Crime organisé - Résumé de recherche 2016-H005

Tendances liées à l’appartenance à un gang au cours d’une vie

L'appartenance à un gang dépend beaucoup de l'âge. Il y a six chemins distincts qu'on peut prendre pour devenir membre d'un gang.

Sans données empiriques sur les étapes de la vie liées au développement et sur la participation à des activités de gangs, les chercheurs ne peuvent pas faire grand-chose pour détruire un grand mythe au sujet des gangs, à savoir que l'appartenance à un gang est permanente. S'il existe des recherches empiriques sur la participation à des activités criminelles, la fréquence de ces activités, la durée de la carrière et la renonciation, l'appartenance à un gang reste quant à elle mal comprise. De plus, il existe un écart entre les bases de données sur les membres de gangs tenues par les organismes d'application de la loi, qui sont orientées vers les adultes, et la littérature empirique sur l'appartenance à un gang, qui se concentre plutôt sur les adolescents. L'absence de recherches sur les tendances liées à l'appartenance à un gang au cours d'une vie entraîne un risque que la recherche et la pratique observent deux problèmes distincts. L'auteur maintient que la question de savoir à quel âge un individu se joint à un gang, et à quel âge il est le plus susceptible de faire partie d'un gang, est un phénomène différent qui nécessite une étude distincte.

À partir de données tirées de l'Enquête longitudinale nationale sur les jeunes de 1997, l'auteur examine les tendances liées à l'appartenance à un gang au cours d'une vie. Il se sert de la courbe de croissance et d'une modélisation de trajectoire axée sur un groupe (MTAG) pour examiner ces tendances chez 8 984 répondants interrogés annuellement. Si les estimations présentées dans les recherches antérieures sur l'appartenance à un gang se fondent sur des populations provenant d'un vaste éventail de milieux démographiques, géographiques et socioéconomiques, cette étude présente des résultats empiriques fondés sur des données représentatives à l'échelle nationale touchant l'un des plus grands sous-échantillons de membres de gangs étudiés sur un axe longitudinal. Tous les répondants étaient âgés de 12 à 16 ans le 31 décembre 1996.

L'étude fournit des données probantes qui contestent la notion voulant que l'appartenance à un gang soit rare au sein de la population générale, puisque 8 % des répondants ont indiqué avoir fait partie d'un gang au début de la vingtaine, quoique la prévalence de l'appartenance à un gang n'ait jamais dépassé 3 % à un âge donné. L'auteur soutient qu'il vaut la peine d'examiner la distribution de l'appartenance à un gang au cours d'une vie pour ce 8 % de la population générale. Les résultats montrent que l'entrée dans un gang ne se limite pas à un groupe d'âge particulier, et que la croissance du nombre de membres de gangs n'est pas uniforme au fil du temps.

L'auteur élabore une solution de MTAG à six trajectoires qui fournit des preuves de plusieurs trajectoires distinctes vers l'appartenance à un gang au cours d'une vie. Les résultats montrent également que la majorité des répondants avaient fait partie d'un gang pendant moins de trois ans, d'où l'argument de l'auteur selon lequel l'appartenance à un gang n'est pas permanente. Cette recherche appuie aussi l'argument voulant que les adolescents ne soient pas les seuls à faire partie de gangs, et qu'il existe plusieurs chemins pour entrer dans un gang et en sortir.

L'auteur examine en outre les caractéristiques démographiques des répondants afin d'évaluer l'hypothèse de la disproportion démographique. Les résultats appuient les conclusions antérieures selon lesquelles les disproportions entre les sexes et les races/ethnies dans les gangs persistent dans l'analyse au cours d'une vie; on observe d'ailleurs des schémas de croissance statistiquement significatifs chez les individus de sexe masculin et de race noire. Enfin, l'auteur présente les répercussions de ses travaux de recherche sur les programmes d'intervention et de prévention des activités de gangs. L'étude illustre aussi la nécessité d'envisager de mener des recherches qui ne se limitent pas à l'adolescence, en plus de réévaluer la nécessité d'adopter de nouvelles perspectives théoriques sur la participation à des activités de gangs.

Pyrooz, D. (2014). From Your First Cigarette to Your Last Dyin' Day: The Patterning of Gang Membership in the Life-Course. Journal of Quantitative Criminology, 30(2), 349-372.

