Résumé de recherche
Examen des populations clés dans le contexte de la mise en œuvre d’initiatives de prévention de la cyberintimidation et d’intervention
Analyse documentaire sur les 2SLGBTQ+, les filles et les jeunes de milieux ethnoraciaux diversifiés
Contexte
L'objectif principal du présent rapport est d'examiner et de synthétiser la documentation sur les expériences de cyberintimidation des jeunes et des jeunes adultes qui sont minorisés en raison de leur genre, de leur sexualité ou de leur identité ethnoraciale, afin d'informer les initiatives de prévention et d'intervention en matière de cyberintimidation. Une précédente analyse documentaire, La recherche sur la cyberintimidation au Canada : examen systématique (Zych et coll., 2020) réalisée pour Sécurité publique Canada a révélé qu'il existe un manque de connaissances dans ce domaine. Le présent examen de la cyberintimidation s'est concentré sur la documentation récente afin d'examiner : la prévalence de la perpétration et de la victimisation de la cyberintimidation chez les filles et les groupes de minorités ethniques et de genre au Canada et à l'étranger; les répercussions de la cyberintimidation sur les jeunes et les jeunes adultes de différents groupes minorisés; la façon dont l'ethnicité et le genre sont compris comme des facteurs de risque et des facteurs de protection et la spécificité des facteurs associés aux différentes minorités ethniques et de genre; les considérations qui devraient être faites pour mieux protéger les groupes minoritaires de la cyberintimidation; les lacunes restantes dans la recherche et la compréhension de la cyberintimidation chez les jeunes qui sont minorisés. Ce rapport présente un examen systématique de la documentation universitaire et de la documentation parallèle, du Canada et de l'étranger, sur le sujet.
Méthode
Cette analyse documentaire se limite à la documentation écrite en anglais disponible par des recherches sur Internet depuis le début des années 2000 jusqu'à aujourd'hui, apparaissant dans des bases de données électroniques (articles de revues universitaires et articles évalués par des pairs) et dans des sources sélectionnées de documentation parallèle (p. ex. des publications gouvernementales), et ne comprend pas les consultations ou les entrevues. La recherche a porté sur la documentation canadienne et internationale.
Les documents ont été examinés selon les critères d'inclusion et d'exclusion suivants :
- Les études ont été incluses si la cyberintimidation était explicitement mesurée par un instrument particulier.
- Les articles qui mesuraient la cyberintimidation comme une partie de l'intimidation et qui traitaient l'intimidation et la cyberintimidation comme une seule variable ont été exclus.
- Les études ont été incluses si elles présentent des résultats quantitatifs ou qualitatifs sur la cyberintimidation au Canada et à l'étranger.
- Les études empiriques (c'est‑à‑dire les études qui comprennent des résultats de recherche originaux) ont été incluses. Les études de synthèse (c'est‑à‑dire les études qui comprennent des examens d'autres études, sans résultats de recherche originaux) ont été exclues.
- Les recherches publiées en anglais ont été incluses.
- Les recherches qui apparaissent dans un article d'examen par les pairs ou un rapport gouvernemental ont été incluses.
- Les études ont été incluses si elles portaient sur des enfants, des adolescents et/ou de jeunes adultes (âgés de 8 à 25 ans).
Un total de 156 articles universitaires et six documents de documentation parallèle sur les expériences de cyberintimidation chez les jeunes issus de minorités ont été inclus. Ils ont été publiés entre 2004 et 2021, mais ce domaine d'étude est récent : 89 % des études ont été publiées au cours des 10 dernières années. Les études anglaises proviennent principalement du monde occidental et couvrent 47 pays (la plus grande représentation est celle des États‑Unis). De plus, six articles universitaires traitant des initiatives de prévention et d'intervention en matière de cyberintimidation et dont les conclusions concernent les jeunes issus de minorités ont été trouvés. Parmi celles‑ci, deux initiatives ont été conçues spécifiquement pour les jeunes issus de minorités.
Constatations
Dans l'ensemble, la recherche sur les expériences concrètes de cyberintimidation des jeunes issus de minorités est un domaine d'étude récent. Par conséquent, il existe peu d'études sur les facteurs de risque et de protection et encore moins d'études d'intervention pour informer les initiatives de prévention et d'intervention en matière de cyberintimidation pour les jeunes issus de minorités de genre, sexuelles et ethnoraciales. Bien que peu nombreux, les facteurs de risque et de protection communs et particuliers peuvent servir à déterminer les mécanismes à cibler par les programmes de prévention et d'intervention.
