Leçons à retenir

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Leçons à retenir Version PDF (407 Ko)

ISBN 0-662-69501-1

Table des matières

Rapport de l'honorable Bob Rae, conseiller indépendant de la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada, sur les questions en suspens relatives à l'explosion survenue à bord du vol 182 d'Air India

Ce rapport est dédié à la mémoire de tous ceux et celles qui ont perdu la vie lors des attentats terroristes survenus le 23 juin 1985 à bord du vol 182 d'Air India et à l'aéroport Narita de Tokyo, Japon.

Cette publication a été financée par Sécurité publique. Les opinions formulées dans le présent document sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue officiel du Ministère.

Avant-propos

Aux petites heures du matin, le 23 juin 1985, le vol 182 d'Air India s'approche de la côte ouest de l'Irlande. En partance de Toronto, l'appareil a à son bord des passagers et des bagages provenant de vols de correspondance, ainsi que d'autres montés à Mirabel (Québec). Des enfants de tous âges et leurs familles se réjouissent à l'idée de rendre visite à des êtres chers et à des amis en Inde. La plupart des passagers sont de nationalité canadienne. Étant donné la période de l'année – la fin juin marque le début des vacances d'été au Canada –, il se trouvait un nombre particulièrement élevé de jeunes adultes, d'enfants et de familles entières à bord de cet avion.

À leur insu, au cours des semaines précédant ce vol, un groupe de Canadiens a planifié de faire exploser l'appareil. Le complot a été ourdi par des sections radicales de la communauté sikhe de Vancouver et d'ailleurs, qui souhaitaient fonder un pays indépendant, le Khalistan, dans la province du Punjab, située dans le nord-ouest de l'Inde.

Dans le cadre de ce complot, une bombe a été fabriquée, placée dans une valise et emmenée à l'aéroport de Vancouver, où, le 22 juin 1985, elle a été enregistrée sur un vol en partance de Vancouver et à destination de Toronto. À Toronto, la valise en question a été embarquée sur le vol 181 d'Air India, qui s'est ensuite arrêté à Mirabel où il est devenu le vol 182 d'Air India à destination de Londres et de New Delhi.

Vers minuit 14, le 23 juin 1985, une bombe a explosé, faisant un trou dans le fuselage arrière gauche de l'appareil. Ce dernier, surnommé « Kanishka », a volé en éclats et s'est abîmé dans l'océan Atlantique, à quelque 31 000 pieds plus bas, au large de la côte sud-ouest de l'Irlande.

Des enfants allant rendre visite à leurs grands-parents, de jeunes touristes enthousiastes à l'idée de vivre leur première expérience en Inde, des femmes et des hommes de tous âges, les agents de bord et les pilotes, bref les 329 passagers et membres d'équipage ont tous été tués.

À cette époque, et jusqu'aux événements du 11 septembre 2001, il s'agissait de l'attentat terroriste le plus dévastateur contre des voyageurs de l'histoire mondiale.

Entre temps, à l'aéroport Narita de Tokyo, une bombe a explosé vers 23 h 15, le 22 juin 1985, pendant le transfert des bagages du vol CP 003 au vol 301 d'Air India à destination de Bangkok. Deux préposés aux bagages, Hideo Asano et Hideharu Koda, ont perdu la vie, tandis que quatre autres ont été blessés.

Dévastées, les familles des victimes se sont rendues à Cork, dans l'ouest de l'Irlande, où la population locale s'était mobilisée pour l'accueillir. L'hôpital de Cork a été transformé en morgue temporaire, le temps que dure le triste processus d'identification des corps.

Les autorités canadiennes n'étaient pas prêtes à faire face à une catastrophe d'une pareille ampleur. Les membres des familles des victimes étaient en proie à une profonde tristesse, furieux qu'une telle tragédie ait pu se produire et que les autorités n'en fassent pas plus pour répondre à leurs questions. Ce chagrin et cette colère ne les ont pas quittés même après toutes ces années.

Le gouvernement canadien s'est joint au gouvernement de l'Inde et à l'administration locale et au gouvernement d'Irlande pour construire un site commémoratif fort émouvant sur la côte sud-ouest de l'Irlande en 1985 et en 1986. C'est à cet endroit que se rendent les familles pour honorer la mémoire des êtres chers disparus. Le premier ministre Paul Martin était à la tête d'une délégation de dirigeants politiques canadiens qui, avec les familles des victimes, s'est rendue au site commémoratif pour marquer le vingtième anniversaire de la tragédie. Il s'agissait de la première visite à cet endroit d'un premier ministre canadien.

Même si des déclarations ont été faites à la Chambre des communes dans les jours suivant la catastrophe, de nombreuses familles continuent d'être persuadées que l'attentat à la bombe contre Air India n'a jamais vraiment été considéré comme une tragédie canadienne.

Ne nous y trompons pas : l'attentat à la bombe contre le vol d'Air India était le résultat d'un complot ourdi et exécuté au Canada. La plupart des victimes étaient de nationalité canadienne. Il s'agissait d'une catastrophe canadienne, dont l'ampleur et la signification doivent être comprises par toute la population canadienne.

