États comme celui de Washington, on trouve une page réservée exclusivement à la question de la confiance du public : www.courts.wa.gov/programs_orgs/. Des informations y sont données sur les activités qui concernent la confiance du public et qui sont organisées dans chaque comté de l'État.
Sondages périodiques d'opinion publique : La préoccupation que suscite la confiance du public a également entraîné la multiplication des sondages d'opinion publique, l'idée étant qu'évaluer régulièrement l'opinion publique est un mécanisme utile pour fournir de l'information sur leurs activités à des organismes comme les services locaux de police. En effet, les informations ainsi recueillies peuvent permettre à la police locale d'adapter ses initiatives en fonction des préoccupations particulières de la collectivité (National Institute of Justice, 2003).
Organisations non gouvernementales américaines : Tous les exemples d'initiatives cités jusqu'ici visent des responsables de l'administration de la justice. Toutefois, des ONG ont également décidé de participer aux efforts consentis pour rehausser la confiance du public. Par exemple, l'American Bar Association, par l'intermédiaire de sa division responsable de l'éducation juridique du public, fait la promotion d'activités dont l'objectif est de rehausser la confiance du public. En 1997, l'ABA a adopté une résolution voulant que cette division : « prenne l'initiative de créer un consortium d'organismes qui se consacrent à l'éducation du public...et a) poursuive des recherches sur les causes de la baisse de confiance dans l'appareil judiciaire et le système de justice... et b) élabore et mette en œuvre des programmes éducatifs axés sur le long terme... ainsi que sur l'amélioration de la confiance du public » [traduction] (American Bar Association, 1997).
Promouvoir la confiance du public dans la justice en Alberta
Même si plusieurs pays occidentaux ont lancé des initiatives pour favoriser une plus grande confiance du public dans la justice, une seule juridiction du Canada a suivi cet exemple. En 1999, le gouvernement albertain a convoqué un « Sommet sur la justice » consacré à ce problème. Au préalable, des réunions publiques avaient été organisées dans 17 localités de la province, et les résultats de ces consultations ont été transmis aux délégués lors du sommet. Les principaux intervenants, ainsi que des citoyens sélectionnés au hasard dans toute la province, ont été réunis afin de discuter des résultats d'un sondage d'opinion portant sur la confiance du public dans le système de justice (voir ministère de la Justice de l'Alberta, 1999). Le gouvernement a établi un comité directeur dont la mission est de « rehausser la confiance du public et élargir la participation communautaire au système de justice » [traduction].
Le rapport du sommet, rendu public quelques mois plus tard, renfermait 25 recommandations fondamentales qui reflétaient les huit thèmes abordés lors des réunions. Le premier de ces thèmes était : « Améliorer les connaissances du public, son éducation et sa sensibilisation » [traduction]. Dans le rapport du sommet, il est noté que : « Le fait que les Albertains connaissent mal le système de justice et que peu d'efforts aient été consentis pour les éduquer et les sensibiliser en la matière a été considéré comme un obstacle majeur à l'amélioration du système... de l'avis des délégués, si l'on améliorait la connaissance et la compréhension du système, on éliminerait beaucoup de frustration, de crainte et d'antagonisme » [traduction] (ministère de la Justice de l'Alberta, 1999, p. 5). Parmi les recommandations touchant particulièrement la question de la confiance du public, on relève notamment que les délégués ont préconisé, entre autres, la tenue d'autres sommets pour garantir un examen permanent du système de justice Note de bas de page 17.
À l'inverse de ce qui s'est passé dans d'autres juridictions, où les initiatives axées sur la confiance du public sont restées ponctuelles, le gouvernement de l'Alberta a assuré un suivi et a tenu la population informée des mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées au sommet. Un certain nombre d'initiatives particulières ont été lancées sur le thème de l'amélioration des connaissances, de l'éducation et de la sensibilisation du public.
Conclusions
En bout de ligne, quelle conclusion devrait-on tirer de cette étude de récents sondages sur la confiance du public dans la justice pénale? Peut-on parler de crise de confiance parmi la population canadienne en ce qui concerne le système de justice? Les résultats démontrent que l'on ne peut pas raisonnablement conclure que la confiance du public est grande. Un pourcentage très élevé de Canadiens disent avoir peu confiance dans la justice ou même n'en avoir aucune. Mais cette conclusion doit être nuancée par les remarques suivantes :
- Dans d'autres pays, la confiance dans la justice pénale n'est pas plus élevée et est même parfois plus faible.
