Rapport sur ce que nous avons entendu et appris lors des consultations sur la Loi sur le SCRS
Consultations concernant les modifications à apporter à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité

Table des matiéres

Sommaire

En novembre 2023, le gouvernement du Canada a mené des consultations publiques sur les modifications qui pourraient être apportées à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Ces modifications permettraient de doter le SCRS de moyens mieux adaptés à son mandat, lequel consiste à enquêter sur les menaces envers la sécurité nationale et la population canadienne, à conseiller le gouvernement du Canada à cet égard et à prendre des mesures visant à atténuer ces menaces. Les consultations ont pris la forme d’un sondage en ligne auprès du public et de discussions avec de nombreux intervenants et partenaires : représentants des administrations provinciales et territoriales, des gouvernements autochtones, du secteur privé et du milieu universitaire; juristes et spécialistes en matière de protection de la vie privée et de transparence; membres d’organismes représentant des groupes communautaires et religieux et d’autres groupes issus de la société civile. Le processus de consultation s’est révélé enrichissant pour le gouvernement, qui a pu entrer en contact avec de nombreux membres de la société canadienne qui sont engagés sur le plan civique et apprendre de leurs expériences.

Les membres de la population canadienne qui ont pris part au processus ont indiqué qu’ils comprenaient en général la nécessité d’apporter des modifications à la Loi sur le SCRS compte tenu des progrès technologiques et de l’évolution des menaces et qu’ils étaient favorables à ces modifications. Les participants ont exprimé des opinions généralement positives à propos des modifications requises dans les cinq catégories à l’étude, même si le niveau d’appui variait d’une catégorie à l’autre.

Un fort soutien a été exprimé, mais ce ne sont pas tous les participants qui étaient en faveur des propositions. Une minorité de participants ont exprimé des préoccupations en lien avec le respect de la vie privée et la nécessité d’établir des mécanismes solides de supervision et de responsabilisation. De plus, certains ont souligné qu’il est important de bâtir la confiance à l’égard du SCRS et de continuer à faire preuve de transparence.

Dans l’ensemble, la plupart des participants ont reconnu que les modifications proposées permettraient de mieux outiller le SCRS et le gouvernement et l’aideraient ainsi à contrer les menaces envers la sécurité nationale, dont l’ingérence étrangère.

Introduction

En tant que démocratie libre et ouverte et en tantqu’économie développée, le Canada est la cible d’États étrangers, ou d’acteurs agissant en leur nom, qui cherchent à servir leurs objectifs stratégiques. Certains de ces États emploient des moyens transparents et légitimes, tandis que d’autres menacent ou intimident des personnes au Canada et leurs familles ailleurs dans le monde, ou mènent des activités clandestines et trompeuses qui nuisent aux intérêts nationaux du Canada. Les progrès technologiques n’ont eu pour effet que de soutenir et d’accélérer ces menaces, tout particulièrement dans le monde virtuel.

Le 24 novembre 2023, pour tenter de contrer l’évolution du contexte de la menace, l’honorable Dominic LeBlanc, ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, a annoncé le lancement de consultations publiques sur l’ingérence étrangère lors desquelles il serait question des modifications proposées à la Loi sur le SCRS. Modifier la Loi doterait le SCRS de moyens mieux adaptés à son mandat, lequel consiste à enquêter sur les menaces envers la sécurité nationale, à conseiller le gouvernement du Canada à cet égard et à prendre des mesures visant à atténuer ces menaces.

Comme il s’est engagé à faire preuve de transparence et à favoriser la participation publique, le gouvernement a voulu recueillir un large éventail de perspectives auprès de membres de la population, d’intervenants et de partenaires en utilisant deux méthodes : la présentation d’un sondage en ligne et l’organisation de tables rondes.

