Sommaire de recherche - Évolution des cryptomarchés du cannabis au Canada en 2018

Sommaire de recherche - Évolution des cryptomarchés du cannabis au Canada en 2018 Version PDF (474 Ko)

Ce rapport examine les cryptomarchés du cannabis en 2018 – l’année où le Canada a légalisé le cannabis. Est-ce qu’il y a des signes précoces d’évolution de l’offre?

Contexte

Internet est devenu un circuit de distribution pour la vente illicite de drogues. Depuis 2011, des entrepreneurs criminels tirent profit de marchés virtuels anonymes, appelés cryptomarchés. Ces plateformes facilitent les transactions de produits et de services illégaux entre de nombreux vendeurs et acheteurs, en misant sur des technologies de pointe comme le réseau Tor et la monnaie virtuelle pour garantir l’anonymat de tous les participants. Les drogues illicites sont les produits les plus communément vendus sur les cryptomarchés, mais d’autres produits et services, comme les renseignements financiers volés et les produits contrefaits, y sont également offerts. Les cryptomarchés offrent un environnement à faible risque où les transactions peuvent s’opérer de façon organisée.

Les constatations des études récentes tendent à démontrer que l’impact des cryptomarchés peut être le plus manifeste à l’échelon national. Les trafiquants de drogues sur les cryptomarchés vendent généralement à l’échelon local afin de réduire les risques d’interception des expéditions, et la vente de drogues illicites se fait généralement à l’échelon national ou régional. Cette conceptualisation des cryptomarchés ouvre de nouvelles possibilités de recherches portant sur un seul pays à la fois. La légalisation du cannabis au Canada en octobre 2018 représente une occasion de lancer ce nouveau programme de recherches, car le Canada est à l’origine d’une partie importante des transactions de cannabis. Ce nouveau cadre de réglementation fournira des renseignements préliminaires sur l’impact que le changement législatif a eu sur les activités des vendeurs et des consommateurs de drogues canadiens sur les cryptomarchés.

Le plan de travail de ce projet permet l’analyse des données recueillies jusqu’en novembre 2018. Il est impossible de mesurer complètement l’impact de la légalisation dans ce délai, mais cela devrait être suffisant pour explorer et examiner les changements à venir.

L’objectif général de notre projet est de comprendre le commerce illicite de cannabis par les Canadiens sur les cryptomarchés. Plus précisément, il s’agit de comprendre l’évolution récente de l’offre et de la demande de cannabis illicite par des Canadiens sur les cryptomarchés. Ce faisant, nous voulons mieux comprendre le fonctionnement des cryptomarchés, principalement en ce qui a trait à l’intégration relative des vendeurs de cannabis sur les cryptomarchés par rapport aux autres drogues.

Méthode

Les données utilisées pour ce projet ont d’abord été recueillies à l’aide du logiciel DATACRYPTO. Créé en 2013, cet outil a servi de source de données à de nombreux rapports universitaires et gouvernementaux.

DATACRYPTO est un robot d’indexation et de moissonnage du Web. Essentiellement, le logiciel se connecte à un site Web et en télécharge automatiquement le contenu. Par la suite, il extrait des renseignements précis du contenu téléchargé, comme le prix affiché dans une annonce ou la description d’un vendeur. Cette information est alors stockée dans un système de gestion de base de données. Jusqu’à maintenant, le logiciel DATACRYPTO a extrait des données de plus de 40 cryptomarchés. Il possède de l’information sur des centaines de milliers de vendeurs, des millions d’annonces et des dizaines de millions de commentaires de clients sur les cryptomarchés.

Pour les besoins de notre rapport, nous avons utilisé deux collectes de données, une en juillet 2018 et l’autre en novembre 2018. Ces collectes représentent la situation générale des cryptomarchés avant et après la légalisation du cannabis au Canada. La première a permis de recueillir 162 643 annonces de 4 469 vendeurs sur les 8 cryptomarchés suivants : Apollon, Berlusconi, CGMC, Dream Market, French Deep Web, Flugsvamp, Tochka et Wall Street. La deuxième collecte a permis de recueillir 180 917 annonces de 4 057 vendeurs sur les 6 cryptomarchés suivants : Apollon, Berlusconi, CGMC, Dream Market, French Deep Web et Tochka. La principale source de données est Dream Market, qui représente 78 % de toutes les annonces et 96 % de tous les revenus sur les cryptomarchés. Pour compenser les commentaires manquants, nous avons décidé de présenter les ventes et les revenus suivant deux hypothèses, une prudente et une optimiste.