Cybercrime organisé et structures d’occasion sociale

Il existe au moins deux types de réseaux du cybercrime organisé : des réseaux généraux locaux et des réseaux spécialisés internationaux.

Peu de recherches empiriques ont été effectuées sur le cybercrime organisé, et les preuves ne sont pas suffisantes pour établir le lien entre les tendances liées au crime organisé et celles liées à la cybercriminalité. L'auteur retourne à la théorie criminologique afin d'élaborer un cadre pour la structure organisationnelle du cybercrime organisé.

Des études montrent que les liens sociaux et les occasions sociales constituent des éléments importants de la formation et du fonctionnement des réseaux criminels. C'est pourquoi il conviendrait d'examiner les organisations criminelles dans leur contexte social et sociétal. En commençant par le concept des structures d'occasion sociale, l'auteur appuie son hypothèse, selon laquelle il existe des structures organisationnelles au sein des groupes du cybercrime organisé, sur le principe que la tentation et les occasions incitent les individus à commettre un crime. De plus, les acteurs sont des êtres rationnels dont les comportements sont motivés par une analyse coûts-avantages.

À l'aide de plusieurs études de cas, l'auteur illustre comment l'Internet offre au cybercrime organisé des occasions de commettre des crimes par l'intermédiaire de réseaux flexibles et décentralisés de criminels plus ou moins organisés. La structure de ces réseaux électroniques diffère de la structure traditionnelle des groupes du crime organisé, puisqu'elle fait collaborer des individus afin de répartir le travail en fonction des connaissances et des compétences.

Grâce à une analyse des réseaux sociaux, l'étude montre que si les vétérans et les membres ayant un statut élevé occupent des rôles centraux, les nouveaux membres sont néanmoins capables d'assumer assez rapidement ce genre de fonctions. Le rôle de la réputation et de la confiance reste important, et il faut faire partie du gang pendant longtemps pour se bâtir une bonne réputation. Tout comme dans les réseaux traditionnels, il reste des acteurs importants qui servent de bâtisseurs de ponts. Toutefois, il est possible que le rôle de ces individus ait perdu en importance étant donné que les membres peuvent créer leurs propres réseaux (et obtenir du capital social) assez rapidement. Dans cette section d'études de cas, l'auteur mentionne également que les nouveaux membres doivent connaître une personne qui fait partie du réseau criminel particulier pour obtenir accès aux forums électroniques.

La section suivante de l'article explore le recrutement et la croissance des réseaux cybercriminels en ligne, qui diffèrent des réseaux traditionnels du crime organisé, où les relations sociales et la dynamique du réseau jouent un rôle beaucoup plus important. Avec l'élimination des obstacles du temps et de l'espace par l'Internet, les réseaux criminels peuvent être formés de participants de partout dans le monde, et il est beaucoup plus facile d'y établir des nouveaux contacts que dans les modèles traditionnels du crime organisé. En l'absence de preuves empiriques, l'auteur indique que les liens sociaux devraient représenter la structure d'occasion qui permettra d'entrer dans le réseau cybercriminel. Les contacts pourraient toutefois ne pas suffire pour obtenir l'accès à tous les réseaux criminels, surtout en ce qui concerne les crimes transnationaux.

Les lieux de convergence sont des endroits où les criminels se rencontrent; il s'agit de lieux importants parce qu'ils donnent l'occasion aux nouveaux membres de nouer des liens avec les criminels qui se trouvent dans ces lieux, ainsi que de se joindre à un réseau criminel déjà établi ou de forger de nouvelles alliances criminelles. Si les lieux de convergence sont des lieux physiques où les criminels peuvent se rencontrer, l'Internet compte ses propres lieux de convergence des criminels, comme les forums électroniques. Les lieux de convergence en ligne sont des plateformes importantes où les criminels peuvent acquérir de nouveaux contacts, où le groupe criminel obtient du nouveau capital social, et où les restrictions des réseaux sociaux peuvent être levées. Si ces forums permettent de rencontrer d'autres criminels ailleurs dans le monde, on ne sait pas au juste dans quelle mesure les cybercriminels actuels recourent à ces forums, ni si ces criminels se rencontrent aussi dans des lieux de convergence hors ligne. L'auteur soutient que les cybercriminels établissent à la fois des partenariats locaux et internationaux, un peu comme les groupes du crime organisé traditionnel.

Leukfeldt, R. (2015). Organised cybercrime and social opportunity structures: A proposal for future research directions. The European Review of Organized Crime, 2(2), 91-103.

