Biidaaban : Modèle de guérison de la Première nation Mnjikaning
Rédaction et recherches :
Joe Couture et Ruth Couture
Grâce au parrainage des Native Counselling Services of Alberta
Table des matières
- Chapitre un : Introduction
- Chapitre deux : Restitution du contexte
- Chapitre trois : Recherche d'un terrain d'entente
- Chapitre quatre : Reconnaissance des différences
- Chapitre cinq : Approches chrétiennes autochtones à l'égard de la guérison
- Chapitre six : Idées en faveur d'une approche chrétienne autochtone à l'égard de la guérison
- Chapitre sept : Quelques réflexions de la fin
- Liste des participants
- Notes
Chapitre un : Introduction
Bien qu'il y ait des différences évidentes entre Autochtones et non-Autochtones du point de vue de la culture et de la situation socioéconomique et juridique, tous les Canadiens nourrissent le même espoir. Nous souhaitons tous que nos enfants grandissent à l'abri de tout danger, qu'ils soient en santé et qu'ils soient en mesure de profiter des avantages que leur procure leur appartenance à une famille, une collectivité et un pays.
La violence et la criminalité ont pour effet de perturber l'harmonie intérieure des personnes, des familles des collectivités, en particulier quand il s'agit de la violence familiale, d'agressions sexuelles contre des enfants et d'inceste.
Un nombre croissant de collectivités autochtones se tournent vers leurs valeurs traditionnelles et leur spiritualité pour contrer les effets de ces crimes graves et elles ont établi des processus de guérison pour répondre aux besoins des victimes, des délinquants et des familles. Ces processus communautaires tentent de s'attaquer aux causes sous-jacentes de ces perturbations par la guérison et la réparation, plutôt que par l'incarcération ou la punition.
Bon nombre d'Autochtones croient que la plus sérieuse lacune dans le système de justice pénale est la perception différente de ce qui constitue une faute et de la façon de la traiter. Dans le système non autochtone, un délinquant est souvent perçu comme une mauvaise personne qui doit être punie pour ses actions. À cela s'ajoute le concept occidental de ce qui constitue réellement un crime. À titre d'exemple, dans le système canadien de justice, un accusé doit être reconnu coupable d'avoir commis une infraction, de même que d'avoir eu l'intention de commettre le crime – acte coupable, intention coupable. Les concepts autochtones traditionnels de ce qui constitue un crime sont différents, en ce sens qu'une personne peut accomplir un acte criminel, qui ne sera cependant pas considéré comme un crime, si la personne a agi par la nécessité, si elle a offert ses excuses à la victime, s'il y a eu réparation ou si le bien a été rendu ultérieurement. Un exemple typique serait le cas d'une personne ayant « emprunté » un canot ou un fusil pour la pêche ou la chasse sans en avoir informé le propriétaire. Bien que techniquement, un vol ait été commis, aucun crime n'a été perpétré dans l'esprit du propriétaire ni de l'emprunteur.
La perpétration d'infractions était également vue comme cause de perturbation au sein de la collectivité. Le règlement, en conséquence, visait le rétablissement de l'harmonie dans la collectivité, plutôt que le recours au châtiment ou à la dissuasion Note de bas de page 1.
A sein des collectivités autochtones engagées dans des processus de guérison, on croit habituellement qu'une faute est une inconduite, qui exige un enseignement, ou qu'une faute résulte d'un déséquilibre nécessitant une guérison. Le concept autochtone traditionnel de la faute suppose que ces crimes se situent non seulement dans le cadre de la justice canadienne, mais également dans celui de la justice spirituelle.
Si la perception des Autochtones et celle des autres Canadiens relativement à la justice et à la guérison étaient si fondamentalement différentes, on pourrait s'attendre à ce que le mouvement en faveur de la guérison et de la justice réparatrice soit uniquement l'affaire des Autochtones. Or, ce n'est pas le cas. Le mouvement en faveur de la justice réparatrice a évolué à partir de deux voies distinctes : les Autochtones et les groupes confessionnels.
La question qui s'impose est la suivante : « Pourquoi le mouvement en faveur de la justice réparatrice au Canada est-il dirigé par les Autochtones et les groupes confessionnels chrétiens? »
Le dénominateur commun entre ces deux groupes semble être leurs croyances spirituelles qui les poussent à s'éloigner d'un système de justice rétributive, au profit d'un système qui tente de répondre aux besoins des délinquants et des victimes d'une façon utile. Les collectivités chrétiennes et autochtones tentent de s'attaquer aux causes sous-jacentes de la faute d'une façon qui soit satisfaisante pour toutes les parties et qui vise à éliminer les problèmes qui sont à l'origine du crime. Un autre trait commun semble être l'importance accordée à la guérison comme clé de l'amélioration de la qualité de vie des personnes, des familles et des collectivités, et en particulier des victimes et des délinquants. On s'accorde également à dire que la spiritualité est le fondement de la guérison et qu'elle peut adopter plusieurs formes. En définitive, ce qui compte, c'est ce qui fonctionne pour la personne concernée.
L'une des justifications du mouvement en faveur de la justice réparatrice et de la guérison lancé par la collectivité chrétienne se retrouve dans la présentation qu'a donnée le révérend James Scott au cours de la Semaine de la justice réparatrice en 2003, dont voici un extrait :
« Peut-être le thème le plus important des Écritures saintes chrétiennes est-il celui de la grâce. L'apôtre Paul interprète la mort et la résurrection de Jésus comme la manifestation ultime du rétablissement des liens rompus. Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, Paul décrit la justice de Dieu. "Tout cela nous vient de Dieu, qui nous réconcilie avec lui-même par l'intermédiaire du Christ et qui nous a donné le ministère de la réconciliation; cela signifie que Dieu, par l'intermédiaire du Christ, a réconcilié l'univers avec lui-même, sans tenir le compte des violations commises et en nous confiant le message de la réconciliation."
Il ne s'agit pas d'une vision d'un Dieu vengeur qui punit et abandonne, mais d'un Dieu qui tend la main pour réconcilier, reconstruire et réparer la destruction, en dépit du tort qui a été causé. C'est la grâce, non celle que Bonhoeffer appelle "la grâce bon marché" accordée lorsque le tort n'est pas trop sérieux. C'est la vision d'un Dieu qui souffre avec les victimes du crime, mais qui, simultanément, refuse d'abandonner le délinquant, de renoncer à la possibilité d'une guérison et d'une rédemption dans chacune des situations de rupture. C'est la vision d'un Dieu qui souffre en Jésus de la douleur de la haine et la violence dont les humains sont capables et qui nous tend malgré tout la main au-même après sa mort en déclarant que l'amour est plus fort que notre haine, le pardon plus fort que tout le mal dont nous sommes capables, le désir de Dieu de rétablir les liens plus forts que la mort elle-même. C'est la vision qui nous a été donnée par l'intermédiaire de notre foi. C'est une vision de la grâce, de la justice réparatrice.
L'approche de la justice réparatrice repose sur l'affirmation de la dignité et de la valeur de toutes les personnes créées à l'image de Dieu. La philosophie « réparatrice » voit le crime comme un préjudice réel fait à des personnes réelles et nous met au défi de réagir par des processus de compassion qui aident toutes les parties touchées – la victime, l'accusé, leurs familles et la collectivité – à s'occuper des effets « humains » du crime – la peur, la colère, la douleur, le sentiment d'impuissance, l'aliénation, la peine et la destruction qui résultent du crime. »
Avant les premiers contacts avec les Européens, les collectivités autochtones vivaient dans une plénitude culturelle, physique et spirituelle. Peu après le premier contact, les Églises chrétiennes ont commencé à exercer une influence dans ces collectivités, au point où plusieurs collectivités autochtones ont adopté les croyances chrétiennes qu'elles ont substituées aux leurs. D'autres collectivités ont évolué vers une approche mixte de la spiritualité, et d'autres comptent parmi leurs membres à la fois des disciples traditionnels et des disciples chrétiens.
Le Groupe de la politique correctionnelle autochtone, de Sécurité publique Canada, a travaillé avec un certain nombre de collectivités autochtones pour examiner une façon de traiter les délinquants et les victimes dans un cadre communautaire de guérison. Jusqu'à maintenant, les rapports ont été établis uniquement avec les collectivités qui suivent des approches autochtones traditionnelles. Étant donné le nombre de collectivités autochtones ayant adopté les croyances chrétiennes, le Groupe de la politique correctionnelle autochtone a cru qu'il était important d'examiner les processus actuels ou possibles de guérison et de réparation au sein de ces collectivités et à leur intention.
Voici ce qu'a fait observer un des participants à la rencontre :
« Examinez les chiffres. Les chiffres sont des faits et non des opinions. Je préfère m'en remettre aux faits. J'examine les faits. Je regarde ce qui se passe dans bon nombre de collectivités, et j'ai eu l'occasion de visiter probablement 500 des 678 collectivités des Premières nations dans ce pays. Partout où je suis allé, j'ai vu une église. Qu'il s'agisse d'une église catholique, anglicane, baptiste, évangélique ou pentecôtiste, j'ai vu une église. Alors, on ne peut dire que le christianisme n'a pas d'effets. Que l'on en suive les préceptes ou non, cela est une autre histoire, mais le fait demeure que la majorité des membres des Premières nations sont ouverts au christianisme. En outre, chaque détenu en a connu une forme ou une autre. En conséquence, je crois que nous pouvons jouer un rôle. Il y a une grande différence entre une religion et un rapport personnel et un cheminement avec Dieu.
Il y a trois ans environ, des représentants de l'aumônerie du Service correctionnel du Canada et du Groupe de la politique correctionnelle autochtone ont eu une conversation et, bien que je ne sois pas exactement sûr de la façon dont nous sommes arrivés au sujet, nous avons finalement découvert que selon les statistiques, le nombre d'Autochtones s'étant identifiés comme chrétiens au moment de leur admission dans le système correctionnel fédéral était assez élevé. Je ne me rappelle pas exactement quel était le pourcentage, mais je crois qu'il était environ de l'ordre de 50 %. Ce qui est encore plus surprenant, c'est le fait que le nombre de personnes ayant dit adopter la spiritualité autochtone traditionnelle était assez faible. Je crois qu'il était inférieur à 10 %. Certains ont adopté la spiritualité autochtone plus tard lorsqu'ils en ont entendu parler et qu'ils sont sortis des pénitenciers. Lorsque nous nous sommes mis à examiner les projets auxquels nous participions, nous nous sommes rendu compte que nous ne participions à aucun projet lié au christianisme. Tous les projets étaient liés à la vision traditionnelle. »
C'est pourquoi il a été décidé de réunir des représentants autochtones d'un échantillon représentatif de milieux chrétiens disposés à offrir des approches de guérison et de réparation aux victimes de crimes et aux auteurs de ces crimes dans leurs collectivités. Sous l'égide du Conseil des églises pour la justice et la criminologie, dix-neuf représentants autochtones de communautés et d'églises chrétiennes ont rencontré au centre, à Villa Maria, à Saint-Norbert, Manitoba, des représentants du Groupe de la politique correctionnelle autochtone, du Service correctionnel du Canada et de la Fondation pour la guérison des Autochtones, au cours d'une séance de deux jours. Il a été question d'un certain nombre de questions relatives à l'intérêt et à la capacité d'établir des initiatives de guérison communautaire dans une perspective chrétienne autochtone et aux processus à suivre pour y arriver. La liste des participants est fournie à la fin du présent rapport.
Pour orienter la discussion, un certain nombre de questions ont été remises à l'avance aux participants, notamment les questions qui suivent :
- Les pratiques spirituelles traditionnelles sont vues comme indispensables au succès des processus de guérison. La spiritualité, peu importe sa forme, est-elle la clé des processus de guérison fructueux?
- Y a-t-il des exemples de processus de guérison et de réparation chrétiens autochtones au Canada? Dans l'affirmative, comment fonctionnent-ils? Dans la négative, pourquoi est-ce qu'il n'y en a pas?
- Quelles sont les valeurs de la croyance chrétienne qui ont trait au concept de communauté et quel est le rapport entre la responsabilité communautaire et la responsabilité individuelle, lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins des victimes et des délinquants?
- Étant donné la diversité des croyances, quelle serait la forme d'un processus de guérison fondé sur le christianisme?
- Comment les leaders de l'Église chrétienne des Premières nations peuvent-ils intervenir pour répondre aux besoins des délinquants/victimes et rendre les collectivités plus sûres?
- Où l'Église devrait-elle s'insérer dans la structure du processus de guérison?
- Comment l'Église peut-elle soutenir le développement de guérisseurs dans la collectivité?
- Y a-t-il au sein de la collectivité autochtone chrétienne des valeurs précises qui ont un effet positif sur le processus de guérison?
- Y a-t-il des façons dont les disciples chrétiens et traditionnels d'une collectivité donnée peuvent collaborer pour restaurer l'harmonie à l'intérieur de la personne, de la famille et au sein de cette collectivité? Qu'entrevoyez-vous comme obstacles possibles?
- Comment la politique devrait-elle être conçue pour inclure les pratiques de toutes les croyances et tout en faisant en sorte que la culture autochtone soit célébrée ou respectée?
Comme c'est le cas de la plupart des réunions autochtones, les questions ont été en grande partie mises à l'écart et remplacées par une discussion ouverte entre les participants. Cette discussion a porté sur une gamme étendue de sujets et d'idées, allant de « pourquoi j'adhère à la foi chrétienne en tant que personne » à « y a-t-il vraiment une différence entre les valeurs fondamentales du christianisme et celles de la spiritualité traditionnelle autochtone? » En fait, la majorité des questions qui avaient été posées avant la réunion n'ont pas été abordées. En conséquence, le Groupe de la Politique correctionnelle autochtone n'a pas été en mesure de tirer de conclusion absolue au sujet de la guérison communautaire dans un contexte chrétien. Avec le recul du temps, il apparaît que cela n'est pas surprenant pour un certain nombre de raisons. Cette réunion était la première occasion pour bon nombre de participants de discuter de la question et beaucoup de choses devaient être dites. En deuxième lieu, il n'y avait pas de perspective universelle sur la foi chrétienne, ce qui, étant donné les approches variées des croyances et des pratiques traditionnelles, ne devrait surprendre personne. Finalement, deux jours n'étaient pas suffisants pour couvrir entièrement tout le spectre des aspects liés au sujet. Cependant, les questions sont toujours valables et elles devraient constituer le point de départ d'une prochaine séance de dialogue.
Le présent rapport offre un aperçu de la gamme variée des points de vue présentés à la réunion. On a tenté de structurer les propos selon six chapitres qui permettront au lecteur de savoir ce qui s'est dit et, espérons-le, qui susciteront d'autres discussions et réflexions.
Le deuxième chapitre présente, à grands traits, l'environnement qui a influencé les rapports entre les collectivités chrétienne et autochtone. Il est question des premières influences de la foi chrétienne dans les collectivités autochtones et des résultats qu'elle a produits. Il fait état de la différence qui existe aux yeux de plusieurs entre la Parole de Dieu et ce qu'enseignent ceux qui apportent un point de vue traditionnel du dessein du Créateur. Ce chapitre prépare également le terrain à d'autres discussions sur les différences entre le christianisme et la spiritualité traditionnelle autochtone, et traite de la nécessité de trouver une approche différente ou commune permettant aux deux de fonctionner ensemble, au profit des collectivités autochtones, des délinquants et des victimes. Ce chapitre examine également les rapports entre les Autochtones, le christianisme et le système de justice.
Ce chapitre ne prétend pas traiter de façon approfondie de plusieurs questions soulevées par les Autochtones au sujet du lien entre l'Église chrétienne et les Autochtones. Ce lien, en particulier en ce qui a trait au rôle de l'Église face aux pensionnats, a déjà été bien documenté, dans plusieurs publications, notamment les rapports de la Commission royale sur les peuples autochtones et de la Fondation pour la guérison des Autochtones. Le présent rapport ne vise pas à faire double emploi avec ces documents, mais à fournir de l'information pouvant situer ceux-ci dans le contexte des commentaires formulés à la réunion.
Dans le chapitre trois, les participants à la réunion soulignent la nécessité de trouver un terrain commun permettant aux chrétiens autochtones et aux personnes qui adoptent la culture traditionnelle de trouver une approche et un langage communs pour répondre au besoin de guérir des personnes et des collectivités. Dans ce chapitre, on reconnaît que le choix est un droit et une responsabilité fondamentaux. Le choix entre les pratiques spirituelles autochtones et le christianisme doit être laissé à chacun et il doit être respecté, pour permettre la guérison. On fait également état de certains obstacles qui empêchent les deux côtés de collaborer, mais on reconnaît cependant que c'est la croyance en un pouvoir supérieur, et non la pratique religieuse, qui importe le plus.
Dans le chapitre quatre, on admet qu'il existe des différences entre les deux approches. Il est aussi question de ce qui semble être le point de vue européen sur le christianisme et l'approche chrétienne de la conversion. Les commentaires des participants mettent en lumière certaines des difficultés liées à la situation de chrétien et d'Autochtone, vu en particulier le regain d'importance accordée à la spiritualité traditionnelle. Les participants étaient particulièrement préoccupés par le fait que les délinquants autochtones qui sont aussi des chrétiens pratiquants n'ont pas accès à la même gamme de programmes spéciaux pour Autochtones, dans les pénitenciers fédéraux.
Le chapitre cinq rend compte des discussions à la réunion sur l'approche chrétienne de la guérison dans les collectivités autochtones, et sur le fait que, dans bon nombre de principes sous-jacents, il est possible de trouver des correspondances avec les processus de guérison traditionnels. Les participants ont évoqué le fait que, pour que la guérison puisse s'accomplir, il faut qu'elle repose sur la spiritualité. Les participants ont conscience de la nécessité d'adopter une approche de guérison réparatrice et globale, qui dénonce le comportement certes, mais non la personne, et où la collectivité joue un rôle important dans le travail fait auprès des victimes, des délinquants et de leurs familles. Ce chapitre se concentre également sur les discussions concernant les craintes et les avantages de la synthèse des cérémonies traditionnelles et chrétiennes pour que le christianisme corresponde davantage à la réalité des Autochtones. On a aussi souligné la nécessité de concentrer les actions au niveau de la collectivité et de favoriser la participation de mentors et de bénévoles dévoués.
Le chapitre six rend compte des discussions des participants au sujet de la forme que pourrait prendre un processus de guérison fondé sur la foi chrétienne et de la façon dont les disciples de la culture traditionnelle autochtone et les disciples du christianisme pourraient travailler ensemble pour atteindre le but commun qu'est la guérison. Il a été question de modèles, notamment celui que proposent les conseils interconfessionnels. Cependant, l'idée principale de la discussion, rendue dans ce chapitre, est qu'il est nécessaire de créer des pavillons de ressourcement pour Autochtones chrétiens.
Le dernier chapitre fournit quelques commentaires de la fin de la part des participants. Il est à souhaiter que ces commentaires et d'autres dans ce rapport favoriseront la poursuite de la réflexion et de la discussion.
Les participants ont déploré le fait que la réunion n'a pas été suffisamment longue pour leur permettre à tous d'aborder toute la gamme des questions présentées au début de l'événement de deux jours. Selon un bon nombre de participants, la réunion aurait dû durer une journée de plus au moins afin de leur permettre de discuter de façon plus approfondie de l'approche que les communautés chrétiennes pourraient adopter pour offrir un cadre de guérison à ceux qui en ont besoin. Le chapitre cinq renferme quelques suggestions sur des façons de mettre en œuvre des processus de guérison reposant sur la foi chrétienne, mais il ne faut y voir que l'amorce d'une discussion qui doit se poursuivre.
Les lecteurs qui recherchent une approche de guérison communautaire globale ou unique seront déçus. Bien que les points de convergence aient été nombreux au sein du cercle, il y avait aussi de nombreux points de divergence et des différences quant aux approches. Le rapport tente, à travers les propos mêmes des participants, de rendre compte de ces points de consensus et de divergence et d'offrir un certain équilibre. C'est pourquoi il faut éviter de conclure que les propos individuels cités reflètent les points de vue de l'ensemble du groupe, ou la foi chrétienne dans tous ses aspects. Il était important, néanmoins, d'offrir au lecteur toute la gamme des points de vue exprimés au cours de la réunion. Bien que l'on ait tenté, dans la mesure du possible, d'organiser ces opinions selon un certain cadre, on n'a pas supprimé les opinions ou les points de vue qui ne recueillaient pas l'appui de tous.
Les citations des participants ont été insérées en retrait tout au long du rapport; les intervenants n'ont pas été identifiés pour faciliter la lecture du document.
Chapitre deux : Restitution du contexte
Guérir dans un contexte autochtone
Les Autochtones reconnaissent que la guérison peut, et doit, se faire à l'échelon individuel, familial et communautaire. La Commission royale sur les peuples autochtones a souligné ce qui suit : « La bonne santé ne dépend pas uniquement des soins donnés en cas de maladie et des services sociaux. C'est le résultat d'une vie active, productive et sûre, où l'individu exerce un certain contrôle sur les forces qui influencent sa vie quotidienne, où il dispose des moyens de nourrir son corps et son âme, en harmonie avec ses voisins et avec lui-même et en pouvant espérer un avenir meilleur pour ses enfants et sa terre. En bref, la bonne santé est le résultat d'une vie saine Note de bas de page 2 ».
Un autre auteur définit la guérison comme suit : « Culture, identité, tradition, valeurs, spiritualité, guérison, transformation, revitalisation, auto-détermination et autonomie gouvernementale : voilà la spirale d'idées et d'actions qui constituent la guérison communautaire. Au niveau le plus fondamental, lorsque les Autochtones parlent de guérison communautaire, ils songent à la présence dans leur collectivité de nombreuses personnes qui doivent se guérir avant de pouvoir contribuer aux nombreuses tâches qui les attendent. Ils parlent de trouver des manières d'aider ceux qui doivent guérir de profondes blessures. La seule façon d'y parvenir est de donner aux gens des possibilités de croissance spirituelle et de sensibilisation culturelle Note de bas de page 3 ».
Le but de tout processus de guérison est une nouvelle prise de conscience, un réveil des sens, une réappropriation de son expérience de vie et la capacité à faire confiance de nouveau à cette expérience. Dans un processus de guérison concluant, cela sera jumelé à la reprise de la capacité sociale de créer un nouveau paradigme culturel, de rétablir l'ordre dans le chaos. L'objectif d'un processus de guérison est de redevenir une personne à part entière et de se réapproprier ses capacités de ressentir et de s'exprimer. Le but est de se rétablir et de réintégrer le passé au présent Note de bas de page 4.
À une époque lointaine
À partir de l'arrivée de Champlain, jusqu'au début du XVIIe siècle, les relations entre les nouveaux venus et les Autochtones étaient habituellement empreintes de respect mutuel et reposaient sur une collaboration économique. Le commerce des fourrures exigeait un partenariat avec les Autochtones, pour qu'ils apportent des fourrures ou qu'ils agissent comme intermédiaires pour le compte des commerçants européens. Essentiellement, aucune des deux sociétés n'avait d'opinion arrêtée sur l'autre et les premiers rapports étaient marqués par la curiosité, chacune tentant d'établir des rapports amicaux, tout en entretenant une certaine crainte. Mais les premiers arrivants étaient moins enclins à accepter les nombreuses différences entre eux et leurs hôtes autochtones.
Les Autochtones d'Amérique ont toujours accordé beaucoup d'importance au contact direct avec ce qui est spirituel. Cela concernait à la fois ce qui les entourait immédiatement et ce qui allait au-delà. L'accent était mis sur l'établissement et le maintien de rapports étroits entre les humains, le monde animal et le domaine spirituel.
Par exemple, les Cris croyaient qu'il fallait maintenir plusieurs types de relations pour survivre. Tout d'abord, il y avait la relation entre les humains, la terre et les animaux qui fournissaient de quoi survivre et s'abriter. Chaque personne portait également en elle un « mistapao » ou gardien spirituel. Le mistapao d'une personne l'aidait à maintenir un équilibre dans sa vie et le lien entre la personne et son mistapao pouvait être renforcé par de bonnes actions et par un comportement convenable. Tout animal vivant avait également son propre gardien spirituel. Un chasseur communiquait avec son gibier tant par la connaissance qu'il avait de l'environnement que par le rapport créé entre son mistapao et le gardien spirituel de l'animal. Le chasseur priait et, si la cérémonie était faite de la façon voulue et, si le mistapao du chasseur était fort, le gardien spirituel de l'animal permettait que l'animal soit pris.
Selon la tradition, le Cri ne voyait pas le monde dans lequel il vivait et le monde spirituel comme des réalités séparées, mais plutôt comme deux côtés de son existence complète. Le Cri croyait qu'il était possible, grâce à des cérémonies et aux rêves, de passer d'un côté à l'autre de façon régulière et il comptait sur les deux côtés pour mener une vie saine et bonne.
Historiquement, pour certains chrétiens qui étaient venus au Canada comme missionnaires, la spiritualité était la conscience d'un Dieu unique qui était mystérieux, la conscience de l'intensité d'être en rapport avec ce à quoi les hommes sont essentiellement impuissants. La possibilité de passer du monde physique au monde spirituel se présentait au moment de la mort et il n'y avait pas de « retour possible ». Bien que bon nombre d'Autochtones croyaient en un grand Esprit, qui était le créateur de toutes choses, ce Créateur était trop omnipotent pour influencer les gens et la nature directement : « Sa volonté était accomplie par toute une hiérarchie de manitous subordonnés, chacun ayant une fonction et un lieu de résidence uniques Note de bas de page 5 ».
Pour les missionnaires, l'idée que les Autochtones étaient en mesure de communiquer avec les pouvoirs supérieurs de façon quotidienne et que ces multiples entités puissantes existaient même, était tout simplement incompréhensible. Pour eux, il s'agissait de terribles blasphèmes qui témoignaient d'un mépris et d'un manque de respect pour l'unique Dieu auquel ils croyaient.
C'est pourquoi ils ont enseigné aux Ojibway que Nanaboozhoo, l'être principal et le héros culturel de leur ontologie, n'avait jamais existé. Ils ont dit aux Iroquois que le Pacificateur, le messager céleste, n'était que le produit de leur imagination. Ils ont convaincu les gens qu'ils étaient irrationnels et illogiques, que leurs croyances étaient sans signification et vides, et leurs systèmes moraux et éthiques, dénaturés et corrompus. « La polygamie était condamnée, considérée comme immorale, la consultation de shamans était découragée, la coutume d'enterrer des biens matériels était critiquée, les gros banquets étaient dénoncés, considérés comme de la gloutonnerie et de l'imprévoyance, et les Indiens ont été "détournés" de bon nombre de leurs soi-disant superstitions Note de bas de page 6 ». En ce qui concerne les Hurons, « les Jésuites croyaient que, étant donné qu'ils n'avaient pas de prêtres à temps plein, ni d'établissements religieux particuliers, ils avaient peu de convictions religieuses et allaient être faciles à convertir. Ils se voyaient engagés dans un combat contre Satan lui-même, plutôt que contre les Hurons, pour gagner les âmes de ces personnes Note de bas de page 7 ».