- La confiance dans certains secteurs du système de justice – notamment, la police – est élevée.
- Même pour les secteurs du système de justice qui suscitent une confiance relativement faible (les tribunaux, par exemple), le public accorde des cotes positives à certaines de leurs fonctions.
- Les écarts entre la confiance envers les différents secteurs du système de justice traduisent, dans une large mesure, le fait que le public a de la justice une perspective axée sur le « contrôle de la criminalité » (plutôt que sur « l'application régulière de la loi »).
- Même si la perception du système dans son ensemble, et particulièrement de certains de ses secteurs, est négative, la confiance et le respect qu'inspirent les professionnels de la justice pénale sont grands.
Toutefois, il faut reconnaître que certains secteurs de la justice font face à un problème d'image.
Quelques recommandations
- Bien que l'analyse approfondie des initiatives que pourraient dicter ces conclusions n'entre pas dans le champ du présent rapport, voici quelques suggestions pour pallier le problème du manque de confiance du public dans la justice.
- Il faut regrouper tous les sondages effectués sur la question. Pour le moment, le Canada n'a pas établi de répertoire des sondages d'opinion, contrairement à certains autres pays qui possèdent ce genre de base de données. Par exemple, aux États-Unis, on trouve sur le site « Sourcebook of Criminal Justice Statistics » une section sur les attitudes du public envers la justice. Cette section contient les derniers résultats des sondages concernant la justice pénale, dont les enquêtes sur la confiance du public. Il faudrait qu'un seul ministère ou organisme gouvernemental se charge du dossier. On pourrait également confier à une université le soin de créer une base de données et de la garder à jour. Ce genre de mesure est nécessaire si l'on veut répondre à la question fondamentale : la confiance du public diminue-t-elle ou non, et dans quel domaine?
- Les enquêtes devraient également permettre d'étudier les opinions des Canadiens sur la criminalité et les réactions de la justice pénale, aux niveaux local et national.
- Les initiatives devraient être mieux coordonnées : promouvoir la confiance du public dans l'administration de la justice est un objectif auquel peuvent contribuer de nombreuses parties intéressées par la justice pénale, tant au sein du gouvernement que dans le secteur bénévole non gouvernemental, mais il faut qu'il y ait un chef de file pour coordonner les actions engagées à cette fin. Peut-être devrait-on créer un comité qui regrouperait les ministères concernés et qui aurait pour mission d'étudier des mesures ayant pour but l'amélioration de la confiance du public dans l'administration de la justice.
- Tous les autres pays occidentaux ont tenu une conférence nationale ou internationale à laquelle les principaux intéressés (y compris de simples citoyens) ont été invités. Ce genre de manifestation attire l'attention sur le problème et a donné des résultats positifs dans plusieurs pays. On devrait organiser une telle conférence. L'Alberta est la seule province canadienne à l'avoir fait (voir ci-dessus). Les pouvoirs publics consacrent actuellement des ressources considérables à l'évaluation de la confiance du public dans la justice — quatre enquêtes nationales ont été commandées au cours des deux ou trois dernières années. Il serait peut-être utile d'investir dans des mesures visant l'amélioration de cette confiance.
- Ces mesures devraient viser principalement les secteurs du système de justice dont la cote de confiance est particulièrement mauvaise ou dont l'action est jugée le moins favorablement. Bien des initiatives examinées ici (voir les premières sections du rapport) visaient les tribunaux, mais il semble qu'à l'heure actuelle, on devrait donner la priorité à l'amélioration de « l'image » du système correctionnel (notamment du processus de libération conditionnelle).
Bibliographie
- ALBERTA JUSTICE. Final Report. Alberta Summit on Justice, 1999.
- AMERICAN BAR ASSOCIATION. An Independent Judiciary. Report of the Commission on Separation of Powers and Judicial Independence, résumé, 1997.
- ANGUS REID GROUP, INC. The National Angus Reid Poll. Professions' Public Esteem, Ottawa, Angus Reid Group, 1993.