Constatations

Il ressort de nos résultats qu’au cours des derniers mois, le Canada est peut-être devenu un acteur plus important du commerce du cannabis sur les cryptomarchés. Sur une base annuelle, les ventes générées par les vendeurs canadiens de cannabis semblaient se chiffrer dans les centaines de milliers de dollars il y a un an, et elles auraient depuis augmenté pour atteindre des millions de dollars. Le volume de cannabis livré semble lui aussi avoir augmenté pendant la même période, passant de centaines de kilogrammes à 2 100 kilogrammes par année selon le modèle optimiste. Il s’agirait d’une hausse considérable qui peut avoir permis au Canada de se hisser du 8e au 4e rang au classement des pays actifs sur les cryptomarchés, selon les revenus tirés du cannabis. En raison des données limitées qui sont disponibles et du court délai écoulé depuis la réglementation du cannabis, il est impossible de déterminer si la légalisation a eu une incidence sur les ventes de cannabis sur les cryptomarchés au Canada. Nos analyses sont très préliminaires. Cela dit, il semble y avoir une corrélation entre les périodes préalable et postérieure à la légalisation qui pourrait faire l’objet d’études plus poussées à l’avenir.

Si l’augmentation des ventes de cannabis par les vendeurs canadiens est confirmée, elle serait principalement attribuable aux ventes ciblant le marché international. Selon nos modèles, le volume de cannabis vendu par des vendeurs canadiens à des clients canadiens peut avoir diminué après la légalisation du cannabis.

Nos analyses n’ont pas révélé de changements importants des prix entre juillet et novembre 2018. Cependant, il y a des signes indiquant que la concentration des ventes s’est accrue entre les deux dates. La concurrence semble s’être atténuée au fil du temps au Canada, et des vendeurs en nombre encore plus limité contrôlent une part importante des transactions.

De façon générale, il est important de se rappeler que les cryptomarchés constituent un nouveau circuit de distribution pour le cannabis. Ce circuit est toutefois petit quand on le compare au marché traditionnel du cannabis.

Prochaines étapes

Nous pouvons faire les recommandations suivantes concernant la recherche future. L’objectif général est de fournir aux chercheurs et aux décideurs de l’information à propos des liens entre la vente légale et illégale de cannabis, aussi bien sur le marché traditionnel qu’en ligne : 

  1. Des efforts s’imposent pour démontrer que l’offre légale de cannabis est distincte de la drogue vendue illégalement, surtout si ce cannabis doit être livré dans d’autre pays.
  2. Compte tenu de l’accroissement des expéditions par les trafiquants de cannabis canadiens sur les cryptomarchés, il faudrait déployer des efforts pour surveiller les ventes de cannabis sur les cryptomarchés par rapport à d’autres produits.
  3. L’incidence des politiques en matière de drogues sur les cryptomarchés est un domaine de recherche nouveau et sous-développé. Il faudrait investir des ressources dans une évaluation systématique de ces politiques sur les marchés en ligne et traditionnels.

Source

Décary-Hétu, D., Paquet-Clouston, M., Bouchard, M. et Morselli, C. (2019). Évolution des cryptomarchés du cannabis au Canada en 2018. Ottawa, Canada : Sécurité publique Canada. Pour obtenir davantage de renseignements sur la recherche effectuée au Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime de Sécurité publique Canada, pour obtenir une copie du rapport de recherche complet, ou pour être inscrit à notre liste de distribution, veuillez communiquer avec :

Division de la recherche,
Sécurité publique Canada 340,
avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0P8
PS.CPBResearch-RechercheSPC.SP@ps-sp.gc.ca

Les sommaires de recherche sont produits pour le Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, Sécurité publique Canada. Les opinions exprimées dans le présent sommaire sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada.

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