Sommaire de recherche : Une méta-analyse de l’efficacité des programmes de traitement culturellement adaptés chez les délinquants autochtones
Bien que les recherches préliminaires appuient l'efficacité des programmes adaptés à la culture des délinquants autochtones pour réduire la récidive, il faudra entreprendre des études de meilleure qualité afin de comprendre le lien entre l'adaptation aux réalités culturelles et l'efficacité des programmes.
Contexte
Les Autochtones demeurent largement surreprésentés dans les systèmes de justice pénale au Canada et partout dans le monde. Certains pensent qu'il est possible d'atténuer ce problème en substituant aux traitements correctionnels courants des programmes adaptés aux réalités culturelles de la clientèle. En effet, le fait de concevoir les services en fonction des besoins et des antécédents culturels uniques de celle-ci, au lieu d'emprunter une approche universelle, permettrait peut-être d'offrir des services de réadaptation plus efficaces à diverses populations de délinquants. Or, malgré l'émergence de programmes culturellement adaptés, on sait bien peu de choses concernant leur efficacité par rapport aux programmes traditionnels lorsqu'il s'agit de réduire la récidive.
Si des stratégies correctionnelles efficaces ont été définies pour les délinquants en général (p. ex. modèle d'intervention fondé sur les principes du risque, des besoins et de la réceptivité [RBR]), on en sait moins sur ce qui fonctionne avec les populations autochtones. Les recherches préliminaires sur les avantages potentiels que présentent les programmes adaptés aux réalités culturelles indiquent que la participation à ces programmes peut entraîner un plus haut taux d'achèvement du programme, une diminution du risque et des besoins après le traitement, une satisfaction plus grande envers le programme et un sentiment accru d'identité culturelle (Trevethan, Moore et Naqitarvik, 2004).
Une méta-analyse récente s'est intéressée à la question de l'efficacité des programmes correctionnels adaptés à la culture, menant à la constatation que les délinquants autochtones qui avaient participé au traitement présentaient un risque de réincarcération plus faible que ceux d'un groupe témoin n'ayant pas reçu de traitement (Usher et Stewart, 2014). Cette analyse a toutefois fait abstraction de la question de l'efficacité des programmes culturellement adaptés par rapport aux programmes généraux. L'étude dont il est question ici avait pour but de déterminer si la participation à des programmes culturellement adaptés entraîne ou non une diminution plus marquée des taux de récidive que la participation à des programmes généraux chez les délinquants autochtones.
Méthode
Une revue de la littérature approfondie a permis de recenser sept études distinctes qui évaluaient l'efficacité des programmes adaptés aux réalités culturelles des délinquants autochtones, par rapport aux programmes correctionnels généraux, pour réduire la récidive. L'échantillon total comprenait 1 731 délinquants autochtones (n = 728 délinquants dans le groupe expérimental soumis au traitement culturellement adapté et n = 1 003 délinquants dans le groupe témoin), tirés d'échantillons indépendants du Canada (k = 3) et de la Nouvelle-Zélande (k = 4).
Les auteurs ont codé les informations relatives au contenu de l'étude et à l'adhésion aux principes du modèle RBR afin de faciliter les comparaisons entre les programmes examinés. Ils se sont également servis des lignes directrices du Comité de collaboration sur les données collectives relatives aux résultats (CCDCR, 2007) pour évaluer la qualité globale des études afin de déterminer si les résultats étaient biaisés en conséquence du devis utilisé.
Constatations
Le taux de récidive moyen chez les délinquants autochtones ayant participé à des programmes adaptés à leur culture était inférieur de 9 % au taux de récidive moyen chez les délinquants autochtones ayant participé à des programmes généraux (M = 39 % et M = 48 %, respectivement). Cela indique que la probabilité de récidive était plus faible pour le groupe expérimental que pour le groupe témoin.