Pratiques exemplaires dans l'intervention policière en matière de crime organisé transnational

L'adoption de pratiques exemplaires dans l'intervention policière transnationale aiderait à lutter contre le crime organisé transnational.

Avec la mondialisation, le crime organisé s'est étendu au-delà des frontières. Son caractère maintenant transnational et sans frontière mine les méthodes et les techniques policières traditionnelles cherchant à limiter son expansion et son influence. Dans leur étude, les auteurs soulignent le manque de modèles efficaces de pratiques exemplaires dans les efforts policiers internationaux ciblant le crime organisé transnational. L'étude a pour but de cerner les secteurs de pratiques exemplaires dans les activités policières internationales visant à lutter contre le crime organisé transnational, de même que les éléments qui permettent aux organismes d'application de la loi d'intervenir efficacement en la matière.

Dans l'établissement des caractéristiques d'une intervention policière internationale réussie, les auteurs cernent l'importance d'échanger des renseignements, de coordonner les opérations, d'obtenir des preuves et de cibler les suspects. L'échange de renseignements et d'informations représente un élément clé de la coopération réussie dans les activités policières internationales, car il fournit aux administrations un système à l'aide duquel la police peut acquérir des connaissances au sujet des activités criminelles réelles et potentielles à l'échelle mondiale. Les avantages de la collaboration directe avec des contacts bilatéraux, des policiers et des équipes d'enquête conjointes montrent l'importance des connaissances et des réseaux personnels dans la coopération efficace et axée sur la confiance entre les administrations. Les études portant sur les caractéristiques de la coopération policière internationale, menées en Europe et par la Drug Enforcement Administration des États-Unis, font ressortir encore davantage l'importance de l'échange d'information et du regroupement des ressources dans la coopération policière internationale. Par ailleurs, l'intervention policière internationale en matière de crime organisé transnational aurait avantage à ce que des efforts complémentaires, reflétant en gros les mêmes grandes priorités, soient déployés.

La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée renferme des directives et des protocoles visant la coopération des États parties aux activités liées au crime organisé. La coopération durant les enquêtes et les poursuites en matière de crime organisé transnational requiert des efforts de collaboration de la part des gouvernements, étant donné la probabilité élevée que des procès criminels aient lieu dans plus d'une administration. Dans la même veine, de plus amples recherches sont nécessaires pour examiner la façon dont les pays comptant un système judiciaire établi peuvent aider les États moins développés à instaurer un système judiciaire tout aussi efficace. Étant donné le caractère sans frontière du crime organisé transnational, il n'est possible d'entamer des poursuites que si les organismes disposent des capacités et des pouvoirs appropriés pour exercer leurs fonctions et mener leurs activités au même niveau de souplesse et d'adaptabilité.

La lutte contre le crime organisé doit être appuyée par des efforts visant à réduire et à contenir la propagation des activités du crime organisé. Ces efforts ne se limitent pas au secteur public; comme le notent les auteurs, les gouvernements et le secteur privé (comme les institutions bancaires privées) ont établi des partenariats efficaces afin de lutter contre le blanchiment d'argent.

Le manque d'accès à des types de connaissances particuliers entrave souvent la réussite des enquêtes en matière de crime organisé transnational. Pour maximiser les chances de réussite des enquêtes, il est nécessaire d'instaurer des mécanismes efficaces d'échange d'information et de gestion des connaissances. Il convient en outre d'examiner attentivement les options en vue de déterminer la méthode la plus appropriée pour échanger de l'information d'un service de police à un autre. En plus de transférer ainsi les connaissances, les services de police devraient tenir compte de la façon dont on peut remanier l'information pour s'assurer qu'elle convient au nouveau contexte sur le plan culturel. Pour ce faire, il pourrait être nécessaire d'acquérir de nouvelles compétences et connaissances policières, ou encore d'adapter celles du pays d'origine en fonction du contexte policier du pays où elles sont appliquées.

Les recherches antérieures montrent que la capacité des organismes d'application de la loi qui collaborent en vue de contenir le crime organisé transnational est fragmentée, et que la coordination des efforts policiers internationaux est compliquée parce que la question est généralement considérée comme relevant de l'État. Les capacités, les pouvoirs et les ressources en matière de police sont souvent inégaux d'un État à l'autre; la nécessité d'une formation a d'ailleurs été suggérée pour les organismes d'application de la loi, dans les nations moins développées qui comptent une expertise et des initiatives limitées en matière de formation.