- ANGUS REID GROUP, INC. Report to the Solicitor General on Parole and Correctional Issues, Toronto, Angus Reid Group Inc, 1996.
- ANGUS REID GROUP, INC. National Angus Reid/CTV News Poll. Crime and the Criminal Justice System, Toronto, Angus Reid Group Inc., 1997.
- ANGUS REID GROUP, INC. Criminal Justice in Canada. Final Report, Ottawa, Solliciteur général Canada, 2003.
- BESSERER, S. « Les victimes de la criminalité : une perspective internationale », Juristat, vol. 22, no 4, 2002.
- BESSERER, S. et C. TRAINOR. « La victimisation criminelle au Canada, 1999 », Juristat, vol. 20, no 10, 2000.
- CHAPMAN, B., C. MIRRLEES-BLACK et C. BRAWN. Improving public attitudes to the criminal justice system: the impact of information, Londres, Home Office Research and Development and Statistics Directorate, 2002.
- COMPAS RESEARCH. PLEI Survey. A Study for Justice Canada, Ottawa, Compas Research, 2002.
- DOOB, A.N. et J.V. ROBERTS. « Public Punitiveness and Public Knowledge of the Facts: Some Canadian Surveys », dans N. Walker et M. Hough (dir.), Public Attitudes to Sentencing, Cambridge Studies in Criminology, Aldershot, Gower, 1988, p. 111.133.
- EKOS RESEARCH. Rethinking Government, Ottawa, Ekos Research, 2000. Rapport préparé pour le ministère de la Justice Canada.
- LES ASSOCIÉS DE RECHERCHE EKOS INC. Les attitudes des Canadiens face à la prévention du crime, Ottawa, Les Associés de recherche Ekos Inc., 2004.
- ENVIRONICS CANADA. Focus on Crime and Justice, Ottawa, Environics Canada, 1998.
- ENVIRONICS RESEARCH GROUP LIMITED. Public Attitudes toward Correctional Issues in Kingston Ontario, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 2000.
- GALLUP ORGANIZATION. Reported confidence in the criminal justice system, 2000. Pour le consulter : www.albany.edu/sourcebook/.
- GALLUP ORGANIZATION. Reported confidence in the criminal justice system, 2003. Pour le consulter : www.albany.edu/sourcebook/.
- HOME OFFICE. Improving Public Satisfaction and Confidence in the Criminal Justice System, Londres, Home Office, 2003.
- HOUGH, M. Promoting Confidence in the Criminal Justice System, Londres, South Bank University, 2000.
- HOUGH, M. et A. PARK. « How Malleable are attitudes to crime and punishment? Findings from a British Deliberative Poll », dans J.V. Roberts et M. Hough (dir.), Changing Attitudes to Punishment, Cullompton, Willan Publishing, 2002, p. 163.183.
- HOUGH, M. et J.V. ROBERTS. Attitudes to punishment: findings from the British Crime Survey, Home Office Research Study #179, Londres, Research and Statistics Directorate, 1998.
- HOUGH, M. et J.V. ROBERTS. « Sentencing Trends in Britain: Public Knowledge and Public Opinion », Punishment and Society. The International Journal of Penology, vol. 1, 1999, p. 7.22.
- HOUGH, M. et J.V. ROBERTS. « Confidence in Justice: an international review », Findings No. 234, Londres, Home Office, Research, Development and Statistics Directorate, 2004a.
- HOUGH, M. et J.V. ROBERTS. Confidence in Justice: an International Review, Londres, King's College, 2004b.
- INSIGHT CANADA. Perspectives Canada, vol. III, n° 1, 1994.
- IPSOS-REID. Opinions du public sur l'échange de renseignements dans le système de justice pénale : rapport final, Ottawa, Solliciteur général Canada, 2002.
- KRITZER, H. et J.VOELKER. « Familiarity Breeds Respect: How Wisconsin Citizens View Their Courts », Judicature, vol. 82, 1998, p. 58.64.
- LÉGER MARKETING. Les Canadiens et le système judiciaire, Montréal, Léger Marketing, 2002.
- MIRRLEES-BLACK, C. « Confidence in the Criminal Justice System: Findings From the 2000 British Crime Survey », Research Findings, No. 137, Londres, Home Office, 2001.
