La réadaptation des délinquants : De la théorie à la pratique 1997-01
Table des matières
- Sommaire
- La réadaptation des délinquants : de la théorie à la pratique
- La recherche sur l'efficacité de la réadaptation des délinquants
- Les caractéristiques essentielles d'une intervention efficace
- Évaluer les principes du traitement
- Sanctions pénales et réadaptation des délinquants
- Mettre en eouvre les résultats de la recherche
- Renvois
par James Bonta, Ph.D.
Les vues exprimées dans le présent document sont celles de l'auteur et ne sont pas nécessairement celles du ministère du Solliciteur général du Canada.
Sommaire
Il y a plus de vingt ans, la population en général perdait ses illusions à propos de l'efficacité des programmes de traitement des délinquants. Divers événements sociaux et politiques survenus dans les années 1970 ont en effet semé le doute dans l'esprit du public au sujet de la capacité des gouvernements de réprimer le crime et de faire régner la justice. Par conséquent, on a commencé à recourir davantage aux sanctions comme moyen de contrôler la criminalité. Toutefois, en examinant les faits, on constate que les programmes de traitement des délinquants peuvent être efficaces et que les sanctions ont une incidence relativement faible sur la récidive des délinquants.
Au cours des dernières années, nos connaissances sur les caractéristiques des programmes de traitement efficaces se sont considérablement enrichies. On a relevé deux principes importants d'un traitement efficace, soit le principe du risque et le principe du besoin. Selon le principe du risque, le niveau de traitement doit correspondre au niveau de risque que présente le délinquant. Autrement dit, les délinquants qui présentent des risques élevés ont besoin de services de traitement intensifs, alors que les délinquants qui présentent de faibles risques requièrent un minimum de traitement. Pour ce qui est du principe du besoin, il existe deux types de besoins : 1) les besoins criminogènes et 2) les besoins non criminogènes. Les besoins criminogènes sont les facteurs de risque du délinquant qui, lorsqu'ils sont modifiés, peuvent entraîner des changements sur le plan de la récidive. Les programmes de traitement efficaces sont ceux qui sont axés sur les besoins criminogènes.
Il est possible de mettre en pratique les résultats de la recherche sur la réadaptation des délinquants. La première étape d'un programme efficace est d'utiliser des instruments éprouvés de mesure du risque et des besoins criminogènes des délinquants. Il existe aujourd'hui un certain nombre d'échelles d'évaluation objectives des risques et des besoins pouvant servir à cette fin. Ces instruments constituent un moyen fiable de différencier les délinquants qui présentent des risques élevés de ceux qui présentent de faibles risques (principe du risque) et d'évaluer les facteurs de risque dynamique (principe du besoin). On encourage les autorités correctionnelles à élaborer et à utiliser ces instruments.
En comparant les programmes de traitement aux sanctions de justice pénale, on constate que le traitement est plus susceptible de réduire la récidive. Même les analyses détaillées selon les types de sanctions (p. ex. durée de la peine, camps de type militaire, etc.) ne font ressortir aucune sanction particulièrement efficace pour réduire la récidive. Les preuves sont convaincantes. Si nous voulons accroître la sécurité du public, ce sont les programmes de réadaptation des délinquants qui adhèrent aux principes de traitement efficace qui ont les meilleures chances de réussite.
La réadaptation des délinquants : de la théorie à la pratique
Le présent document vise à traduire en termes concrets ce que nous savons de la recherche sur les interventions efficaces auprès des délinquants. Au cours des vingt dernières années, on a appris beaucoup de choses sur les facteurs qui influencent le comportement criminel. Nous savons aujourd'hui que le traitement peut atténuer le comportement criminel, et nous savons mieux en quoi consiste les éléments d'un traitement efficace.
