Résumé de recherche - Mise en œuvre et évaluation à grande échelle de l’Initiative de formation stratégique en surveillance communautaire (IFSSC)
L’Initiative de formation stratégique en surveillance communautaire (IFSSC) pourrait se révéler un modèle utile pour améliorer l’efficacité de la surveillance communautaire.
Contexte
La surveillance communautaire (c.-à-d. en période de probation ou de libération conditionnelle) est la sanction correctionnelle la plus couramment utilisée au Canada. L’intervention la plus efficace est confirmée lorsqu’elle concerne des délinquants qui présentent un risque élevé (principe du risque), cible les besoins criminogènes (principe des besoins) et procède à l’intervention de façon à ce qu’elle corresponde aux capacités et motivations et au style d’apprentissage du délinquant, surtout au moyen de techniques cognitivo‑comportementales (principe de la réceptivité). Les données probantes à l’appui des principes du risque des besoins et de la réceptivité (RBR) sont rigoureuses et peuvent être appliquées à un éventail de délinquants (p. ex. délinquants sexuels, femmes, jeunes; Bonta et Andrews, 2017).
Dans le but de renforcer la souscription aux principes RBR au sein de la population d’agents de probation et de libération conditionnelle (APLC), des chercheurs de Sécurité publique Canada (SP) ont élaboré un modèle de formation appelé Initiative de formation stratégique en surveillance communautaire (IFSSC). L’Initiative a d’abord fait l’objet d’une évaluation dans le cadre d’une expérience aléatoire à laquelle ont participé 52 APLC volontaires de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et de l’Île‑du‑Prince‑Édouard (Bonta et coll., 2011). Les APLC ont procédé à l’enregistrement audio d’un échantillon de rencontres de surveillance avec leurs clients et un suivi de deux ans a eu lieu pour examiner le taux de récidive des clients. Les résultats ont révélé que les APLC formés dans le cadre de l’IFSSC souscrivaient davantage aux principes RBR au cours de leurs rencontres de surveillance avec leurs clients que les APLC qui n’ont pas suivi la formation. De plus, les clients des APLC formés dans le cadre de l’IFSSC connaissaient des taux de récidive grandement inférieurs sur une période de deux ans (25 %) à ceux des clients des APLC qui ont procédé de la façon habituelle dans le cadre de la probation (40 %).
Étude actuelle
Encouragée par les résultats de l’évaluation de 2011, la division des services correctionnels communautaires de la Colombie‑Britannique (C.-B.) a décidé d’entreprendre la mise en œuvre de l’IFSSC dans l’ensemble du service de probation, avec l’aide de SP.
Le but de la présente étude comportait deux volets : 1) l’examen des incidences de la formation de l’IFSSC en C.-B. sur le comportement des agents, y compris la discussion sur les besoins criminogènes et la mise en application des techniques d’intervention (p. ex. techniques cognitivo‑comportementales), et 2) l’examen des incidences de la formation de l’IFSSC sur le comportement des APLC quant à la récidive des clients.
Méthode
Trois cent cinquante-sept APLC formés entre septembre 2011 et février 2015. Les APLC avaient en moyenne 41 ans (tranche d’âge = de 23 à 63) et étaient des femmes (64 %) de race blanche (79 %).
On a demandé aux APLC de procéder à l’enregistrement audio de leurs rencontres avec des clients à risque moyen ou élevé, tant avant de suivre la formation de l’IFSSC qu’après, afin de mesurer le changement comportemental. Étant donné que tous les APLC devaient suivre la formation de l’IFSSC, nous avons évalué leur comportement tant avant qu’après la formation.