Jeunes issus de minorités sexuelles
En raison du risque systématiquement plus élevé de cybervictimisation et de résultats négatifs dans la documentation par rapport aux jeunes hétérosexuels, la cyberintimidation ciblant les jeunes issus des minorités sexuelles (c'est‑à‑dire les LGBQ+) devrait être une priorité des programmes de prévention de la cyberintimidation.
L'examen indique que les programmes de cyberintimidation peuvent cibler les facteurs de protection et de risque des jeunes LGBQ+. Plus précisément, le soutien familial, le soutien personnel et le sentiment d'appartenance à l'école sont des facteurs de protection essentiels. Ainsi, le fait de s'attacher à cultiver des relations solides, confiantes, sûres et respectueuses à la maison et à l'école réduira la probabilité de cybervictimisation chez les jeunes LGBQ+. Ces résultats suggèrent que les programmes de prévention et d'intervention qui mettent l'accent sur les liens, comme les espaces permettant aux jeunes d'obtenir un soutien personnel de la part de leurs pairs, la création de familles de soutien pour les jeunes LGBQ+ (p. ex. l'éducation précoce, les ressources, les groupes de soutien pour les familles des jeunes LGBQ+) et la mise en relation des jeunes avec au moins un adulte de soutien dans le cadre scolaire peuvent être particulièrement efficaces pour réduire le risque de cybervictimisation et atténuer les résultats associés sur les jeunes LGBQ+.
En outre, des facteurs de risque tels que la victimisation par intimidation hors ligne peuvent à la fois exacerber les résultats négatifs de la cybervictimisation et prédire la cybervictimisation et la cyberperpétration. Ainsi, les programmes conçus pour prévenir et intervenir dans les cas d'intimidation hors ligne et de victimisation spécifiquement liée à la sexualité peuvent également être efficaces pour réduire le risque de cybervictimisation et atténuer les conséquences associées pour les jeunes LGBQ+. La prévention de la victimisation homo/biphobe hors ligne peut également réduire le risque de cyberperpétration par des jeunes qui s'interrogent ou ne sont pas sûrs de leur sexualité.
Les jeunes LGBQ+ sont plus souvent en ligne que leurs homologues hétérosexuels, ce qui peut constituer un facteur de risque. Cependant, les interventions qui restreignent l'utilisation d'Internet peuvent être contre‑productives; les jeunes LGBQ+ préfèrent risquer une cybervictimisation potentielle plutôt que de perdre la communauté et les liens qu'ils trouvent en ligne. Les avantages de la connexion sociale en ligne (p. ex. le développement de l'identité, la santé mentale, l'autodétermination, l'amitié, l'accès aux ressources) qui ne sont peut‑être pas disponibles dans leur contexte en personne sont nécessaires à leur bien‑être.
Filles, jeunes trans et jeunes qui repoussent les frontières du genre
Bien que les résultats soient mitigés, la majorité des études ont révélé que les filles sont plus susceptibles que les garçons de subir une cybervictimisation, qui se caractérise souvent par un contenu genré et sexué distinctif. La dépression, l'anxiété et d'autres symptômes d'intériorisation sont des médiateurs et des facteurs de prédiction clés de la cybervictimisation vécue par les filles et les jeunes femmes. Par conséquent, les programmes conçus pour améliorer la santé mentale des filles et des jeunes femmes peuvent également être efficaces pour prévenir et atténuer les méfaits de la cybervictimisation.
Les jeunes trans et ceux qui repoussent les frontières du genre sont sous‑représentés dans la documentation et, par conséquent, il n'existe pas d'études explorant les mécanismes efficaces de prévention et d'intervention de la cyberintimidation dans cette population. Cependant, les constatations limitées indiquent que davantage de recherches et d'efforts de prévention devraient se concentrer sur le risque accru de cybervictimisation pour les jeunes trans et ceux qui repoussent les frontières du genre par rapport à leurs pairs cisgenres. Notamment, la recherche sur les jeunes 2SLGBTQ+, en général, peut fournir un premier aperçu des mécanismes potentiels à explorer pour les jeunes trans et ceux qui repoussent les frontières du genre.