- MORI. Public Confidence in the Criminal Justice System, Londres, MORI, 2003.
- NATIONAL INSTITUTE OF JUSTICE. Factors that Influence Public Opinion of the Police, Washington, D.C., U.S. Department of Justice, 2003.
- NICHOLAS, S. et A.WALKER (dir.). Crime in England and Wales 2002/2003: Supplementary Volume 2: Crime, disorder and the Criminal Justice System.public attitudes and perceptions, Londres, Home Office, Research, Development and Statistics Directorate, 2004.
- PAGE, B., R.WAKE et A. AMES. « Public Confidence in the criminal justice system », Research Findings, No. 221, Londres, Home Office, Research and Statistics Directorate, 2004.
- PALMER, S. Department of Justice Public Opinion Survey, Ottawa, ministère de la Justice Canada, 1997.
- PAULIN, J., W. SEARLE, et T. KNAGGS. Attitudes to Crime and Punishment: A New Zealand Study, Wellington, Ministry of Justice, 2003.
- RIOPELLE-OUELLET, S. Attitudes du public à l'égard de la légitimité de nos institutions et de l'administration de la justice, Ottawa, ministère de la Justice Canada, Division de la recherche et de la statistique, 1991.
- ROBERTS, J.V. « Public opinion, crime, and criminal justice », dans M. Tonry (dir.), Crime and Justice: A Review of Research, vol. 16, 1992, p. 99-180.
- ROBERTS, J.V. Inventaire des recherches effectuées au Canada sur les connaissances du public en matière de criminalité et de justice, Ottawa, ministère de la Justice Canada, 1995.
- ROBERTS, J.V. La peur du crime et les attitudes à l'égard de la justice pénale au Canada : bilan des dernières tendances, Ottawa, Solliciteur général Canada, 2001. Rapport de recherche no 2001-02.
- ROBERTS, J.V. Public Perceptions of Prosecutors: Results of a Nationwide Survey, Ottawa, ministère de la Justice Canada, 2002.
- ROBERTS, J.V. et M. HOUGH. « Public Opinion, Sentencing and Parole: International Trends », dans R. Roesch, R. Corrado et R. Dempster (dir.), Psychology in the courts: International Advances in Knowledge, Amsterdam, Harwood Academic, 2001.
- ROBERTS, J.V. et L.J. STALANS. Public opinion, crime, and criminal justice, Boulder, Westview Press, 1997.
- SHERMAN, L. « Trust and Confidence in Criminal Justice », National Institute of Justice Journal, vol. 248, 2002, p. 22.31.
- SOURCEBOOK OF EUROPEAN VALUES. The European Values Study: A Third Wave, Tilburg (Pays-Bas), Tilburg University, 2001.
- STATISTIQUE CANADA. Enquête sociale générale, 2003, Ottawa, Statistique Canada.
- STEIN, K. Perceptions du public en ce qui concerne la criminalité et la justice au Canada : examen des sondages d'opinion, Ottawa, ministère de la Justice Canada, 2001.
- TUFTS, J. « Attitudes du public face au système de justice pénale », Juristat, vol. 20, no 12, 2000.
- TYLER, T.R. Why people obey the law, New Haven, Yale University Press, 1990.
- TYLER, T.R. Trust in the law: encouraging public cooperation with the police and courts, New York, Russell Sage Foundation, 2002.
- WALLACE, M. « Statistiques de la criminalité au Canada, 2003 », Juristat, vol. 24, no 6, 2004.
- ZAMBLE, E. et K. KALM. « General and Specific Measures of Public Attitudes toward Sentencing », Canadian Journal of Behavioural vol. 22, 1990, p. 327.337.
Notes
- 1
Bien entendu, il s'agit d'un résultat corrélatif qui montre une association entre des variables sans prouver pour autant que si une variable change, l'autre change aussi nécessairement. Il est possible également qu'un fort sentiment d'appartenance pour le Canada conduise à une grande confiance dans ses institutions. Nous ne savons pas si le sentiment d'appartenance favorise la confiance ou si c'est l'inverse. Il est également plausible que les deux sentiments se nourrissent mutuellement, suivant un modèle de causalité bidirectionnelle.
- 2
Un certain nombre de recherches par groupes de réflexion ont été commandées (p. ex. Angus Reid, 1996). Les résultats sont généralement les mêmes que ceux des sondages représentatifs de la population.