À mesure que progressait la colonisation en Nouvelle-France, les Français et les collectivités autochtones ont profité de façon générale de cette collaboration économique, par l'échange de marchandises et de technologies. Les alliances politiques et militaires se sont accrues et la conversion religieuse s'est effectuée. En Nouvelle-France, le catholicisme a été enseigné aux Iroquoiens et aux Algonquiens par les Pères Jésuites et, plus tard, par les Oblats.
Les Jésuites se sont vite rendu compte que « les Hurons avaient un ensemble complexe de croyances religieuses qui devaient être anéanties ou discréditées avant qu'une conversion véritable soit possible Note de bas de page 8 ». Parmi les ingénieuses tactiques utilisées par les missionnaires pour obtenir des conversions véritables, il y avait des stratagèmes tels que la conversion d'hommes mariés importants, les dons de cadeaux à des convertis en puissance, que l'on traitait avec tous les honneurs, et la vente de fusils aux Indiens baptisés uniquement : « En 1643, les Jésuites informaient leurs lecteurs, dans leurs Relations, que Dieu avait de toute évidence approuvé la vente d'armes à feu comme moyen de rendre le christianisme acceptable chez les Hurons Note de bas de page 9 ». Très rapidement, les missionnaires ont atteint leur but en plongeant les Autochtones dans une dépendance spirituelle. Les anciennes règles n'étaient plus valables, les nouvelles ne s'étaient pas encore concrétisées.
Les Autochtones qui ont eu des contacts avec la société britannique par l'intermédiaire de la Compagnie de la Baie d'Hudson ont vécu une expérience similaire. À mesure que les Britanniques installaient des forts et des postes de traite le long des rives de la Baie James et de la Baie d'Hudson, les Autochtones devenaient des pivots pour le commerce des fourrures, l'exploration et la diffusion du christianisme par les Églises anglicane et catholique.
Cette période des premiers contacts entre les Européens et les Autochtones a été abondamment documentée par les historiens et les divers auteurs. Le lien entre les premiers missionnaires chrétiens et les Autochtones a également été bien documenté et les lecteurs qui le désirent peuvent consulter à ce sujet les travaux de la Commission royale sur les peuples autochtones et de la Fondation pour la guérison des Autochtones.
À mesure que le nombre des nouveaux arrivants s'est accru et que ces derniers se sont installés, cette dépendance a diminué, au profit d'une concurrence – pour les ressources naturelles, telles que les fourrures, mais avant tout, pour les terres. L'idée qui prévalait alors était que les Autochtones étaient sauvages, non civilisés et inférieurs, et le gouvernement a donc décidé que les Autochtones devaient être assimilés à la société occidentale pour que leur situation s'améliore.
Au moment de la fondation du Canada, en 1867, le nouveau gouvernement fédéral s'est attribué la responsabilité des Indiens et a décidé de définir ses responsabilités et, comme l'exprime Sir John A. MacDonald, « de liquider le système tribal et d'assimiler les Autochtones aux habitants du Dominion, à tous les égards Note de bas de page 10 ».
La tentative de « sauver » les Autochtones devint le point de référence de la politique fédérale, les Églises en constituant un agent important. Les pensionnats visaient à civiliser, assimiler et instruire les enfants indiens. Ainsi, on les isolait, on les amenait au loin et on les plaçait dans ces établissements. Cette tendance en faveur de la suppression des caractéristiques liées à tout ce qui était indien fut soutenue par les modifications apportées à la Loi sur les Indiens qui, entre autres choses, interdisait aux Autochtones de quitter les terres de réserve sans la permission écrite de « l'agent des sauvages » dans leur collectivité. Cela contribua encore un peu plus à supprimer le soutien culturel que les enfants auraient normalement reçu de leurs parents, leurs familles et leurs collectivités. Les enfants amenés dans les pensionnats étaient souvent punis parce qu'ils avaient utilisé leur langue autochtone. Leur apparence était modifiée en faveur des modes occidentales. Leurs cheveux étaient rasés ou coupés ras et on les habillait d'uniformes à l'occidentale. Il en résulta que les enfants se mirent à avoir honte de leur patrimoine autochtone.
L'utilité de parler un peu de cette histoire est double. Avec le temps, les Églises, agissant à titre de mandataires des gouvernements successifs, ont agi, même avec les meilleures intentions du monde, comme une immense force de déstabilisation des sociétés autochtones. Ces lois et ces politiques fédérales, combinées à l'utilisation du système de justice pénale pour leur application, étaient très efficaces dans la destruction de la structure de l'existence autochtone. Mais elles ont aussi très efficacement sapé l'opinion qu'avaient les Autochtones du système de justice pénale et la perception qu'avaient les non-Autochtones à l'égard des Autochtones, en renforçant l'idée selon laquelle les Autochtones étaient inférieurs et commettaient un plus grand nombre de crimes.
Comme un commentateur l'a fait remarquer, « ces facteurs ont alimenté un troisième problème courant : la perception parmi les Autochtones selon laquelle "le système de justice pénale est un système étranger imposé par la société blanche dominante". En d'autres mots, ce n'est pas "le leur", c.-à-d. un système qui méritait leur respect, et ce système est maintenant perçu comme l'ennemi, perception trop souvent attribuable à des expériences personnelles directes liées aux systèmes de protection de la jeunesse, de justice pour les jeunes, de tribunaux de la famille et de justice pénale. Tout indique que l'aliénation des Autochtones est croissance et généralisée. De plus en plus, les théoriciens accordent leur soutien au respect des différences culturelles entre les approches autochtones et non autochtones en matière de justice Note de bas de page 11 ».
Christianisme par rapport à « rites religieux des Églises »
Un certain nombre de participants à la réunion ont admis qu'il y avait une différence entre le message du Christ au monde et l'interprétation de ce message par certains membres de l'Église chrétienne.
« Ce sont les extrémistes qui rendent très difficile pour les gens de se rencontrer et d'appliquer une approche globale. J'appelle fanatiques ceux qui sont à ce point centrés sur ce seul aspect de leur foi. Cela devient une quête du pouvoir, je crois, et ils ne peuvent adopter une vue d'ensemble et considérer ce qui est avantageux pour la personne pour qui ils travaillent; ils se contentent de dire "je sais ce qui est bon pour toi" et ce qui est mauvais. Il est impossible d'avoir une approche globale de la guérison avec une telle attitude. L'obstacle que je vois chez ces gens, c'est l'ignorance. Ils ne sont tout simplement pas disposés à comprendre, parce que, disent-ils, "ma façon est la meilleure". »
« Le fait de plonger dans la "spiritualité autochtone" a été une expérience absolument enrichissante, pour moi, personnellement. Je n'ai rien eu à rejeter de l'ensemble. J'aime assez l'énoncé de Chesterton au sujet du christianisme : "le christianisme est une chose et les rites religieux des Églises en sont une autre". Intellectuellement parlant, je trouve cela très intéressant. »
Force est de reconnaître que les missionnaires chrétiens au Canada ne reflétaient pas véritablement la culture et la société britanniques ou françaises dans leur totalité. De façon générale, les prêtres et les ministres des religions catholique et anglicane avaient choisi une vie qui les plaçait à un certain degré au-dessus ou à côté des autres, en accentuant les éléments religieux des sociétés européennes. Cela est particulièrement le cas des prêtres catholiques qui avaient choisi de se retirer encore davantage de toute l'étendue de la culture européenne en acceptant volontairement le célibat et en rejetant le mariage, pour exprimer leur engagement spirituel. Ces missionnaires qui avaient choisi de venir au Canada pour être au service des collectivités autochtones faisaient preuve d'encore plus de zèle dans leur engagement de croyants et, en conséquence, étaient disposés à mettre de côté un nombre encore plus important de normes sociales européennes. Lorsque les missionnaires ont été chargés des pensionnats pour Indiens, ils sont devenus les représentants, voire le reflet, de la société canadienne en général. Comme le système des pensionnats était destiné à soutenir l'œuvre de « civilisation » des enfants autochtones et à les assimiler à la société occidentale, il n'est pas surprenant qu'un grand nombre d'Autochtones n'aient pas réussi à s'adapter, alors que leurs seuls modèles étaient des enseignants qui n'avaient rien à voir avec la véritable société canadienne et ne pouvaient pas rendre compte de la véritable nature de cette société.
« Les gens qui sont venus ici se disant chrétiens ont fait beaucoup de tort. Peut-être pensaient-ils qu'ils faisaient du bon travail. Mais il y avait parmi eux un certain nombre de pommes pourries qui sont venues ici et ont fait des choses épouvantables aux gens et aux terres. Les terres et les gens ont toujours mal. Je ne crois pas que cela arrange quoi que ce soit que de simplement balayer les choses sous le tapis et de dire "eh bien, c'était le fait de certaines personnes, et à une autre époque". Faites attention. Chat échaudé craint l'eau froide. Si ce ne sont pas ces paroles véritables que nous avons entendues ici à quelques reprises dans cette pièce, si ce ne sont pas des paroles qui viennent de la pureté du cœur, alors faites attention. Et vous savez, ce n'est pas ce que je trouve dans les Églises. Je travaille avec plusieurs Églises, je travaille avec plusieurs membres du clergé, la plupart de mes amis sont des membres du clergé. Faites attention! Il y a énormément de règle q'on appelle le christianisme qui n'ont rien à voir avec ces paroles tirées de la pureté du cœur; il y a énormément de règles et de règlements. »
« Je ressens un certain malaise face à certains chrétiens, à certaines personnes précises; ce n'est pas tant face à leurs croyances comme telles, ce qu'elles défendent, que plutôt face à leur façon de faire, leur approche. J'ai des difficultés face à cela. Nous avons eu des ministres et des prêtres qui sont venus dans le système carcéral et cela fait 16 ans que je suis dans les prisons. Quand il était question de la spiritualité autochtone et de ce qui l'entoure, ils la dépréciaient, ils l'appelaient païenne, culte rendu aux animaux. C'est un point de vue occidental futile, superficiel et blanc. Tenter de comprendre les choses de façon honnête et sincère est une façon d'enrichir sa vie et sa compréhension de Dieu et de la Trinité, ainsi que du Christ, des sacrements, des Écritures, des aigles, des animaux, des symboles, des métaphores, des rêves et des rêves éveillés, ainsi que des visions. »
Certains participants ont relevé le fait que le travail des missionnaires au Canada a été abordé de façon différente par rapport à ce qui s'est fait dans d'autres pays. Les premiers missionnaires habitant en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie ont tenté sérieusement de connaître les cultures de leurs hôtes et d'utiliser les expressions culturelles de ces terres, pour enseigner la Parole de Dieu. Les services religieux et les messes sont devenus des cérémonies mixtes et on a reconnu que c'était le message, et non le moyen d'expression, qui était important. Les participants qui ont parlé de cet aspect ont dit ce qui suit :
« Il y a énormément de christianisme dysfonctionnel un peu partout. Des Églises sont totalement opposées à l'insertion de toute expression culturelle, totalement opposées à nos fêtes. Cela fait réellement du tort aux nôtres et en désabuse plusieurs. Mais je crois qu'il y a une partie des chrétiens qui se sont rendu compte que nous devions permettre aux gens d'être qui ils sont. »
« En fait, nous faisons cela dans d'autres pays. Lorsque les missionnaires vont dans d'autres pays, ils se renseignent. Ils apprennent l'histoire de la population et sa langue. Ils étudient la culture, la façon de voir le monde, et les valeurs et ils ne vont pas dans ce pays pour imposer quelque chose d'étranger. Ils tentent plutôt de contextualiser le message de l'évangile ou de la foi, en respectant le peuple hôte, les gens du pays. Cela ne s'est jamais fait en Amérique du Nord. »
« Un certain segment de la communauté chrétienne est plus respectueux et plus ouvert à l'observation de l'identité et qui va contribuer au processus de guérison. C'est l'unique forme du christianisme qui fonctionnera probablement dans le système carcéral. S'il s'agit d'un christianisme totalement étranger à la réflexion du groupe de personnes qu'il tente d'atteindre, qu'il s'agisse des Autochtones, des Asiatiques ou des Africains, c'est un christianisme qui ne fonctionnera pas. »
« Nous avons beaucoup de travail à faire. Je me rends compte de certains progrès. J'aborde cela non du point de vue des services correctionnels, mais de celui d'un pasteur œuvrant dans un contexte de collectivité autochtone urbaine, dans un rassemblement autochtone en milieu urbain. Je me rends compte que l'identité fait partie intégrante de notre guérison et il faut que cela soit affirmé et glorifié. »
Tous les participants ne convenaient pas qu'il faut que quelqu'un fasse partie des églises chrétiennes traditionnelles ou adoptent les pratiques spirituelles traditionnelles pour se lier au Créateur. Certains avaient l'impression que c'était le lien personnel avec le Christ qui fournissait la force et les conseils spirituels nécessaires. Un des participants a dit ce qui suit :
« Je déteste la religion, peu importe la forme, parce qu'elle a la capacité de vous contraindre. Les traditions peuvent vous contraindre; mais je savais qu'il était possible d'entretenir une relation personnelle avec le Christ. En marchant avec le Christ, vous pouvez être remplis du Saint-Esprit. Il peut vous diriger. Vous connaîtrez la voix de Dieu. Vous saurez exactement quoi faire. Vous saurez exactement d'où votre force vient et vous vous laisserez entraîner par ce pouvoir et par sa force. C'est la raison pour laquelle j'ai été capable de faire des choses dont je n'aurais jamais rêvé; j'ai osé faire des choses que je n'avais jamais faites auparavant parce que je savais qui j'étais. Je n'avais pas de problème d'identité. »
Les Autochtones dans les pénitenciers : nécessité de travailler en harmonie
On a fait valoir que le traumatisme culturel et social causé par les pensionnats au fil des générations a fait en sorte que bon nombre d'Autochtones, hommes et femmes, ont eu des démêlés avec la justice et ont abouti dans le système correctionnel fédéral. Dans le recensement de 2001, tout près de un million de répondants se sont identifiés comme étant Autochtones – 62 p. 100, des Indiens d'Amérique du Nord, 30 p. 100, des Métis et 5 p. 100, des Inuits. Alors qu'ils ne représentent que 3 p. 100 de l'ensemble de la population du Canada, les Autochtones de sexe masculin représentent 18 p. 100 des détenus dans les établissments fédéraux et les femmes, environ 28 p. 100 de l'ensemble des femmes détenues dans les pénitenciers en 2005. Le coût de l'incarcération des Autochtones dans les établissements fédéraux est élevé. En 2003-2004, le coût annuel moyen de l'incarcération d'un détenu de sexe masculin était de 80 209 $, alors que le coût annuel moyen d'une détenue de sexe féminin était de 150 867 $ Note de bas de page 12.
On s'attend à ce que l'explosion démographique autochtone actuelle entraîne une augmentation encore plus grande du nombre de délinquants autochtones au cours de la prochaine décennie. À titre d'exemple, Statistique Canada prévoit une diminution de 4 p. 100 de la population non autochtone de la Saskatchewan âgée de 15 à 24 ans, d'ici 2010. En revanche, l'organisme prévoit une hausse de 32 p. 100 de jeunes Autochtones de ce groupe d'âge. Étant donné que les hommes et les femmes âgés de 18 à 25 ans sont plus à risque de commettre des crimes que les personnes des autres groupes d'âge, cette cohorte de jeunes Autochtones risque d'avoir des conséquences graves sur les services correctionnels fédéraux, si rien n'est fait.
Plusieurs participants à la réunion ont soulevé cette question qui les préoccupe et ont formulé les commentaires suivants :
« La première fois que l'on a remarqué la surreprésentation dans le système fédéral, c'était au début des années 1960 à l'Établissement de Stony Mountain et, jusqu'alors, les Autochtones avaient été sous-représentés dans le système correctionnel. Les choses ont empiré chaque année. Il y a quelques années, le pourcentage était de 16 %, il a grimpé à 18 % et il s'établit probablement à 19 % à l'heure actuelle. Une explosion démographique est sur le point de se produire et les jeunes vont probablement faire grimper les chiffres encore davantage. Il est temps d'ouvrir la porte à des possibilités de faire ce qui est préférable, faire ce qu'il faut pour tenter d'apporter des changements au système. »
« Pour certaines personnes, la première fois qu'elles entrent en contact avec leurs origines autochtones, c'est lorsqu'elles aboutissent en prison. Selon certains systèmes correctionnels et, n'allez surtout pas croire que je me plains, les choses ont changé et c'est bien, mais selon le système correctionnel, le Programme de spiritualité autochtone, c'est la cérémonie de la suerie. Il importe peu que vous soyez Inuit, Iroquois ou de n'importe quelle autre Nation qui n'a aucun lien avec cette pratique, c'est le programme de spiritualité. En conséquence, on a vu des délinquants, déconcertés, retourner dans leur collectivité en disant "Non, c'est comme cela que les choses sont censées être". Cette pratique n'a rien à voir avec leur culture autochtone réelle. Nous avons également eu des collectivités qui voulaient mettre sur pied des processus de guérison et qui se demandaient "Devrions-nous organiser une cérémonie de la suerie?" même si cette cérémonie leur était complètement étrangère. »
Un certain nombre de participants se sont dit préoccupés par le fait que le Service correctionnel du Canada a mis en œuvre un certain nombre de Programmes spéciaux pour Autochtones reposant uniquement sur les valeurs traditionnelles. Ils ont l'impression que cette approche est valable pour plusieurs délinquants autochtones, mais a pour effet d'isoler ceux qui ont choisi la route chrétienne vers la guérison. La question fondamentale pour le SCC est de savoir s'il soutient la guérison ou une approche de la guérison. Ils ont fait remarquer ce qui suit :
« Comme les programmes sont définis comme étant spécialement conçus pour les Autochtones, la spiritualité et la culture autochtones traditionnelles sont favorisées. C'est ce que j'observe. Le modèle de guérison du point de vue des délinquants autochtones repose, me semble-t-il, exclusivement sur la spiritualité autochtone traditionnelle. On peut presque parler de coercition, parce que, si vous ne participez pas aux programmes spécialement pour les Autochtones au sein de l'établissement, on estime que vous ne participez pas aux soi-disant programmes de guérison. »
« Une des questions auxquelles le SCC doit s'attacher à répondre finalement, une question dont nous aimerions discuter avec le Service, c'est celle du choix. Si la guérison est le but de chacun mais que des routes différentes sont prises par des personnes différentes, le but est-il de soutenir la guérison ou de soutenir une approche de la guérison? L'approche de la guérison que le SCC a adoptée pour le moment est l'utilisation de la culture, des valeurs et de la spiritualité autochtones traditionnelles. C'est le choix que le SCC a fait. Est-ce que cela est efficace pour guérir les délinquants? Personnellement, je crois que cela peut l'être pour certains, mais non pour tous. C'est une question valable. En conséquence, si le but est la guérison, nous aimerions que, dans toute la mesure du possible, le processus correctionnel s'efforce de guérir des personnes, non de les punir, et à tout le moins de ne pas les entreposer. Alors, la question du choix et de la possibilité doit être abordée. »
« Je me rappelle un détenu en particulier qui s'est littéralement glissé dans mon bureau pour me parler. Il était chrétien. Il avait trouvé la voie chrétienne en prison et avait décidé de la suivre, mais avait été banni et écarté des fraternités d'Autochtones. Ces dernières ne voulaient plus avoir aucun contact avec lui et ne lui permettaient pas d'assister à leurs événements. C'en était rendu au point où on lui disait "L'agente de liaison autochtone nous appartient, elle ne t'appartient pas et tu ne peux pas la voir". C'est pourquoi il avait dû se faufiler dans mon bureau. Maintenant, cet individu ne parle pas de la façon dont cela a changé sa vie et je ne l'ai jamais plus revu. J'ai vu pas mal de gars qui se déplaçaient avec leurs poches sacrées et qui disaient à quel point cela était précieux et tout le reste. Je les ai vus revenir dans le système trois ou quatre fois pendant que j'étais dans cet établissement. Cela revient à dire qu'une approche n'est pas meilleure que l'autre. »
Un participant qui a de l'expérience dans les services correctionnels fédéraux a admis que, dans au moins un établissement, les détenus avaient la possibilité de choisir leur propre forme de spiritualité. Voici ce qu'il a dit :
« Je vois des détenus autochtones encouragés à participer aux programmes spirituels à l'intention des Autochtones, mais sans être forcés de le faire. Ils ont le choix d'adopter la spiritualité chrétienne ou autochtone. C'est l'expérience que je fais au sein du système fédéral jusqu'à maintenant et je trouve que cela fonctionne bien pour certains. Quand je dis, pour certains, c'est que j'ai travaillé surtout avec des détenus qui sont venus à moi, d'eux-mêmes. Je n'ai pas tenté d'entrer en contact avec eux moi-même; ils sont venus vers moi et m'ont fait part de leurs expériences dans le système fédéral. »
Les participants ont parlé de la valeur de la venue d'un leader autochtone chrétien dans les pénitenciers pour desservir les détenus autochtones qui choisissent de suivre la voie chrétienne. Non seulement le ministre ou le prêtre chrétien prend-il part à la cérémonie, mais il vit également bon nombre d'expériences avec les détenus. Des participants ont dit ce qui suit :
« Nous parlons d'aider les détenus. Je pense que nous parlons de libération. Nous parlons de personnes qui sont captives, qui ont le cœur brisé. J'ai vu ces visages parmis les miens; j'ai entendu leurs histoires. C'est pourquoi je dis qu'il y a une certaine folie à refaire toujours les mêmes choses et à s'attendre à des résultats différents. Il y a quelque chose qui cloche dans le système. Et je sais que lorsque nous partirons d'ici, cela pourrait prendre 5, 10 et 15 ans avant que nos projets soient mis en œuvre. Mais je sais l'importance de communiquer, non pas ce qu'il y a dans votre tête, ça, ce sont des connaissances théoriques, ce que vous avez appris à l'école, mais ce qu'il y a dans votre cœur, ça, c'est votre expérience. »
« J'ai trouvé cela encourageant, lorsque des leaders autochtones chrétiens de la collectivité sont venus dans les établissements et ont parlé de Jésus. Juste le fait de voir la couleur de leur peau m'a inspiré un peu plus à venir à l'église. C'est véritablement ce qui touche une personne. Certains des intervenants avaient une conception traditionnelle, d'autres étaient chrétiens, mais tout ce temps, nous étions tous à la recherche de quelque chose de spirituel. Moi aussi, j'ai vécu cette confusion dont vous avez parlé; je ne voulais pas lâcher la façon de faire indienne. »
« Je pense que c'est une question d'équilibre. Il est important que nous ne rejetions pas l'histoire. Il y a eu plusieurs étapes qui sont très significatives pour énormément de personnes et il est important de ne pas l'oublier. Quoi qu'il en soit, je ne voulais simplement pas perdre cette histoire, parce que parfois, nous atterrissons dans un milieu et nous oublions qu'il y a eu toute une bataille auparavant, pour tenter d'établir un bon équilibre entre un prêtre et un Aîné. Cela a été une bataille difficile. Une rude bataille s'est livrée dans les prisons. Il y avait des chrétiens qui croyaient en cette bataille également, non pas à l'exclusion de leur propre croyance, mais en intégrant les deux, d'une façon significative pour les Autochtones. »
Trouver un centre spirituel
De plus en plus d'Autochtones reconnaissent qu'au cour de la guérison réussie des délinquants et des victimes, se trouve le retour à un centre spirituel inspirant. Les processus de guérison mettent l'accent, à la fois dans leur philosophie et dans leurs pratiques, sur la nécessité de trouver un rapport significatif avec le Créateur, comme condition préalable à l'achèvement du parcours de leur réconciliation. La façon dont un individu trouve cette relation, que ce soit au cours de cérémonies traditionnelles ou dans l'Église, est moins importante que le fait de la trouver. Les participants ont dit ce qui suit :
« De tous côtés, littéralement, chacun dit que ce n'est pas la façon de le faire "Non, le recours à l'élément culturel n'est pas la façon de faire". Mais je sais maintenant, j'ai appris. Il me dit que c'est ce qu'ils disent lorsqu'ils disent le Créateur, c'est comme votre Dieu. Il est ouvert à toutes choses. Nous ne nous querellons pas du tout. Dans chacune de ces religions, peu importe comment vous les appelez, il y a de bonnes personnes. Il y a des gens qui exagèrent dans chaque groupe. Ils l'ont embrouillé. Lorsqu'il est sorti de Stony Mountain, les gens se battaient et les gens disaient "non, vous ne faites pas cela comme cela, il ne faut pas faire cela c'est mal". »
« J'ai rencontré cet homme dans notre collectivité; il est venu nous écouter et nous dire "Hé, je m'en vais dans une collectivité du Nord pour apporter la bonne nouvelle aux Autochtones. Je vais leur parler de Dieu". Alors, je l'ai amené à l'extérieur et je lui ai dit "lorsque vous irez dans cette collectivité, vous découvrirez que Dieu s'y trouve déjà, vous le trouverez là vous-même". Il m'a regardé et m'a demandé "Qu'est-ce que vous voulez dire?". J'ai répondu : "Allez-y simplement et vous comprendrez ce que je veux dire lorsque vous y serez". »
« Après avoir travaillé 15 ans avec des personnes incarcérées, que, qu'il s'agisse de personnes en liberté conditionnelle sous responsabilité fédérale ou de personnes ayant purgé leur peine, je constate que toutes cherchent une voie. Elles cherchent quelque chose de vrai, de véritable et pratique. Vous pouvez leur montrer une « boîte à outils » et elles peuvent y puiser un outil et se l'approprier comme elles veulent pour l'adapter à leurs mains, elles peuvent personnaliser l'outil et l'individualiser. Et elles peuvent voir juste un petit peu d'espoir, de foi ou de joie et cela les encourage suffisamment pour qu'elles se disent que peut-être cela vaut-il la peine de s'y attarder. »
« Mais, ma question est : sommes-nous prêts à faire ce que l'Esprit de Dieu veut que nous fassions? C'est pourquoi je voulais dire que, si cela vient de Dieu, ça fonctionnera, si ce n'est pas de Dieu, ça ne fonctionnera pas. Nous pouvons formuler toutes sortes d'opinions sur ce qui fonctionnera et ce qui pourrait ne pas fonctionner. Mais en bout de ligne, c'est l'Esprit qui fait que ça fonctionne. Il cherche les gens qui sont animés des mêmes idées, qui ont une vision. Le Livre d'Habakkuk dit : "L'homme qui n'est pas animé d'une vision meurt." Je pense que ce que nous cherchons depuis quelque temps, c'est une vision. Nous cherchons à comprendre ce que cela prendra, qu'il s'agisse de la spiritualité autochtone, chrétienne ou d'une combinaison d'autres religions. Mais, en bout de ligne, je reviens à ma question : cela a-t-il trait à Dieu? Parce que si cela a trait à Dieu, l'Esprit donnera une vision aux gens. Et c'est Dieu lui-même ou le Créateur qui vous a rendus libres, qui vous a emmenés sur le chemin où vous étiez ou au point où vous étiez et qui vous a montré qui Il est ou, pour adopter le langage qui inclut aussi les femmes, qui Elle est. Mais le Créateur est ici pour nous donner une vision. C'est pourquoi je demande "sommes-nous prêts à voir ce que l'Esprit veut que nous fassions?" Parce que, selon la façon dont je comprends l'Esprit, si vous n'êtes pas disposés à prendre le train en marche, il trouvera quelqu'un d'autre. »
« Je suis allé dans des sueries. Je suis allé dans les cérémonies des grandes maisons et je n'ai aucun problème face à cela. Pourtant, j'ai été ordonné ministre du culte, comme vous le savez, et de l'Église pentecôtiste, par-dessus le marché. Lorsque je vais à ces endroits, je me sens à l'aise parce que je suis à l'aise avec ma propre spiritualité. Je suis à l'aise avec qui je suis. Je peux participer à des cérémonies de brûlage, et je l'ai fait plusieurs fois, à des cérémonies de grandes maisons, à des danses et à tout le reste. Je suis à l'aise dans cet environnement. Lorsque je suis dans un environnement comme celui-là, je sais que je suis dans un univers spirituel. Je suis dans un monde où existent le bien et le mal et je peux trouver la même chose dans les cérémonies des grandes maisons, dans les grandes maisons et dans les sueries, de même que dans les églises. Je vais là, sachant que je sais qui je suis dans le Christ; j'y vais et je fais preuve de respect, je manifeste le désir d'apprendre et d'écouter et j'offre mes prières au Créateur, à Dieu par l'intermédiaire de Jésus-Christ, oui, je peux faire cela. »
« Si c'était la soirée d'un service religieux à l'église, j'y allais. J'allais à l'église catholique romaine, peu importe l'église cela ne me dérangeait pas, parce que je savais que j'y allais pour prier directement le Créateur. J'y allais pour prier pour les bonnes choses. C'est pourquoi j'y allais, pour prier pour ma famille, pour les détenus en général, pour les problèmes que nous avons dans notre société. C'est la seule raison pour laquelle j'y allais. Je n'y allais pas pour dire à tous que c'est la seule façon de faire, qu'il n'y en a aucune autre. »
Les participants avaient conscience qu'il est difficile pour plusieurs Autochtones qui ont choisi la voie chrétienne vers la guérison de suivre cette route. Que ce soit à cause de l'héritage des pensionnats ou à cause de la réapparition des pratiques spirituelles autochtones, certains participants ont admis que le fossé entre les deux approches de la spiritualité se creusait. La chrétienté est vue comme une religion d'hommes blancs et les Autochtones chrétiens peuvent être vus comme tournant le dos à leurs cultures. Plusieurs participants ont parlé de cette question. Certains ont dit ce qui suit :
« Il y a des gens, dans la collectivité chrétienne, qui sont ostracisés à cause de ce à quoi ils croient. On ne leur permet pas de choisir et on ne leur ouvre pas les portes. On croit qu'il n'y a qu'une seule façon de bonne. »
« Lorsque nous sommes tous sortis, nous avons tenté d'aller à diverses églises dans la ville, mais, je ne sais pas comment dire, certains n'ont pu s'adapter à cet environnement à cause de la couleur de la peau, c'est encore une affaire de couleur de peau. Je ne veux pas avoir l'air raciste. À un certain moment, je l'ai été, raciste, parce que je pensais toujours à la souffrance qu'on nous avait infligée, à nous les Indiens, mais je ne veux pas être comme cela, je ne veux pas vivre dans le chagrin. »
« J'ai été touché plus tôt ce matin par quelques énoncés qui me sont allés droit au cœur au sujet du christianisme et de la façon dont il fonctionne pour les gens. Je ne suis pas chrétien. C'est pourquoi cela me va toujours droit au cœur lorsque je me rappelle qu'il y a des gens qui ne tolèrent pas toutes les contradictions qu'entraîne le christianisme. J'ai entendu quelquefois ce matin des gens parler du christianisme comme d'une religion d'hommes blancs. Et cela me fait rire un peu, parce que je sais que j'ai l'air d'un Blanc. Si vous vérifiez d'où mes ancêtres étaient, vous constaterez qu'ils étaient du Liban."