Même si notre compréhension du comportement criminel a beaucoup évolué au cours de ces quelques dernières décennies, il est souvent difficile de mettre en oeuvre les constatations de la recherche d'une manière qui soit aisément comprise et acceptée par les intervenants sur le terrain. Trop souvent, on considère que la recherche en matière de sciences sociales est une entreprise abstraite qui a bien peu à voir avec la « vraie vie » et que la mise en oeuvre des solutions qu'on propose coûte trop cher. Je vais donc tâcher de démontrer qu'une bonne part du savoir des chercheurs peut être mise en pratique dans le quotidien, et ce, d'une manière efficiente.
Ce texte se divise en deux parties. Dans la première, on trouve un bref aperçu de la recherche sur l'efficacité de la réadaptation des délinquants, et une comparaison avec l'efficacité des sanctions pénales. Ensuite, partant des résultats de la recherche, je propose des mesures générales permettant de mettre en oeuvre ces résultats dans la pratique.
La recherche sur l'efficacité de la réadaptation des délinquants
Si l'on en croit l'un des mythes les plus répandus au sujet du système correctionnel, la réadaptation des délinquants ne « marche » pas et n'a jamais réussi à réduire la récidive. Au terme de leur enquête bibliographique sur la réadaptation des délinquants, Lipton, Martinson et Wilks (1975) ont conclu que le traitement est inopérant et ont ainsi renforcé ce mythe. Depuis, nombre de critiques des programmes de traitement pour délinquants ont cité sélectivement des enquêtes allant dans le même sens (par exemple, Bailey, 1966; Kirby, 1954) pour démontrer que de tels programmes n'ont jamais réussi à atténuer la récidive.
Pourtant, un examen attentif des enquêtes bibliographiques épousant censément cette même conclusion révèle qu'il y a des traitements qui marchent (Andrews et Bonta, 1994). De la première étude documentaire (Kirby, 1954) jusqu'à celle de Logan (1972), la majorité démontre qu'il y a eu réduction de la récidive (voir figure 1). Cependant, la notion de réadaptation était peu populaire pendant les années 70 et les décennies qui ont suivi. Néanmoins, la recherche sur les programmes de traitement continuait de démontrer que certains traitements parvenaient à réduire la récidive et que l'on comprenait de mieux en mieux les conditions nécessaires à des interventions efficaces.
Étude | n | % d'efficacité |
---|---|---|
Kirby (1954) | 4 | 75 |
Bailey (1966) | 22 | 60 |
Lipton et coll. (1975) | 231 | 40-60 |
Logan (1972)* | 18 | 50 |
* Logan s'est penché sur 100 études, mais seulement 18 d'entre elles étaient desétudes sur le counseling ou la thérapie et faisaient intervenir un groupe témoin.Note : n = nombre d'études examinées
Les caractéristiques essentielles d'une intervention efficace
En 1990, Andrews, Bonta et Hoge ont décrit les caractéristiques communes des programmes de réadaptation des délinquants, qui parviennent à réduire la récidive. Ils ont dégagé ainsi quatre grands principes.
Le premier est celui qu'ils appellent le principe du risque. Un programme de traitement réussi mesure le risque de récidive chez le délinquant et prévoit en conséquence le niveau de service qui réduira ce risque. Les délinquants à risque élevé nécessitent des services intensifs alors que les délinquants à risque faible n'en ont à peu près pas besoin. La recherche démontre même que des services intensifs pour délinquants à risque faible n'ont aucun effet sur la récidive et peuvent même l'augmenter. C'est pourquoi une évaluation fiable du risque est importante, non seulement pour le contrôle des délinquants et la prise de décisions relatives aux libérations, mais aussi pour la mise en oeuvre d'un traitement efficace.
Cependant, il ne suffit pas de faire concorder le niveau du service et le niveau de risque que présente le délinquant. Le service doit répondre aux besoins du délinquant. Le second principe, appelé le principe du besoin, part du fait qu'il y a deux types de besoins chez les délinquants : criminogènes et non criminogènes. Les besoins criminogènes sont ces besoins du délinquant qui, lorsqu'ils changent, entraînent des changements dans la récidive. Par exemple, la toxicomanie et le chômage sont des besoins criminogènes. Ils peuvent servir d'objectifs dans le cadre du traitement, et si l'on arrive à y porter remède, le risque de récidive peut décroître. L'anxiété et le manque d'estime de soi sont des exemples de besoins non criminogènes. Mais l'on doute que le fait de diminuer l'anxiété ou d'accroître l'estime de soi ait un effet à long terme sur le comportement criminel futur.