Le sondage en ligne s’est échelonné du 24 novembre 2023 au 2 février 2024. Pendant cette période, le gouvernement a pu recueillir les perspectives vastes et diversifiées de bon nombre de segments de la société canadienne. Le processus de consultation en ligne a été surveille afin de détecter tout signe d'irrégularité, y compris des soumissions provenant de l'étranger et d'éventuels robots. Aucune irrégularité significative n'a été identifiée, ce qui indique que les résultats représentent l'opinion des Canadiens. Si la majorité relative des 360 personnes qui ont répondu au sondage en ligne se sont identifiées comme des membres de la population, d’autres se sont identifiés comme des membres de groupes communautaires, des organisations religieuses, le milieu universitaire, l’industrie ou du gouvernement fédéral. Les répondants devaient d’abord prendre connaissance d’un document de consultation qui décrivait en détail les enjeux sur lesquels ils seraient appelés à se prononcer, puis répondre à treize questions de fond réparties en cinq catégories :

Le gouvernement a aussi consulté un large éventail d’intervenants et de partenaires dans le cadre de tables rondes qui réunissaient des représentants des administrations provinciales et territoriales, des gouvernements autochtones, du secteur privé et du milieu universitaire, des juristes et des spécialistes en matière de protection de la vie privée et de transparence, ainsi que des membres d’organismes représentant des groupes communautaires et religieux et d’autres groupes issus de la société civile. Les participants à ces discussions comprenaient des représentants de toutes les provinces et de tous les territoires, des détenteurs de droits inuits, métis et des Premières nations, des chefs d'entreprise et des organisations des secteurs des affaires et de la technologie du Canada, des dirigeants d'universités et de facultés canadiennes et des organisations représentant les Canadiens d'origine chinoise, ukrainienne, russe, iranienne, sikhe et hindoue, ainsi que d'autres organisations de la société civile. Il s’agissait d’une excellente occasion de sensibiliser le public aux enjeux qui touchent l’ensemble de la population et des institutions du Canada dans le but de renforcer la résilience collective. Les tables rondes permettaient en outre de mieux connaître les perspectives et préoccupations des membres des communautés, ainsi que d’explorer les mesures de protection et les questions de transparence. En tout, le gouvernement a consulté 55 organisations et administrations gouvernementales distinctes, en plus de 10 universitaires et spécialistes non associés aux organisations.

Globalement, les commentaires que le gouvernement se réjouit d’avoir pu recueillir lors du sondage en ligne et des discussions avec les intervenants et les partenaires, entre autres, permettront la tenue d’un débat éclairé sur les modifications à apporter à la Loi sur le SCRS. Le gouvernement pourra ainsi planifier les prochaines étapes de façon à assurer le juste équilibre entre la protection de la sécurité nationale et le respect de la vie privée des membres de la population canadienne.

Résultats

Discussions avec les intervenants et les partenaires

Les tables rondes permettaient au gouvernement d’expliquer les défis qui se posent pour le SCRS et de répondre directement aux questions. Les intervenants et partenaires qui y ont pris part s’entendaient généralement pour dire qu’il fallait apporter des modifications à la Loi sur le SCRS de façon à rajuster le tir dans les domaines où cette dernière est devenue désuète. Beaucoup de personnes ont dit appuyer l’adoption de modifications législatives et reconnaître qu’il faut s’attaquer à la menace croissante que représente l’ingérence étrangère au Canada, tout en manifestant parfois leur étonnement lorsqu’elles apprenaient les restrictions avec lesquelles le SCRS doit composer. Plusieurs personnes se dont dites heureuses d’avoir l’occasion de faire entendre leur voix sur le sujet. Des appels au maintien de la participation publique et de la transparence en vue de rebâtir la confiance ont souvent été répétés, surtout dans le contexte où certaines communautés au Canada entretiennent depuis longtemps des relations difficiles avec le gouvernement du Canada. 

Les discussions avec des intervenants et des partenaires variés ont permis de recueillir des commentaires précieux sur les modifications possibles. La communication d’informations était le domaine qui suscitait le plus d’intérêt. Les propositions de nature technique, comme les changements à apporter au régime applicable aux ensembles de données, étaient moins souvent abordées lors des tables rondes.

Pendant les tables rondes, les commentaires formulés au sujet des modifications proposées étaient majoritairement positifs. L’accent était mis sur l’importance d’une mise en œuvre efficace, ainsi que sur la nécessité de protéger les informations et d’assurer le respect de la vie privée. D’autres se sont dits préoccupés par l’absence de toute stratégie ambitieuse ou offensive en lien avec les modifications.