« Un des principaux obstacles, c'est la peur. Il y a énormément de peur. Ou de personnes qui croient que cette façon est la bonne ou que la leur est la bonne. Nous devons tenter d'éviter cela. Nous devons plutôt tenter d'être de bons modèles pour nos clients, parce qu'au bout du compte, ce que nous voulons, c'est qu'ils se réussissent leur guérison. »
« Je trouve parfois cela plus facile à comprendre, personnellement, parce qu'étant Métis, je peux ressentir cela. J'ai été appelé sang-mêlé presque toute ma vie. Non accepté dans les cercles indiens, parce que pas suffisamment indien et non accepté dans les cercles blancs, parce que pas suffisamment blanc. Alors, où donc je me situe? Cela rend les choses difficiles parfois, mais les rend aussi plus faciles à comprendre. Parfois, nous ne sommes simplement pas acceptés. Mais je vis encore dans les deux cultures. Cela fait en sorte qu'il est plus facile pour moi de comprendre la situation. »
Les participants ont également admis que la foi chrétienne comportait différentes confessions religieuses dont il fallait prendre conscience. Bien qu'il puisse y avoir des doctrines différentes au sein de chaque confession religieuse, la pierre d'assise du christianisme, c'est le Christ. Des participants ont dit ce qui suit :
« À propos de la religion et le christianisme, quelqu'un a dit qu'il y avait une grande différence. La religion, quelqu'un a dit, est une recherche de Dieu. C'est une recherche pour combler un vide à l'intérieur de soi, un désir insatiable. Alors que le christianisme, c'est de suivre les pas du Christ, de rechercher le Christ et de le suivre, de marcher avec lui. Il y a une grande différence entre les deux et les deux ont un rôle à jouer en ce qui a trait à la forme que devrait prendre un processus chrétien de guérison. Eh bien, de toute évidence, nous allons avoir des religions différentes en cause, parce qu'il y en a certaines dans le système que nous souhaitons, le type de religion qui défend ce que pourrait être leur doctrine religieuse. À titre d'exemple, ce peut être le fait d'appartenir à une Église en particulier ou d'appartenir à une confession religieuse en particulier ou le fait d'appartenir à une religion qui défend ce que vous êtes, une religion qui vous demande de fonctionner au moyen des bonnes actions ou ce peut être une autre religion qui peut défendre le fait que vous devez adopter les enseignements du Christ et il est possible qu'il y ait d'autres religions qui puissent exiger que vous renaissiez à la vie de l'Esprit de Dieu; c'est donc dire qu'il y a toute une gamme de religions, mais c'est une chose personnelle. »
« Je soupesais cette question et, comme je l'ai mentionné, je me suis simplement demandé : de quoi aurait l'air un processus de guérison fondé sur la foi chrétienne? Un processus qui fonctionne. De quoi un tel processus aurait-il l'air pour moi? Un processus dont tout le monde sortirait heureux et suivrait l'exemple du Christ, grâce auquel le monde entier se porterait bien. Mais je vais me réveiller et me rendre compte que cela ne correspond pas à la réalité. La réalité, c'est la diversité des religions; j'écoutais les diverses remarques; je travaille personnellement pour l'Église luthérienne. Si des gens connaissent l'Église luthérienne, ils savent que c'est probablement l'une des Églises les plus conservatrices. Mais, dans mon cœur, je sais et je visite un grand nombre d'églises différentes et je connais des confessions religieuses différentes et je vous demanderais donc de chercher dans votre cœur, en tant que ministres chrétiens ou de travailleurs chrétiens. Nous avons des convictions différentes, venons de confessions religieuses différentes et avons des pratiques religieuses différentes, mais ce qui est au cœur de toute foi chrétienne, n'est-ce pas le Christ? »
« Compte tenu de mes études en théologie et de ce que j'ai entendu ici, certaines des façons dont nous travaillons ensemble et les obstacles que nous trouvons sont la recherche de qui nous sommes, ce que nous croyons et d'où nous venons. Je suppose que nous plaçons ces éléments sous des noms tels que "idéologie" ou "identité" ou "croyance". C'est une quête d'identité. Je suis anglican, en raison de ma formation théologique, mais, dans mon cœur, je suis multiconfessionnel. Je prie comme un baptiste, je rends le culte comme un catholique et je me lève et balance les bras comme un évangéliste. J'ai plusieurs mois en moi. Même dans mon Église anglicane, il y a trois grands groupes. Il y a l'Église haute, l'Église moyenne et l'Église basse. Nous les appelons la haute et capricieuse, la moyenne et floue et la basse et facile. C'est donc dire qu'il est difficile pour nous de nous trouver et de trouver nos idéologies en présence de ce courant historique dont nous faisons partie. »
On a fait valoir que les familles, les collectivités et les Églises ne sont jamais totalement homogènes. Des conflits peuvent se présenter et des alliances peuvent se conclure entre différents membres du groupe et les choses peuvent changer avec le temps. Il est important d'accepter ces courants variables et de tenter de fonctionner selon leurs paramètres. La guérison, que ce soit sur le plan individuel ou sur le plan collectif, est la capacité d'établir des rapports sains. Les obstacles aux bonnes relations doivent être reconnus, puis être anéantis par la sensibilisation, l'action et l'acceptation. Un des participants a dit ce qui suit :
« Je veux simplement dire quelques petites choses, après avoir entendu les diverses interventions autour de ce Cercle. Je pense qu'une des choses avec lesquelles nous avons beaucoup de mal, c'est une chose qu'un théoricien du nom de Stuart Hall qui écrit dans Cultural Studies Note de bas de page 13 appelle les points communs et les différences, que nous ne reconnaissons pas dans nos propres collectivités. Nous avons toujours cru que les collectivités reposaient sur le consensus et, pourtant, si nous examinons nos propres collectivités, même nos communautés religieuses et certaines collectivités pénitentiaires ou autres, elles ne reposent pas sur le consensus. Elles reposent sur des points de divergence; nous sommes tous différents et nous tentons constamment d'établir un équilibre et nous comptons sur différentes alliances, presque des identités différentes. Nous avons souvent des conflits entre alliés, même au sein de nos familles et nos collectivités. Nous avons appris comment y faire face et comment vivre dans ce contexte. Mais en sus de cela, nous tenons pour acquis que nous avons besoin d'un genre de consensus, en particulier en ce qui a trait à la question de savoir si le christianisme doit être une voie vers la guérison à l'intérieur des prisons. »
Organismes de service extérieurs
Un des participants s'est demandé si les organismes gouvernementaux ou du secteur privé travaillant avec les victimes et les délinquants autochtones peuvent être efficaces, si leurs services n'ont pas l'élément spirituel ou vont à l'encontre des croyances de la personne à qui ils s'adressent.
« Nous parlions plus tôt dans le hall, du christianisme autochtone, ce qui me transporte de joie. J'ai mené une enquête depuis que je suis à Thunder Bay, soit depuis six mois, auprès des responsables des services qui ne sont pas de nature spirituelle, services sociaux, organismes dans nos collectivités, à qui j'ai expliqué en quoi consiste notre ministère et ce que nous tentons d'offrir, et à qui j'ai demandé ce qui manquait dans leurs programmes compte tenu de ce que contient une vie équilibrée sur le plan physique, émotif, mental et spirituel. Tous, de façon unanime, ont dit que c'était l'aspect spirituel qui manquait et que c'était ce dont ils avaient besoin; ils avaient besoin que l'on fasse intervenir cet élément, pour apporter l'équilibre dans la vie des gens. »
Chapitre trois : Recherche d'un terrain d'entente
Valeurs communes
Comme on l'a relevé plus tôt dans le présent rapport, si la perception des Autochtones et celles des autres Canadiens relativement à la justice et à la guérison étaient si fondamentalement différentes, on s'attendrait à ce que le mouvement en faveur de la guérison et de la justice réparatrice soit uniquement l'affaire des Autochtones. Or, ce n'est pas le cas. Le mouvement en faveur de la justice réparatrice a évolué à partir de deux voies distinctes : les Autochtones et les groupes confessionnels.
Les participants à la réunion ont admis que les messages fondamentaux inhérents à la spiritualité chrétienne et à la spiritualité traditionnelle autochtone ne devaient pas mener à une tension entre les deux approches de la guérison. Bien au contraire, bon nombre de participants ont constaté que ces deux approches étaient compatibles. Des participants ont dit ce qui suit :
« Y a-t-il quelque chose au cœur de la spiritualité chrétienne ou de la spiritualité traditionnelle autochtone qui les empêche de collaborer l'une avec l'autre? J'entends constamment parler de cette tension et je ne la comprends pas. Tout cela me semble pourtant si simple. Peut-être que je souffre d'un blocage psychologique, mais il me semble qu'il s'agit d'une tension inutile. Quelqu'un peut-il me dire s'il existe quelque chose de fondamental, soit dans la spiritualité chrétienne, soit dans la spiritualité autochtone, qui interdise qu'elles fonctionnent ensemble, qui établisse qu'elles doivent être distinctes sur le plan des programmes et des approches? »
« Nous avons plusieurs valeurs importantes : l'amour, la compassion et le respect. Il s'agit de valeurs communes, qui s'enrichissent les unes les autres, qui ouvrent des portes aux gens; notre plus grand problème est le fait que les gens ne comprennent à quel point nous sommes libres dans ce pays. Je veux parler de la liberté de choix. Vous ne pouvez cependant pas exercer de choix si on ne vous permet pas de l'exprimer. Je crois que nous devons offrir un choix aux détenus qui se trouvent ici. »
« Une façon d'examiner ceci est de dire : "Ce n'est pas mon coffre à outils, c'est votre coffre à outils". Voici des outils, sur la table, examinez-les et prenez ce qui pourrait vous être utile. Celui-là a fonctionné pour moi et pourrait fonctionner pour vous également, tout comme il pourrait ne pas fonctionner. Vous prenez ce que vous voulez et l'ajoutez à votre coffre à outils; ces outils vous aideront à retourner dans votre collectivité, peu importe où elle se trouve. Cela représente une importante autonomisation – l'autonomisation se réalise en partie par le bien-être transmis par la tradition, le christianisme ou n'importe quoi d'autre. C'est l'approche adoptée. Il ne s'agit pas de moi, il s'agit de vous. Je ne suis ici qu'à titre de facilitateur. Tout part du dialogue, d'une conversation, d'un groupe de personnes assises dans une pièce qui en parlent et qui disent qu'il s'agit d'une bonne idée et que les choses devraient partir de là. Nous voulons lancer cette discussion de toute façon. »
« La conversion, ce n'est pas une nation qui va vers une autre pour la convertir. C'est comme Pierre lorsqu'il a rencontré le centurion Cornelius et il a dit qu'il avait eu une vision. Ils ont fait venir Pierre, mais Pierre n'était qu'un instrument. Ce n'est pas une nation qui convertit une autre nation, Dieu nous parle déjà et virtuellement avant que nous montrions ce que véritablement il dit par sa Parole et par notre présence. J'étais dans une collectivité. Il s'agissait d'une grande collectivité et j'y étais prêtre. Un jour, une personne m'a abordé et m'a demandé : "Croyez-vous en la spiritualité autochtone?" J'ai alors répondu : "C'est comme ceci : l'ancien Testament, ils ne l'ont pas jeté, ils l'ont conservé. Le Nouveau et l'Ancien Testaments ont été fondus. C'est la même chose pour nous, qui nous sommes, qui nous étions depuis le début. »
Quelqu'un a mentionné au cours de la réunion que les détenus non autochtones pouvaient souvent bien volontiers participer aux programmes pour les Autochtones et qu'ils en tirent profit. Un participant a résumé cela de la façon suivante :
« Je veux simplement vous en faire part parce que c'est mon expérience de travail dans le système fédéral. Je veux simplement souligner le fait que les détenus blancs, s'ils désirent participer à la cérémonie de la suerie, peuvent le faire volontiers. Ceux qui ont expérimenté cette partie en ont véritablement retiré des bienfaits. Ç'a été une expérience positive pour eux. Je parle uniquement de l'établissement où je travaille. Je ne sais pas ce qui se passe dans d'autres établissements, s'il s'agit d'une pratique répandue. »
Tout au long de la réunion, des participants sont fréquemment revenus à la question de savoir si des disciplines de la spiritualité chrétienne autochtone et de la spiritualité traditionnelle pouvaient travailler ensemble. Ils ont admis qu'il n'était pas facile d'unir les deux forces, mais que cela était possible si les deux parties gardaient un esprit ouvert et avaient toujours conscience que le but des deux approches est de soutenir un individu dans son parcours vers la réconciliation. Voici ce qui a été dit au cours de la réunion :
« Je tiens pour acquis que ce sont les chrétiens autochtones et non uniquement les chrétiens en général et, bien évidemment, les Autochtones traditionalistes qui travaillent ensemble. Là où il y a un intérêt et une volonté de la part des traditionalistes et des chrétiens, dans le respect mutuel, la chose est possible. Vous ne pouvez pas forcer les Autochtones traditionalistes et les Autochtones chrétiens à travailler ensemble sur quoi que ce soit. Mais je crois que s'il y a un intérêt et une volonté et en fonction des valeurs communes, en commençant avec le respect mutuel, la chose est possible. Je crois que si nous cessons de nous concentrer sur nous-mêmes pour nous concentrer sur les personnes, la famille et la collectivité et que l'objectif est la guérison, en d'autres mots si nous cessons de nous concentrer sur nos propres approches de la guérison et nous concentrons sur l'individu, la famille et la collectivité et leur guérison, je crois que cela est possible. »
« Je crois que dans ce continuum de la guérison, certaines personnes commencent à peine leur processus et voient le christianisme ou l'Église comme l'agresseur. Leur attitude face à l'Église est de dire "regardez ce que l'Église a fait à nos familles et nos collectivités. Le christianisme a décimé nos familles et nos collectivités." C'est la mentalité de certains. Je pense qu'il va falloir que les leaders autochtones chrétiens, les aumôniers, les gens qui vont dans les prisons et les traditionalistes s'assoient et contractent un engagement officiel et, une fois encore, il faut qu'ils se concentrent non pas sur eux-mêmes, mais sur la guérison des individus, des familles et des collectivités. Si c'est notre but avoué, il y a des façons de l'atteindre. Il existe diverses voies qui y menent. Je crois que cela peut fonctionner, mais, encore une fois, il faut que ces personnes s'assoient en cercle, comme ici, entreprennent un dialogue et parlent de leurs valeurs communes et discutent de la façon d'améliorer leurs rapports. »
« Il y a quelques pensées, je crois, qui traînent dans mon cœur en ce qui a trait à cette question de savoir si des chrétiens et des traditionalistes peuvent ou non travailler ensemble pour aider des personnes, des familles, des collectivités. J'ai dit "non", absolument, de façon claire, nette et précise. Puis, j'ai dit "oui" tout à fait, ils le peuvent. Ensuite, j'ai pensé "eh bien, avec Dieu, tout est possible." J'ai pensé que l'Écriture sainte dit "comment deux personnes peuvent-elles marcher ensemble à moins d'être d'accord?". C'est ce que dit l'Écriture. C'est véritablement ce qui est dans l'Ancien Testament et, en fait, c'est mentionné plusieurs fois dans la Parole de Dieu. "Comment des personnes peuvent-elles marcher ensemble à moins de s'entendre?" Tout cela me vient à l'esprit et je me dis qu'il y a plusieurs couches à la collaboration. Il y a plusieurs critères et il y a la façon de percevoir le monde d'une personne. Votre façon de voir le monde et ce que vous croyez être la réponse à la vision de ce que vous voulez accomplir lorsque vous travaillez avec les gens, cela déterminera si deux personnes peuvent travailler ensemble ou non, je crois. En conséquence, la mission et la façon de voir le monde de certains peuvent être telles, que ces personnes ne seront pas en mesure de travailler ensemble, de s'entendre. »
« Je ne sais pas pourquoi, nous avons cru que les collectivités reposaient sur le consensus. Pourtant, si nous examinons nos propres collectivités, même nos collectivités religieuses et certainement celle du milieu pénitentiaire, elles ne reposent pas sur le consensus. Elles reposent sur des unités de différences. Nous sommes tous différents et nous tentons constamment de composer avec cela. Nous acceptons différentes alliances, presque des identités différentes et à la conclusion d'une de ces alliances, nous négocions. Nous négocions toujours dans ces domaines et nous nous privons de ces alliances aussi. Mais nous avons des différends avec nos alliés, même dans nos familles, nos collectivités. Nous apprenons comment négocier face à cela et comment vivre avec ces différends. Et quand, à l'occasion, nous nous extirpons de cela, dans un cercle comme celui-ci, nous tenons pour acquis que nous devons en arriver à un genre de consensus, en particulier à ce qui a trait à la question de savoir si le christianisme doit être une route vers la guérison dans les prisons. »
Choix individuel
Au départ, la clé d'une guérison concluante est l'offre de choix à la personne et la possibilité pour elle d'exprimer sa liberté en retenant ce qui fonctionne pour elle. Le choix mène à l'autonomisation qui apporte la force permettant de guérir. Voici ce qu'un participant a fait remarquer :
« Je crois que nos détenus actuels ont besoin de ce choix, de la possibilité de se dire qu'ils peuvent aller parler à un Aîné ou se rendre à un lieu réservé aux pratiques spirituelles où Jésus est identifié comme étant la réponse. Par exemple, dans un cas, le juge a dit que, pour obtenir la libération conditionnelle, la détenue devait fréquenter un Pavillon de ressourcement de culture traditionnelle. "C'est la seule façon d'obtenir la libération conditionnelle". La délinquante a dit "non, je ne veux pas me rendre dans un Pavillon de ressourcement. Ce n'est pas ce en quoi je crois. Je suis une chrétienne et je ne veux pas aller là." Le juge a rejeté sa demande, apparemment un certain nombre de fois.
En dernier lieu, un autre juge, Murray Sinclair, a eu le droit de travailler avec elle. Il lui a demandé "madame, pourquoi est-ce que vous ne voulez pas participer aux cercles de guérison? Vous voulez la libération conditionnelle, n'est-ce pas?" Elle a répondu "je veux la libération conditionnelle, mais je ne crois pas en cela et je ne veux pas y aller." Alors, le juge Sinclair a demandé "qu'est-ce que vous voulez?" Elle a répondu : "Je veux une place où je peux aller, à laquelle je crois, un lieu comme un lieu de guérison chrétien." Le juge Sinclair a dit : "Madame, je vais vous accorder cette possibilité" et il lui a donné cette possibilité.
Elle est allée à l'endroit où elle voulait aller. Et le juge a dit que cela remontait à plusieurs mois et que depuis, elle n'était plus revenue et il n'avait plus entendu parler d'elle. En ce qui le concernait, elle avait complètement réglé les problèmes qu'elle avait et avait pu obtenir une libération conditionnelle.