Criminogènes | Non Criminogènes |
---|---|
Attitudes procriminelles | Estime de soi |
Relations avec des criminels | Anxiété |
Toxicomanie | Sentiment de désaffection |
Personnalité antisociale | Malaise psychologique |
Aptitudes à résoudre les problèmes | Cohésion du groupe |
Hostilité-Colère | Amélioration du voisinage |
Le troisième principe est celui de la réceptivité. Il y a des caractéristiques personnelles et cognito-comportementales chez le délinquant qui influencent sa réceptivité aux types de traitement et à la mise en oeuvre de ce traitement. De manière générale, les traitements cognito-comportementaux sont plus efficaces que d'autres formes de traitement (par exemple, traitements psychodynamiques, axés sur le client). Mais il n'est pas certain qu'un programme de traitement cognito-comportemental soit suffisant en soi pour réduire la récidive. Si l'on omet de repérer les besoins criminogènes (principe du besoin) et d'offrir des services ayant l'intensité voulue (principe du risque), le programme pourrait fort bien avoir peu d'effet.
Le quatrième principe est celui de la discrétion professionnelle. Certains délinquants présentent des caractéristiques et des situations particulières dont les trois autres principes ne tiennent pas suffisamment compte. Par exemple, certains délinquants sexuels montrent un risque faible si l'on en croit plusieurs instruments objectifs de mesure du risque, mais il se peut que d'autres facteurs amènent le professionnel responsable à une conclusion différente. Ainsi, le pédophile qui s'occupe d'enfants peut présenter un risque spécial dont ne tiendraient pas compte les instruments généraux d'évaluation des délinquants.
Récemment, Andrews a ajouté un cinquième principe, celui de l'intégrité du programme. Les principaux aspects de ce principe sont la conduite du programme dans un cadre structuré, dans le respect des principes connus, et l'intervention d'un personnel enthousiaste et dévoué.
Principes de traitement
- Principe du risque - Faire correspondre le traitement auniveau de risquen
- Principe du besoin - Cibler les besoins criminogènesn
- Principe de la réceptivité - Faire correspondre le type detraitement au style d'apprentissage du délinquantn
- Jugement professionnel
- Intégrité du programme
Évaluer les principes du traitement
Les principes d'un traitement efficace ont été appliqués dans une enquête bibliographique méta-analytique. Dans une méta-analyse, les résultats de l'étude sont convertis en une métrique commune qui permet la comparaison quantitative des résultats de la recherche. Andrews, Zinger et coll. (1990) font valoir que les programmes de traitement ne sont pas tous pareils. En fait, les intervenants sur le terrain confondent très souvent les termes « traitement » et « réadaptation ». Par exemple, un camp de type militaire peut être considéré comme un « traitement » tout comme un programme de maîtrise de la colère à caractère cognito-comportemental. D'où la nécessité d'établir une distinction entre les sanctions pénales et les programmes où l'on dispense directement des services aux délinquants.
En outre, tous les programmes de traitement à service direct ne sont pas égaux. Selon Andrews, Zinger et coll. (1990), l'on pourrait classer les programmes de traitement en deux catégories : a) appropriés, b) inappropriés. Les programmes appropriés sont ceux qui adhèrent aux principes de traitement efficace. Les programmes inappropriés contreviennent à un ou plusieurs principes. Par exemple, un programme de traitement visant à rehausser l'estime de soi de délinquants à risque faible en faisant intervenir une thérapie psychodynamique à intensité élevée contreviendrait aux trois premiers principes.