Les points de vue de nos partenaires autochtones sont dans l’ensemble positif, avec quelques inquiétudes. Alors que la majorité des représentants des Métis, des Inuits et de certaines Premières nations ont généralement accueilli favorablement les modifications proposées, un de nos partenaires des Premières nations a exprimé leur crainte d’une diminution de leur autonomie gouvernementale si des modifications législatives sont adoptées. Les craintes exprimées se rapportaient principalement aux relations en matière de commerce et d’investissement. Autres représentants des Premières nations ont rappelé au gouvernement du Canada leurs préoccupations concernant la tenue d’enquêtes sur les peuples autochtones et lui ont expliqué que les peuples autochtones au Canada ne voient pas ou n’interprètent pas forcément l’ingérence étrangère de la même façon que lui.

Bon nombre de groupes de la société civile ont manifesté leur appui aux propositions et ont affirmé comprendre l’importance des modifications, mais certains se sont dits préoccupés du fait que les nouvelles mesures puissent nuire par inadvertance aux membres de différentes communautés, surtout celles que l’ingérence étrangère affecte de façon disproportionnée. Ils ont également souligné que les préjudices que peuvent subir certaines communautés et les préjugés possibles à leur égard doivent être pris en considération et qu’un tel risque doit être atténué dans toute modification législative proposée.

Réponses en ligne

En tout, 360 personnes ont répondu au sondage en ligne du 24 novembre 2023 au 2 février 2024. Au début du sondage, il était demandé aux répondants d’indiquer s’ils appartenaient à l’un ou l’autre des huit groupes mentionnés (voir la figure). La majorité relative des 360 répondants (46 %) se sont identifiés comme des membres du public (voir la figure 1 pour les résultats complets).

Figure 1 : Répartition des répondants au sondage public en ligne auto-identifier comme membre de:

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Un graphique à barres représentant les répondants en ligne par catégorie. 46,1 % des répondants se sont identifiés comme membres du public, 16,1 % comme membres du milieu des affaires, 9,7 % comme universitaires, 14,2 % comme membres du gouvernement Canadien, 1,9 % comme appartenant à une organisation non gouvernementale, 1,9 % comme appartenant à une organisation représentative d'une communauté et 0,8 % comme appartenant à une organisation religieuse, tandis que le reste s'est identifié dans la catégorie « autres ».

Les analyses qualitative et quantitative des réponses indiquent que les répondants se sont généralement dit favorables à l’idée de fournir au SCRS les outils dont il a besoin pour enquêter sur les menaces modernes, dont l’ingérence étrangère, et lutter contre celles‑ci. Les répondants ont souvent indiqué que le Canada se doit d’être plus fort face aux menaces pour la sécurité nationale comme l’ingérence étrangère.

De plus, les répondants ont exprimé des opinions généralement positives à propos des modifications requises dans les cinq catégories, même si le niveau d’appui variait d’une catégorie à l’autre. Ils se sont prononcés fortement en faveur de la proposition selon laquelle la Loi sur le SCRS devrait faire l’objet d’un examen régulier, ainsi que des changements en lien avec la communication d’informations et l’article 16 de la Loi.

Certains répondants se sont montrés critiques à l’égard des changements, notamment parce qu’ils auraient souhaité que leur portée soit plus vaste. Les réponses d’un sous‑groupe de répondants témoignaient d’une méfiance ou d’un mécontentement général à l’égard du SCRS, de l’appareil de la sécurité et du renseignement, du gouvernement dans son ensemble ou de politiciens et de partis politiques en particulier. Ces sentiments se reflétaient souvent dans leurs réponses à toutes les questions et se traduisaient parfois par des commentaires généraux sur les capacités, les intentions, les activités, les politiques ou la corruption du SCRS ou du gouvernement.

Figure 2 : Répartition des réponses au sondage public en ligne

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Diagramme à barres empilées représentant le nombre de réponses positives et négatives aux questions de l'enquête publique en ligne.

Les questions dont la réponse n’était pas « oui » ou « non » (Q1, Q3, Q9 et Q14) n’apparaissent la figure ci dessus. L’annexe A contient la liste complète des questions.