En conséquence, ce que le juge disait c'était "regardez, ce dont nous avons besoin, ce n'est pas simplement d'une approche culturelle, mais aussi d'un choix". Le choix peut comprendre énormément de choses, mais l'une d'entre elles est, pourquoi pas, le christianisme ou l'approche chrétienne. Et j'ai pensé que finalement, Dieu merci, il y avait quelqu'un, notamment un juge, qui était prêt à dire "nous, humains, avons un choix. Nous avons besoin qu'on nous donne le choix". Et c'est ce qu'il a fait. »
Un autre participant a parlé de l'importance que les autres acceptent des choix différents et les conséquences que cela a eues sur sa propre vie, tant sur le plan individuel, que sur le plan de son travail auprès des autres. Voici ce qu'il a dit :
« J'ai entrepris un traitement moi-même, parce que je savais qu'il y avait quelque chose d'autre dans la vie que ce que je vivais alors. Quand je suis arrivé, je devais accomplir plus de choses traditionnelles. J'avais toujours une certaine crainte en moi. Je n'étais pas sûr de pouvoir participer. Alors, j'ai décidé de défendre Dieu là-bas. Il s'agissait d'un cercle semblable à celui-ci. Tous les matins, nous étions 15 environ, à faire nos déclarations solennelles ensemble. Je me suis levé et j'ai dit que je ne pouvais plus faire de purification par la fumée et d'autres choses encore, parce que je croyais en Dieu et je me suis dit "ça y est, ils vont m'expulser de ce cercle". Mais ils m'ont plutôt accueilli. Depuis lors, et cela remonte à 13 ans, je fais la purification par la fumée et je parle avec l'Aîné. Il me parle et nous pouvons nous asseoir et parler de choses diverses. Il ne me dit jamais "Si tu les emmènes à l'église, tu n'es rien qu'un…" S'ils veulent aller à l'église, je les y emmène. S'ils veulent aller cueillir du cèdre, je les y emmène. Mais en ce qui concerne l'Aîné et moi, nous avons dû nous asseoir et régler tout cela. La crainte, de son côté comme du mien, était un gros facteur. Je ne savais pas à quoi m'attendre. Mais, maintenant, tout cela est réglé et je crois que nous pouvons travailler ensemble. Il faut cependant être disposé à adopter (le) point de vue (de l'autre) et je crois qu'il a adopté un peu le mien également. Ce n'est pas unidirectionnel. Je crois personnellement que tout peut fonctionner, si on le veut réellement. »
Comme on l'a déjà fait remarquer plus tôt, plusieurs participants à la réunion ont souligné l'importance d'accorder aux individus la possibilité de choisir la meilleure voie pour leur parcours de réconciliation et ce choix doit être reconnu et respecté. Les participants ont fait remarquer ce qui suit :
« Je sais que le Créateur que je sers est un bon Dieu; il veut que j'aime mon voisin et qui il est comme personne, et nous pouvons parler des gens; tous ne sont pas de Dieu. Lorsque vous naissez, vous êtes pur. Il n'y a rien de néfaste en vous, à votre naissance. L'élément néfaste vient avec le temps, lorsqu'on vous instruit dans ce sens. À votre naissance, vous êtes pur. Là encore, avec les choix, cela a une très grande importance. C'est vous que cela regarde si vous voulez suivre cette voie. Alors, respectons ces choix. Il faut du respect. »
« Encore une fois pour revenir au choix, je crois que les gens ont besoin de pouvoir choisir et il ne peut pas s'agir exclusivement de la spiritualité autochtone traditionnelle. Ce peut même n'être pas du tout fondé sur le christianisme. Vous devez permettre au délinquant de choisir la voie de sa guérison. Vous ne pouvez pas la lui imposer. C'est un peu ce qui nous est arrivé, à nous, les Autochtones, il y a 100 ou 200 ans. Le christianisme nous a été imposé. Il faut respecter les diverses traditions et le christianisme est une tradition. La spiritualité autochtone en est une autre. Si le respect est une valeur fondamentale que nous avons tous, c'est une valeur commune. Nous parlons beaucoup du respect. Et pourtant, c'est manquer de respect envers l'autre tradition que de l'exclure par les politiques ou autrement. Je cois que c'est répréhensible. »
D'autres participants ont affirmé avec vigueur que le choix était précieux et important, en particulier dans le cas des délinquants autochtones dans les établissements fédéraux. Voici ce qu'ils ont dit :
« Nous avons plusieurs valeurs importantes : l'amour, la compassion et le respect. Il s'agit de valeurs communes, s'aider les uns les autres, s'ouvrir la porte. Là où j'ai énormément de difficulté, c'est dans le fait que les gens ne comprennent pas la liberté dont nous jouissons dans ce pays. Il s'agit de la liberté de choix. Mais vous ne pouvez pas exercer de choix, si on ne vous permet pas d'exprimer votre opinion. Je pense que nous avons besoin de permettre aux détenus de choisir. »
« Je sais peu de choses au sujet de la spiritualité autochtone pour me permettre d'en parler. J'ai été élevé dans la foi catholique et j'aime être un catholique. C'est donc dire que je vais parler en adoptant ce point de vue. J'encourage les détenus avec lesquels je travaille à suivre leur spiritualité. Je travaille pour eux. Je les encourage à suivre cette spiritualité. Je sais que l'établissement où je travaille offre les ressources à cet égard et le SCC a rendu la chose possible et encourage véritablement les gars à vivre leur spiritualité autochtone si c'est la voie qu'ils veulent suivre. Je sais également que certains détenus qui suivent la tradition autochtone sur le plan de la spiritualité viennent malgré tout à mes offices religieux. Lorsque je sers la messe, ils ne sont pas isolés. Ils ont la possibilité d'adopter la voie qu'ils veulent. S'ils veulent embrasser les deux religions, je les encourage à le faire. Et je crois, personnellement, qu'il est important d'avoir une vie spirituelle. C'est un besoin fondamental pour chaque humain. Cela a prodigieusement bien fonctionné pour moi et pour ma vie, parce que j'ai suivi la voie spirituelle. J'ai eu l'impression d'être guidé par cette voie et j'ai mené une bonne vie. »
« Et alors, si j'examine ce qui se produit chez les personnes qui sont incarcérées et quels sont leurs besoins, alors c'est la priorité pour moi. Le cœur de tout cela, c'est le sens de la vie. Ce sens peut être une chose à laquelle vous faites appel, à partir d'aspects traditionnels ou d'aspects chrétiens, qui sont aussi valables à cet égard. »
« Est-ce que nous le ferons? Ça, c'est l'autre partie de la question. Un des éléments les plus importants au fait de travailler ensemble, et j'entends tout le monde dire cela, c'est le respect. Je pense que le respect, c'est de comprendre, se comprendre les uns les autres, comprendre que ma façon de manger, de parler, de m'arranger est différente de la vôtre. Je respecte cela. Je respecte également le fait que vous soyez un joueur de hockey plus nul que moi. Et, même, je préfère qu'il en soit ainsi. »
Alors que bon nombre de participants ont parlé de la nécessité de respecter les différentes approches, ils ont admis qu'il y a bien des façons de se lier au Créateur et que le parcours vers la plénitude spirituelle est ce qui compte. Un participant a dit ce qui suit :
« J'ai lu un livre écrit par Richard Twist. Twist est un pasteur de la Première nation des Sioux Dakota de Rosebud, dans le Sud du Dakota et il a fait une déclaration qui m'a énormément touché. Il a dit "Jésus ne m'a jamais demandé de me défaire de mon identité d'Indien". J'ai lu cette page plusieurs fois. Jésus veut que je fasse l'expérience de ma culture par l'intermédiaire de qui je suis. Dans les années 1960 et 1970, quand a commencé le Mouvemet de Jésus, on a introduit les batteries et les guitares dans les églises et, maintenant, on en voit partout. Pourquoi les gens ne pourraient-ils pas porter leurs insignes et apporter leur tambour et danser dans les églises? Dieu est au-dessus des cultures, le Créateur est au-dessus de toutes les cultures. Il parle cri, ojibway, tagal ou chinois, peu importe. Vous devez écouter le message de l'Esprit. Si l'Esprit vous dit que vous pouvez faire une chose, alors faites-la. Une personne a demandé "je vais à la cérémonie de la suerie le vendredi et je viens à la chapelle le samedi, est-ce que cela va?" J'ai répondu "Bien sûr, que ça va". "Vous êtes un pasteur et vous me dites que ça va!" Et j'ai répond "oui, ça va. Qu'est-ce que vous cherchez à l'intérieur de la suerie?" "Je prie Jésus", a répondu cette personne. "Qu'est-ce que votre cœur réclame si fort?" "Mon cœur réclame l'accord avec mon Créateur." J'ai répondu "c'est la bonne voie. Ne laissez personne vous dire que vous ne pouvez pas faire cela, parce que c'est entre vous et le Créateur. Essentiellement, c'est cela, entre vous et le Créateur. Il faut faire la paix avec qui vous êtes." Cette personne m'a demandé "vous faites du tambour avec nous, vous vous purifiez par la fumée avec nous, vous fumez la pipe. Pourquoi?" J'ai répond "Parce que quand je le fais, mon Créateur est là à côté de moi." Il ne me fait pas le signe du pouce en bas, il me fait le signe du pouce en haut. Je suis en paix avec moi-même." »
Unir les approches chrétiennes et traditionnelles
L'un des aspects probablement les plus litigieux dans les écrits et sur Internet, c'est le mélange des pratiques traditionnelles et chrétiennes dans le cérémonial des services chrétiens. Certaines collectivités autochtones, qui ont de profondes croyances chrétiennes, considèrent toute forme de pratiques traditionnelles, surtout dans les offices religieux, comme « païennes ». D'autres collectivités, cependant, accueillent volontiers l'insertion de symboles et de pratiques traditionnelles, telles que le brûlage d'herbes sacrées, dans leurs cérémonies chrétiennes. Des auteurs Note de bas de page 14 ont formulé le problème de la façon suivante :
Certains chrétiens qui suivent la Bible à la lettre voient tous ces signes comme inutiles au mieux, et comme diaboliques, au pis. Ils nous disent que Dieu n'a pas besoin de tout cela et nous non plus. Nous devrions simplement mettre notre foi en Jésus, nous en tenir à la Bible et oublier le reste. Cependant, lorsque nous consultons la Bible, nous constatons que Jésus a lui-même utilisé des choses ordinaires de la Terre pour faire passer son message, le pouvoir et la guérison. L'eau est utilisée pour baptiser et l'huile, pour guérir. Dans l'Évangile de Jean (9,6), Jésus crache sur un peu de terre pour en faire une pâte dont il frotte les yeux d'un homme aveugle, dans le but de le guérir. Pourquoi, alors qu'un mot aurait suffi? Il utilise des choses ordinaires, et cependant de façon magnifique, comme la transformation du pain et du vin en son corps et son sang, le don suprême.
Alors, qu'en est-il de cette fumée sainte? Dans l'Ancien Testament, à la demande de Dieu, de l'encens lui est offert chaque jour. (Exode, 30, 1-8) David, le grand roi hébreux, compare sa prière à cette offrande parfumée. Laissez ma prière monter tel un encens qui vous est offert. Les mains que je lève sont comme l'offrande du soir. (Psaume 141, 1-2)
Certaines des choses que nous utilisons d'une façon spirituelle, nous les appelons les sacramentaux. La fumée parfumée est l'un de ces sacramentaux. Elle est utilisée par des peuples dans le monde entier depuis des millénaires. Les herbes sacrées, la sauge, le cèdre, etc. sont tous des formes d'encens que l'on retrouve dans les cultures des Premières nations. Ils sont utilisés comme façon d'honorer le Créateur, comme signe d'une prière qui monte vers Dieu et de la douceur de cette prière. C'est un signe d'humilité (l'humilité des plantes) et de pureté (l'effet purificateur du feu). En outre, pour les chrétiens, la fumée rappelle le nuage lumineux qui masque la gloire de Dieu.
La pratique religieuse catholique de l'utilisation de l'encens repose sur la Bible et sur une longue tradition chrétienne. Dieu est l'auteur de cet usage. Il ne fait rien inutilement et ridiculiser cette pratique, c'est ridiculiser Dieu.
Il ne fait pas de doute, pour les participants, qu'il y a de la tension entre certains défenseurs des croyances chrétiennes et des croyances traditionnelles. Ils croient que cette tension profonde existe depuis longtemps et est l'un des principaux obstacles au respect mutuel. Dans certains cas, en particulier en ce qui concerne les délinquants autochtones dans les pénitenciers fédéraux, certains pensent que les détenus se sont souvent sentis forcés de participer aux pratiques spirituelles traditionnelles. Peu importe d'où vient la tension et pourquoi elle s'est intensifiée au fil des ans, ces participants croient qu'elle a nui au choix, au respect et à la guérison. Des participants ont dit ce qui suit :
« Dans le passé, on a hésité, des deux côtés, à entrer dans la sphère d'influence de l'autre, craignant de marcher sur les pieds de quelqu'un. Dans certains cas, on a hésité à amalgamer ce que les gens sentaient comme pouvant faire partie du processus ou du symbolisme de l'autre, pour créer quelque chose de différent mais qui combine ce que la collectivité croit être le meilleur des deux univers. Je n'ai pas la réponse. »
« J'ai entendu une chose qui m'a surpris. Mais peut-être qu'elle ne vous surprendra pas, vous. Je vais vous présenter cette chose sous forme de question. Y a-t-il fondamentalement quelque chose au cœur du christianisme ou de la spiritualité autochtone traditionnelle qui les empêche de collaborer? J'entends constamment parler de cette tension. J'entends dire qu'il y a une tension et je ne la comprends pas. Cela me semble si simple et les choses qui semblent simple le sont généralement. Je simplifie exagérément. Mais de quoi cela aurait-il l'air? Peut-être que les gens pourraient laisser tomber leurs craintes et dire "d'accord, nous n'allons pas régler la question en nous disputant. Trouvons un terrain d'entente." Peut-être que j'ai un blocage psychologique, mais il semble y avoir une tension inutile. Peut-être quelqu'un pourrait-il me dire s'il y a quelque chose d'essentiel dans le christianisme ou dans la spiritualité autochtone qui leur interdit de fonctionner ensemble, qui les oblige à constituer des programmes et des approches séparés. »
« Cela se produit dans d'autres organismes, d'autres Églises et d'autres confessions religieuses. Partout où se rencontrent des Autochtones et des non-Autochtones, il y a cette dynamique de rejet de l'autre, de rejet mutuel ou de tentative de contrôler l'autre ou de faire preuve de violence. Et la violence peut prendre plusieurs formes. Elle peut être verbale, psychologique, psychique; certaines de ces attitudes sont ancrées depuis longtemps. »
« Je sais que de l'argent est versé à des gars pour jeter des malédictions sur des personnes et j'ai vu des Aînés faire un mauvais usage des cérémonies. Cela se fait. Cela arrive. Mais vous ne pouvez pas supprimer l'ensemble de l'expérience traditionnelle indienne à cause d'abus. Si c'est une chose que nous devons faire, alors je vais éliminer un fort pourcentage de ministres et de prédicateurs, qui se fondent sur la Bible ou sur autre chose, de prêtres et de religieuses, ainsi que de rabbins, pour la même raison. Cela témoigne tout simplement de la condition humaine qui comporte toutes sortes d'imperfections. Le plus tôt dans la vie vous pouvez faire la paix en acceptant que les humains sont faibles, et il y a des moyens et des façons de surmonter les faiblesses et d'aider les gens, le mieux ce sera. »
« Je me rends compte que des obstacles viennent parfois des chefs de nos confessions religieuses. Lorsque nos supérieurs constatent ce que nous faisons réellement, ils nous font venir pour une conversation père-fils et disent "je ne suis pas sûr que vous devriez véritablement faire cela, parce que vous portez atteinte à l'intégrité de qui vous êtes". C'est un des obstacles et une des limites que l'on peut nous imposer. Mais voyez-vous, c'est l'Esprit qui fait appel à nous pour réaliser ce qui doit l'être. Peu importe ce que l'Homme dit, c'est le Créateur qui nous donne notre feuille de route. »
« Si l'on veut respecter la diversité, il faut que l'on inclue la diversité du point de vue de la spiritualité, peu importe la façon de l'appeler. Je crois que le christianisme doit faire partie de ce cercle. Je veux dire que nous vivons dans une société pluraliste. Nous ne pouvons pas dire que le programme va reposer exclusivement sur la foi chrétienne, mais les gens doivent avoir cette possibilité. Je pense qu'à l'heure actuelle, de mon point de vue, il y a énormément de chrétiens autochtones en prison. Ils ont un passé chrétien et ils se sentent forcés de participer à des cérémonies traditionnelles qui les rendent mal à l'aise. Je pense que cela n'est pas bien. Et encore une fois, pour revenir au choix, je crois que les gens ont besoin d'un choix et ça ne peut pas être exclusivement la spiritualité autochtone traditionnelle. Il est même possible que ce ne soit pas une spiritualité fondée sur la foi chrétienne. Vous devez permettre au délinquant de choisir le chemin de sa guérison. Vous ne pouvez pas le lui dicter. C'est un peu ce qui nous est arrivé, à nous, Autochtones, il y a 100 ou 200 ans. On nous a imposé le christianisme. C'est donc dire que je ne crois pas qu'une option doive en exclure une autre. C'est un choix réel. Donc, il faut respecter les différentes traditions, et le christianisme est une tradition. La spiritualité autochtone en est une autre. Si le respect est une valeur fondamentale que nous avons tous, il s'agit d'une valeur commune. Nous parlons beaucoup de respect. Si nous manquons de respect envers l'autre tradition en l'excluant, par l'intermédiaire des politiques ou autrement, je crois que cela est répréhensible. »
Une participante a apporté une perspective intéressante au sujet du contexte de ces tensions, en mentionnant un livre intitulé The Argument Culture (La culture de l'argument) – Deborah Tannen. Random House, 1999. Elle a présenté le principe de départ du livre de la façon suivante :
« Je pense qu'en ce qui concerne la question de savoir si les Autochtones et les chrétiens peuvent travailler ensemble, nous devons d'abord comprendre une partie du problème avant de pouvoir répondre. Dans un de mes cours universitaires, j'ai utilisé ce livre intitulé The Argument Culture. Le livre traite du fondement de la façon dont les forces coloniales sont arrivées. L'approche généralisée a été la culture de l'argument. Cette culture est encore présente dans nos arènes politiques d'aujourd'hui, où nous mettons les autres personnes politiques en pièces pour nous élever nous-mêmes. C'est donc dire que l'argument utilisé est que la culture est omniprésente et qu'elle est aussi très absolue. C'est "j'ai raison et vous avez tort". Cela donne naissance à toute une approche ethnocentriste. Ce raisonnement est omniprésent partout en Amérique du Nord et il s'est très certainement répandu dans nos Églises : les absolus. Tout doit être vrai ou faux. Nous sommes des personnes spirituelles et vous êtes des païens. Ces façons de penser existent malheureusement et je ne sais pas quelle est la réponse pour se défaire de cela et en arriver à un terrain d'entente. En outre, l'auteure parle du fait que, si vous ne pensez pas comme moi, je vais vous diaboliser. Je crois que cela s'est produit très fréquemment parmi nous, Autochtones, et d'une façon ou d'une autre, nous devons nous débarrasser de cela. »
En adoptant le principe de départ selon lequel la spiritualité est essentielle à tout processus de guérison concluante, et la façon dont une personne exprime cette spiritualité est une question de choix, qui doit être respectée, toute tension entre les pratiques spirituelles chrétiennes et traditionnelles est un empêchement à la guérison. Bien que certains participants aient reconnu que ces obstacles existaient, ils avaient l'impression que le dialogue menant à une compréhension plus approfondie des valeurs communes était important. En respectant le but que l'autre vise comme nous, à savoir la guérison des personnes, des familles et des collectivités, il est possible de trouver des occasions de travailler ensemble. Certains participants ont dit que des accords ou des conventions pouvaient être conclus entre les diverses parties pour que l'énergie actuellement engloutie par les tensions passe à des activités menant à la guérison et au bien-être.
« S'il y a un intérêt et une volonté fondés sur des valeurs communes, en commençant par le respect mutuel, il est possible de travailler ensemble. Si nous renonçons à la perspective de nos propres approches de la guérison et nous nous concentrons plutôt sur l'individu, la famille et la collectivité et leur guérison, je crois que cela est possible. Il y aura toujours des obstacles. Dans un contexte interreligion, il y a des traditions différentes, mais il y a une façon de travailler ensemble efficacement. Des groupes différents ont convenu de certaines choses. Cela se produit tout le temps et il n'y a pas de raisons que cela ne fonctionne pas ici. »
« Ce qu'il faut qu'il se produise, c'est que les leaders autochtones chrétiens, les aumôniers, les gens qui vont dans les prisons et les traditionalistes s'assoient et tentent d'en arriver à un genre de convention et, encore une fois, se concentrent non pas sur eux-mêmes, mais sur la guérison des individus, des familles et des collectivités. Il y a des façons d'atteindre ce but et différentes voies pour y parvenir. Cela peut fonctionner, mais, encore une fois, ces personnes doivent s'asseoir en un cercle (un peu comme celui-ci) et entreprendre un dialogue au sujet des valeurs communes et de la façon d'améliorer (leurs) relations. »
« Je crois qu'il y aura toujours des obstacles. Même dans un contexte interreligion et un dialogue interconfessionnel. Nos traditions sont différentes, mais je crois qu'il y a une façon ocuménique de travailler ensemble. Vous savez qu'il y a divers groupes qui ont pris des engagements formels et se sont mis d'accord. Ils ont suivi un processus de prise de décision consensuel au cours duquel ils se sont mis d'accord sur des valeurs et des principes à partir desquels travailler et collaborer pour atteindre un but. Cela se produit tout le temps; même au sein de cercles évangéliques, des engagements évangéliques et des engagements ocuméniques sont pris. Cela peut fonctionner. »
« Donc, je pense que le parcours que nous devons entreprendre à ce stade-ci commence, d'après ce que mes voisins de gauche et de droite ont dit, par un profond respect des différences de l'autre, de même que des nôtres. Il faut remplacer la fierté et l'autorité par l'humilité et le désir d'apprendre, d'être ouvert et d'écouter, c'est la clé. Être présent à l'autre, se tourner entièrement vers l'autre, recevoir l'autre et lui demander le même cadeau. C'est à ce point que nos différences commencent à devenir autre chose que des obstacles, c.-à-d. , des possibilités. »
Un participant, qui avait été arrêté et placé en détention préventive avec plusieurs autres accusés autochtones, a témoigné d'un exemple de pratiques traditionnelles et chrétiennes ayant été harmonisées.
« J'ai été arrêté. Cinquante-trois d'entre nous ont été arrêtés en vertu de cette fameuse loi antigang qu'ils ont créée, ici au Canada. Dans la soirée, nous avons prié avant de nous coucher. Au tout début, nous n'étions que quelques-uns. Nous avons prié avec de la musique biblique. Nous avons commencé par prier en invoquant le nom de Jésus et certains des frères se purifiaient par la fumée. Une année a passé, il y avait 10 gars dans un cercle qui priaient Jésus et 15 autres qui se purifiaient par la fumée, tous en même temps. L'atmosphère est devenue très spirituelle. Tout le monde savait qu'avant d'aller au lit, tous priaient en cercle. Même les gardiens sont venus et certains se sont joints à la purification par la fumée et d'autres à la prière à Jésus. Il n'y avait pas de guerre. Si vous y aviez été, vous comprendriez exactement de ce dont je parle. Il n'y avait pas de mur infranchissable. Si vous voulez prier d'une certaine façon, allez-y. Si vous voulez prier d'une autre façon, la même chose. C'est ce que j'ai vécu pendant mon séjour là-bas. »
Identité et respect
Plusieurs participants ont admis que les deux approches, de la guérison des individus et des collectivités, soit l'approche chrétienne et l'approche traditionnelle, devaient se concentrer sur la question de leur identité en tant qu'Autochtones. Un individu a besoin de trouver sa place en lui-même, au sein de sa famille et de la collectivité, de même qu'entre lui-même et le Créateur. Sans cette assise profonde, une personne ne peut trouver de sens véritable à la vie et ne peut entreprendre le parcours de sa réconciliation.
Les participants à la réunion ont dit qu'ils croyaient à un certain nombre de choses, notamment ce qui suit :
« Lorsque vous examinez ce qui se passe du point de vue des personnes qui sont incarcérées et de ce dont elles ont besoin, au cœur de ces besoins, il y a le sens de la vie. Ce sens peut être quelque chose que vous tirez des aspects traditionnels ou des aspects chrétiens et ils sont aussi valables, en fait. Il a aussi été question de l'élément de l'identité, essentiel à la guérison; ces deux choses sont essentielles à la guérison. »
« Des deux côtés, on change ses attitudes et ses approches, pour adopter une approche plus réparatrice. Nous avons plusieurs programmes et projets de justice réparatrice où une personne fait face à toute la famille. Un programme a été fructueux au point où une personne qui a été innocentée en cour et qui n'avait plus rien d'autre à accomplir, est revenue et a entrepris le programme malgré tout, avec sa famille. En ce qui concerne la partie chrétienne autochtone du programme, nous avons commencé à examiner le principe de départ selon lequel la guérison est nécessaire à toute personne pour devenir une bonne personne. En deuxième lieu, la spiritualité, peu importe laquelle, est le fondement de la guérison. Je me rends compte à quel point les pratiques spirituelles traditionnelles ont affirmé notre identité et, évidemment, bon nombre d'Autochtones sont à la recherche d'eux-mêmes et retournent à la spiritualité et la culture traditionnelles et je ne me sens pas menacé par cela, en tant que chrétien, mais pas du tout. »
« Il me faudrait dire que, de façon générale, toute spiritualité, qu'il s'agisse de la spiritualité autochtone traditionnelle, chrétienne ou d'autre, toute spiritualité générique qui affirme et célèbre l'identité donnera de bons résultats. Dans un contexte chrétien, nous apprenons que si nous voulons atteindre nos gens avec l'Évangile, nous devons être proches de la réalité culturelle, nous devons célébrer notre identité autochtone. Cela, en soi, contribuera au processus de guérison. »
Les participants ont affirmé de façon très claire que toute approche de guérison individuelle ou communautaire devait viser avant tout la personne, quelqu'un qui a le choix de suivre la route traditionnelle ou chrétienne vers la guérison. Peu importe l'approche choisie, son choix doit être entouré de tout le respect qui lui est dû.
« Comment respecter le choix d'une personne dans le contexte des prisons où bien souvent la personne à qui nous avons affaire a, dirai-je, passablement moins de latitude que dans un autre contexte. Il y a quelques réflexions qui me restent dans le cœur, relativement à cette question de savoir si les chrétiens et les traditionalistes peuvent ou non travailler ensemble pour aider la personne, la famille et la collectivité. J'ai dit "non, absolument non", puis j'ai dit "oui, absolument, c'est possible". Ensuite, j'ai pensé "eh bien, avec Dieu, tout est possible". Ensuite, je me suis rappelé que les Écritures saintes disent "comment deux personnes peuvent-elles marcher ensemble si elles ne sont pas d'accord?" Il y a la mission, le mandat et la vision; ces choses détermineront si les deux groupes peuvent ou non travailler ensemble. »
Le groupe a conscience qu'il y a de réelles différences entre les croyances spirituelles des gens et que cela peut engendrer de la dissension au sein des familles et des collectivités. On convient de façon consensuelle cependant que ces différences ne doivent pas empêcher de reconnaître le fait que le but ultime de la spiritualité est la guérison.