Les auteurs illustrent les éléments des pratiques exemplaires soulignées précédemment dans le document, en se servant de deux études de cas sur les modèles d'intervention policière en matière de crime organisé transnational utilisés par la police fédérale australienne et la DEA des États-Unis.

Le, V., Bell, P et Lauchs, M. (2013). Elements of best practices of policing transnational organized crime: Critical success factors for international cooperation. International Journal of Management and Administrative Sciences, 2(3), 24-34.

Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. (2004). Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et protocoles s'y rapportant. New York : Nations Unies.

Avocats et crime organisé

Une approche adaptée des outils de réglementation et de lutte contre la criminalité est de mise pour dissuader les avocats qui sont à la fois disposés à aider le crime organisé et capables de le faire.

En concentrant notre attention sur les « principaux délinquants » et en analysant les facteurs qui les motivent à enfreindre la loi, nous limitons notre compréhension de ce qui se produit aux extrémités des actes criminels. Les « habilitants » du crime organisé qui facilitent la criminalité, en particulier les crimes en col blanc, suscitent de plus en plus d'attention chez les universitaires, les responsables des politiques et les praticiens. Par exemple, la fraude et le blanchiment d'argent sont tous deux des secteurs où les « habilitants » du crime organisé peuvent agir de manière délibérée pour aider leurs clients à commettre des crimes en col blanc, ou même perpétrer ces crimes eux-mêmes. Auparavant, l'attention accordée aux habilitants était fixée sur les banquiers, les chargés de la réglementation et les cabinets comptables, mais l'article se penche expressément sur les avocats. Le rôle de ces professionnels illustre bien le pouvoir que détiennent les « gardiens des portes », qui contrôlent notamment l'accès aux secrets d'entreprise. Le statut et les protections spéciales dont bénéficient les avocats, comme le privilège procureur-client, font qu'il est difficile d'entamer des enquêtes ou des poursuites concernant des activités criminelles soupçonnées. Il faut accorder davantage d'attention à la question des actes répréhensibles commis par des avocats, de même qu'à l'utilisation d'approches réglementaires en prévention situationnelle.

Des universitaires spécialistes de l'éthique juridique ont postulé que les mesures prises par les procureurs, en tant que parties à un crime, pour faciliter un acte répréhensible constituent un crime. C'est pourquoi les infractions criminelles qui sont facilitées par des avocats sont examinées par des organismes d'application de la loi plutôt que par des professionnels chargés de la réglementation. Il est toutefois impératif que les stratégies visant à réduire les crimes commis par des procureurs atteignent un équilibre entre le recours à la réglementation et les poursuites criminelles. La menace de sanctions pénales est peu efficace pour décourager les avocats de commettre des actes répréhensibles. Pour atteindre un équilibre approprié, il est important de se rendre compte que la discipline professionnelle à elle seule a peu de chances de réduire considérablement le nombre d'avocats qui s'adonnent à des activités criminelles si la menace de sanctions pénales n'y arrive pas. En effet, les mesures de réglementation en font plus que les poursuites criminelles pour protéger la population et réduire les coûts sociaux, d'où le désir d'accorder davantage d'attention aux solutions réglementaires à l'inconduite juridique.

Des recherches antérieures se sont penchées sur les tendances liées à l'inconduite juridique dans des secteurs tels que la fraude hypothécaire, les placements frauduleux à haut rendement, la pratique du droit de l'immigration, les réclamations frauduleuses pour perte financière, le vol de l'argent de clients et les stratagèmes financiers. La pratique des placements frauduleux à haut rendement a été observée à grande échelle à la fin des années 90 et au début des années 2000, avant de commencer à perdre de la vapeur jusqu'à une remontée brusque en 2013. L'examen des tendances liées à l'inconduite juridique, comme cette montée rapide, peut révéler où il convient de redoubler de vigilance. Il est possible de cibler, grâce au recours approprié à des sanctions, une perte de la mémoire collective quant au caractère strict de la réglementation, ou une tolérance accrue envers les pratiques d'octroi de prêts à haut risque à la lumière d'un marché plus fermé. Un éventail de sanctions (notamment les amendes et la suspension) est employé dans les cas d'inconduite juridique. En général, le degré de gravité de la sanction est lié au niveau de comportement malhonnête ou imprudent démontrable.