Réponses aux questions (en nombre)
Réponses aux questions (en nombre) 2 4 5 6 7 8 10 11 12 13
Oui 81 82 76 60 81 83 77 77 71 91
Non 19 18 24 40 19 17 23 23 29 9

Un examen approfondi des réponses à plusieurs questions du sondage en ligne montre clairement que les niveaux de soutien auraient pu être différents et peut‑être supérieurs si le SCRS avait fourni plus de contexte ou de précisions. Par exemple, la figure ci-dessus montre que le soutien exprimé en réponse à la question 6 (nouvelle autorisation judiciaire visant une activité de collecte ciblée) est inférieur à celui qui a été exprimé en réponse à beaucoup d’autres questions. Cependant, l’analyse des réponses écrites a révélé que bon nombre de répondants ne croyaient pas qu’il y avait déjà des mesures de protection dans le processus d’obtention des mandats ou que les activités seraient menées en vertu d’un mandat de la Cour fédérale. Le sondage en ligne a permis au gouvernement de tirer des leçons et, par souci de clarté, de s’adapter en prévision de ses rencontres avec les intervenants et les partenaires. Ainsi, les participants ont pu mieux comprendre les propositions et les mesures de protection déjà en place.

Autres

D’autres moyens permettaient aux personnes intéressées de se prononcer sur les enjeux faisant l’objet des consultations. En effet, le gouvernement a reçu des commentaires d’experts de la sécurité nationale, d’universités, du commissaire au renseignement et d’autres personnes qui ont fait connaître leur opinion par écrit. Certains d’entre eux ont reconnu qu’il est nécessaire d’apporter des modifications à la Loi sur le SCRS, mais se sont dit d’avis que les modifications proposées auraient pu être plus ambitieuses ou audacieuses. La plupart des personnes qui ont ainsi voulu se prononcer ont indiqué que les modifications proposées en lien avec la communication d’informations et la tenue d’un examen régulier doivent de toute évidence être apportées, mais qu’il faudrait revoir entièrement la collecte de renseignements étrangers au titre de l’article 16, et non y apporter seulement des modifications. En outre, certaines personnes ont dit souhaiter le réexamen de la définition de menace envers la sécurité du Canada à l’article 2 de la Loi sur le SCRS, un souhait que des participants aux tables rondes ont aussi exprimé. Enfin, d’autres ont manifesté un appui sans équivoque à la série de propositions devant permettre de renforcer la capacité du gouvernement du Canada de faire face aux menaces.

Si les personnes qui ont présenté des observations écrites se disaient en général favorables aux propositions visant à mettre à jour la Loi sur le SCRS, quelques‑unes ont tout de même formulé des commentaires négatifs. Deux en particulier ont contesté la plupart des propositions. Le présent rapport fournit des détails sur la nature de ces commentaires, qui concordent aussi en quelque sorte avec un petit nombre de commentaires recueillis lors des consultations en ligne.

Résultats selon les catégories de modifications

1. Faut-il autoriser le SCRS à communiquer des informations à des personnes ou à des organisations extérieures au gouvernement du Canada pour renforcer la sensibilité et la résilience à l’ingérence étrangère?

Les participants estimaient en grande majorité qu’il serait judicieux d’élargir le mandat du SCRS de manière à y inclure la communication d’informations à l’extérieur du gouvernement du Canada, car cela contribuerait à atténuer un large éventail de menaces et à renforcer la sensibilisation et la résilience des personnes ou des organisations à risque. Il a aussi été mentionné qu’il serait important de communiquer des informations aux administrations provinciales, territoriales, autochtones et municipales, aux personnes qui s’acquittent de fonctions gouvernementales, aux forces de l’ordre locaux et aux universités, par exemple en tenant régulièrement des séances d’information sur la sécurité à l’intention des politiciens provinciaux et territoriaux. Des participants ont souligné que ce type d’initiative pourrait permettre d’établir une stratégie de collaboration en matière de sécurité qui serait avantageuse pour le SCRS et qui renforcerait les liens de confiance. Il y a eu des discussions et des commentaires concernant des questions de mise en œuvre. Certaines personnes ont précisé dans quels contextes et pour quels destinataires il faudrait fixer des limites et ont soulevé des éléments importants à prendre en considération concernant la protection de la vie privée et des droits garantis par la Charte. Elles ont notamment aussi abordé les sujets suivants : ressources additionnelles; déclassification des informations; cote de sécurité des personnes à qui les informations sont communiquées; ententes et procédures sur la communication d’informations; surveillance et responsabilité; obligation de ne pas communiquer des informations d’une façon qui influerait sur l’opinion publique; possibilités de diffusion ultérieure des informations; risque de communiquer des informations aux mauvaises personnes. Il a également été fait état d’autres conséquences imprévues. Plusieurs personnes ont par ailleurs parlé de l’infrastructure permettant de recevoir des informations protégées, ainsi que de la capacité de prendre des mesures fondées sur des informations sensibles du SCRS.