Jeunes issus de minorités ethnoraciales
La prévalence de la cybervictimisation chez les jeunes issus de minorités ethnoraciales varie selon le groupe ethnoracial étudié. Cependant, la plupart des études ont montré que les jeunes issus de minorités ethnoraciales victimes de cybervictimisation subissent des conséquences plus graves que les jeunes issus de minorités ethnoraciales dominantes. La recherche sur la cyberperpétration est limitée.
Les facteurs de risque et de protection soulignent l'importance d'un fort sentiment d'identité et d'appartenance dans la prévention et l'atténuation des méfaits de la cybervictimisation et de la cyberperpétration chez les jeunes des minorités ethnoraciales. Par conséquent, les programmes qui sont efficaces pour renforcer l'identité ethnique peuvent être efficaces pour atténuer les résultats de la cybervictimisation raciste. Ces programmes pourraient être axés sur les relations, plus précisément sur l'implication de la famille dans la médiation (p. ex. le contrôle et la surveillance), le renforcement des liens entre pairs et la création d'un sentiment d'accueil et d'appartenance au sein de l'école et de la collectivité, ce qui pourrait s'avérer efficace pour prévenir la cybervictimisation et la cyberperpétration chez les jeunes issus de minorités ethnoraciales.
La santé mentale est également un facteur de prédiction important de la cybervictimisation et de la cyberperpétration chez les jeunes issus de minorités ethnoraciales. Les composantes du programme qui sont efficaces pour améliorer la santé mentale des jeunes issus de minorités ethnoraciales (p. ex. estime de soi, dépression, idées suicidaires) peuvent réduire le risque de cybervictimisation. Enfin, puisque la victimisation par intimidation hors ligne est un facteur de prédiction clé de la cybervictimisation, les programmes qui sont efficaces pour prévenir et intervenir dans l'intimidation hors ligne, y compris l'intimidation raciste des jeunes issus de minorités ethnoraciales, peuvent être efficaces pour prévenir la cybervictimisation chez ces jeunes.
Prochaines étapes
Ce rapport passe en revue un domaine peu étudié qu'il est essentiel d'aborder étant donné le risque accru de cybervictimisation des jeunes minorisés. Il souligne également le besoin de programmes de cyberintimidation qui répondent aux diverses expériences de discrimination en ligne dans notre société. Cet accent mis sur les expériences des jeunes issus de minorités est essentiel pour l'équité et la justice en matière de bien‑être et de sécurité au Canada.
Sur la base des constatations de l'analyse documentaire, nous recommandons que Sécurité publique Canada et son réseau de partenaires gouvernementaux, universitaires et communautaires :
- Financent et mènent des recherches pour combler les lacunes. Plus précisément, une recherche de soutien concentrée sur la nature distincte de la cyberintimidation qui cible les jeunes issus de minorités, les facteurs systémiques de risque et de protection en matière de cyberintimidation dans un cadre socioécologique, et la recherche longitudinale à méthodes mixtes. Les chercheurs ayant une expertise de l'expérience vécue sont bien placés pour diriger la recherche dans ce domaine ou, au minimum, devraient être des partenaires.
- Développent, mettent à l'essai et évaluent des initiatives de prévention et d'intervention basées sur les facteurs de risque et de protection en matière de cyberintimidation pour les jeunes issus de minorités. Il devrait s'agir de programmes qui concernent des contextes sociaux et systémiques et qui s'adressent à tous les jeunes afin de soutenir les changements culturels en vue de prévenir efficacement la cyberintimidation. En outre, ces programmes devraient également inclure des programmes propres à la population où les jeunes issus de minorités peuvent renforcer leur sentiment d'identité et entrer en contact avec des pairs qui comprennent leurs expériences.
- Tirent parti des partenariats et des réseaux existants et établissent de nouvelles relations avec les jeunes appartenant à des minorités de genre, sexuelles et ethnoraciales au Canada, leurs familles, leurs collectivités, leurs écoles et les gouvernements. Ces intervenants sont essentiels pour garantir l'accessibilité et la pertinence des possibilités de financement, la validité de la conception et des résultats de la recherche, la pertinence des programmes et l'élaboration de politiques sociales et de changements sociaux pertinents et efficaces.
Source
Khanna, N., Maxwell, E. et Craig, W. (2021). Examen des populations clés dans le contexte de la mise en œuvre d'initiatives de prévention de la cyberintimidation et d'intervention Analyse documentaire sur les 2SLGBTQ+, les filles et les jeunes de milieux ethnoraciaux diversifiés (2023-R006). Sécurité publique Canada.
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