Loi concernant la déclaration obligatoire et difficultés juridictionnelles

Date : 30 mars 2021
Classification : NON PROTÉGÉ
Entièrement publiable (AIPRP)? AC
Branch / Agency : MJ et GRC

Sujet :

Les services de police sont confrontés à des difficultés juridictionnelles lorsqu’ils enquêtent sur des crimes commis dans Internet et appliquent la Loi concernant la déclaration obligatoire.

Réponse suggérée :

Contexte

Cadre législatif

Le droit pénal canadien prévoit un éventail exhaustif de mesures de protection contre toute forme de violence et d’exploitation sexuelle d’enfants. Il prévoit notamment l’interdiction de posséder, de produire et de distribuer toute forme de pornographie juvénile et d’y accéder, que le geste soit commis par Internet, sur les médias sociaux ou à l’aide d’une autre technologie. Au Canada, la définition de pornographie juvénile (ou matériel d’exploitation sexuelle d’enfants) couvre non seulement une représentation réelle d’exploitation sexuelle d’enfants, mais aussi une représentation fictive, les écrits et les enregistrements sonores de pornographie juvénile qui pourraient alimenter le marché pour ce genre de matériel ou normaliser ce comportement. Le droit pénal interdit également l’utilisation d’Internet pour communiquer avec un enfant dans le but de faciliter la perpétration d’une infraction d’ordre sexuel.

En 2011, le Canada a adopté la Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet. La Loi oblige les fournisseurs de services Internet à faire un signalement aux autorités s’ils sont avisés d’une adresse Internet où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public ou s’ils ont des motifs raisonnables de croire que leurs services Internet sont ou ont été utilisés pour la perpétration d’une infraction relative à la pornographie juvénile. La Loi considère qu’une personne s’est conformée à ses obligations de déclaration si elle a fait un signalement en application de la loi d’une province ou d’un État étranger. Nombreux sont ceux qui, faisant une interprétation étroite de la Loi, considèrent que celle-ci ne s’applique qu’aux fournisseurs de service Internet (comme Rogers ou Bell, p. ex.), à l’exclusion des fournisseurs d’applications en ligne (plateformes Internet et réseaux sociaux), même si ça n’était pas l’intention du législateur. Or, le matériel d’exploitation sexuelle d’enfants en ligne est généralement hébergé par des fournisseurs d’applications en ligne.

Depuis 2015, afin de mieux protéger les victimes et de réagir aux nouvelles tendances, le Code criminel interdit également la distribution non consensuelle d’images intimes (article 162.1) et autorise les tribunaux à ordonner le retrait des images intimes d’Internet (article 164). Ces changements ont été apportés à la loi par l’ancien projet de loi C-13, Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité, dont il est question dans la lettre. Les tribunaux sont également autorisés à ordonner le retrait ou la suppression de pornographie juvénile, d’enregistrement voyeuriste et de publicité de services sexuels sous forme de documents imprimés ou accessibles au moyen d’un ordinateur au Canada, ce qui comprend Internet (articles 164 et 164.1).

Défis pour la GRC

Le Centre national de coordination contre l’exploitation d’enfants (CNCEE) de la GRC est le point de contact centralisé pour les enquêtes liées à l’exploitation sexuelle des enfants en ligne. Comme le prévoit son mandat, le CNCEE collabore régulièrement avec les organismes d’application de la loi partenaires canadiens et étrangers dans l’intérêt des enquêtes.La communauté d’application de la loi nationale et internationale dépend grandement de l’expertise et du soutien du CNCEE en matière d’enquêtes puisque l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne est souvent du ressort de plusieurs juridictions ou pays du fait que les victimes, la preuve et l’infrastructure des entreprises se trouvent aux quatre coins du globe.

Les services en ligne transcendent les frontières internationales alors que l’autorité de ceux qui, comme la GRC, répriment les crimes en ligne, est limitée à la juridiction nationale à l’intérieur des frontières traditionnelles. Le Virtual Global Taskforce (VGT) joue un rôle prépondérant dans la riposte internationale à l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne. Actuellement présidé par la GRC, le VGT est une alliance policière internationale vouée à la protection des enfants contre ce type de criminalité.