Le besoin d'un dialogue
Le Pape Jean-Paul II a défendu ce point de vue dans le discours qu'il a livré à l'Assemblée interreligion le 28 octobre 1999, quand il s'est dit très heureux de l'établissement de relations interreligieuses et qu'il a encouragé la poursuite d'un tel dialogue et une telle action pour le bien de l'humanité. Il a dit : « La tâche qui nous attend est donc de promouvoir une culture de dialogue. Individuellement et ensemble, nous devons montrer comment les croyances religieuses inspirent la paix, encouragent la solidarité, encouragent la justice et soutiennent la liberté. » Il a également dit : « Une plus grande estime mutuelle et l'accroissement de la confiance doivent mener à une action commune encore plus efficace et mieux coordonnée au nom de la grande famille humaine. »
Lorsque nous avons demandé si les Autochtones et les chrétiens, les traditionalistes et les chrétiens pouvaient travailler ensemble, voici les réponses que nous avons obtenues :
« Je dirais que oui. Je crois que si nous devions faire avancer certaines questions, il faudrait s'y attaquer et peut-être convenir de ne pas être d'accord relativement à certaines choses. Par exemple, je n'aime pas beaucoup que vous psalmodiez et participiez à des sueries. Pour moi, c'est la communion et Amazing Grace et cela me convient. Mais si nous pouvons convenir que nous ne sommes pas d'accord relativement à certaines choses et malgré tout trouver des points communs à partir desquels travailler, alors ce sera possible. »
« Une analogie qui peut aider à comprendre c'est celle d'un couple en instance de divorce. Si les parents veulent que les choses se déroulent bien pour leurs enfants, ils tenteront de laisser derrière eux énormément de leurs différends pour que la famille puisse continuer de grandir d'une façon saine. C'est dire que je crois parfois que, pour différents groupes de confessions différentes, de pratiques différentes, nous devons laisser de côté certains de nos partisans et certaines de nos hésitations, etc., adopter ce qu'il y a de mieux chez chacun, pour la guérison et le bien-être de ceux qui souffrent et ont besoin de quelqu'un pour s'occuper d'eux. »
« Il est important de se rendre compte qu'il est question de travailler ensemble et non de prier ensemble. Le pentecôtiste ne va pas se mettre à dire amen lorsque le wiccan prie son Dieu. Le sikh ne va pas s'agenouiller et dire "voilà cela correspond à mon crédo" quand le rabbin prie. Non. Mais ils ne vont plus se craindre les uns des autres et quitter la pièce. Voilà ce dont il s'agit et voilà le message qui est lancé ici. Il faut comprendre ce en quoi nous croyons les uns et les autres. Vous n'avez pas à y croire, mais vous devez comprendre sur quoi vous ne vous entendez pas, parce que cela aidera énormément à travailler ensemble à atteindre le but final. »
« Il est possible, vous savez, que les gens qui se détestent puissent écouter ce qu'ils ont à dire de part et d'autre, et en arriver à ne plus se détester. Il est possible qu'ils ne soient pas d'accord, et ils ne vont pas tous se convertir et devenir musulmans ou juifs. Ils ne vont pas devenir autre chose. C'est juste qu'ils ne se détesteront plus et pourront travailler ensemble. Peut-être est-ce là un des aspects de l'ensemble auquel il faut nous attarder : comment ne plus nous détester et comment nous comprendre, ne plus nous craindre mutuellement. »
Tout au long des deux jours qu'a duré la réunion, un thème est réapparu constamment. Bien que ceux qui croient à des religions très formelles et ceux qui suivent une spiritualité non structurée puissent exprimer leur foi différemment, il n'y a qu'un seul Créateur. On l'appelle Dieu, Allah, Jéhovah ou le Grand Esprit, seuls les noms qu'utilisent les humains diffèrent et non la croyance en un pouvoir supérieur. Les participants ont résumé cette façon de voir come suit :
« C'est comme dans un parc d'attractions où on retrouve des autos tamponneuses. Elles se tamponnent; mais elles tirent toutes leur énergie de la même source. Elles se fraient un passage et tentent de manœuvrer en se tamponnant constamment, mais elles oublient d'où elles tirent leur énergie. Un gars qui purgeait une peine à Kingston m'a dit ça. Ç'a beaucoup de sens. Les manèges d'un parc d'attractions peuvent faire sauter les fusibles, les religions aussi. Mais, il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Toutes ces personnes s'accrochent à une voiture tamponneuse donnée et, lorsqu'elle se fait frapper, elles adoptent une autre voiture pendant un certain temps et puis elles vont ainsi de voiture en voiture. Mais elles oublient d'où vient l'énergie qui alimente toutes les voitures. »
« Donc, je pense que le parcours que nous devons entreprendre à ce stade-ci commence d'après ce que mes voisins de gauche et de droite ont dit, par un profond respect des différences de l'autre, de même que des nôtres. Il faut remplacer la fierté et l'autorité par l'humilité et le désir d'apprendre, d'être ouvert et d'écouter. Être présent à l'autre, se tourner entièrement vers l'autre, recevoir l'autre et demander à l'autre le même cadeau. C'est à ce point que nos différences commencent à devenir autre chose que des obstacles, c.-à-d., des possibilités. »
Chapitre quatre : Reconnaissance des différences
Le christianisme comme religion européenne
Certains participants voyaient le christianisme comme une religion européenne, ayant des cérémonies et des pratiques proprement européennes. Ils se sont rendu compte que cela était étranger aux approches autochtones de la spiritualité. Il est possible de se faire une idée des différences, par deux images bibliques. Le christianisme peut être vu comme l'échelle de Jacob où le fait de grimper vers le ciel permet d'atteindre l'épanouissement spirituel. On peut voir cette ascension comme le fait que des personnes se classent au-dessus ou en dessous d'autres, le statut le plus élevé étant donné à celles qui ont grimpé le plus haut dans l'échelle. La spiritualité autochtone, en revanche, peut être comparée au cercle de Sarah où des personnes sont vues comme égales, se soutenant les unes les autres et tentant collectivement de se soutenir sur le plan spirituel.
Les récits chrétiens de la création et plusieurs récits autochtones soutiennent ces différences également. Dans le récit de la Genèse, la création était ordonnée de telle façon que les humains dominaient les autres créations de Dieu. Dans les récits de la Création des Autochtones, l'ordre de la création – la terre, la végétation, les animaux et finalement les être humains – était nécessaire parce que chaque création dépendait des créations précédentes. L'Homme n'était pas le plus fort parmi les créations de Dieu, mais le plus faible. Les humains ont besoin de chacune des autres créations de Dieu pour être en santé et pouvoir survivre.
Parmi les commentaires des participants au sujet du point de vue européen du christianisme, relevons ce qui suit :
« La raison pour laquelle je crois que les pratiques traditionnelles de guérison sont fructueuses, c'est que la spiritualité qui inclut l'aspect de l'identité est une spiritualité globale. Lorsque nous examinons l'histoire du christianisme, nous découvrons une représentation plus monoculturelle du christianisme. Il s'agit d'une représentation européenne du christianisme qui a été imposée aux Autochtones. C'est pourquoi il y a eu sur le plan historique une coupure avec la célébration de l'identité. »
« Un ministre autochtone qui est aussi un ami m'a demandé ce qui suit : "Comment expliquer que des personnes spirituelles, des membres des Premières nations, rejettent l'Évangile?" Son explication était la suivante : "Ils n'ont pas rejeté l'Évangile, ils ont rejeté les pièges européens de l'Évangile." Et je crois que le christianisme doit prendre une part de responsabilité à cet égard. Bon nombre des nôtres aujourd'hui passent par une crise majeure d'identité, notre société tout entière passe par une crise majeure d'identité. Bon nombre des nôtres ne savent pas qui ils sont, de sorte qu'ils vivent une coupure avec leur identité profonde. Le fait que leur identité profonde est dégradée ou fragmentée a des conséquences pour tous les autres domaines de leur vie. »
« À l'instar du dernier participant qui avait des difficultés avec le mot spiritualité, j'ai des difficultés avec le mot christianisme, parce que je crois que, sur ce continent, le message de l'Évangile qui a été transmis aux nôtres avait une coloration européenne. Et en fait, pour être très franc, je crois que les Écritures ont été dénaturées par l'eurochristianisme et que les nôtres ont été opprimés, isolés, stéréotypés, victimes de racisme et, croyez-moi, je vais à l'église et j'ai été ordonné ministre du culte, mais je veux être honnête et franc, si nous nous proposons de chercher des réponses, commençons au moins par la vérité. Je crois tout comme un de mes collègues participants qui a pris la parole hier, qui disait se sentir plus en sécurité dans une prison qu'à l'église, je crois que souvent je me sens en danger dans les églises. »
« Ma prochaine réflexion est "Est-ce que le Christ est pertinent et est-ce qu'il devrait être amené dans les prisons?" Je pense que oui. Je pense qu'il faut comprendre que les Autochtones ont une vision différente de la société. Ils voient le Créateur, la création et il s'agit d'une ligne plane. Ils voient l'humanité, les animaux, les plantes et les arbres et tout cela est en rapport. Ils ne rendent pas le culte à tout cela. C'est qu'ils font partie de la création et ils l'abordent différemment. En conséquence, lorsque nous allons dans un environnement euro-chrétien, il s'agit d'un environnement très hiérarchisé qui commence en haut et descend et plus vous approchez du bas, moins il y a de monde et, bien sûr, les Autochtones se trouvent tout au bas, ce qui n'est évidemment pas une bonne chose. »
« Au tout début de la création, Dieu a placé dans chaque culture l'empreinte génétique de ce qui le définit. Nous savons de façon innée qu'il est quelqu'un, quelque chose de plus grand que nous et qu'il nous a créés. Avant le christianisme, nous rendions le culte à quelque chose. Nous rendions le culte à Dieu et chaque tribu avait un nom différent pour lui. En Amérique du Nord, il y a quelques centaines de tribus et elles ont toutes adopté une forme personnelle de culte rendu à Dieu. Est-ce que le christianisme s'inscrit là-dedans? Je répondrais oui et non. J'ai des difficultés avec le mot christianisme, parce que je crois que, sur ce continent, le message évangélique qui a été apporté aux nôtres adoptait une approche européenne. Et en fait, et je serai très franc, je crois que les Écritures ont été dénaturées par l'eurochristianisme. Les nôtres ont été opprimés, isolés, stéréotypés, victimes de racisme et, croyez-moi, je vais à l'église et j'ai été ordonné ministre du culte, je veux être honnête et franc : si nous nous proposons de chercher des réponses, commençons au moins par la vérité. Je me sens souvent en danger dans les églises. Je vois du sang avant de m'y rendre souvent parce que je ne sais pas à quoi m'attendre. Je le dis avec beaucoup de tristesse, je ne suis pas heureux de le dire, mais c'est la vérité. »
« Je vais donc formuler autrement cette question. "Est-ce que le Christ est pertinent et devrait-il être amené dans les prisons?" Je dirais que oui, étant donné qu'une relation authentique avec le Christ est là où elle se trouve. C'est ce qui compte en bout de ligne. C'est la croix. C'est son amour. C'est l'œuvre accomplie. Et c'est donc là que nous devons commencer. En particulier, je crois que, lorsque nous examinons les expressions du culte et la façon dont nous pouvons les intégrer, il faut comprendre que les Autochtones ont une façon différente de voir la société. Ils voient le Créateur, la création et il s'agit d'une ligne plane. Ils voient l'humanité, les animaux, les plantes et les arbres et tout cela est en relation. Ils ne rendent pas un culte à cela. C'est qu'ils font partie de la création et qu'ils l'abordent différemment. En conséquence, lorsque nous allons dans un environnement d'euro-christianisme, c'est un environnement très hiérarchisé qui commence en haut et descend et, plus on descend, moins il y a de monde et, évidemment, les Autochtones, comme il se doit, se trouvent tout au bas, ce qui n'est pas une bonne chose. »
« Tous les groupes chrétiens auxquels je peux penser, et en particulier les catholiques romains, que je connais un peu davantage, sont coupables d'impérialisme et de colonialisme. Ils disent aux Indiens, Inuits et autres populations qui sont différentes, qui ils sont. Je ne sais pas comment dire ça différemment, mais le fait de dire à quelqu'un qui il est, c'est du colonialisme. »
Bien que bon nombre de participants aient eu l'impression qu'il y avait un fort préjugé eurocentriste dans le christianisme, d'autres ne partageaient pas ce point de vue. Ils ont reconnu que le christianisme est venu au Canada en provenance d'Europe, mais ils ont également reconnu que le christianisme et la culture occidentale avaient également des avantages. Le problème était souvent de savoir comment rapprocher leurs croyances de celles des autres. Des participants ont dit ce qui suit :
« Et cependant, d'autre part, comme je travaille avec plusieurs organismes autochtones différents, j'ai rencontré une fois un Aîné qui m'a dit "il nous faut nous débarrasser de tout ce qui est un tant soit peu d'influence européenne et nous serons alors de meilleures personnes." Et j'ai pensé "Holà, lorsque je me sers du cabinet de toilette, j'aime vraiment pouvoir tirer la chasse d'eau. Je ne veux pas perdre cela." Cela est un exemple pour vous montrer que, si nous regardons uniquement directement un aspect et nous concentrons sur cet aspect sans examiner tout le reste autour de nous, nous perdons ce qu'on nous a enseigné. »
« J'ai également rencontré des traditionalistes qui m'ont dit que la foi chrétienne n'était pas bonne, qu'elle est blanche. Il s'agit d'une religion blanche. Face à ces personnes, je ne dis rien, je me tais simplement. Je ne peux pas me battre pour Dieu. À l'occasion, des gens disent "j'apporte la Parole de Dieu, alors je défends Dieu." Nous ne devons pas oublier que Dieu existe depuis le tout début. Il est encore là. Je mourrai et il vivra bien après. Je ne peux pas me battre pour lui. Il parvient très bien à se révéler lui-même à toutes les nations. Il réussit bien. Je crois que ce qui est important, c'est comment je peux refléter l'amour et réunir les gens pour leur permettre ensemble de le glorifier. »
Conversion
Certains participants ont fait état des différentes approches pour parler de sa spiritualité et sa pratique spirituelle. On a fait remarquer que dans les églises chrétiennes, depuis longtemps on recherche les secrets, alors que les Autochtones voient la spiritualité comme une partie très personnalisée de leur vie.
« Je fais ma réflexion personnelle relativement au christianisme, à la guérison, à l'oreille que je prête aux Aînés. Et c'est là que je deviens très mêlé. Dans la Bible, Jésus me dit d'aller répandre la bonne nouvelle et les Aînés traditionnels nous disent de garder pour nous nos rêves et nos visions, de ne les raconter qu'à eux. En tant qu'Autochtones, nous gardons le silence sur nos cérémonies de guérison, comme la danse du soleil, le perçage et le jeûne. Nous gardons le secret là-dessus par respect pour ce que le Créateur nous a dit. Lorsque je fais cela, je ne parle pas de ce qui m'arrive quand je jeûne ou je participe à des cérémonies de la danse du soleil. C'est notre guérison, en tant qu'Autochtones. »
« Dans le christianisme, nous avons la confession, le jeûne aussi, nous nous abstenons de manger de la viande et de boire de l'eau. C'est donc très similaire à ce que comporte notre processus de guérison, mais on nous dit qu'il faut en parler à tout le monde. »
Un participant avait l'impression que les églises chrétiennes se trompaient parfois d'approche pour faire connaître la Parole de Dieu. Elles avaient perdu l'idée-force de leur mission, qui était d'amener les gens vers Dieu et non uniquement vers la culture. Les orientations données dans la Bible pour faire connaître la Parole de Dieu n'établissent pas de différence entre les gens en fonction de la race, la culture ou la nationalité. Elles sont plutôt pluralistes. Ce participant a dit ce qui suit :
« Un de nos problèmes, c'est que nous avons tenté d'assimiler les gens à la culture occidentale, mais non au Christ. Ce qui est important, c'est que nous assimilions les gens au Christ et, en bout de ligne, ce qui compte pour le Christ, c'est l'amour et le partage avec les autres. Ce n'est pas la façon dont je suis habillé, dont je mange, je dors, je fais mes besoins. L'important, c'est que j'aime et que je partage. Il est important, lorsque je sors, maintenant, que je dise toujours "nous", parce que Dieu est toujours là et que sans lui, nous ne pourrions rien faire. Lorsque je vais à l'extérieur, et qu'il s'agisse d'institutions indiennes ou dans les rues, ou ailleurs, tout ce que nous faisons, c'est partager un message. Dans Matthieu, 28-19, Dieu nous dit, ou Jésus, dans ses propres mots, "allez et faites des disciples dans toutes les nations, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit." Il n'a pas dit « amenez les Blancs dans des églises blanches, les Indiens dans des églises indiennes, les Allemands dans des églises allemandes ». Il a dit « amenez tout le monde, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ». Il nous a créés tous égaux et c'est le message que nous devons communiquer. L'importance de cela est que nous sommes uniquement des semeurs de graines. Nous communiquons le message et laissons le Saint-Esprit s'en occuper. Nous laissons le Saint-Esprit grandir avec le message. Nous lui confions la tâche d'amener les gens vers la vérité. La guérison chrétienne est une partie importante de ce que nous examinons aujourd'hui. Mais le mot important, c'est "Christ". C'est une partie importante du processus de guérison des nôtres. La méthode est ce qu'il nous faut perfectionner; l'idéologie est parfaite. »
Pour les chrétiens autochtones, la communication de leurs croyances aux autres peut leur amener des problèmes au sein de leurs familles et de leurs collectivités. Comme un participant l'a fait remarquer, souvent ces personnes font face à de la méfiance et à une opposition.
« J'ai envisagé la possibilité d'être un chrétien. J'ai fait des études et tout le reste. Avant de devenir chrétien, j'étais un Autochtone traditionnel. Ma famille était composée uniquement de personnes traditionnelles. Il faut un lieu ici, pour les gars qui ont rencontré Dieu. Il est possible de retourner à la maison et tout le reste, dans le cas de ceux qui ont une famille de chrétiens. Mais dans le cas des autres qui n'ont jamais vécu cela dans leur famille, il leur faut retourner dans leur collectivité. J'aime retourner chez moi et parler du Seigneur à mes frères et à mes sours; ils se disent alors que je suis fou. "Qu'est-ce qui t'arrive?" Ils se sont dit que j'avais dû être rudement secoué pendant mon séjour ici. Eh bien, il y a aussi beaucoup de disputes sur le plan culturel, c'est ce que le gars qui sort voit. Dès que j'ai tenté d'en apprendre davantage, ç'a été la guerre spirituelle. Tout le monde disait « ne crois pas ceci, ne crois pas cela ».
« Le Créateur est le Père de toutes les nations. Pour nous, en tant qu'Autochtones, un Aîné m'a enseigné, lorsque nous recevons l'appel, il vient des rêves ou de la maladie et nous devons porter une attention particulière à cela. Lorsque le christianisme vient dans nos collectivités, il faut qu'il respecte ce en quoi nous croyons déjà. »
Il n'est pas facile d'être Autochtone et chrétien
Au cours des deux dernières décennies, un certain nombre de services et d'organismes de counselling dirigés par des Autochtones sont apparus partout au Canada pour offrir une possibilité de guérison aux clients autochtones, en abordant des questions telles que la toxicomanie, la violence familiale, les responsabilités de parents, la dépression, le suicide, la colère ou le soutien dans les moments de perte. Dans la plupart des cas, ces organismes ont fait reposer leur traitement et leurs méthodes de counselling sur la spiritualité traditionnelle. Cela pose un certain nombre de problèmes aux Autochtones qui suivent la voie chrétienne. Au cours des conversations à la réunion, on a entendu les idées suivantes :
« Tout ce que je demande, c'est que l'on donne aux nôtres ce choix, qu'on ne tienne pas simplement pour acquis que parce qu'ils font partie des Premières nations, ils doivent s'approprier de nouveau vos formes traditionnelles. C'est parfait, si c'est cela ce qu'ils souhaitent faire. »
« Je ne suis pas un bon orateur, mais je sens que je dois dire ce que j'ai à dire. Comme je l'ai dit hier soir, j'ai subi un traitement moi-même, il y a treize ou douze ans, et lorsque je suis allé à ce centre de traitement, la première chose qu'ils m'ont dite, c'était que je devais apprendre les façons de faire traditionnelles, parce que j'étais chrétien. Je ne connaissais aucune autre façon de faire. »
« J'ai tenté d'aller à des sueries, de faire l'expérience de la purification par la fumée. Je me suis senti si mal à l'aise dans les sueries, que j'ai dû en sortir. J'ai fait un autre essai la deuxième semaine. Je me suis dit "si seulement je peux aller là-dedans, je vais être Indien". J'ai toujours su que j'étais un Indien, mais je devais être comme eux. Alors je me suis dit " voilà, c'est le temps de tout jeter par terre et de tout recommencer à neuf." »
« Je savais qu'il y avait une conseillère à l'intérieur qui était chrétienne, tout comme moi. Elle m'a dit "Vous savez, vous n'avez pas à aller là. Vous n'avez pas à faire quoi que ce soit qui y soit relié. Vous pouvez prier n'importe où." Je savais cela, mais j'avais l'impression que parce que j'étais dans ce lieu, je devais faire tout ce qu'on me disait de faire. »
« Je suis resté à cet endroit; je n'ai pas voulu partir, parce que j'avais l'impression que je pouvais vraiment aider les gens. Je savais qu'il y avait énormément d'Autochtones qui craignaient les façons de faire traditionnelles, qui ont peur d'être chrétiens; alors je le leur offre. Lorsque je leur parle, nous parlons de Dieu. C'est bien. Mais lorsqu'ils sortent, ils ne veulent plus parler de Dieu. Alors, j'ai continué à les encourager à parler de Dieu et j'ai eu l'impression dans mon cœur à cette époque, qu'avec le temps je découvrais les façons traditionnelles. Je sais comment faire la purification par la fumée. Il est vrai que les sueries ne sont pas bonnes pour moi, mais ça va; en revanche, je participe à la purification par la fumée. Je ne la dénigre pas. Je ne dénigre rien de cette nature et je sais que je ne veux pas que quiconque dénigre le christianisme, parce que c'est aussi ma vie. »
On a fait remarquer que les chrétiens autochtones qui sont incarcérés dans des établissements fédéraux font également face à des problèmes. En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. de 1992, chapitre 20, le Service correctionnel du Canada est tenu d'offrir une gamme de programmes destinés à répondre aux besoins des délinquants et à contribuer à leur réinsertion réussie dans la collectivité. La spiritualité autochtone, les chefs spirituels autochtones et les Aînés ont reçu le même statut que les autres religions et les autres chefs religieux et le Service a pris toutes les mesures raisonnables pour offrir aux détenus autochtones les services d'un leader spirituel autochtone ou d'un Aîné.
Pour veiller à ce que les délinquants autochtones aient les mêmes chances que les autres de vivre selon leur culture et leurs traditions, sans être victimes de discrimination, et à ce qu'ils puissent appliquer les méthodes de guérison traditionnelles des Autochtones, les unités opérationnelles hébergeant des délinquants autochtones doivent fournir à ces derniers des programmes traditionnels sociaux, culturels et spirituels. Après avoir consulté les détenus, les Aînés et les collectivités autochtones, le directeur de l'établissement doit prendre les mesures nécessaires afin de permettre à un ou à plusieurs Aînés de diriger les activités spirituelles, notamment des services d'enseignement et de counselling, ou encore la célébration de cérémonies traditionnelles pour les délinquants autochtones. (Directive du commissaire 702, paragraphe 27). Il n'y a pas de politique comparable en ce qui concerne les détenus autochtones qui choisissent de suivre une approche chrétienne. Cela a été reconnu par plusieurs participants, qui ont dit ce qui suit :
« Si la guérison est le but de tous, mais que des routes différentes sont prises par des personnes différentes, le but est-il de soutenir la guérison ou de soutenir une approche de guérison? Actuellement, le SCC emploie une approche de guérison axée sur la culture, les valeurs et la spiritualité autochtones traditionnelles. Est-ce un choix efficace pour la guérison des délinquants? Comme nous l'avons vu au cours de la discussion, ce l'est peut-être pour certains, mais non pour tous. C'est donc dire que, si le but est la guérison, la question du choix et des occasions offertes doit être abordée. »
« Le modèle pour la guérison du point de vue des délinquants autochtones a été exclusivement le modèle de la spiritualité autochtone traditionnelle. Comme différentes personnes l'ont dit ce matin, cela est presque obligatoire, parce que si vous ne participez pas aux programmes conçus pour les Autochtones au sein de l'établissement, on estime que vous ne participez pas au processus de guérison. »
« Le choix est crucial, mais je dirais que, même s'il ne s'agit pas d'une politique de l'établissement, la plupart des détenus se sentent probablement contraints de participer. C'est le cas lorsque les détenus se sentent contraints de participer à des cérémonies face auxquelles ils ne se sentent pas à l'aise, parce que c'est la norme. »
Les participants n'étaient pas unanimes à dire que la spiritualité « organisée » est essentielle.
Des participants à la réunion ont dit que la religion organisée et les efforts pour normaliser les pratiques spirituelles autochtones étaient contraires à l'objectif de guérison. Une spiritualité individuelle est plutôt un mouvement de l'intérieur qui n'a besoin ni de structure ni de cérémonie.
« En tant que chrétien, j'ai fait ma contribution à la société. Les miens sont plus riches qu'avant. À l'époque où je ne savais pas vers où aller, je savais que cela avait à voir avec ma relation personnelle avec le Christ. Cela n'avait rien à faire avec l'Église. Je déteste la religion, peu importe la forme, parce que la religion peut vous contraindre, tout comme les traditions; mais je connaissais une relation personnelle avec le Christ. En marchant avec lui, il vous est possible de vous sentir habité par l'Esprit Saint. Il peut vous diriger. Vous reconnaîtrez la voix de Dieu. Vous saurez exactement quoi faire. Vous saurez exactement d'où vient votre force et vous pourrez marcher dans cette puissance et cette force. C'est pourquoi j'ai été capable de faire des choses dont je n'avais jamais rêvé auparavant, parce que j'ai osé faire des choses que je n'avais jamais faites auparavant. C'est parce que je savais qui j'étais; je n'avais pas de problème d'identité. »
« La spiritualité est une entrave. La spiritualité ne devrait jamais intervenir. La spiritualité, ce n'est pas Dieu ni le Christ. Cela n'a jamais été le cas, n'a jamais été censée l'être et ne le sera jamais. La spiritualité et la religion, c'est ce qu'il y a de pire. Si nous examinons la spiritualité, nous nous rendons compte qu'elle est étrangère, tout comme la religion. La raison pour laquelle je dis cela, c'est que je dois faire reposer mon raisonnement sur un certain fondement. Je me base sur l'Écriture et sur la Parole de Dieu. La Parole de Dieu me dit que la spiritualité, c'est ce qu'il y a de pire. Ce n'est pas Dieu. Jésus lui-même a maudit la spiritualité et la religion. Il a maudit les Écritures et les Pharisiens, parce qu'ils adoptaient des choses qui étaient traditionnelles, et non véritablement essentielles et importantes. En fait, Jésus a dit que ce n'est pas ce qui va dans le corps qui salit le corps, mais les choses qui sortent du cœur de l'homme. Alors, il parlait de spiritualité et disait, pour résumer, que la bouche parle de ce qui emplit le cœur. Comment le cœur fait-il face à ce qui constitue des inconduites? Et il a dit que c'est du cœur de la personne que ces choses viennent. En conséquence, le problème dans notre société, le problème des humains et des détenus, c'est le problème du cœur. C'est un problème lié au cœur. Ne l'oubliez jamais. La religion et la spiritualité n'arriveront jamais à régler un problème lié au cœur. Ce qui y parviendra, c'est Jésus-Christ et le lien avec Jésus-Christ, d'abord et avant tout. »
« Donc, ma réflexion, encore, c'est que la spiritualité est une entrave, c'est ce que je crois. La spiritualité, la tradition, la religiosité, c'est un fléau et ça n'a pas à l'être. Je crois encore une fois que c'est une question de cœur et la seule chose qui puisse régler une question de cœur, c'est le Seigneur, Jésus-Christ. »
« Je vais terminer là en disant simplement que je ne crois pas que ce soit la religion. Je ne crois pas que la réponse soit nécessairement un pouvoir supérieur ou la spiritualité. C'est le Seigneur, Jésus-Christ. Jésus, lorsqu'il a ouvert le livre dans le temple, a dit "l'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré pour prêcher l'évangile aux pauvres, il m'a envoyé pour soigner le cœur brisé, donner la liberté aux personnes meurtries et annoncer à l'aveugle qu'il va recouvrer la vue". Ce qui est nécessaire pour libérer les captifs et permettre à l'aveugle de recouvrer la vue, c'est le message et le pouvoir de Jésus-Christ. C'est ce que vous et moi sommes appelés à faire, également. »
Chapitre cinq : Approches chrétiennes autochtones à l'égard de la guérison
Le christianisme est à la fois diversifié et en évolution
Tant la spiritualité traditionnelle autochtone que la foi chrétienne ont évolué et continuent de le faire, dans le temps et dans l'espace. Les pratiques traditionnelles, que l'on rencontrait principalement parmi les Premières nations des Plaines, se retrouvent maintenant partout au Canada. Les cérémonies du calumet, les danses du soleil et les cérémonies des sueries ont été adoptées et adaptées par des individus et par des nations qui cherchent des façons tangibles de s'exprimer sur le plan spirituel. Dans tous les cas, les individus recherchent un centre spirituel et ont cherché ces croyances et ces pratiques qui les guident vers ce centre.