Au cours des discussions, des intervenants et des partenaires ont manifesté un vif intérêt pour la proposition, tandis que d’autres se sont demandé si les modifications permettraient au SCRS d’alerter les activistes ou les membres des différentes communautés au sujet des menaces qui pèsent sur eux. Des questions ont également été soulevées au sujet des critères servant à déterminer si des informations peuvent être communiquées et du processus visant à établir quand et comment une telle communication peut avoir lieu. En ce qui concerne la lutte contre l’ingérence électorale, quelqu’un a appuyé la modification et insisté sur le fait qu’il est important de communiquer les informations aux responsables de la gestion électorale en temps opportun et de manière apolitique.

Les représentants des administrations provinciales et territoriales ont affirmé que, selon eux, la communication d’informations est une grande priorité, surtout lorsqu’il s’agit de protéger les infrastructures essentielles contre les menaces. Les discussions étaient généralement axées sur les mécanismes de mise en œuvre, dont les autorisations de sécurité et les infrastructures requises pour recevoir les informations. Ainsi, les représentants des administrations provinciales et territoriales se sont demandé comment ils pourraient utiliser les informations classifiées puisqu’il s’agit d’informations sensibles.

Le gouvernement a également entendu des membres du milieu des affaires parler de la nécessité de revoir entièrement la Loi, surtout en ce qui concerne l’échange d’informations. Les membres du milieu des affaires ont mis en lumière les différentes façons dont le renseignement pourrait contribuer à protéger la sécurité économique et les marchés financiers canadiens. Ils ont aussi fait valoir que cela renforcerait les liens de confiance, ce qui serait bénéfique à la fois pour le SCRS et le gouvernement. Il a été proposé que le gouvernement établisse un moyen officiel pour échanger des renseignements de façon sûre et efficace avec des partenaires externes.

Une université canadienne a présenté des observations écrites dans lesquelles elle indiquait que les campus universitaires sont mal outillés pour contrer les menaces complexes. À son avis, l’échange d’informations dans une plus large mesure permettrait d’établir des relations de collaboration qui aideraient à lutter contre l’ingérence étrangère, l’espionnage, les menaces qui pèsent sur la sécurité de la recherche et l’extrémisme violent. À l’heure actuelle, faute de faits concrets, il arrive souvent que les établissements d’enseignement écartent le peu d’informations non classifiées que le Service est en mesure de leur transmettre. Les universités ne disposent pas des ressources nécessaires pour suivre l’évolution du contexte de la menace. Ainsi, elles ont besoin d’informations détaillées pour intégrer la sécurité à leur culture et à leur processus décisionnel. Le soutien et la communication d’informations détaillées aux universités auraient aussi pour effet de renforcer la confiance et la transparence. Les universités doivent notamment obtenir des informations sur les tendances et les pratiques exemplaires pour atténuer les menaces et recevoir en temps opportun des informations liées à des menaces précises.

Une observation écrite s’est opposée à la modification des dispositions sur la communication d’informations en disant craindre que certaines communautés subissent des préjudices ou fassent l’objet d’une surveillance accrue. Cette soumission a aussi exprimé des préoccupations au sujet de la protection de la vie privée, de la méfiance envers les gouvernements et du risque que le secteur privé et les établissements universitaires transmettent de façon inappropriée les informations qu’ils reçoivent. Une autre observation écrite a fait part d’avis similaires en plus de faire valoir la nécessité de recueillir plus de données probantes pour appuyer la proposition. Selon elle, le gouvernement devrait explorer des approches non législatives en vue de communiquer davantage d’informations au public; il devrait aussi mettre en œuvre des mesures pour assurer l’exactitude des informations et instaurer des mécanismes de recours pour permettre aux entités de se défendre si des renseignements les concernant sont communiqués à tort.

2. Faut-il doter le SCRS de nouveaux pouvoirs nécessitant une autorisation judiciaire adaptés au degré d’intrusion propre aux techniques à employer?