Une fois le traitement et la qualité générale des études évalués, une seule étude a été jugée de « bonne » qualité, les six autres études ayant obtenu la cote « faible » en raison de lacunes sur le plan de la méthode. Au nombre de ces limites, on retrouve l'appariement inadéquat des groupes en fonction des caractéristiques pertinentes pour l'évaluation du risque, le fait de mettre l'accent sur les participants ayant achevé le programme au lieu de réaliser une analyse à partir des sujets retenus au début de l'étude, et un manque d'information sur le degré d'intervention et la structure du traitement pour les deux groupes de participants. Compte tenu du petit nombre d'études et de la faible puissance statistique, plusieurs variables modératrices (comme l'adhésion aux principes du modèle RBR) n'ont pas pu être évaluées. Il faudra à l'avenir examiner la question de savoir si la qualité a un impact sur l'effet du traitement afin de déterminer les avantages potentiels des programmes culturellement adaptés.
Répercussions
La surreprésentation des Autochtones au sein du système de justice pénale demeure un enjeu. Une stratégie possible pour améliorer la situation consiste à s'assurer que les services sont localisés afin de maximiser les chances d'éviter les nouveaux démêlés avec le système de justice. L'étude s'est donc penchée sur l'efficacité des programmes correctionnels adaptés aux réalités culturelles comparativement aux programmes généraux courants.
Les résultats indiquent que le taux de récidive moyen chez les délinquants autochtones ayant participé à des programmes adaptés à leur culture était inférieur de 9 % au taux de récidive moyen chez les délinquants autochtones ayant participé à des programmes courants. Deux hypothèses permettent vraisemblablement d'expliquer les résultats observés : 1) les programmes adaptés aux réalités culturelles de leur clientèle sont, en fait, plus efficaces que les programmes généraux pour réduire les nouvelles infractions criminelles; ou 2) les problèmes méthodologiques ont systématiquement favorisé l'obtention d'un effet de traitement.
Mentionnons tout d'abord que les résultats favorables à l'obtention d'un effet de traitement concordent avec le concept de réceptivité spécifique (selon lequel les contextes de traitement qui adaptent leurs méthodes d'engagement et d'apprentissage à la clientèle seront plus efficaces). Il se pourrait également que ces programmes s'intéressent à des besoins liés aux facteurs criminogènes (ou culturellement significatifs) qui ne sont pas ciblés par les programmes généraux. Les auteurs n'ont pas pu étudier ces considérations en profondeur faute de renseignements, d'où l'importance d'inclure ce type d'information dans les futures évaluations de programmes.
En revanche, il convient de noter que la méta-analyse combinait les résultats d'études diverses, et que les recherches incluses étaient donc de qualité inégale. La limite sur le plan de la méthode la plus courante avait trait à l'importante quantité d'informations manquantes, particulièrement en ce qui concerne le traitement reçu par les groupes témoins. Par conséquent, il est possible que l'effet observé du traitement ne soit pas dû à la dimension d'adaptation culturelle des programmes, mais plutôt que ces programmes aient généralement été de meilleure qualité que ceux auxquels ont été soumis les participants du groupe témoin. Jusqu'à ce que des évaluations plus rigoureuses soient réalisées, il convient d'interpréter les résultats de l'étude avec prudence et de les considérer comme préliminaires.
Étant donné qu'il existerait, à l'échelle internationale, plus de 100 programmes de traitement s'adressant expressément aux délinquants autochtones (Camman, Ferguson, Appell et Wormith, 2011), il sera nécessaire d'entreprendre davantage d'évaluations, de meilleure qualité. En outre, puisque la plupart des systèmes de justice pénale doivent composer avec des populations variées, il est impératif que les organismes responsables s'efforcent de produire des connaissances – fondées sur des données probantes – de ce qui fonctionne le mieux, et pour qui, au lieu d'adopter une approche universelle. Pour y parvenir, il faudra développer les programmes conjointement avec les populations et les collectivités autochtones, puis les soumettre à des évaluations rigoureuses.Source
Gutierrez, L., Chadwick, N. et Wanamaker, K. A. (2017). Programmes culturellement adaptés ou statu quo? Une méta-analyse de l'efficacité des programmes de traitement chez les délinquants autochtones. Rapport de recherche 2017–R016. Ottawa, Ontario : Sécurité publique Canada.
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