Le christianisme n'est une croyance ni stagnante ni monolithique, et les chrétiens eux-mêmes sont en débat constant à propos du changement. À titre d'exemple, le christianisme a été témoin de schismes tout au long de son histoire. La séparation de l'Église catholique et de l'Église orthodoxe de l'Est au XIe siècle, le développement du protestantisme au XVIe siècle et l'évolution du fondamentalisme, ne sont que quelques exemples. Le rôle des femmes dans les pratiques religieuses a évolué et fait l'objet de nombreux débats au sein de plusieurs confessions religieuses. Des changements, qui ont déjà semblé radicaux, sont maintenant acceptés comme pratiques dominantes de l'Église.
Dans la spiritualité autochtone traditionnelle et la foi chrétienne, l'interprétation de la foi est le plus souvent laissée aux Aînés, aux prêtres ou aux ministres, que l'on perçoit comme possédant des connaissances et des capacités particulières face à leur foi. Selon l'enseignant ou le leader particulier, certaines pratiques et certains éléments de la foi sont soulignés davantage par rapport à d'autres, et la spiritualité peut devenir plus importante que d'autres aspects de la vie de quelqu'un. L'interprétation de la foi par un Aîné, un prêtre ou un ministre peut entraîner l'ouverture ou la fermeture au changement et à l'évolution.
Comme cela a déjà été dit lorsqu'il a été question de l'utilisation des herbes sacrées dans le cadre des services chrétiens, l'ouverture à des éléments des pratiques spirituelles autochtones dans les cérémonies chrétiennes ou les rituels, préoccupe particulièrement bon nombre de chrétiens autochtones. D'une part, certains voient ces pratiques comme respectueuses des cultures autochtones, et l'utilisation de pratiques traditionnelles au cours des services de l'Église, comme un ajout naturel et logique aux rituels chrétiens. En revanche, d'autres perçoivent cette pratique comme la récupération de la spiritualité traditionnelle autochtone.
Toute la gamme de ces opinions a été exprimée à la réunion. Voici ce qu'a dit un participant :
« Tout ce qu'il nous faut faire, c'est livrer le message tout simple du Christ, non une confession religieuse, non un contexte doctrinal; il suffit d'enseigner la Bible, car elle renferme la vérité. Cela me suffit. Voici les croyances que le Christ souhaite que vous adoptiez, toutes simples : il vous aime. Il est mort pour vous. Vous croyez en lui. Allez à diverses églises; lorsque vous trouvez celle où vous vous sentez heureux et chez vous, voilà, vous êtes chez vous. C'est là que vous pratiquez votre foi au Christ. Ensuite, prenez cette foi et communiquez-la aux autres. C'est la façon dont je conçois un bon programme chrétien qui fonctionne. Laissez juste opérer le Christ. Ne mettez pas vos propres trucs personnels là-dedans. »
Pourtant, d'autres participants ont exprimé le besoin de célébrer leur identité autochtone à l'intérieur de leur foi. Essentiellement, ils ont dit croire que l'expression de la culture autochtone était une expression de foi. Voici ce qu'ils ont dit :
« Je pense que cela change. Je pense que dans un contexte chrétien, bon nombre de chrétiens autochtones ont eu à lutter face à toute cette grande question de l'identité et de la culture autochtones, et sa pertinence sur le plan de la foi. Je pense fermement que notre identité autochtone est maintenant acceptée comme faisant partie intégrante de notre guérison. Je ne crois pas qu'il vous soit possible de guérir, si votre identité profonde est fragmentée, parce que votre identité profonde, c'est qui vous êtes, qui Dieu a décidé que vous seriez. Dieu m'a créé Saulteux, Anishanabee et, pendant presque la moitié de ma vie, j'ai été totalement coupé de mon identité et de ma culture autochtones. Ensuite, j'ai commencé à croire. J'ai été converti et je suis devenu un chrétien, mais il y avait toujours cette coupure avec mon identité et ma culture autochtones, même en tant que chrétien. Sur mon propre parcours spirituel, je me suis rendu compte au cours d'un processus de gurérison que je suivais moi-même, que Dieu m'avait créé Indien (permetttez-moi l'expression) et que je devais célébrer ma nature indienne et ma culture dans le contexte de ma foi. »
« Notre propre église locale, par exemple, a suivi un parcours et nous avons intégré les tambours, la danse et les insignes. Nous voulons intégrer autant d'aspects de notre culture que possible, à titre d'Autochtones et utiliser ça comme moyen de glorifier Dieu et d'atteindre les nôtres et de chanter une nouvelle chanson, avec le tambour. Lorsque nous dansons, chaque pas est une prière et c'est merveilleux. Tout cela remonte à 1998 et est donc relativement nouveau. Mais je peux constater, juste à voir les visages des nôtres et des personnes qui visitent notre église locale, à quel point tous répondent lorsqu'ils entendent le chant et les tambours et la danse et voient les insignes, et cela permet la guérison et a été à l'origine de la guérison dans ma propre vie. »
Lorsque le groupe a commencé à discuter du rôle du christianisme dans la guérison individuelle et collective, deux thèmes généraux sont apparus, bien que le temps ait manqué pour atteindre un consensus. Le principal thème soulevé a été que, bien qu'il y ait différentes façons d'exprimer sa foi, l'élément important pour la guérison est la croyance en une existence supérieure qui peut aider la personne dans son parcours vers la guérison. L'autre thème général a été l'importance de ne pas imposer ses croyances aux autres, ni de faire de comparaisons sur la façon d'exprimer cette foi. Voici ce que des participants ont dit :
« La question à poser est la suivante : "Est-ce que le christianisme joue un rôle dans le processus de guérison?" Ma réponse est oui, le christianisme est très important. L'idéologie est parfaite. Je crois que c'est la méthodologie que nous devons examiner. Comment pouvons-nous l'aborder? Comment nous inscrivons-nous là-dedans? Ils m'ont dit que je ne pouvais suivre le Christ, si je suivais mes propres façons de faire. J'ai répondu que de tous les enseignements que j'avais reçus au sujet du Christ, aucun n'indiquait que le Christ avait forcé quiconque à recevoir son amour. Il a partagé son amour et nous a donné le choix. Nous pouvons faire ce que nous voulons. Je crois que si nous laissons les gens être qui ils sont, nos collectivités se rétabliront. »
« Pour ajouter à ce que les gens ont déjà dit, selon mon expérience, la spiritualité ou la croyance spirituelle sont absolument essentielles, parce qu'elles sont le fondement du sens de la vie. Si vous ne croyez en rien sur le plan spirituel, je crois que le monde n'est que chaos. Vous n'y trouverez pas votre place et votre existence sera vide de sens. C'est donc dire que cela me semble essentiel à la guérison, parce que c'est le fondement du sens de la vie. »
Acceptation et synthèse
Un certain nombre de participants ont eu l'impression que l'approbation et peut-être la synthèse des différentes croyances pouvaient venir d'une meilleure compréhension de ces croyances. Voici ce que des participants ont dit :
« Lorsque des Blancs sont venus dans notre collectivité, ils nous ont visités et nous ont vu accomplir nos cérémonies. Une des cérémonies était celle entourant la mort d'un Aîné. Les Blancs nous ont vu mettre de la nourriture dans le boisé et l'Homme blanc a demandé "Comment se fait-il que vous mettiez de la nourriture dans le boisé? Les morts ne mangent pas." Alors, l'Aîné s'est assis et est resté muet pendant un certain temps puis il a dit "Mon frère blanc, je crois que vous mettez des fleurs sur les tombes. Est-ce que les morts sentent les fleurs?" C'est donc dire que nous devons comprendre pourquoi nous faisons certaines cérémonies au cours de la vie. Nous devons comprendre et respecter nos différences mutuelles. »
« Plus d'un vétéran ici m'a dit "vous savez pourquoi nous nous sommes convertis au christianisme si facilement? Nous avions déjà ces enseignements." Les histoires sont là. Évidemment, elles ne sont pas écrites et il n'y a pas de témoins vivants pour témoigner, mais nous savons que les histoires, les légendes et les mythes ont toujours un noyau ou deux en eux. À quelque part, ils portent un aspect de la vérité. Nous savons cela. Donc, pour revenir à ce qui me préoccupe relativement aux traditions, je crains que nous jetions les noyaux, c.-à-d. , le bébé avec l'eau du bain. »
« Je fais cette allusion personnelle uniquement pour souligner qu'en ce qui concerne la psychothérapie ou la guérison au sens chrétien ou au sens traditionnel, la comparaison n'est pas nécessaire. Je ne vois pas pourquoi nous comparerions les deux, parce que tout cela existe actuellement et depuis 50 ou 60 ans, les enseignants et les Aînés qui peuvent donner accès au pouvoir, hommes et femmes, ces Aînés qui travaillent si fort dans nos prisons, ils sont chrétiens. Ils ont réalisé la synthèse. Vous demandez quelle forme cela devrait adopter. Je vous dis, la forme actuelle, parce que tout cela existe déjà. »
Des auteurs ont déjà relevé le fait que l'évangile occidentalisé « préemballé » n'a jamais fonctionné et ne fonctionne pas dans le ministère auprès des populations autochtones. Si l'on envisage le futur et que l'on examine la possibilité d'élaborer et de mettre au point des approches fructueuses de ministère auprès des Autochtones, il est impératif que le christianisme occidental soit informé des questions entourant l'utilisation de la contextualisation comme façon d'approcher les populations autochtones Note de bas de page 15.
« La contextualisation signifie le fait de s'identifier à la partie opposée et exige d'abattre les barrières culturelles afin d'établir la communication. Par l'incarnation du Christ, Dieu a franchi un "fossé culturel" passablement important pour atteindre l'homme et s'identifier à l'homme en devenant homme lui-même. Dieu a adopté notre contexte et, ce faisant, il a aboli deux obstacles qui empêchaient l'homme d'avoir une relation avec lui Note de bas de page 16. »
Les participants à la réunion étaient d'avis que les dispensateurs de la foi chrétienne autochtone sont capables de contextualiser leur foi et peuvent apporter leur identité et leurs expériences pour faire comprendre et faire accepter leurs ministères aux Autochtones. Ils ont fait remarquer ce qui suit :
« Nous avons été témoins de cela dans l'aumônerie, il y a quelques mois. Un pasteur des Premières nations qui travaille à l'extérieur d'une réserve en Saskatchewan se rend au pénitencier de la Saskatchewan assez régulièrement, une ou deux fois par semaine. Il y va et travaille avec l'aumônier pendant un certain temps, puis fait un service religieux ou deux. Dès que les délinquants des Premières nations l'ont vu, ils n'ont pas demandé de quelle religion il était. Ils ont reconnu quelqu'un de la même culture qu'eux et, immédiatement, ont lié des liens avec lui et entrepris un dialogue. Cela est attribuable à la couleur de la peau et à l'identité, que l'on a mentionnées plus tôt, mais je crois que c'est très puissant. »
« Je vous ai confié hier soir le fait que j'avais fréquenté un pensionnat où j'avais vécu une belle expérience. Pas moi uniquement; nous étions 600 dans ce pensionnat et nombreux sont ceux qui ont également vécu une belle expérience. C'est donc dire que nous devons nous concentrer sur cela également et ne pas uniquement nous arrêter sur la partie négative. Ce que je dis aux détenus, c'est que si vous ne surmontez pas votre blessure, vous ne grandirez jamais. Certes, faites tout votre possible pour guérir, mais essayez de voir le côté positif de ce que vous avez vécu et de ce vers quoi vous vous dirigez. Quelqu'un a dit un jour qu'une personne qui a de l'expérience n'est jamais à la merci d'une personne qui a une théorie. Notre expérience est très révélatrice et je crois que nous pouvons beaucoup apprendre d'elle si nous avons l'esprit ouvert. »
« Lorsque je travaille avec des Autochtones, j'y vais avec l'idée générale d'enchâsser la culture et de rendre le culte à Dieu par le biais de notre culture et de l'ensemble de sa contextualisation. Dans cette ville, il y a 11 églises autochtones. Dans la plupart des cas, vous ne vous douteriez pas qu'elles sont autochtones, parce qu'il n'y a pas de plumes, pas de tambours, pas de chants, pas de hochets, pas de chants. Ils pensent comme des Blancs et rendent un culte de Blancs. Je dis ça avec respect; je veux juste vous expliquer mon approche. La seule façon de savoir qu'il s'agit d'Autochtones, c'est d'examiner les visages bruns assis dans les bancs des églises. Le fait que des groupes viennent à moi et me disent "est-ce que vous travaillerez avec nous? Je réponds "Tout à fait." Et ils disent "vous savez, il y a d'autres églises autochtones dans la ville." Je dis les choses très simplement : "Écoutez, en ce qui les concerne, je suis un païen, je suis diabolisé, je suis une personne épouvantable pour eux." Et cela ne m'atteint pas, parce que je sais ce que Dieu me demande dans la vie et j'agis en conséquence. Nous avons ces points de vue omniprésents qui ont filtré dans la société. »
La discussion a été résumée de la façon suivante par des participants :
« Je pense que nous avons un rôle à jouer; le présent nous demande de jouer un rôle, les chrétiens comme ceux qui ont des traditions dans leur vie, nous avons tous une culture bien à nous, qui consiste à tenter de nous comprendre les uns les autres et à confesser la façon dont nous nous sommes blessés les uns les autres et à entreprendre un nouveau parcours de guérison. »
« J'ai souvent senti dans mon cœur que, peu importe que nous soyons des traditionalistes autochtones ou des chrétiens, si nous avons à cœur la personne ou la collectivité ou autre, alors nous adoptons une approche globale et nous tentons de réunir tout ce qui peut aider ces personnes dans leur guérison. Pour moi, ça, c'est l'approche globale. »
Guérison dans les établissements
Compte tenu de l'évolution de la justice réparatrice au sein des collectivités autochtones et des groupes confessionnels, il n'est pas surprenant que la discussion ait tourné autour de la nature des pénitenciers et de leur rôle d'établissements punitifs. Alors que certains participants pensaient que les prisons et les pénitenciers devraient fermer complètement, d'autres croyaient qu'ils devraient tout au moins rendre compte des approches de réparation et de guérison.
« Au moins, quand je lis le récit de la création dans le Jardin de l'Éden, il n'y avait aucun barreau. Selon le récit, Dieu est venu dans la fraîcheur de la soirée et a marché avec Adam et Ève. Cela a toujours été le désir de Dieu de marcher avec sa création en liberté. »
« D'un point de vue global, nous demandons à nos détenus de venir dans des établissements dans le cadre de paradigmes punitifs où ils sont punis et nous leur demandons ensuite de participer à des programmes réparateurs; je pense que cela doit changer pour devenir un projet réparateur du début à la fin. »
« Alors, ma vision est celle-ci. Étant donné cet exemple qui n'est pas fructueux, je propose que nous tentions d'en faire un exemple fructueux. Je crois que nous devrions établir une date en tant que peuple, gouvernement, nation, pour la fermeture de nos prisons. Qu'il s'agisse de 20 ans, 50 ans ou 100 ans à partir de maintenant, il faut établir une date de fermeture des prisons en nous fondant sur le fait qu'au départ les prisons ont été conçues au XVIIIe siècle, au cours du Siècle des Lumières, comme lieux de repentir. C'est pourquoi nous les appelons pénitenciers. Ils ont été conçus pour prendre les gens qui avaient des difficultés dans la collectivité et leur donner un lieu de réflexion et de rectification de leur vie. Après avoir travaillé fructueusement un certain temps, avoir appris et s'être élevés sur le plan de l'esprit, les détenus devaient être libérés pour entreprendre une nouvelle vie. »
« Nous avons adopté les prisons et les pénitenciers et les avons cependant utilisés d'une façon très différente. En établissant une date pour la fermeture des prisons, je crois que nous entreprendrions alors un parcours de réponse créative et réparatrice les uns pour les autres de sorte que la collectivité se réapproprierait le besoin de guérison, de répondre les uns aux autres de façons nouvelles; alors nous pourrions entreprendre le parcours qui nous permettrait de devenir le type de communauté que nous étions destinés à être, la communauté des enfants de Dieu. »
« Nous aimerions très certainement que le Service correctionnel du Canada adopte un modèle axé sur la réparation. Il a mis en place un certain nombre de politiques qui ont des conséquences pour les Autochtones. Il y a de fait plusieurs dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui confèrent aux Aînés le même statut que les autres leaders religieux à l'intérieur et permet aux collectivités d'assumer la responsabilité des soins et de la garde des délinquants. Un certain nombre de pavillons de ressourcement partout au Canada ont commencé à mettre cela en œuvre. Cela témoigne de l'existence de programmes autochtones dans les établissements basés sur notre culture et notre spiritualité traditionnelles. »
« Dans l'état actuel des choses, leurs besoins sont secondaires. Demandons-nous aux délinquants qui se trouvent en prison "quels sont vos besoins? Qu'est-ce que nous devrions faire?" Est-ce que nous les plongeons dans une atmosphère d'amour et les traitons comme les êtres humains sacrés qu'ils sont, et dénonçons le crime et respectons la personne? Nous ne le faisons pas et de cette façon leurs besoins sont secondaires alors qu'ils devraient passer en premier. »
« Nous tentons de passer d'un système correctionnel, d'un processus de service correctionnel, tant dans les collectivités que dans les établissements, à quelque chose qui réponde aux besoins des délinquants désireux de guérir. Nous voulons également rétablir l'équilibre dans la collectivité et c'est un autre contexte de la croyance chrétienne qui est la sous-couche ou la plate-forme. De quoi est-ce que cela aurait l'air? Joe dit que cela ne serait pas très différent, parce que cela est déjà pratiqué actuellement. »
En ce qui a trait aux délinquants, un certain nombre de participants ont fait remarquer que ces personnes se trouvent à des étapes différentes de leur parcours de réconciliation, qu'il s'agisse d'un parcours traditionnel ou chrétien. Voici ce qu'a dit un des participants :
« Une des questions qui me vient à l'esprit m'a été inspirée par les délinquants avec qui nous travaillons dans le Nord dans la structure des programmes. Si quelqu'un au début d'un parcours chrétien est inscrit à un programme pour les Autochtones dans une prison et que ce programme commence toujours par la purification par la fumée, il se peut qu'il ne soit pas à l'aise avec cela. Ce que l'on nous a dit, c'est que si vous n'êtes pas à l'aise, vous ne pouvez pas participer au programme. Les délinquants devraient se retirer du programme et choisir un programme différent. J'aimerais que nous nous arrêtions pour discuter de la façon dont cela pourrait se réaliser dans le contexte carcéral. Nous pourrions offrir un programme adapté aux différences culturelles, qui réserve un rôle à la spiritualité. Cela pourrait répondre aux besoins de groupes variés de délinquants, qui peuvent être à l'aise avec certains aspects de la spiritualité et moins avec d'autres, et qui peuvent pourtant profiter de la composante culturelle du programme. Cela pourrait se faire même s'ils ne sont pas à l'aise avec la spiritualité traditionnelle. Ce que j'ai entendu en particulier au cours de cette réunion, c'est un fort appui au choix et au respect. Comment pouvons-nous tenir compte de cela dans le contexte de la prison, où souvent les gens à qui nous avons affaire jouissent, disons, d'un peu moins de latitude que s'ils étaient dans un autre contexte? »
Dénoncer le comportement, mais non la personne
Dans les discussions au sujet des établissements et des collectivités, les participants convenaient généralement qu'une approche de guérison pouvait dénoncer le comportement, mais non la personne. Le crime du délinquant est souvent vu comme un incident dans la vie de cette personne, qui est souvent le résultat d'aspects plus profonds auxquels il faut s'attaquer. Les participants ont parlé de cette question dans les termes suivants :
« Je dis oui. Les Autochtones ne voient pas le péché comme une chose mauvaise, mais comme une déviation par rapport aux attentes et aux responsabilités culturelles que nourrit la collectivité. Et je pense qu'il s'agit de points forts. Un professeur d'éthique nous demanderait ce qui est bon. Pour un Autochtone, ce qui est bon c'est une longue vie, une bonne santé et le fait d'être heureux. Et c'est également de bons rapports avec tout le monde et avec Dieu. Je pense que c'est une chose importante que les Autochtones apportent à la collectivité et c'est une place où, lorsqu'un délinquant revient dans la collectivité, il est accueilli comme à la maison. Il est encouragé et non dénoncé et rabaissé. Je pense que c'est une valeur importante et, si nous pouvions créer quelque chose de semblable, une espèce d'atmosphère de parenté qui est extrêmement importante pour les Autochtones, si nous pouvions apporter cela dans nos prisons et cesser d'isoler et de dénoncer et nous rendre compte que chaque personne est sacrée et a besoin d'être encouragée… Dénoncer le comportement, oui, mais non la personne. »
« Nous devrions nous tourner davantage vers ce que nous pouvons avoir dans les collectivités comme solution de rechange à l'incarcération. Ou prévoir un processus communautaire qui permet aux détenus de sortir en toute sécurité plus tôt et de travailler à la guérison communautaire. Alors, lorsque nous parlons du processus de guérison dans la collectivité, il s'agit d'une approche philosophique et ce dont nous nous sommes rendu compte jusqu'à maintenant, c'est que les collectivités qui assurent des programmes de guérison communautaire croient que tout le monde est bon, tous les êtres humains sont fondamentalement bons. Parfois, ils commettent des actes qui ne le sont pas. En conséquence, le but de la guérison n'est pas de punir le délinquant pour ce qu'il a fait de mal, mais de revenir en arrière et examiner ce qui l'a amené à quitter le droit chemin. Ensuite, il faut que les collectivités soient capables de participer au processus permettant de réparer le tort que la personne a fait. Donc, c'est ce à quoi nous travaillons dans les collectivités. Cela semble correspondre à des approches philosophiques et fondamentales de la guérison. D'une façon ou de l'autre, un geste a créé un déséquilibre dans la collectivité, dans la famille ou entre deux personnes. En conséquence, comment rétablissons-nous cet équilibre entre les parties qui ont été lésées et celles qui ont lésé? »
Un auteur a résumé la réalité de cette question sous-jacente en disant ce qui suit : « À vivre et pourvoir aux besoins des quartiers centraux de la ville, où la majorité de nos voisins sont des membres des Premières nations, nous voyons quotidiennement, directement quels sont les torts. Devant la pauvreté, l'abus, le racisme et beaucoup d'autres choses, la blessure la plus profonde que nous avons découverte est l'identité mêlée ou perdue. Malgré notre tentative de pourvoir aux besoins liés aux symptômes de ces blessures, la véritable guérison n'aura pas lieu, sans s'attaquer à la cause. La solution, cependant, n'est pas aussi simple qu'on pourrait le croire. » Note de bas de page 17
Ce point de vue a été appuyé à la réunion par une personne qui a dit ce qui suit :
« Les délinquants ont fait de mauvais choix, peu importe ces choix. Ils ont commis un crime et ont fini en prison. Je dirais qu'il s'agit d'un dernier choix qui ne résulte que de plusieurs mauvais choix tout au long du parcours. Ils ont tout un passé de mauvais choix. Ne serait-ce pas plus logique que l'autorité qui les a mis en prison s'occupe de les remettre dans le bon chemin? Donc, pourquoi est-ce que nous les rendons impuissants dans les prisons, privés de choix? Quand ils quittent le système carcéral, ils n'ont pas appris à faire de bons choix. C'est un peu comme se faire avorter en cours de route, parce que tous les choix sont faits pour eux. Lorsqu'ils sortent du système, c'est un peu comme s'ils reprenaient le cours de leur vie là où ils l'avaient laissée. En conséquence, j'opterais pour l'autonomisation, là où nous pouvons leur donner des choix. Adoptons ce mode de fonctionnement. »
Un participant avait une vision du système de justice qui était vraiment nouvelle. Il nous a fait part de cette philosophie au cours de la réunion :
« Je viens juste de lire un article au sujet d'un homme de 74 ans qui a eu des contacts sexuels avec un jeune garçon. Le juge a dit : "Pour montrer à la société la gravité du crime que vous avez commis, nous allons vous envoyer pendant quatre ans dans un lieu de solitude et d'isolement, le pénitencier." Le juge aurait pu dire : "Parce que vous avez fait cette chose grave au sein de la société, chose que nous n'acceptons pas, je vous condamne à être responsable de vos actions. Je vous condamne à réparer le tort que vous avez fait et à vivre dans la collectivité d'une façon saine." Ce n'est pas ce qui a été dit. Mais, si nous avons dit que nous allions fermer le système correctionnel, nous devons élaborer un système où la collectivité peut reprendre ses responsabilités. Nous avons confié ces responsabilités à d'autres. Nous devons réformer l'ensemble du système de justice pénale, depuis l'admission des gens, aux juges qui prononcent les peines, jusqu'aux lieux où nous gardons les gens et aux systèmes de probation. Nous ne devrions pas les isoler et les mettre à l'écart pour ensuite devoir faire face à eux, lorsqu'ils sortent. »
Un autre participant a parlé du problème et du préjudice fait par les systèmes qui sortent les gens de leurs collectivités pour les « guérir ». Voici ce qu'il dit :
« Comment pourraient se présenter les politiques et quels sont les exemples de façons dont nous pouvons travailler ensemble? Y a-t-il d'autres mots pour délinquant ou victime qui n'offensent pas ou ne victimisent pas? Qui sont ceux-là qui se brouillent avec la collectivité peu importe la raison? À cause de la maladie, nous les mettons à part. À cause d'infractions, nous les éloignons. À cause de l'âge, nous les plaçons dans des foyers; parfois, nous séparons de vieux couples alors qu'ils ont besoin l'un de l'autre. Nous ne les laissons pas ensemble. C'est terrible! Alors, nous les mettons à l'extérieur de la collectivité, soi-disant pour les guérir. Mais en fait, c'est pour les punir. C'est dans la collectivité qu'ils vont se rétablir. »
Valeurs chrétiennes
En réponse à la question "Y a-t-il des valeurs précises au sein de la collectivité autochtone chrétienne qui ont un effet positif sur le processus de guérison?" Voici ce que les participants ont dit :
« En fait, nous parlons généralement, ici, de symptômes d'un problème plus vaste qui est créé par notre système de justice pénale. Si nous réformions cela, ce que nous obtiendrions ce n'est pas tant le traitement des symptômes, mais nous commencerions à créer un processus de guérison communautaire. Nous le ramènerions dans la collectivité et édifierions le genre de structures dont nous avons besoin pour répondre à ces problèmes. Nous aurions un processus de guérison et un parcours de réconciliation qui changeraient nos collectivités. Il y aurait des lieux où l'on retient les gens responsables, mais où l'on continue de vivre avec eux. Nous ne les isolons pas; nous ne les mettons pas à l'écart pour ensuite devoir faire affaire avec eux lorsqu'ils sortent. »
« Un processus de guérison chrétien devrait être authentiquement autochtone et devrait se tourner davantage vers ce que nous pouvons trouver dans les collectivités comme option de rechange à l'incarcération. Ou ce pourrait être un processus communautaire qui leur permet de sortir plus vite en toute sécurité et de travailler sur leur guérison dans la collectivité. Donc, le but de la guérison n'est pas de punir le délinquant, la personne pour ce qu'elle a fait, mais de retourner voir ce qui l'a amené à quitter le droit chemin comme personne, pour ensuite lui permettre de participer à un processus qui répare les torts. Est-ce que ceci s'applique à ce qui se produit au sein de l'établissement en soi? Je crois que nous devons avoir une certaine continuité. Les choses ne peuvent pas être d'une certaine façon dans les établissements et différentes dans la collectivité. Cela prend une certaine continuité. »