Comme cette catégorie englobe plusieurs types d’autorisations, les opinions exprimées variaient d’une proposition à l’autre. Dans l’ensemble, les réponses se sont toutefois révélées plus favorables que défavorables en ce qui concerne les arguments liés à la rapidité des enquêtes, à la parité avec les forces de l’ordre et à la sécurité nationale, ainsi qu’en ce qui a trait à la nécessité pour le Service d’avoir accès à des outils adaptés aux menaces. L’appui était tout particulièrement fort lorsqu’il s’agissait de la possibilité pour le SCRS d’obtenir une ordonnance de préservation et de la délégation de l’autorisation ministérielle en situation d’urgence. L’appui des participants en ce qui concerne l’ordonnance de communication était aussi fort. Certaines personnes ont souligné qu’il faut des lignes directrices et des mécanismes redditionnels clairs, tandis que d’autres se sont dites préoccupées en apprenant que le SCRS ne peut pas déjà se procurer de telles autorisations judiciaires. À peu près tous les participants ont mentionné la nécessité de protéger la vie privée et les droits garantis par la Charte, et certains ont par ailleurs souligné qu’il faudrait de nouvelles ressources pour étayer la proposition. Lors des tables rondes, un intervenant a dit qu’il fallait s’assurer que les préjugés ne puissent pas influencer les processus.

Dans deux autres cas, des observations écrites se disaient préoccupées par les propositions relatives aux autorisations judiciaires. Selon elles, il n’est pas si facile de contester ces mandats dans le cadre d’une audience publique, et il n’y a donc pas le même niveau de transparence. L’une de ces intervenants a fait valoir qu’une autorisation de collecte à usage unique donnerait accès à des informations susceptibles d’être recueillies de façon fortuite, pas ciblé par le mandat. Ces participants ont tenu à préciser que les nouveaux pouvoirs ne devraient être exercés qu’en vertu de mandats décernés par la Cour fédérale, ce qui concorde exactement avec les modifications proposées.

3. Faut-il combler une lacune causée par les progrès technologiques et rétablir la capacité du SCRS de recueillir, depuis le Canada, des informations sur d’autres États et des ressortissants étrangers qui se trouvent au Canada?

Un fort appui a été exprimé à l’égard des propositions de modifications à l’article 16 de la Loi, et bon nombre de personnes ont souligné qu’il conviendrait d’abolir les restrictions applicables à la collecte de renseignements étrangers. De plus, certaines personnes ont affirmé qu’il faudrait créer un service canadien responsable du renseignement étranger. Dans ses observations écrites, une personne a plaidé en faveur du retrait de l’expression « dans les limites du Canada » à l’article 16 parce que, selon elle, les restrictions géographiques dans la Loi créent des lacunes inattendues.

Les universitaires réunis en tables rondes ont discuté de changements de plus grande envergure à l’article 16, ou du retrait complet de l’article, pour améliorer la collecte de renseignements étrangers et permettre au SCRS de traiter celle-ci de la même manière qu’il traite la collecte de renseignements de sécurité.

Pourtant, une observation écrite a indiqué qu’elle craignait que ces activités empiètent sur le mandat du Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CST) et qu’il fallait s’assurer que la collecte de renseignements étrangers continue d’exclure les membres de la population canadienne.

4. Faut-il modifier la Loi sur le SCRS pour accroître la capacité du SCRS de tirer profit de l’analytique des données pour enquêter sur les menaces à l’ère moderne?

Bon nombre de participants ont appuyé l’idée de prolonger la période d’évaluation des ensembles de données, et d’autres personnes ont formulé plusieurs suggestions utiles. Des personnes ont suggéré, par exemple, d’accroître les investissements dans les ressources humaines et technologiques et de combiner les processus relatifs aux ensembles de données canadiens et étrangers, tout en répétant qu’il est essentiel de protéger la vie privée et les droits garantis par la Charte et d’appliquer les mécanismes de supervision et d’examen. La grande majorité des participants se sont dits favorables à ce que le SCRS exploite les ensembles de données visés à l’article 11 aux fins de l’article 15, et certains ont souligné l’importance de la proposition. Des personnes ont également fait valoir que le SCRS doit maintenir sa pertinence en tant que service de renseignement à l’ère numérique.

Les participants se sont aussi prononcés en faveur du partage des ensembles de données avec des partenaires canadiens et étrangers. Plusieurs considérations utiles ont été soulevées, parmi lesquelles les principes de divulgation minimale et d’anonymisation des données, la vérification des destinataires, la réciprocité de la part des partenaires, la communication uniquement aux partenaires de confiance et l’examen ou la surveillance externe. Certains participants ont affirmé que les restrictions applicables ne devraient pas être les mêmes dans le cas d’un ensemble de données étranger et d’un ensemble de données canadien, tandis que d’autres ont dit craindre que des partenaires étrangers utilisent les ensembles de données à mauvais escient.