Les gouvernements et les organismes d’application de la loi dans le monde éprouvent de sérieuses difficultés à accéder à la preuve numérique, qui est nécessaire pour mener à bien ces enquêtes, poursuivre en justice les auteurs d’infractions et protéger les victimes et les survivants.

Le Canada continue de travailler sans relâche avec tous les services de police partenaires au pays et à l’étranger afin de faciliter la coopération en matière d’enquêtes et de poursuites concernant ce type de crimes.

La GRC continuera d’enquêter sur les crimes d’exploitation sexuelle d’enfants en ligne dans toute la mesure possible, de collaborer avec ses partenaires canadiens et étrangers, d’identifier les victimes et de les mettre à l’abri du danger, de mener des recherches opérationnelles, et d’étudier de nouvelles solutions techniques susceptibles d’améliorer ce travail.

Loi concernant la déclaration obligatoire

La GRC communique avec les fournisseurs de services pour expliquer la législation canadienne et les obligations qu’elle fixe, et applique la loi dans toute la mesure du possible. Toutefois, l’application du droit pénal canadien aux services Internet, dont la dimension mondiale se joue des frontières traditionnelles, peut soulever des problèmes de compétence juridictionnelle.

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi concernant la déclaration obligatoire en 2011, l’utilisation d’Internet et la manière dont les crimes sont commis en ligne ont évolué. La GRC collabore activement avec ses partenaires fédéraux à la recherche de moyens qui permettraient d’actualiser la Loi afin de combler les lacunes et de la rendre plus efficace pour protéger les enfants de la victimisation. Il s’agit notamment d’examiner : la portée de la Loi et les entités assujetties aux obligations qu’elle prévoit; les pouvoirs pour mieux s’assurer de la conformité aux exigences prévues dans la Loi; l’information que les entreprises doivent communiquer aux autorités policières lorsqu’elles ont des motifs de croire que leurs services Internet servent à la perpétration d’une infraction relative à la pornographie juvénile; et comment résoudre la question de la perte des éléments de preuve en raison de la courte période de conservation imposée aux fournisseurs de services. L’objectif est de se donner les moyens d’enquêter efficacement et rapidement sur les infractions de pornographie juvénile, et de doter la police de véritables pouvoirs pour enquêter sur les entreprises qui ne se conforment pas à leurs obligations. La GRC croit fermement qu’il convient de combler les lacunes de la Loi concernant la déclaration obligatoire afin qu’elle soit mieux équipée pour protéger efficacement les enfants.

En 2018, Pornhub a eu des contacts avec des représentants du Centre national contre l’exploitation des enfants (CNCEE) de la GRC, qui est chargé de lutter contre l’exploitation sexuelle d’enfants en ligne. Les discussions ont notamment porté sur la Loi concernant la déclaration obligatoire et les obligations qui en découlent. À l’époque, les représentants de Pornhub disaient que la Loi concernant la déclaration obligatoire ne s’appliquait pas dans leur cas puisque leur entreprise n’est pas canadienne. En 2020, des représentants du National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC) aux États-Unis ont rencontré des représentants de Mindgeek au sujet de Pornhub. Par la suite, les représentants du NCMEC ont informé la GRC que Mindgeek leur transmettrait des signalements sur une base volontaire. En juin 2020, la GRC a commencé à recevoir des signalements de Pornhub par l’intermédiaire du NCMEC. Le personnel du CNCEE s’est de nouveau entretenu avec des représentants de Mindgeek en janvier 2021, et il a été convenu que Pornhub fournirait aussi à la GRC un résumé des signalements transmis au NCMEC afin de satisfaire aux exigences énoncées à l’article 3 de la Loi concernant la déclaration obligatoire, qui exige d’informer les autorités policières. Puisque la GRC recevrait les signalements de Pornhub par le biais du NCMEC, la GRC a convenu que ce double signalement au CNCEE et au NCMEC n’était pas soutenable et ne constituait pas un bon usage des ressources.

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