On considère que certains secteurs du droit ne sont pas suffisamment protégés, ce qui augmente le risque de fraude. Par exemple, la fraude hypothécaire est relativement facile à commettre et peut entraîner des pertes importantes pour les prêteurs. Malgré l'opposition de la Law Society dans son rôle représentatif ainsi que des courtiers et des institutions financières, des assureurs motivés par la fraude ont réussi à exclure les institutions financières de la couverture d'indemnisation professionnelle obligatoire. Ainsi, les assureurs ne sont pas financièrement responsables de tout conseil inadéquat prodigué par un professionnel en matière d'hypothèque. La Solicitors Regulation Authority effectue des recherches dans ce domaine afin de cerner les points à améliorer, mais elle reconnaît la nécessité, aux fins de la prévention situationnelle de l'inconduite des procureurs, de faire appel à des outils de réglementation en plus des mesures d'application de la loi en matière criminelle.

Il faut classer les outils et utiliser ceux qui conviennent pour cibler les pratiques juridiques indésirables, au lieu de se fier strictement à l'application de la loi ou à la réglementation. Dans les cas où les avocats ont directement facilité la perpétration d'un crime, le recours à l'application de la loi est plus courant, étant donné l'accès à des techniques d'enquête qui sont accessibles uniquement à la police. L'éthique liée au fait de menacer d'entamer des procédures judiciaires ou d'agir en ce sens a été utilisée pour extorquer de l'argent à des individus.

L'application de la loi n'est pas toujours l'outil le plus approprié pour s'occuper des avocats qui facilitent la perpétration d'un crime. Lorsque les avocats adoptent un style de vie différent ou se retrouvent dans une situation professionnelle ou financière difficile, il se produit des changements dans la motivation. Les structures réglementaires présentent des contraintes qui limitent les occasions d'adopter un comportement indésirable; on retrouve parmi ces structures l'établissement de normes, les fonctions de soutien à la pratique ainsi que les mesures disciplinaires et préventives. La prévention situationnelle des actes répréhensibles chez les procureurs par une réforme de la réglementation doit être suffisamment adaptée aux situations dans lesquelles les avocats peuvent se retrouver, de même qu'aux disparités dans le contexte organisationnel.

On peut appliquer les travaux antérieurs de Benson et al. (2009) sur les criminels en col blanc pour déterminer pourquoi les avocats en viennent à appuyer des pratiques juridiques indésirables qui facilitent le comportement criminel. Bien qu'ils aient l'occasion de commettre des crimes régulièrement, la plupart des professionnels en col blanc choisissent de respecter la loi. Par conséquent, l'occasion ne peut pas être considérée comme une motivation suffisante pour ce genre de comportement criminel. Les auteurs présentent un tableau qui propose des techniques où la prévention du crime situationnelle peut servir à minimiser le blanchiment d'argent par les avocats. Le tableau, qui contient des stratégies telles que l'augmentation du risque perçu et de l'effort perçu liés à la criminalité, tout en réduisant les facteurs de provocation et la récompense perçue, souligne plusieurs méthodes qui permettraient de combattre les causes de l'inconduite chez les avocats. Par exemple, en examinant des motifs de perpétration d'un crime autres que la motivation, la théorie de l'activité routinière considère que les avocats qui sont motivés à se livrer à un comportement indésirable sont exposés à un plus grand nombre de victimes potentielles, ce qui accroît la probabilité d'un délinquant motivé et de cibles convenables. En revanche, la théorie du schéma criminel attache davantage d'importance à l'occasion et se penche sur la façon dont les procédures ou les transactions effectuées régulièrement conduisent à une meilleure compréhension des occasions de commettre un crime en col blanc dans les secteurs touchés, ce qui facilite la perpétration de ces infractions. Enfin, la prévention du crime situationnelle postule que toute théorie devrait examiner les points de convergence entre l'occasion et le choix rationnel. Une occasion se présente lorsque des processus commerciaux légitimes croisent un processus illégitime dépendant. Lorsque des processus légitimes seuls entraînent la perte de statut ou de ressources financières, le processus du choix rationnel permet de justifier les processus illégitimes comme constituant un comportement acceptable. L'application de la prévention du crime situationnelle à la profession juridique exige un devis social et des ajustements au cadre de réglementation qui modifient l'analyse coûts-avantages de manière à ce qu'elle penche davantage vers les pratiques juridiques légitimes. Il est également souligné qu'un éventail de changements réglementaires pourrait réduire l'activité illégitime dans d'autres secteurs aux prises avec l'inconduite des avocats.