Le commissaire au renseignement a soulevé plusieurs points en lien avec le régime applicable aux ensembles de données. Il a notamment fait valoir qu’il est important de maintenir la surveillance et de continuer à protéger la vie privée. Il a fait état de la prolongation de la période d’évaluation de 90 jours, de l’extraction des informations qui concernent un membre de la population canadienne ou une personne se trouvant au Canada des ensembles de données communiqués à des partenaires, ainsi que de la correction des écarts d’interprétation entre les versions française et anglaise de la Loi.

Une observation écrite se disait fortement opposée à l’utilisation des ensembles de données canadiens aux fins du filtrage de sécurité parce que, selon elle, il était déjà arrivé que le SCRS utilise des données de façon inacceptable. Les cas fournis à titre d’exemples précédaient l’établissement de dispositions rigoureuses sur la collecte et l’utilisation des données par le SCRS au moment de la mise en œuvre du projet de loi C‑59 en 2019. De la même façon, une autre soumission observait qu’il n’y ait pas assez de données probantes pour soutenir la proposition. À son avis, le gouvernement devrait faire en sorte que l’examen obligatoire du projet de loi C-59 permette d’évaluer le régime applicable aux ensembles de données et son efficacité. D’après ces mêmes observations, il y a déjà des outils qui permettent de prévenir la perte inopportune d’ensembles de données, et le SCRS dispose déjà de pouvoirs amplement suffisants pour communiquer des informations à ses partenaires. Ainsi, il ne faudrait pas élargir les règles qui encadrent la communication d’informations, car il est déjà difficile de protéger les informations et de contrôler leur utilisation une fois qu’elles ont été transmises.

5. Faut-il ajouter une disposition exigeant que la Loi sur le SCRS fasse l’objet d’un examen régulier afin que le SCRS puisse évoluer au même rythme que les menaces?

Les participants se sont systématiquement prononcés en faveur d’un examen régulier de la Loi sur le SCRS, mais ont exprimé des opinions fort variées en ce qui concerne la fréquence de cet examen. Une personne qui a présenté des observations écrites a indiqué que la Loi sur le SCRS est limitée et désuète et qu’il faut prévoir la tenue d’un examen régulier de la Loi ainsi que la production d’un rapport connexe. Selon elle, un tel exercice témoignerait de l’engagement du Canada envers la sécurité sans priver le législateur de sa prérogative de procéder à un examen à tout moment et permettrait de s’adapter à l’évolution rapide et imprévue des technologies et des menaces.

D’après des participants aux tables rondes et une soumission écrite, un examen régulier permettrait au gouvernement de tenir compte des préoccupations soulevées par les organismes de surveillance ou des groupes de défense des libertés civiles et de se pencher, par exemple, sur l’efficacité et la nécessité des pouvoirs et sur les nouvelles restrictions à appliquer aux mandats, s’il y a lieu. Les réponses les plus courantes concernant la fréquence de l’examen variaient entre deux et cinq ans, bien que certains participants aient affirmé qu’un intervalle plus long permettrait d’observer les répercussions et les résultats des modifications au fil du temps.

Conclusion

Dans l’ensemble, les Canadiens et les Canadiennes qui ont pris part aux consultations comprenaient généralement l’importance des modifications à apporter à la Loi sur le SCRS et convenaient du fait que les lacunes actuelles posent problème. De nombreux participants ont reconnu que les modifications proposées permettraient de doter le SCRS et le gouvernement de meilleurs outils pour lutter contre les menaces pour la sécurité nationale, dont l’ingérence étrangère.

Bien que l’appuie ait été fort dans l’ensemble, certains répondants ont exprimé des préoccupations précises concernant l’importance de la protection de la vie privée et la nécessité d’une surveillance et d’une responsabilisation solides. Les contributions ont également souligné l’importance de continuer à renforcer la confiance envers le SCRS et de continuer d’encourager les efforts pour augmenter la transparence.

Le processus de consultation s’est révélé enrichissant pour le gouvernement du Canada, qui a pu engager un dialogue avec des membres de la population canadienne au sujet de la mission importante du SCRS.