Type | Description |
---|---|
Sanction | Décision judiciaire, p.ex., restitution,probation précédée d'une incarcération |
Inapproprié | Examples:
|
Approprié | Attention au risque, aux besoins, à laréceptivité Cognitif-comportemental |
Andrews, Zinger et coll. (1990) se sont penchés sur 154 traitements en se servant de groupes témoins et ont fourni des données sur la récidive subséquente aux programmes. Trente traitements comportaient des sanctions pénales (par exemple, la probation par rapport à la prison), 54 traitements étaient appropriés, 38 inappropriés, et les autres ne pouvaient être catégorisés. L'analyse des données démontrait que seuls les traitements appropriés, c'est-à-dire ceux qui épousaient les principes qu'on vient d'énoncer, étaient associés à une récidive réduite. En moyenne, la récidive avait diminué de 50 %. Les sanctions pénales et les traitements inappropriés présentaient en fait de petites augmentations au niveau de la récidive.
Type d'intervention et récidive
Andrews, Zinger et coll. (1990) ne sont pas les seuls à constater que le traitement peut réduire la récidive. Lösel (1995) s'est penché sur 13 études méta-analytiques et en a conclu que toutes les méta-analyses confirment un effet positif général (page 102 de la version anglaise). Faire abstraction de la recherche portant sur la réadaptation des délinquants n'est plus justifiable sur le plan empirique.
Sanctions pénales et réadaptation des délinquants
Presque tous les pays se sont dotés de règles prévoyant l'application de sanctions à ceux qui contreviennent aux règles. Ces sanctions visent à exprimer la répulsion qu'éprouve la société pour le crime et adhèrent au principe de la justice selon lequel le châtiment doit être proportionné au crime. Dans nombre de pays occidentaux, on espère aussi que les sanctions auront un effet dissuasif et réduiront la récidive.
Dans leur méta-analyse des « traitements » pour délinquants, Andrews Zinger et coll. (1990) ont constaté que les sanctions pénales sont fort peu dissuasives. Au contraire, les sanctions sont associées à une criminalité plus élevée! Certains feront valoir qu'Andrews et ses collègues ont répété l'erreur qu'ont commise Martinson et d'autres lorsqu'ils ont groupé tous les traitements dans une seule catégorie. Dans ce cas-ci, toutefois, toutes les sanctions étaient considérées de la même façon. Si l'on traçait des distinctions entre les sanctions criminelles, on constaterait peut être aussi que certaines sanctions « marchent » beaucoup mieux que d'autres dans la mesure où elles permettent de réduire la récidive.
Il y a eu deux enquêtes bibliographiques sur les sanctions pénales et leur effet sur la récidive. Cullen, Wright et Applegate (1996) ont fait une enquête bibliographique qui portait sur les sanctions à caractère communautaire, dont les programmes de supervision intensive, la surveillance électronique et les camps de type militaire. Leurs conclusions :
Les châtiments intermédiaires sont moins susceptibles de dissuader le comportement criminel que la probation ordinaire ou l'incarcération commune (p.114).
Gendreau et Goggin (1996) ont réalisé une méta-analyse bibliographique qui mène à des conclusions semblables. Leurs constations sont résumées à la figure 2. Aucune des sanctions faisant l'objet de l'enquête n'était associée à une récidive réduite d'une ampleur semblable à celle qu'on trouve dans les études sur le traitement approprié. Quelques sanctions étaient même associées à une récidive accrue (amendes, restitution). Compte tenu des études réalisées par Cullen et coll. (1996) et Gendreau et Goggin (1996), on voit difficilement comment une sanction pénale pourrait avoir un effet dissuasif significatif. Au contraire, on admet de plus en plus que les sanctions peuvent réduire la récidive, mais seulement lorsqu'elles comportent un volet traitement (Andrews et Bonta, 1994; Gendreau et coll., 1994, MacKenzie et coll., 1995).