Un des principaux messages à la réunion a été l'importance de la façon dont Jésus a pourvu aux besoins de tous ceux qui ont voulu écouter et apprendre. Pour lui, il était fondamental que le message soit entendu par tout le monde. Il a également vécu en conformité avec ce qu'il a lui-même prêché. C'est pour cela, a-t-on dit , qu'il a été détesté et calomnié par d'autres. Des participants ont dit ce qui suit :
« Tout ce que je peux dire de mon expérience, c'est que la vie est un cadeau et un mystère. Je vois vraiment Dieu dans toutes les vies et il y a des parcours où Dieu appelle les gens, qui sont un mystère pour moi. Mon rôle tel que je le vois est d'être fidèle, autant que je peux l'être, d'aider les gens à être fidèles à qui ils sont, et de marcher avec eux. Personnellement, ma spiritualité a grandement été modelée par cela. J'ai vu Jésus, qui était un juif, qui est allé à la synagogue, son église, et qui était fidèle à ceux qu'il voyait. Il était fidèle à son Père. Mais le gros de ce qui a modelé ma spiritualité, c'est la façon dont Jésus se comportait avec les gens, et je tente de vivre de la même façon. Il n'a pas choisi d'être avec certains et pas avec d'autres. Il était ouvert à chacun. C'est probablement le plus gros reproche que les gens lui ont fait, d'être ouvert à chacun et d'être là pour tous, peu importe où ils étaient. Il écoutait leurs histoires. Je pense que lorsque les gens sont capables de raconter leur histoire, ils commencent à mieux voir qui ils sont. En conséquence, dans mon cas, j'espère que le fait d'être qui je suis agit aussi profondément que possible. J'espère être aussi honnête que possible et fidèle à l'écoute des autres et j'espère les laisser être qui ils sont. Je pense que c'est la façon dont la guérison se produira dans nos collectivités. Chacun peut sentir qu'il est valable, qu'il est aimé et aimable et qu'il a quelque chose à donner au reste de l'humanité. »
« Mais, nous n'avons pas besoin de réinventer un autre "isme". Nous devons marcher selon ce que notre tradition nous enseigne. Nous devons être qui nous sommes et vivre en fonction de nos principes. En faisant cela, les autres partiront en se disant que c'est quelque chose à envisager, quelque chose à soupeser et que peut-être il y a quelque chose de valable dans ce que vous dites. Et, oui, ils rejettent la religion de l'homme blanc et je dis que Jésus était un juif. Il était probablement plus foncé que vous, en tant que sémite. Lui et son groupe d'amis étaient à la disposition de quiconque se présentait. Nous connaissons la parabole du jeune chef riche. Nous connaissons les gens qui se présentaient. Mais, vous savez, Dieu regarde le cœur; c'est pourquoi je dis Dieu regarde dans votre cœur et il est votre principal homme. Je compare cela à un match de boxe. C'est l'homme des coupures; il vous encourage mais il est également là lorsque des coups sont donnés. De temps en temps, il va arrêter le coup. Parfois, vous sentez sa présence, parfois non, mais vous savez qu'il est là et qu'il apporte le baume, ce produit pour la guérison. Mais, ils ont besoin de savoir pourquoi ils devraient croire. "Pourquoi devrais-je choisir?" Lorsqu'ils voient ce qui en découle, la paix, la joie, l'amour, les fruits de l'Esprit, alors cela devient attrayant. Cela a du sens. Cela a du sens de s'engager dans un sentier. »
Collectivité
Bien que le besoin d'une continuité entre les activités de guérison dans les établissements et les processus de guérison communautaire soit important, la plupart des participants avaient l'impression que la « collectivité » était la partie la plus importante de l'équation. Voici ce qu'ils ont fait observer :
« Si nous avions un autre système, et nous n'en aurons jamais un autre tant et aussi longtemps que nous avons un système sur lequel compter, mais si tel était le cas, l'idéal serait un système où la collectivité pourrait reprendre ses responsabilités propres. Nous les avons confiées au système actuel et cela ne fonctionne pas. »
« Je pense qu'une troisième chose absolument nécessaire à la guérison, c'est la collectivité. La collectivité, ce peut être un groupe, et une famille. La collectivité peut aussi être une communauté religieuse ou un pavillon de ressourcement. Sans collectivité, vous ne pouvez guérir. »
« Je pense que le lieu où nous devons commencer, c'est dans la collectivité. Hier, j'ai donné des exemples de façons de travailler dans certaines collectivités où certains Aînés ont pris la responsabilité de travailler avec les familles dont un membre était incarcéré et qui sont devenus le pont entre les deux. Il est important que l'ensemble de la collectivité soit réceptive aux personnes qui reviennent chez elles. L'éducation est très importante et elle aidera les collectivités à arriver à s'ouvrir aux gens qui sont différents. C'est là où nous devons commencer, non par de grandes choses, mais par de petites choses où les gens se retrouvent et apprennent à s'aimer les uns les autres et à découvrir ce qui les blesse, pour voir si, ensemble, ils peuvent guérir. »
« Je pense qu'il faut vraiment que la collectivité commence à prendre la responsabilité de la guérison de ses membres, peu importe qui sont ces membres. Cela peut également être le cas pour les autres races. Si ces personnes pensent qu'elles peuvent revenir à la maison et qu'une certaine guérison s'est produite, ce serait bien. Alors, je pense que peu importe le modèle utilisé, la collectivité est quelque chose de très important à avoir à l'esprit. Nous ne nous attendons pas à ce que les gens sortent de prison et s'intègrent d'eux-mêmes. »
« La continuité dans les services correctionnels commence maintenant par les services correctionnels et se termine avec la collectivité. Partout où je vais, je dis "s'il vous plaît, ne commencez pas par là. Commencez par la collectivité. Ne commençons pas par voir les gens comme s'ils tombaient de Mars ou de la Lune." Ce sont des enfants. Ce sont des Canadiens. Ce sont des citoyens. Ce sont des personnes qui ont un passé et un parcours. Et maintenant, elles aboutissent dans le service correctionnel pour adultes du SCC. Cela ne s'est pas produit instantanément. Ces personnes viennent de la collectivité. Elles ont suivi un parcours et elles ont abouti ici. »
Les commentaires des participants ont reflété parfois la conclusion de la Commission royale sur les peuples autochtones dans son rapport « Par delà les divisions culturelles » qui a admis que « parmi les initiatives de la justice applicable aux Autochtones les plus remarquables, au cours de la dernière décennie, il y a celle qui se déroule à l'intérieur des prisons canadiennes » Note de bas de page 18. Le rapport reconnaissait la valeur des programmes culturels et spirituels pour les détenus sous responsabilité fédérale mais reconnaissait "le besoin de programmes communautaires pour les Autochtones dirigés par les collectivités qui reposent sur le travail accompli à l'intérieur des prisons" Note de bas de page 19. Bien que le rapport de la Commission royale ait placé sa conclusion dans le contexte de la culture et la spiritualité autochtones traditionnelles, les participants ont reconnu que les mêmes besoins existaient dans le contexte chrétien. Voici ce qu'une personne a dit :
« Nous avons besoin de structures qui aident véritablement les gens lorsqu'ils retournent dans la collectivité, structures qui leur permettent de guérir. Vous ne pouvez pas guérir sans fondement économique. Vous ne pouvez pas sortir avec votre petite valise bleue, une paire de chaussures et 50 $ en poche et penser travailler sur ce processus de guérison lorsque vous sortez. Vous avez besoin de structures intégrées là-dedans. Pour moi, c'est tout un ensemble d'aspects différents regroupés qui sont absolument nécessaires à la guérison, et la spiritualité en est le fondement; vous avez absolument besoin de cela parce que, autrement, où est le sens? »
Dévouement
Les participants ont admis que le processus de guérison exige la participation de personnes et de bénévoles dévoués dans la collectivité, en mesure d'agir comme guérisseurs et mentors auprès de ceux qui en ont besoin. Bon nombre de ces personnes sont toujours dans leur propre parcours de réconciliation et ont besoin d'un appui, par le biais de leur foi et de l'aide d'autres personnes, pour créer un environnement de guérison. Des participants ont fait les observations suivantes :
« Je crois que nous devons inviter les gens à adopter une nouvelle vision du monde, si leur expérience jusqu'alors ne leur a pas enseigné à donner. Le bénévolat permet de découvrir une partie de nous qui souhaite pouvoir donner. Cela vient avec le sentiment d'être comblé et de vouloir le faire partager à quelqu'un d'autre. Si je n'expérimente pas ce sentiment et cette joie dans ma propre vie, je ne me porterai pas volontaire pour aider quelqu'un d'autre parce que je serai mesquin et avare et je voudrai garder ce que j'ai pour moi. Mais si je suis comblé, je veux découvrir mes possibilités dans le bénévolat et donner. »
« Si nous entretenons des rapports horribles avec les délinquants dans le système en leur imposant notre pouvoir et les avilissons et leur arrachons leur humanité, comment nous attendre à ce qu'ils soient humains lorsqu'ils sortent? Mon cerveau n'arrive pas à comprendre cela. Aidez-les à se donner une vision. Embrassez leurs rêves. Je crois qu'ils ont besoin de comprendre cela, qui ils sont, et la façon dont Dieu les a faits, et le fait que Dieu leur parle. Donnez-leur des mentors, des guides et respectez-les. Aidez-les à se constituer un jugement critique et à apprendre à faire des choix logiques. Commencez, ne serait-ce que, par de petites choses. Poursuivez vers des choses plus complexes pour leur permettre de vivre une séquence de choix heureux. Peut-être qu'une partie de cela se fait déjà, je ne le sais pas. »
« La troisième chose, c'est le guérisseur, le respect et le respect accordé au guérisseur, parce qu'un bon nombre de guérisseurs dans la collectivité autochtone, comme vous le savez, sont eux-mêmes dans un parcours de réconciliation. Certains ont besoin de guérir aussi. En conséquence, il faut tenir compte de cela également. Les guérisseurs sont la canalisation essentielle pour permettre à l'information de revenir aux gens, qu'il s'agisse d'une guérison traditionnelle ou chrétienne. »
« Il nous faut instaurer un sentiment d'unité pour faciliter le processus de guérison, mais nous n'avons pas besoin de réinventer un autre nom en isme. Nous devons marcher en fonction de ce que notre tradition nous enseigne, peu importe qui nous sommes, et vivre conséquemment. Il y a certains programmes qui aident maintenant à cela, de l'autre côté du barbelé. Pour ce qui est de la nation Nishnabe-Aski, à titre d'exemple, elle offre du mentorat aux jeunes à Thunder Bay et au sein d'autres collectivités; les mentors produisent effectivement des résultats. Vous savez, ce sont les gens que Dieu appelle ou utilise pour marcher avec d'autres qui peuvent être des mentors, qui peuvent servir de canalisation pour ces outils que sont la paix, la joie ou l'amour et la vérité. »
« À ce niveau, les gens s'intéresseront véritablement au genre de travail que nous faisons. Il y a des gens qui se portent volontaires partout au pays. Des centaines et des centaines de personnes qui sont véritablement engagées face à leur foi, et d'autres qui ne le sont pas, mais sont soucieuses de la sécurité collective et qui partagent des valeurs, des buts, des croyances et le respect. Elles se soucient véritablement de ce qui se passe autour d'elles. »
« Alors que j'écoutais ce qui se disait dans le cercle, je crois que j'ai entendu certains de vous dire que vous aviez trouvé qui vous étiez jusqu'à un certain point et que vous voulez donner davantage à la collectivité. Je pense que dans nos vies, nous pouvons agir de façon à faciliter cela. Il est à peine nécessaire de se demander si le christianisme ou la tradition autochtone est nécessaire à la guérison des gens. Il suffit d'être fidèle à l'identité de Dieu; Dieu nous a créés et il a dit c'était très bien. Il nous a faits différents, de sorte que la façon dont nous nous exprimons est différente et c'est très bien. Je pense que si nous laissons les gens être qui ils sont, très bien, je pense que nos collectivités vont guérir. Meegwetch, ou "Merci" en saulteux. »
« Les obstacles sont juste cela, la peur. Il y a beaucoup de peur. Chacun tente de dire que sa façon est la bonne. J'essaie d'éviter cela. J'essaie d'être un bon modèle pour mes clients, parce qu'en bout de ligne, je veux qu'ils guérissent. Je veux les aider de toutes les façons qu'il m'est possible de le faire. Si nous ne pouvons pas nous asseoir et parler comme des adultes, alors je crois que nous avons tous les deux besoin d'un traitement, parce que nous devons apprendre à écouter et à nous respecter mutuellement véritablement. Je crois que c'est tout ce que je voulais dire. Merci. »
Au cours de la réunion, des participants ont donné un certain nombre d'exemples concrets pour montrer comment ils sont devenus des guides ou des mentors auprès des délinquants qui retournent dans leurs collectivités. Voici des exemples :
« Je suis invité à participer à certaines réunions relatives à l'article 84, parce qu'il y a des prisonniers autochtones qui espèrent leur mise en liberté. Ils veulent se mettre en rapport avec quelqu'un dans la collectivité qui est en mesure de les aider à apprendre comment suivre une voie avec Jésus. Alors, je me mets en rapport avec eux et il y a plusieurs façons de le faire. Parfois, c'est par les journaux ou par une lettre que quelqu'un vous envoie au bureau. Mais je ne suis pas payé pour cela. Cela va bien au-delà de ma description de travail. Une fois qu'une personne accepte une main amicale tendue, disons cela comme cela, nous pouvons nous mettre en rapport. Nous pouvons nous mettre en rapport à l'intérieur même de l'établissement, bien avant que ces personnes soient mises en liberté. Je peux offrir d'ouvrir la Bible avec elles ou juste d'être un ami. Une fois qu'elles sont mises en liberté, je peux offrir de les transporter, par exemple. Vous voyez un peu de quoi il s'agit. Je peux leur présenter d'autres personnes dans la collectivité, dont je sais qu'elles pourraient devenir des ressources. Il s'agit de vraies personnes dans une collectivité qui se soucie de ses membres. Mon intervention peut être de les inviter à venir dans ma petite église locale. Nous nous retrouvons dans une communion où ils peuvent se mettre en rapport avec d'autres personnes. Certainement, il s'agit d'un réseau de vraies personnes. Je remets en question ce que le SCC a fait dans le passé pour découvrir ce réseau de chrétiens vivant dans les collectivités au Canada. Les gens qui acceptent d'aider d'ex-détenus, vous n'avez pas besoin de les payer. Je pense qu'il faut que cela fasse partie du processus dont nous parlons ici. »
« Mais je pense qu'actuellement, un peu comme un ami, je travaille avec des Autochtones ex-membres de gangs. Il s'agit de Cris, d'Ojibway et de Sioux qui sont tous engagés là-dedans. Nous sommes un peu comme des conciliateurs dans ce programme. Nous sommes comme des défenseurs. Nous mettons en commun des ressources. S'ils sont Ojibway, nous leur montrons des Aînés ojibway, ou des Aînés cris ou des Aînés sioux. Nous leur donnons les ressources que nous pouvons trouver pour eux, même de l'interprétation, s'ils vont en cour, et des choses comme ça. Nous avons des communications avec des travailleurs sociaux autochtones auprès des tribunaux, des agents de libération conditionnelle et des agents de probation. Nous avons tout cela dans cette seule maison; je me dis que si nous pouvons construire une maison plus grande, nous pouvons peut-être avoir d'autres confessions religieuses en plus de celle-ci. Nous avons plus de 200 clients. Nous attendons un permis pour une résidence. C'est un refuge que nous avons. C'est le seul refuge que nous ayons pour les ex-membres de gangs. C'est le premier du genre. Notre financement vient des services à l'intention des sans-abri. Nous n'avons aucuns fonds de Service correctionnel. Nous n'avons aucun fonds de la justice réparatrice. Aucun fonds de quelque organisme que ce soit. En fait, nous n'avons approché personne. Nous ne savions pas à qui nous adresser. Nous nous sommes regroupés, chacun ayant des connaissances différentes. »
Bien que les participants aient reconnu le besoin de bénévoles et de mentors dans les collectivités pour soutenir la guérison et la réinsertion sociale des délinquants, un participant a souligné le besoin de bénévoles pour travailler avec les délinquants pendant qu'ils sont toujours incarcérés. Il a souligné qu'il est souvent difficile d'obtenir des bénévoles par l'intermédiaire du processus de filtrage du SCC, mais que le résultat en vaut la peine. Voici ce qu'il a dit :
« Une partie du filtrage qui a été effectué à Stony Mountain a découragé des bénévoles qui voulaient venir. Certains sont malgré tout venus et ne se sont pas souciés de la difficulté posée par le filtrage. J'encourage les bénévoles qui viennent dans les prisons, parce qu'on a énormément besoin d'eux dans les établissements aujourd'hui. Les détenus ont besoin de savoir qu'il y a des gens qui se soucient réellement des autres et qui acceptent les gens qui se trouvent à l'intérieur. Beaucoup de gars à l'intérieur ne ressentent pas cela. Ils n'ont pas l'impression d'être acceptés dans la collectivité. Ils n'ont pas l'impression d'être suffisamment bons pour faire partie d'un organisme ou se rendre dans un certain endroit à l'extérieur, même à l'église. Ils n'ont pas l'impression de pouvoir être acceptés là-bas. Sans ce lien entre l'extérieur et l'intérieur, ça ne va pas fonctionner. Ça ne fonctionnera jamais. Le SCC doit tenter d'amener des bénévoles. Ça ne peut pas être uniquement les détenus. Les détenus ont un rôle à jouer, également. Je sais que cela est difficile pour le SCC d'attirer des gens vers l'intérieur, ne serait-ce qu'à cause du facteur lié à la confiance.
J'essaie d'amener certains bénévoles à venir à l'intérieur, parce qu'on a beaucoup besoin de cela. Les personnes qui gèrent ces organismes à l'extérieur, les membres des églises, les leaders religieux aujourd'hui, sont nos modèles de comportement, qu'on le veuille ou non. Nos leaders aujourd'hui, à l'extérieur, doivent faire leur part d'une façon ou de l'autre, parce que cela inspire les gars à l'intérieur. Le maire est venu et un des gars ne le respectait pas et avait à redire. Mais à la fin de la journée, ils étaient tous au gymnase pour rencontrer le maire et lui serrer la main. Ce sont des personnes comme cela qui inspirent les gens. Et ils y vont et disent "devinez qui j'ai rencontré". Ce sont de petites choses comme cela qui maintiennent l'inspiration. Ils n'arrêtent pas de le dire. Il y a des gens qui ont les qualités requises et même si vous pouvez penser que ça n'inspire personne, il en est tout autrement. »
Résumé
Bien que le temps ait manqué pour poursuivre la discussion, un certain nombre de participants ont résumé la discussion de la façon suivante :
« Je pense qu'il y a quelques éléments qui seraient nécessaires à une action chrétienne autochtone concertée pour la guérison. Un des éléments est qu'il faudrait qu'il y ait un sens spirituel chrétien en son centre. Cela serait vraiment essentiel. Il faudrait que cela vienne des détenus ou des résidents eux-mêmes. Je pense que cela intégrerait les questions ayant trait à la sécurité et à l'identité. Parmi les autres éléments importants, il y a la responsabilité personnelle et communautaire, le pardon et la réconciliation. Il faudrait aussi tenir compte du traumatisme historique et de ce qu'il a signifié dans nos collectivités du point de vue des individus, de même que de celui du cycle des traumatismes qu'ont subis les collectivités dans leur ensemble. »
« Voici comment je verrais la question : "Les expressions traditionnelles de culte et de rapports à Dieu sont vues comme indispensables à la réussite des processus de guérison. Est-ce que l'expression personnelle des rapports et du culte à Dieu, peu importe leur forme, sont la clé des processus de guérison fructueux?", question à laquelle je répondrais par "Oui". »
« Je n'ai pas beaucoup de choses à dire. Ce que je veux dire, en réponse à la question de savoir de quoi aurait l'air un processus de guérison chrétien, c'est qu'il faudrait que vous prêchiez par l'exemple et, par cela je veux dire qu'il y a beaucoup de personnes, des chrétiens qui ne prêchent pas par l'exemple. Vous savez, vous les rencontrez dans le corridor et c'est tout juste s'ils ont quelque chose à vous dire, mais ils sont censés être dans l'Esprit du Christ. Un des éléments les plus importants pour moi serait de prêcher par l'exemple, peu importe ce que vous prêchez. »
« De quoi a l'air un processus de guérison chrétien? Pour moi, il s'agit de visages, simplement de visages, certains de disciples de Jésus, de personnes qui se soucient des autres et qui espèrent aider les gens qui ont besoin d'aide. »
Chapitre six : Idées en faveur d'une approche chrétienne autochtone à l'égard de la guérison
Approches en établissement
Les participants ont tourné leur attention vers des façons dont les chrétiens autochtones pourraient être soutenus dans leurs parcours de réconciliation. Ils croient que les délinquants ont besoin de soutien et de conseils tout au long de leur peine et que les approches de guérison chrétiennes doivent être offertes dans les établissements, dans les installations postlibératoires et dans la collectivité.
Même si les participants admettent que le Service correctionnel du Canada a accordé beaucoup d'importance à l'élaboration et à la prestation de programmes spirituels autochtones traditionnels, ils reconnaissent que les établissements ont offert des occasions aux détenus chrétiens autochtones de pratiquer un culte correspondant à leur foi. Les personnes qui ont pris la parole à la réunion disent cependant que les détenus chrétiens autochtones n'ont pas accès à une gamme de programmes aussi étendue que ceux qui suivent les approches traditionnelles. On s'est dit préoccupé par ce déséquilibre dans les programmes parce qu'il pourrait désavantager les détenus autochtones qui se présentent devant la Commission nationale de libérations conditionnelles, étant donné que les membres de la Commission peuvent interpréter que le fait que les détenus ne participent pas aux programmes autochtones signifie qu'ils n'ont pas suivi complètement leur plan correctionnel. Cela étant dit, bien que les portes soient ouvertes pour permettre aux détenus autochtones de découvrir et de pratiquer la spiritualité traditionnelle et bien que les Aînés se voient accorder une place plus importante dans les pénitenciers, cela n'a pas été aux dépens du droit des chrétiens autochtones de suivre leurs propres enseignements. Voici ce que les participants ont dit :
« J'observe que les détenus autochtones sont encouragés à participer à la spiritualité autochtone, mais ils ne sont pas forcés de le faire; ils ont un choix, celui de suivre la spiritualité chrétienne ou la spiritualité autochtone. Cela correspond à mon expérience jusqu'à maintenant dans le système fédéral et je trouve que cela fonctionne bien pour certains. »
« Un des exemples que je vois, est un appelé minsitère Bridging the Gap, qui a commencé par l'initiative visant les détenus à Rockwood, inscrits au programme Un pas en avant. Il s'agit simplement d'un cercle où les détenus se réunissent et s'aident mutuellement à reconstruire leurs vies. Ce n'est pas particulièrement chrétien. Bon nombre des personnes qui viennent de la collectivité sont chrétiennes. On ne force personne. En conséquence, il y a des gars qui sont chrétiens et d'autres qui adhèrent aux principes traditionnels. Ils ont toujours un terrain d'entente et cela les aide à vivre plus intensément. Ensuite à l'extérieur, ils peuvent communiquer avec un autre groupe avec qui ils se sentent plus à l'aise ou qui correspond à ce qu'ils ont appris. »
Le groupe a aussi conscience du fait que les détenus chrétiens, qu'ils soient autochtones ou non, ne constituent pas un groupe homogène et que plusieurs confessions religieuses peuvent être représentées au sein de la population des détenus. Ils ont reconnu l'approche interconfessionnelle de l'aumônerie du Service correctionnel du Canada et le travail que les aumôniers en établissement ont accompli pour répondre aux besoins des différents détenus chrétiens. Voici ce que les participants ont dit :
« À certains endroits, ils ont une aumônerie interconfessionnelle et un aumônier s'occupe en quelque sorte de travailler avec tout le monde. Au SCC, nous avons conservé cette distinction entre protestants et catholiques romains et cela fonctionne pour nous. Cela témoigne de la nécessité que des personnes diverses s'occupent des besoins des délinquants dans le cadre des prisons. Nous avons réglé ça, parce que nous avons convenu de principes éthiques relativement à la façon de travailler les uns avec les autres et dans le contexte de chaque ministère. Cela étant dit, dans les faits, il arrive que, lorsque vous commencez à travailler avec des personnes qui sont nouvelles ou qui renouvellent leur engagement face à leur parcours religieux, on a habituellement affaire à des personnes qui adoptent des positions assez rigides. Lorsque nous élaborons une politique et un processus, nous devons prévoir des dispositions pour les personnes qui entreprennent un parcours et qui ont besoin de certitudes et des limites fermes, qu'elles sont plus tard, lorsque vient la maturité, en mesure de dépasser. »
« Dans le domaine de l'aumônerie, nous faisons face à cela continuellement et pas seulement dans le cadre des prisons. Nous aimerions penser que nous avons évolué ou que nous avons réussi à mettre sur pied un système assez raisonnable au sein de l'aumônerie du Service correctionnel du Canada. Mais j'aimerais rappeler à mes amis là-bas que nous avons toujours une définition des aumôniers catholiques romains et des aumôniers protestants. Pourquoi est-ce que nous avons besoin de cette définition dans notre système? Eh bien, il y a des raisons très profondes à cela. À certains endroits, ils ont une aumônerie interconfessionnelle et un aumônier s'occupe de travailler avec tout le monde. Mais au SCC, nous avons conservé cette distinction entre protestants et catholiques romains. Cela fonctionne pour nous et en fait cela fonctionne très bien. Cela témoigne de la nécessité que toute une gamme de personnes répondent aux besoins des délinquants dans le contexte des prisons. Et la façon dont nous avons réglé ça, c'est que nous avons convenu d'un ensemble de principes éthiques relativement à la façon dont nous allions travailler les uns avec les autres et dans le contexte de notre ministère. C'est la façon dont nous faisons notre travail dans le cadre des prisons. Il est possible que les gens pratiquent de façon différente à l'extérieur des prisons, mais lorsqu'ils se trouvent à l'intérieur, et que vous travaillez dans le cadre du SCC, il existe un certain ensemble de principes éthiques qui gouvernent la pratique du ministère dans cet environnement et cela nous a aidés. Les gens y croient. Si vous n'y croyez pas, vous n'avez pas l'emploi ou vous n'obtenez pas le contrat pour faire le travail. Les gens acceptent cela dès le départ avant de venir travailler avec nous. »
« Je crois personnellement qu'il faut un engagement formel. Il faut une politique, quelque chose d'écrit sous forme d'entente relativement à une vision. Vous avez besoin d'une entente au sujet de la mission et de quelque chose dont les gens peuvent convenir, autrement cela ne fonctionnerait jamais. Selon ce que la mission ou la vision prévoit, est-ce que la mission ou la vision prévoit ce que nous tentons d'apporter ici? Il ne s'agit probablement pas d'une guérison globale, mais peut-être uniquement d'une guérison physique ou psychologique ou sociale ou spirituelle. Selon ce que cette vision ou cette mission sera, elle déterminera si cela peut fonctionner ou non ou s'il est possible que cela constitue un tout. Mais, certainement, cela correspond à ce que l'Écriture sainte dit relativement au fait de s'entendre. "Et comment deux personnes peuvent-elles marcher ensemble, à moins de s'entendre?" »
Un participant a parlé de la Fondation autochtone de l'espoir qui réunit les leaders des Églises et les organisations nationales autochtones pour traiter de la question des mauvais traitements dans les pensionnats. Il a l'impression que ce type de modèle pourrait servir d'exemple pour arriver à travailler ensemble.