- 3
Bien que Statistique Canada ait publié des résultats de base sur la confiance dans la justice (et d'autres institutions publiques), les cotes des différents secteurs du système de justice, établies par l'ESG de 2003, n'ont pas encore été publiées.
- 4
L'étude des différences théoriques entre les cotes de confiance et les cotes portant sur les réalisations dépasse le cadre du présent rapport. Mais la confiance pourrait bien être « prospective », au sens où les gens qui font confiance à la police, par exemple, s'attendent à la voir intervenir et faire le nécessaire s'ils ont besoin d'aide, alors que les cotes sur les réalisations pourraient être plus rétrospectives et découler de ce que sait le répondant ou de ce qu'il a lu sur le système ou ses différents secteurs.
- 5
Sauf indication contraire, tous les tableaux qui suivent résument les données d'enquêtes effectuées au Canada.
- 6
À proprement parler, l'expression « système judiciaire » évoque l'appareil judiciaire; toutefois, il paraît probable que la plupart des gens interprètent l'expression plus librement comme signifiant « système de justice » (et en fait, l'enquête comportait également des questions ne concernant pas les tribunaux); c'est pour cette raison qu'elle a été incluse dans le présent rapport.
- 7
Les options étaient : très satisfait, assez satisfait, assez mécontent, très mécontent.
- 8
Nous n'approfondirons pas le sujet davantage dans le présent rapport, mais les données américaines relatives à la confiance fournies ici masquent d'importantes différences raciales, les répondants afro-américains faisant état de degrés de confiance significativement moindres à l'égard de certains secteurs du système de justice pénale, notamment la police (voir Sherman, 2002).
- 9
La moyenne est calculée à partir d.une liste plus importante de 32 pays européens (voir Sourcebook of European Values Study, 2001).
- 10
Tous les sondages sur la justice pour les jeunes dont disposait l'auteur au moment de la rédaction du présent rapport avaient été effectués avant l'adoption de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Il est possible que la couverture généralement positive de la nouvelle loi ait pu accroître la confiance du public dans ce secteur particulier du système de justice.
- 11
Les chiffres ayant été arrondis, la somme des pourcentages peut ne pas correspondre à 100. Ces statistiques sont tirées du rapport original (voir références) qui n'explique pas les pourcentages manquants. Il est possible qu.ils représentent les réponses « sans opinion ». Quoi qu'il en soit, le lecteur curieux est prié de s'adresser au Angus Reid Group pour toute clarification.
- 12
La hiérarchie de la « satisfaction » constatée à l'échelle nationale a également émergé d'une enquête récente en Alberta. Ainsi, 94 % des répondants avaient confiance dans leur police locale, 90 % dans la GRC, 44 % dans les tribunaux, 37 % dans le système carcéral, 22 % dans le régime de libération conditionnelle, et seulement 11 % dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (ministère de la Justice de l'Alberta, 1999).
- 13
Tel que noté précédemment, les données détaillées sur les attitudes, tirées de l'ESG de 2003 de Statistique Canada, ne sont toujours pas disponibles.
- 14
La publicité considérable générée par plusieurs poursuites qui n'ont pas abouti peut très bien expliquer l'évaluation moins favorable des procureurs britanniques.
- 15
Bien qu'ils ne soient pas directement comparables, les résultats de l'enquête MORI 2003 suggèrent un nouveau déclin de la confiance de la population dans la police. Seuls 9 % des répondants ont dit être « tout à fait convaincus » que la police en Angleterre et au pays de Galles faisait du bon travail.
- 16
Des recherches menées au Canada et ailleurs ont démontré que la plupart des citoyens sous-estiment la sévérité des peines imposées. Cela s'inscrit dans le cadre d'une opinion générale du public sur la justice pénale, jugée plus indulgente qu'elle ne l'est en fait (voir Roberts, 1995; Doob et Roberts, 1988).
- 17
Certaines recommandations reflétaient simplement les aspirations des délégués (p. ex. « Le système de justice devrait évoluer au fil du temps, à l'image des valeurs et des besoins de la société »; « Le droit et le processus judiciaire devraient refléter la volonté démocratique des Canadiens » [traduction]).
- Date de modification :