Sanctions | Études | r |
---|---|---|
Amendes | 5 | -,07 |
Incarcération de choc | 46 | -,02 |
Terreur | 15 | -,02 |
Probation intensive | 38 | -,01 |
Contrôle antidrogue | 7 | ,02 |
Surveillance électronique | 8 | ,02 |
Restitution | 19 | ,06 |
Total | 138 | ,00 |
(Gendreau et Goggin, 1996)
Mettre en oeuvre les résultats de la recherche
Partant des principales constatations de la recherche sur la réadaptation des délinquants, voici les constatations qui se dégagent :
- Les traitements à service direct ont plus de succès que les sanctions pénales dans la réduction de la récidive.
- Les programmes de traitement qui réussissent sont ceux qui adhèrent aux principes du risque et du besoin.
- Les programmes de traitement qui réussissent sont de nature cognito-comportementale.
L'organisation qui veut mettre en oeuvre ces idées doit prendre un certain nombre de mesures, dont la première, qui est souvent oubliée, consiste à affirmer sa foi dans la réadaptation du délinquant. Bon nombre d'organismes et de gestionnaires correctionnels se disent acquis à la réadaptation, mais ce sont souvent des professions de foi platoniques. On ordonne au personnel d'« aider » les clients, mais on ne leur donne pas le temps ou les ressources voulus pour travailler avec les clients. On engage des professionnels cliniques, mais on les sous-utilise. Les programmes de traitement existent sur papier, mais non dans la pratique. À l'autre extrême, certains États américains ne valorisent nullement la réadaptation. Dans ces États, les services de probation sont presque devenus des services quasi policiers où le personnel est armé et où l'on contrôle les probationnaires simplement pour s'assurer qu'ils se conforment aux ordonnances judiciaires.
Nous ne pouvons que souligner l'importance de cette première étape. Si un organisme de probation veut offrir des services de traitement de haute qualité, il est essentiel qu'il adhère aux principes de la réadaptation, qu'il communique ce principe au personnel et qu'il lui donne le soutien voulu pour offrir de tels services. Ce n'est pas un obstacle insurmontable. À titre d'exemple, dans son Énoncé de mission, le Service correctionnel du Canada fait savoir au personnel l'importance qu'il attache à la réadaptation du délinquant. L'une des cinq valeurs fondamentales de l'Énoncé de mission reconnaît le potentiel qu'a le délinquant de vivre en citoyen respectueux des lois, et si l'on veut réaliser cet objectif, il faut des programmes qui répondent aux besoins du délinquant.
La recherche montre qu'une réadaptation efficace s'inspire des principes du risque et du besoin. Le principe du risque affirme que le niveau de service doit correspondre au niveau de risque que présente le délinquant. Pour bien faire les choses, l'organisme correctionnel doit mesurer correctement les niveaux de risque que présentent les délinquants. Il doit pouvoir identifier le délinquant à risque élevé qui exige des services plus intensifs. Même si cela ne semble pas très compliqué, peu de services procèdent à des évaluations pointues des risques que présentent les délinquants.
Bonta (1996) a décrit les trois approches dont on se sert pour évaluer le risque que présentent les délinquants. La première, qu'il appelle l'évaluation du risque de première génération, est essentiellement à caractère subjectif. Le professionnel, s'inspirant de sa formation, évalue le risque de récidive du délinquant. Les critères et le processus qui fondent ce jugement ne sont pas visibles. Les évaluations subjectives varient souvent d'un professionnel à l'autre et ne sont limitées que par des politiques et des procédures à caractère très général. Dans les études de prévision, le jugement professionnel donne presque toujours de mauvais résultats. Malheureusement, c'est cette approche dont on se sert le plus pour évaluer le risque que présente le délinquant.
L'évaluation du risque de deuxième génération fait intervenir des critères objectifs qui présentent un lien empirique avec la récidive. On fait mention ici généralement d'échelles de risque actuarielles. L'échelle de risque typique comporte entre 5 et 10 échelons, et il s'agit principalement d'antécédents judiciaires. Les évaluations de risque de la deuxième génération donnent de meilleurs résultats que les approches subjectives. Tout organisme correctionnel qui veut réduire la récidive doit se servir à tout le moins d'une échelle de risque de deuxième génération. Cette échelle permet de séparer les délinquants à risque élevé qui ont besoin de traitement des délinquants à risque faible qui ne nécessitent qu'un service minimum.