Middleton, D et Levi, M. (2015). Let sleeping lawyers lie: Organized crime, lawyers and the regulation of legal services. British Journal of Criminology55, 647-688.

Benson, M. L., Madensen, T. D. et Eck, J. E. (2009). White-collar crime from an opportunity perspective. Dans S. Simpson et D. Weisburd (dir.), The Criminology of White-Collar Crime (p. 175-194). Springer.

Attrition dans les enquêtes et la confiscation relativement aux profits du crime organisé

Les défis liés à l'estimation des « profits de la criminalité » et à la pratique de saisie des profits engendrent des schémas d'attrition.

« Suivre la piste de l'argent » est une stratégie policière qui prend racine dans plusieurs suppositions clés : en confisquant l'argent « sale », on réduit la profitabilité du crime, on diminue le capital dont dispose un délinquant pour commettre d'autres crimes, on maintient la norme selon laquelle « le crime ne paie pas », et on dédommage la société pour le coût et les effets négatifs de la criminalité. L'accent accru sur cette stratégie s'est traduite par une augmentation des sommes recouvrées dans des pays tels que le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Des universitaires ont néanmoins relevé le problème de l'attrition, à savoir la différence entre les profits de la criminalité attendus et le montant réel qui est récupéré par le système de justice pénale. Peu d'études empiriques ont étudié la stratégie consistant à « suivre la piste de l'argent », et les auteurs tentent de combler les lacunes dans la recherche à ce sujet.

À l'aide de méthodes mixtes, les auteurs ont examiné des ensembles de données empiriques provenant de trois sources parallèles afin de trouver des données qualitatives qui leur permettraient de recenser les cas remplissant les critères d'inclusion dans l'étude, à savoir un aperçu, une enquête financière terminée, une procédure judiciaire menant à une ordonnance de confiscation ainsi que l'exécution de cette ordonnance. En fusionnant les données originales du projet Dutch Organized Crime Monitor avec les dossiers judiciaires et les données de la Central Fine Collection Agency, les auteurs ont été en mesure d'analyser 102 cas où l'attrition liée aux ordonnances de confiscation pouvait être mesurée.

Il y a attrition lorsque l'estimation originale du profit est plus élevée que la somme obtenue par confiscation par le système de justice pénale. Entre ces deux points, l'enquête financière peut s'éroder à chaque étape du processus judiciaire. Les estimations originales exigent un fardeau de la preuve moindre que la norme qui s'applique habituellement aux tribunaux pénaux, d'où la possibilité que la somme diminue à chaque étape du processus judiciaire. Les auteurs discutent ensuite des défis liés à la prestation de preuves appropriées pour démontrer le profit, ainsi que des façons dont les enquêteurs sont en mesure de trouver des indices. Les acteurs du système de justice pénale ne s'entendent pas sur plusieurs aspects des estimations de profit pour les infractions liées au crime organisé, y compris sur la définition des profits de la criminalité et sur les profits nets pour le délinquant condamné. Les auteurs soulignent en quoi la présence d'opinions divergentes n'est pas négative, mais démontre en fait l'incidence de la subjectivité sur les taux d'attrition entre les estimations et les profits de la criminalité confisqués.

Au même titre que l'incidence des définitions sur l'attrition, les auteurs laissent entendre que la manière dont une ordonnance de confiscation est exécutée revêt aussi une importance capitale. Dans la pratique, les raisons juridiques pour cesser la collecte sans avoir obtenu les paiements complets, la réticence à payer et l'incapacité financière de payer contribuent toutes aux écarts substantiels entre l'ordonnance de confiscation originale et la somme collectée en vertu de l'ordonnance. De plus amples recherches s'imposent sur la « loi à l'œuvre ».

Les limites liées au devis de recherche incluent le fait que l'échantillon utilisé peut ne pas être représentatif de tous les cas de crime organisé ayant fait l'objet d'une ordonnance de confiscation; il convient donc de faire preuve de prudence dans la généralisation des conclusions.

Kruisbergen, E. W., Kleemans, E. R. et Kouwenberg, R. F. (2016). Explaining attrition: investigating and confiscating the profits of organized crime. European Journal of Criminology. Prépublication. doi: 10.1177/1477370816633262

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ISSN : 1927-808x
© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2017
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