Beaucoup de Canadiens et de Canadiennes savent qu’il est difficile, mais important d’assurer la sécurité nationale au pays. Les participants ont exprimé le désir d’en apprendre davantage sur le travail du SCRS, notamment sur sa mission et ses priorités, ainsi que sur les défis à relever. Les faits saillants du processus de consultation aideront le SCRS à demeurer un service de renseignement moderne qui veille à la sécurité et à la prospérité du Canada et de l’ensemble de la population canadienne.

Merci à tous ceux et celles qui ont participé au sondage en ligne et aux discussions.

Annexe A – catégories et questions

Q1. Quels sont vos antécédents professionnels ou à quel groupe appartenez‑vous?

Autoriser le SCRS à communiquer des informations à des personnes ou à des organisations extérieures au gouvernement du Canada pour renforcer la sensibilité et la résilience à l’ingérence étrangère.

Q2. Faut-il autoriser le SCRS à fournir des informations à des personnes ou à des organisations extérieures au gouvernement du Canada pour renforcer leur résilience aux menaces, notamment à l’ingérence étrangère?

Q3. À votre avis, quelles considérations devraient s’appliquer à la communication d’informations à des personnes ou à des organisations extérieures au gouvernement du Canada au sujet des menaces dont elles font l’objet? De quelle nature devraient être les limites à imposer au SCRS relativement à qui et à quel moment ce dernier peut communiquer des informations?

Doter le SCRS de nouveaux pouvoirs nécessitant une autorisation judiciaire adaptés au degré d’intrusion propre aux techniques à employer.

Q4. Le SCRS devrait-il être en mesure de contraindre une personne ou une organisation à préserver des informations éphémères s’il a l’intention de demander une ordonnance de communication ou un mandat pour obtenir ces informations?

Q5. Le SCRS devrait-il être en mesure de contraindre une personne ou une organisation à lui communiquer des informations s’il a des motifs raisonnables de croire que ces informations sont probablement importantes et qu’elles l’aideront probablement à exercer les fonctions qui lui sont conférées en vertu de l’article 12 ou 16 de la Loi sur le SCRS?

Q6. Le SCRS devrait-il être en mesure de mener une activité de collecte une seule fois, par exemple obtenir et examiner une clé USB, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’elle contient des informations liées à la menace, et ce, sans avoir à démontrer que cela est nécessaire pour les besoins de l’enquête?

Q7. Lorsque le ministre de la Sécurité publique n’est pas en mesure d’autoriser le SCRS à présenter une demande d’autorisation judiciaire à la Cour fédérale et que la question ne peut pas attendre, devrait-il exister un mécanisme de délégation de ce pouvoir?

Combler une lacune causée par les progrès technologiques et rétablir la capacité du SCRS de recueillir, depuis le Canada, des informations sur d’autres États et des ressortissants étrangers qui se trouvent au Canada?

Q8. La Loi sur le SCRS devrait-elle être modifiée afin que la capacité du SCRS de recueillir des renseignements étrangers à la demande de ministres évolue au même rythme que la technologie, qui se trouve à générer des informations numériques qui ne connaissent pas de frontières?

Modifier la Loi sur le SCRS pour accroître la capacité du SCRS de tirer profit de l’analytique des données pour enquêter sur les menaces à l’ère moderne.

Q9. Comment le SCRS pourrait-il s’y prendre pour être mieux en mesure de recueillir et d’utiliser des ensembles de données rapidement et efficacement, tout en respectant les droits garantis par la Charte, dans un monde axé sur les données?

Q10. Le SCRS devrait-il pouvoir interroger ou exploiter des ensembles de données canadiens aux fins de l’article 15?

Q11. Le SCRS devrait-il pouvoir communiquer des ensembles de données canadiens ou étrangers à des partenaires canadiens qui sont autorisés par la loi à recueillir le type d’informations que ces ensembles de données contiennent?

Q12. Le SCRS devrait-il être autorisé à communiquer des ensembles de données étrangers à des partenaires étrangers?

Ajouter une disposition exigeant que la Loi sur le SCRS fasse l’objet d’un examen régulier afin que le SCRS puisse évoluer au même rythme que les menaces.

Q13. Faudrait-il que la Loi exige que les pouvoirs conférés au SCRS fassent l’objet d’un examen régulier, de manière à évoluer au même rythme que les technologies et les adversaires du Canada?

Q14. Avez-vous d’autres opinions dont vous aimeriez nous faire part concernant les modifications possibles de la Loi sur le SCRS?

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