La difficulté présentée par les évaluations de risque de deuxième génération tient au fait qu'elles fournissent peu de renseignements sur les besoins criminogènes étant donné qu'elles se fondent principalement sur les antécédents judiciaires, qui sont nécessairement statiques. Le principe du besoin fait intervenir les besoins criminogènes qui doivent être ciblés par les services de traitement. Le service correctionnel qui veut offrir des services efficaces doit pouvoir évaluer les besoins criminogènes. La solution ici réside dans le recours aux évaluations de troisième génération.
Les instruments d'évaluation de troisième génération permettent une connaissance objective et validée au moyen de données empiriques des besoins criminogènes. À notre connaissance, il n'y a que trois instruments de la sorte utilisés aujourd'hui qui servent à évaluer les besoins criminogènes. Il s'agit du système de classification du Wisconsin (Baird, Heinz et Bemus, 1979), de l'échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité du Service correctionnel du Canada (Motiuk et Porporino, 1989) et du Répertoire des niveaux de service-Révisé (Andrews et Bonta, 1995). Ces échelles font intervenir non seulement les antécédents judiciaires, mais permettent aussi de mesurer les besoins des délinquants, par exemple traitement de la toxicomanie, emploi et logement.
Approches à l'égard de l'évaluation du risque
Première génération
- subjective
- fidélité entre les évaluateurs laissant à désirer
- exactitude des prévisions laissant à désirer
Deuxième génération
- objective, critères empiriques
- bonne fidélité entre les évaluateurs
- prévisions satisfaisantes
- variables surtout statiques et liées aux antécédents criminels
Troisième génération
- tous les avantages de la deuxième génération
- besoins criminogènes
Troisième constatation importante de la recherche : les interventions cognito-comportementales rehaussent l'efficacité des programmes de traitement. Les programmes de traitement cognito-comportementaux présentent les caractéristiques suivantes :
- Le délinquant acquiert des compétences comportementales.
- Les programmes sont bien structurés.
- Le thérapeute est une personne chaleureuse, formée à l'interaction sociale, mais ferme et conséquente.
- Le thérapeute façonne le comportement recherché.
- Le thérapeute fournit de la rétroaction. Il encourage le comportement prosocial et décourage le comportement antisocial.
Une explication partielle de l'efficacité des interventions cognito-comportementales réside dans le principe de réceptivité (Bonta, 1995). Les fournisseurs de service doivent tenir compte des caractéristiques personnelles et cognitives de leurs clients s'ils veulent optimiser le traitement. Étant donné que nombre de délinquants ont tendance à réfléchir de manière concrète, verbalisent peu et ne disposent pas de certaines compétences prosociales (par exemple, le travail, les relations inter-personnelles), les approches de counseling traditionnel (par exemple, celles qui sont axées sur le client et les thérapies psychodynamiques) ont échoué auprès des délinquants. Ces thérapies traditionnelles exigent des clients qui savent s'exprimer et qui comptent déjà des comportements prosociaux dans leurs habitudes.
En résumé, pour réduire la récidive, nous faisons les recommandations suivantes :
- il faut croire à la réadaptation du délinquant et suivre attentivement la recherche qui se fait dans ce sens;
- il faut se servir d'un instrument d'évaluation des risques et des besoins qui soit objectif et empirique afin de faire concorder le risque et le niveau de service;
- il faut procéder à des interventions cognito-comportementales qui ciblent les besoins criminogènes.
Ce sont des recommandations tout à fait réalisables. Cependant, les mettre en oeuvre n'est pas chose facile. Malgré ces difficultés, les efforts visant à concevoir et à mettre en oeuvre les programmes fondés sur la recherche auront probablement un effet bénéfique sur le client et sur la collectivité en ce qu'il permettront de réduire la récidive.
Renvois
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