« Bon nombre de personnes arrivent à trouver la guérison en prison. C'est dans cet environnement que plusieurs trouvent la guérison. Alors, comment y parviendrons-nous? Il y a plusieurs modèles tout autour sur la façon d'y arriver. Vous avez les conseils multiconfessionnels. Peut-être que l'aumônerie au sein du SCC en est une autre. Peut-être s'agit-il de quelque chose qui existe déjà, qui s'appelle la Fondation autochtone de l'espoir. La fondation se penche sur la question des pensionnats. S'il est une question controversée, c'est bien celle-là. La Fondation autochtone de l'espoir représente les cinq Églises principales. Elle représente également les cinq organisations autochtones nationales et la Fondation pour la guérison des Autochtones et les ex-élèves des pensionnats. Et cela, c'est une question litigieuse. Il est véritablement difficile d'en parler. Et pourtant, tout le monde se réunit de façon régulière et trouve des solutions à cette question. Ils sont capables de travailler ensemble et aider en vue de cette guérison. Alors, si eux, les Églises, les organisations autochtones nationales et les ex-élèves des pensionnats peuvent se regrouper et parler de cette question, assurément, cette question en est une pour laquelle nous pouvons trouver une façon de faire. »
Pavillons de ressourcement chrétiens
Les participants à la réunion étaient tous au courant du fait que le Service correctionnel du Canada a établi un certain nombre de pavillons de ressourcement autochtones ou de centres dans plusieurs régions partout au Canada. Ils avaient également conscience que ces pavillons de ressourcement reposent sur les enseignements et les pratiques spirituelles traditionnelles. Parce que les pavillons de ressourcement et les centres sont les seules installations spécialement pour les Autochtones au sein du système correctionnel fédéral, les participants étaient d'avis qu'il fallait des installations similaires pour les Autochtones chrétiens qui désirent continuer leur parcours de guérison. Voici ce que les participants ont dit :
« Nous pourrions recommander, dans le cadre du présent dialogue, de mettre en œuvre des centres de guérison chrétiens autochtones. Les pavillons de ressourcement qui se trouvent un peu partout au pays ne comportent pas d'élément chrétien. Les pavillons de ressourcement, lorsqu'ils fonctionnent avec quelque groupe que ce soit, ont une base spirituelle. Par exemple, la maison de transition où je travaille accueille beaucoup d'Inuits, de Cris du Nord qui ont une base spirituelle chrétienne. C'est donc dire qu'il n'est pas possible de travailler uniquement avec des aspects traditionnels. C'est un peu comme si vous enleviez cela, si vous parliez de pavillons de ressourcement qui seraient juste pour les chrétiens. Ils ont besoin de cela; j'adorerais faire cela. »
« J'adorerais, un jour, faire partie d'un centre de guérison chrétien autochtone. Je pense qu'après 15 ans dans les services correctionnels, ce serait la chose la plus rafraîchissante qui soit. Sortir de derrière les barbelés et faire partie de quelque chose qui est novateur et créatif et à la fine pointe de ce qui permet à des gens d'embrasser leur humanité et leur spiritualité et les entendre dire "vous savez quoi, je peux en fait voir la lumière du soleil, le lever du soleil et sentir l'air et la beauté." Je vous remercie. »
« L'idée, c'est qu'il y a des gens qui sont farouchement opposés à la culture. Alors, ce dont vous parlez, c'est d'un pavillon de ressourcement traditionnel qui comprend le christianisme. Habituellement, les gens de culture traditionnelle acceptent volontiers d'inclure les autres, mais les Autochtones qui ont tourné le dos à leur culture et ont embrassé le christianisme semblent réellement retranchés sur leur position. Mais ils ont malgré tout besoin de cette guérison. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois que l'approche du Centre de guérison chrétien autochtone adopterait un point de vue chrétien, plutôt qu'un point de vue plus traditionnel. »
« Une autre chose que nous trouvons absolument essentielle, c'est la sécurité. Les gens ne peuvent guérir sans sentiment de sécurité. Dans certains environnements, vous ne vous sentez pas en sécurité et à moins de vous sentir en sécurité, vous ne pouvez réellement guérir. C'est peut-être la raison pour laquelle on devrait avoir, vous savez ce que vous suggérez, un pavillon de ressourcement qui soit chrétien, où vous vous sentez réellement en sécurité. »
Un certain nombre de participants ont dit croire que les pavillons de ressourcement pour Autochtones chrétiens étaient essentiels, pour poursuivre les enseignements chrétiens que les détenus reçoivent dans les établissements fédéraux. Ils ont également besoin d'un endroit qui leur permette de maintenir leurs liens avec les soutiens de leur guérison, après avoir quitté le pénitencier. Certains ont dit ceci :
« Je suis allé à un Pavillon de ressourcement, un pavillon autochtone et ils ne parlaient d'aucun enseignement de la Bible. Lorsque je suis sorti dans la rue, je ne me sentais pas à l'aise dans certaines églises, mais j'y étais invité. Je ne me sentais pas à l'aise dans cette atmosphère, où les gens n'avaient pas vécu ce que j'avais vécu, n'avaient pas vu ce que j'avais vu. »
« Lorsque je suis allé à Crane River et pendant que j'y étais, ils voulaient que nous suivions la politique qu'ils avaient mise en place. Vous deviez aller à des sueries, rencontrer individuellement votre Aîné. Tout révolutionnait autour de l'aspect traditionnel. Au cours de cette période, je me disais que je venais juste de découvrir le Seigneur. Je voulais vraiment en apprendre davantage à son sujet. Alors, je me suis mis à faire mes propres études. Je me disais que plutôt que d'un pavillon de ressourcement autochtone, cela aurait été vraiment bien d'avoir un pavillon de ressourcement pour Autochtones chrétiens. »
Un participant a résumé ce que pourrait être un pavillon de ressourcement pour Autochtones chrétiens, de la façon suivante :
« Cela me demande un effort de penser à pavillon de ressourcement comme quelque chose d'axé sur le Christ et qui a adopté des principes bibliques. C'est quelque chose qui fait intervenir des conseillers et des psychologues chrétiens. Il serait possible de constituer un groupe qui, je crois, travaillerait avec d'autres personnes pour voir comment elles perçoivent les choses. Ce sont des experts dans leur domaine et ils savent ce qu'ils font. Ils consulteraient bon nombre de personnes d'une même foi et verraient où nous allons avec cela. Ensuite nous offririons un choix à ces personnes. »
Les chrétiens sont reconnus pour leur soutien aux personnes dans le besoin et respectés pour cela. Les participants voyaient cela comme un élément clé permettant de soutenir le parcours de guérison d'un détenu. Grâce au soutien de chrétiens autochtones dans la collectivité, un détenu pourrait passer de façon sûre et sans heurts d'un établissement à la collectivité. Voici ce qu'un participant a dit :
« Des progrès comme celui-ci exigent un réseau de vraies personnes. Alors, ce que nous avons fait dans le passé, par l'intermédiaire du SCC, a été de découvrir ce réseau de chrétiens des collectivités du Canada qui aident les ex-détenus et il n'est même pas nécessaire de les payer pour le faire. Je crois que c'est quelque chose du genre qu'il nous faut examiner. »
Pour ce qui est de mettre au point un centre de guérison ou une approche chrétienne autochtone dans les collectivités, cependant, les participants ont admis que le gros des fonds offerts pour les programmes de guérison et de traitement autochtones va aux programmes axés sur la culture et la spiritualité traditionnelles. Certains voyaient cela comme un véritable obstacle à la création d'une intervention chrétienne autochtone auprès des gens dans le besoin, alors que d'autres avaient l'impression qu'en fait l'argent pouvait empêcher le changement. Voici ce qu'un participant a dit :
« Y a-t-il des exemples de guérison et de processus chrétiens autochtones au Canada? Aucun ne me vient à l'esprit. Pourtant je sais qu'il y en a. Je pense davantage aux États-Unis. J'étais à Minneapolis il y a plusieurs années et j'y ai rencontré un type, un chrétien; ils avaient construit un pavillon de ressourcement autochtone. Ce monsieur est chrétien et c'est un type intéressant. Il sait comment mener des campagnes de financement. Je ne sais pas comment on fait aux États-Unis pour avoir accès aux fonds publics, mais je pense qu'ici au Canada c'est un peu plus difficile pour un groupe chrétien. À Calgary, nous avons les Services de traitement des toxicomanies pour Autochtones. C'est un centre de traitement et c'est très traditionnel. Ils viennent juste de construire de nouveaux locaux. Ce n'est pas chrétien, de sorte qu'ils ont reçu des fonds de la Alcohol and Drug Abuse Commission. Ils ont probablement reçu d'autres fonds également. Donc, je pense que pour ce qui est des centres de guérison chrétiens autochtones, ils sont rares et éloignés les uns des autres, parce que, évidemment, cela prend des fonds pour faire certaines choses. Lorsque vous regardez la situation d'un point de vue chrétien, c'est une chose, mais lorsque vous la regardez d'un point de vue chrétien autochtone, c'en est une autre. En tant que pasteur autochtone, je sers dans une collectivité économiquement pauvre. Les Églises sont des organismes bénévoles, de sorte qu'il est assez difficile pour nous, dans une église locale, d'établir un centre de guérison autochtone sans ressources. S'il s'agit d'un pavillon de ressourcement ou d'un centre autochtone, c'est-à-dire si toute la philosophie est de spiritualité autochtone traditionnelle, il y a des fonds pour cela; mais, lorsqu'il s'agit de quoi que ce soit de chrétien, il est très difficile d'avoir accès à des fonds publics. C'est la situation telle qu'elle se présente sur le plan financier et c'est pourquoi vous ne voyez pas autant de centres ou de pavillons de guérison chrétiens autochtones. »
« Évidemment, le gouvernement ne veut pas parrainer des entités religieuses au moyen de fonds publics. Évidemment, il est question de la séparation entre l'Église et l'État, mais je pense que c'est nécessaire. Il y a d'autres organismes qui sont principalement autochtones et qui offrent des services à des délinquants. Le comité central mennonite en est un exemple. C'est un organisme non autochtone qui fournit des services à des délinquants autochtones. »
« Je pense que le christianisme a fait énormément pour la guérison, une guérison très puissante et très concluante. C'est tout simplement que le gouvernement du Canada et l'État ne sont pas censés travailler avec les Églises. »
« Pour moi, la question du financement, d'où se trouve l'argent et le pouvoir et qui prend les décisions, tout cela est secondaire par rapport à l'identité et aux défis à relever. Souvent, nous confondons pouvoir et vérité, et fonds et capacité. Mais le véritable changement ne survient pas nécessairement parce que nous avons des fonds et le pouvoir. Le vrai changement se produit lorsqu'il se produit, si nous avons les yeux pour le voir. Parfois, les gens avec de l'argent et du pouvoir empêchent le changement de se produire. »
Malgré toutes les différences qui existent entre les traditions et les croyances autochtones et chrétiennes et entre les confessions religieuses chrétiennes, les participants ont reconnu qu'il valait la peine de mettre de côté leurs différences et de travailler collectivement vers un but commun. Si tous croient que la guérison des personnes dans le besoin est la responsabilité première de chacun, alors les différences qui existent entre les aidants ne devraient pas les empêcher d'atteindre leur but ultime commun. Un participant a fait part de ses opinions au sujet de façons possibles d'améliorer la collaboration. Voici ce qu'il a dit :
« En conséquence, il semble que la question est de savoir comment nous y parviendrons. Il existe des modèles à cet égard tout autour de nous. Un conseil multiconfessionnel est une façon de faire. L'aumônerie au sein du SCC en est une autre. Peut-être serait-il possible de créer quelque chose comme ce qui existe déjà qui est appelé la Fondation autochtone de l'espoir. Ce groupe travaille à des questions liées aux pensionnats et y a-t-il quelque chose de plus controversé que cela? La Fondation autochtone de l'espoir représente les cinq Églises principales et les cinq organisations autochtones nationales. La Fondation pour la guérison des Autochtones et les ex-élèves des pensionnats font également partie de ce groupe. Voilà un exemple d'une question litigieuse dont il est vraiment difficile de parler. Et cependant, tous ces gens se rencontrent de façon régulière et trouvent des solutions. En conséquence, si eux, les Églises et les organisations autochtones nationales et les ex-élèves des pensionnats peuvent se réunir et parler de cette question, assurément, nous pouvons trouver une façon de faire la même chose en ce qui concerne cette question. »
Chapitre sept : Quelques réflexions de la fin
Tel que mentionné au début, le présent rapport visait à faire état des propos tenus au cours de la réunion de deux jours des leaders chrétiens autochtones et à rendre compte de la nature des conversations tenues; malheureusement, la plupart des questions posées aux participants à la réunion n'ont pas été abordées. Parmi ces questions figuraient les suivantes :
- Y a-t-il des exemples de processus de guérison et de réparation chrétiens autochtones au Canada? Dans l'affirmative, comment fonctionnent-ils? Dans la négative, pourquoi est-ce qu'il n'y en a pas?
- Quelles sont les valeurs de la croyance chrétienne qui ont trait au concept de communauté et quel est le rapport entre la responsabilité communautaire et la responsabilité individuelle, lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins des victimes et des délinquants?
- Étant donné la diversité des croyances, quelle serait la forme d'un processus de guérison axé sur le christianisme?
- Comment les leaders de l'Église chrétienne des Premières nations peuvent-ils intervenir pour répondre aux besoins des délinquants/victimes et rendre les collectivités plus sûres?
- Où l'Église devrait-elle s'insérer dans la structure du processus de guérison?
- Comment l'Église peut-elle soutenir le développement de guérisseurs dans la collectivité?
- Y a-t-il au sein de la collectivité autochtone chrétienne des valeurs précises qui ont un effet positif sur le processus de guérison?
- Y a-t-il des façons dont les disciples chrétiens et traditionnels peuvent collaborer pour restaurer l'harmonie à l'intérieur de la personne, de la famille et au sein de cette collectivité? Qu'est-ce que vous voyez comme obstacles possibles?
- Comment la politique devrait-elle être conçue pour inclure les pratiques de toutes les croyances et tout en faisant en sorte que la culture autochtone soit respectée ou reconnue?
La conversation a été à la fois profonde et sincère. Peu importe quelle était la confession religieuse des participants, les interventions visaient la recherche de ce qui conviendrait aux personnes qui ont besoin d'une guérison.
Le deuxième but du présent rapport est de permettre à ceux qui n'ont pas assisté à la réunion de commencer à réfléchir aux approches de guérison chrétiennes autochtones et à penser à la question fondamentale qui a donné lieu à la réunion : « Si la spiritualité est à la base du mouvement de guérison, la forme de spiritualité ou le processus de guérison qu'un individu adopte est-elle importante, si l'objectif poursuivi est la guérison de la personne? » Cette question pourrait être soulevée au sein des établissements correctionnels et des services et organismes qui travaillent au bien-être des personnes, des familles et des collectivités. C'est aussi une question à laquelle les responsables de l'élaboration des politiques gouvernementales pourraient s'intéresser.
Les participants ont eu conscience que deux jours ne suffisaient pas pour traiter bon nombre de questions soulevées par le Groupe de la politique correctionnelle autochtone. Ils sont reconnaissants d'avoir eu l'occasion de se rencontrer en tant que chrétiens autochtones et d'avoir pu, pour la première fois, discuter collectivement de leurs rôles au sein du mouvement croissant de guérison autochtone. Ils ont tous vu une place pour eux en tant que chrétiens, individuellement, et pour l'Église chrétienne en tant que centre physique et spirituel, dans la conception d'un plus grand nombre d'options pour les personnes dans le besoin.
« Je terminerai en empruntant les mots de Martin Luther King. "Je rêve d'un jour où nos gens seront guéris et jouiront de la liberté d'être véritablement ce pourquoi Dieu les a créés." Je vous remercie. »
En conclusion, les participants ont soulevé d'autres aspects, comme façons d'amener les gens à se poser d'autres questions auxquelles il faut trouver des réponses, soit au cours d'une deuxième réunion ou au cours d'une réflexion calme de la part de ceux qui étaient sur le point de retourner chez eux. Voici ce qu'ils ont dit :
« Ce que nous cherchons, c'est une vision, la conscience de ce que cela prendra, qu'il s'agisse d'une spiritualité autochtone ou chrétienne ou d'une combinaison des deux religions ou d'autres religions. Je pense que cette fragmentation est vraiment préoccupante, d'abord parce qu'il s'agit de demander au SCC de financer toute une série de programmes différents; elle est préoccupante en raison de ses conséquences chez les gens qui sont dans le système et, dans les collectivités, en raison du genre de conflit qu'elle engendre. Mais j'ai juste soulevé ceci à titre de préoccupation personnelle. »
« Il s'agissait certainement d'une question légitime. D'une part, il y a énormément de choses négatives et il y a encore énormément de choses négatives aujourd'hui dont les Indiens sont responsables et personne d'autre. Une grande partie de cela est attribuable à des gens bien intentionnés et, même, à des gens éclairés désireux de changer et d'aider nos gens. Cela étant dit, vous ne pouvez pas radier l'ensemble de l'expérience traditionnelle indienne à cause des abus. Si tel était le cas, il nous faudrait également radier un fort pourcentage de ministres du culte, de prédicateurs, de prêtres, de religieuses et de rabbins, pour la même raison. Tout cela témoigne de la condition humaine et confirme que vous trouvez des imperfections partout. Le plus tôt dans la vie vous pouvez faire la paix en vous face à cela et accepter que les humains sont faibles, le plus tôt vous reconnaissez qu'il y a des façons de tenir compte des faiblesses des gens et d'aider les gens à tenter d'améliorer leur sort, le mieux ce sera. »
« Je crois que nos politiques doivent tenir compte de ce qui se produit et du fait que les besoins changent constamment. Ce sont les buts qui doivent nous guider. Des réunions comme celle-ci font partie du processus qui nous donne l'occasion de discuter de ce qui nous est arrivé. Il nous faut accepter aller de l'avant. Nous voulons nous donner des programmes qui, dans nos collectivités, nos écoles et nos églises invitent des gens de tous les niveaux et de tous les groupes ou toutes les collectivités à mieux se connaître. La foi en la vie doit se pratiquer en société. C'est la façon d'être ouverts et sensibles et à l'écoute les uns des autres. Il nous faut des programmes éducatifs conçus pour les écoles, les écoles publiques, les maternelles, les écoles secondaires, où tous les jeunes peuvent faire l'expérience de la diversité et de la collectivité et apprendre à vivre entourés d'amour et de compassion. Nous devons former le personnel dans tous nos établissements, nos prisons, nos pénitenciers, nos hôpitaux et nos établissements de soins infirmiers à être sensibles aux gens. »
Un autre participant a résumé comme suit ses opinions sur la façon de poursuivre :
« Alors, je viens ici à la recherche de la même chose que vous tous, la connaissance et la compréhension et de l'aide pour nos propres parcours. Et si ces parcours vont se faire avec les nôtres lorsque nous allons quitter cet immeuble, nous devons être prêts à prendre aussi les coups. Non seulement les coups, mais les malentendus à prévoir, parce qu'il s'agit de christianisme autochtone. Eh bien, vos problèmes, présentez-les au Patron, parce que, si nous tous ici sommes dans la vente, lui, il est le seul dans la gestion et la promotion. Je vous remercie »
Les Autochtones sont connus pour leur capacité de raconter des histoires et pour leur humour. Bien souvent ces blagues et ces histoires sont dites d'une façon qui permet à l'interlocuteur de penser au sens de la vie et à sa place dans la Création. Une de ces histoires a été racontée à la fin de la réunion.
« C'était une journée magnifique, un peu comme celle d'aujourd'hui. Si vous regardez à l'extérieur, vous voyez de beaux arbres et c'est merveilleux. Cet athée marchait parmi les arbres, dans la nature et c'était magnifique. Il pouvait sentir le vent et l'entendre et le sommet des arbres ondulait. Il profitait de sa marche dans la nature lorsque subitement un gros ours a surgi hors du bois et s'est rué sur lui. L'athée a eu peur, s'est tourné et s'est mis à courir. Ce faisant, il est tombé et en regardant vers le haut, il a aperçu l'ours sur le point de se précipiter sur lui.
Il a crié "Mon Dieu, à l'aide!" et tout a gelé. Les arbres ont gelé, le vent s'est arrêté, tout est devenu calme et même l'ours penché au-dessus de lui s'est soudainement immobilisé. Alors la voix de Dieu s'est fait entendre : "Je pensais que tu ne croyais pas en moi." L'athée a dit "Non, je ne crois pas en vous." Dieu a dit : "Alors pourquoi m'as-tu appelé à la rescousse?" L'athée a dit "Je ne crois pas en vous. Je n'ai jamais cru en vous et je ne sais pas si je croirai en vous après cela. Mais vous savez, ce qui serait très utile en ce moment, Dieu, c'est que vous transformiez cet ours en un ours chrétien; peut-être les choses seraient-elles moins pires." Dieu dit : "Je vais changer l'ours en un ours chrétien." Alors l'ours devint un ours chrétien. Subitement, l'ours abattit sa grosse patte et dit "Merci, Dieu, pour cette nourriture que je suis sur le point de recevoir!" Fin de l'histoire. »
Un autre commentaire de la part d'un participant montre un type d'humour différent.
« Les autorités carcérales du Sud du Manitoba ont dû confisquer les bibles récemment, notamment à la prison Headingly. La cigarette n'est pas permise et le papier fin de certaines de ces bibles est parfait pour rouler des cigarettes. Voici un de mes commentaires préférés d'un des prisonniers de la prison Headingly : "J'ai fumé tout Matthieu. J'ai fumé tout Marc. J'ai fumé tout Luc. Mais, quand je suis arrivé à Jean, j'ai découvert que Dieu m'aimait et j'ai donné mon cœur à Jésus-Christ." »
Liste des participants
- Kerry McLaughlin – Aumônier, Centre correctionnel de Thunder Bay
- Donna Antoine – Conseillère, Centre de traitement Native Horizons
- Joe Couture – Psychologue, Pavillon de ressourcement Pe Sakastew
- Ted Renaud – Centre luthérien de soins communautaires
- Le Très Révérend Gordon Beardy
- Dean Shingoose – Pasteur, Église pentecôtiste autochtone de Calgary
- Izzy Vermette – Gestionnaire, PaaPii Wak
- David Christmas – The Maples Community Church
- Lance Wood
- Thelma Pelletier – Aumônière en établissement, Établissement du Pacifique – Centre régional de traitement
- Le Révérend Cliff Holloway
- Anita Keith – Administratrice, North American Institute for Indigenous Theological Studies
- Ron Hunt
- Margot Lavoie
- Joseph Romain
- Matthew Coon Come
- Gail Valaskakis – Fondation pour la guérison des Autochtones
- Ed Buller – Sécurité publique
- Corina Hayward – Sécurité publique
- David Molzahn – Aumônier, Service correctionnel du Canada
Notes
- 1
Tiré de Minorities, Crime and the Law – J. Colin Yerbury et Curt T. Griffiths
- 2
Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, volume 3, p. 34, 35.
- 3
Warry, W. Unfinished Dreams: Community Healing and the Reality of Aboriginal Self-Government, University of Toronto Press, 1998, p. 240
- 4
Historical Trauma and Aboriginal Healing, The Aboriginal Healing Foundation Research Series, 2004, p. 78
- 5
Martin, Calvin L., Keepers of the Game: Indian-Animal Relationships and the Fur Trade, Berkley, University of California Press, 1978, p. 72.
- 6
Ibidem, p. 60.
- 7
Trigger, Bruce G., Natives and Newcomers: Canada's "Heroic Age" Reconsidered, Kingston et Montréal : McGill Queen's University Press, 1985, p. 251.
- 8
Ibidem, p. 254.
- 9
Ibidem, p. 255.
- 10
Morris, Alexander. Treaties of Canada Toronto: Belfords, Clark & Co., 1880, édition en fac-similé, Coles Publishing Company, 1979, p. 296 et 297.
- 11
Goikas, John. How can the Canadian Justice System be adapted to accommodate the concerns of Aboriginal Peoples, 1998, p. 4.
- 12
Aperçu statistique : Le système correctionnel et la mise en liberté sous condition – 2005, Sécurité publique, p. 29
- 13
Hall, Stuart. Critical Dialogues in Cultural Studies, publié par Kuan-Hsing Chen, David Morley Routledge Publishing, 1996.
- 14
Lorenz, Rod et Caroline – Extrait de Holy Smoke – Incense to Sweetgrass.
- 15
Keith, Anita, L. Rise UP! Shaping the future of Indigenous Ministry though cross-cultural partnership, 2004, p. 21.
- 16
Studebaker, John. Building Bridges for the Gospel, 1900 Firman Drive, Suite 100, Richardson, TX 7508, Probe Ministries, 1972, p. 5.
- 17
Keith, Anita, L. Rise UP! Shaping the future of Indigenous Ministry through cross-cultural partnership, 2004, p. ix.
- 18
Commission royale sur les peuples autochtones, « Par delà les divisions culturelles », 1996, p. 126
- 19
Commission royale sur les peuples autochtones, « Par delà les divisions culturelles », 1996, p. 137
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