Dans le but d’examiner les incidences de la formation de l’IFSSC sur la récidive, nous avons comparé les taux de nouvelles condamnations des clients surveillés par des APLC ayant suivi la formation de l’IFSSC (n = 829 clients) avec les taux de nouvelles condamnations d’un échantillon de clients sélectionnés aléatoirement supervisés par les mêmes APLC avant qu’ils suivent la formation de l’IFSSC (n = 467 clients). Ces clients avaient été très peu exposés à l’IFSSC et n’ont pas été enregistrés. La base de données des documents nationaux sur les antécédents criminels tenue par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a été la source principale de renseignements sur la récidive. La période de suivi moyenne était de 3,5 ans (entre 0,1 et 5,8).
Nous avons également examiné la relation entre le comportement d’un APLC en particulier et la récidive des clients. Seuls les clients dont les rencontres ont été enregistrées ont été inclus dans ces analyses (n = 283 clients avant la formation et n = 829 clients après la formation).
Constatations
Au total, 201 APLC ont présenté des échantillons de bandes audio enregistrées avant la formation et de bandes enregistrées après la formation. L’analyse de ces enregistrements audio a révélé des changements clairs sur le plan du comportement des APLC à la suite de la formation. Conformément à l’IFSSC, les APLC ont consacré une proportion plus grande de leurs rencontres aux besoins criminogènes, surtout les attitudes et processus cognitifs, et une proportion moins grande aux besoins non criminogènes et aux conditions de probation. Les APLC ont aussi entrepris davantage d’interventions cognitivo-comportementales de qualité supérieure.
Les renseignements sur la période fixe de suivi de deux ans étaient accessibles pour 798 clients des APLC qui ont suivi la formation de l’IFSSC et 396 clients sélectionnés aléatoirement qui ont fait l’objet d’une surveillance avant la tenue de la formation de l’IFSSC. Les clients des APLC ayant suivi la formation de l’IFSSC ont affiché un taux de nouvelles condamnations sur une période deux ans considérablement inférieur (43 % pour une condamnation d’ordre général et 14,9 % pour une condamnation liée à une infraction violente) à celui des clients surveillés avant la tenue de la formation de l’IFSSC (61,4 % pour une condamnation d’ordre général et 21,2 % pour une condamnation liée à une infraction violente). Le même modèle de résultats a été observé après le contrôle de l’âge, du risque et de la période sans infraction dans la collectivité, avant la sélection en vue de l’étude.
Un examen des comportements particuliers des APLC suggérait que le fait d’aborder les attitudes et processus cognitifs procriminels durant les rencontres de surveillance avec les clients et d’utiliser des interventions cognitives était particulièrement important pour la diminution de la récidive. Chaque augmentation de 10 % de la période de discussion sur les attitudes et processus cognitifs procriminels durant chaque rencontre a donné lieu à une diminution d’environ 5 % des nouvelles condamnations pour infraction criminelle. De plus, les clients qui ont été exposés aux techniques cognitives étaient environ 28 % moins susceptibles d’être condamnés de nouveau pour une infraction criminelle, comparativement aux clients qui n’avaient pas été exposés du tout aux techniques cognitives.
Incidences
La présente étude laisse supposer que l’IFSSC pourrait être un modèle utile pour améliorer l’efficacité de la surveillance communautaire. Globalement, elle montre qu’avec les ressources et le dévouement appropriés pour veiller à l’intégrité du traitement, une organisation de services correctionnels communautaires peut bénéficier d’une approche fondée sur les données probantes pour assurer la surveillance des détenus en probation.
Source
Bonta, J., Bourgon, G., Rugge, T., Pedneault, C. et Lee, S. C. 2021. Mise en œuvre et évaluation à grande échelle de l’Initiative de formation stratégique en surveillance communautaire (IFSSC) Rapport de recherche de Sécurité publique Canada. 2021-R003.
Autres sources
Bonta, J., & Andrews, D. A. (2017). The psychology of criminal conduct (6th ed.). Routledge
Bonta, J., Bourgon, G., Rugge, T., Scott, T. L., Yessine, A. K., Gutierrez, L. et Li, J. 2011. « An experimental demonstration of training probation officers in evidence-based community supervision. » Criminal Justice and Behavior, vol. 38, no 11, p. 1127-1148.
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