Pour les raisons énoncées dans les pages qui suivent, je recommande la tenue d'une enquête ciblée et axée sur les politiques, afin de répondre aux questions touchant cet assassinat collectif qui sont restées en suspens. Nous savons à quel endroit a été ourdi le complot et connaissons l'identité de certains des conspirateurs; nous savons comment les bombes se sont trouvées à bord des deux avions; enfin, nous connaissons les détails de la détonation de ces bombes. Nous n'avons donc pas besoin de réexaminer ces questions. Les faits sont clairement établis. Nous devons en apprendre davantage sur la façon dont le Canada a évalué la menace et la façon dont les services de renseignement et de police ont géré l'enquête, et déterminer dans quelle mesure les règlements sur la sécurité aéroportuaire ont été efficaces ou non. Vingt ans plus tard, il est encore utile de se poser ces questions. Les attentats à la bombe contre Air India étaient les pires attaques terroristes de l'histoire du Canada. Nous ne pouvons nous permettre de laisser des questions sans réponse.

1. Introduction

Le présent rapport a été rédigé à la demande d'Anne McLellan, vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada. Après que le juge Josephson de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a acquitté deux individus accusés de l'attentat à la bombe en mars 2005, j'ai été chargé de fournir des conseils indépendants à Mme McLellan sur les questions d'intérêt public pouvant être restées en suspens et qui portent sur l'explosion survenue sur le vol 182 d'Air India, et auxquelles on pourrait répondre. Le mandat qui m'a été confié figure à l'annexe 1 du présent document. Ce rapport ne constitue pas un compte rendu définitif de chacun des événements liés à la tragédie d'Air India, mais plutôt une évaluation des questions qui doivent être examinées plus à fond.

J'ai écouté les profondes préoccupations des familles. L'acquittement de Ripudaman Singh Malik et d'Ajaib Singh Bagri a ramené à la surface de nombreux souvenirs douloureux. Il a fait jaillir des sentiments de tristesse, de colère et de frustration, que les familles des victimes ont ressentis pour la première fois en juin 1985, lorsqu'elles ont appris le décès d'êtres chers. Certaines questions concernant la réponse d'organismes gouvernementaux canadiens à l'attentat à la bombe nécessitent clairement un examen approfondi.

Ces questions ne devraient pas toutes être examinées dans le cadre d'une enquête, car elles ont une portée très vaste et certaines font déjà l'objet d'un large débat public. Comme l'a établi le juge Josephson dans les motifs de son jugement, le complot visant à faire exploser les deux avions d'Air India avait été ourdi par un mouvement connu sous le nom de « Babbar Khalsa », un groupe de radicaux sikhs déterminés à « purifier » la religion sikhe et à créer un pays indépendant pour les Sikhs dans la province du Punjab, en Inde. Les familles des victimes m'ont dit que, selon elles, le Canada doit en faire davantage pour lutter contre l'extrémisme, voire la haine, au sein de communautés qui ont fait du Canada leur pays d'adoption. Elles croient que la classe politique canadienne n'est pas suffisamment sensibilisée aux risques associés à la solitude béante affligeant des communautés qui s'enflamment dans la violence.

Elles ont fait ressortir des preuves d'une culture de la peur dans les communautés qui empêche les gens de dire la vérité au sujet de ce qui s'est produit. Deux témoins qui auraient pu comparaître aux procès de Malik et de Bagri ont été assassinés. Ces meurtres, toujours sous enquête, n'ont pas encore donné lieu à des accusations criminelles. Kim Bolan, journaliste au Vancouver Sun, a rédigé un ouvrage récent sur la tragédie d'Air India qui expose de nombreux efforts déployés dans le but de faire taire et d'intimider des personnes, dont elle-même, qui dénoncent l'extrémisme. Dans le cadre de mes travaux, j'ai rencontré de nombreuses personnes dans la communauté sikhe qui se disent extrêmement troublées par les menaces de violence, l'utilisation de gurdwaras (temples sikhs) à des fins politiques et l'utilisation abusive d'activités de bienfaisance à des fins extrémistes.

Ces problèmes ne frappent pas uniquement la communauté sikhe. Soumettre ces problèmes à une enquête publique constituerait un exercice très lourd et impossible à gérer. Toutefois, ils doivent faire l'objet d'un examen et de mesures de la part du gouvernement. La population canadienne devrait être en mesure d'exprimer son opinion sans craindre d'être intimidée. Il faudrait prévenir les abus quant au recours aux organismes de bienfaisance. Les dispositions législatives en la matière sont suffisamment précises; elles devraient être mises en application.

Le vaste débat dans lequel sont plongés de nombreux pays au sujet des risques d'attentats terroristes touche très naturellement ceux et celles dont la vie a été anéantie par la tragédie d'Air India. Ces familles, évidemment, demandent pourquoi il a fallu que survienne la tragédie du 11 septembre pour animer l'opinion publique, pour créer la Loi antiterroriste et pour établir une liste de certains groupes terroristes. Bien évidemment, ces personnes demandent pourquoi l'attentat contre le vol 182 d'Air India n'a pas incité les gouvernements canadiens à agir de plus fermement contre la menace terroriste. Ce n'est pas tant du sujet de l'enquête dont il est question, mais plutôt de la nécessité pour tous les Canadiens et leurs dirigeants politiques de se livrer à une profonde réflexion. Pourquoi l'assassinat de 331 personnes n'a-t-il pas renforcé davantage notre vigilance?

Les familles ont également senti un certain détachement de la part de leurs compatriotes canadiens, ce qui les a beaucoup attristées. Il y a eu très peu de reconnaissance pour leurs pertes. La poursuite civile s'est étalée sur de nombreuses années, pour finalement être réglée en 1991. Le soutien affectif et psychologique n'a pas été facile à obtenir. Les Canadiens ne considéraient pas cette tragédie comme la leur.

Vingt ans après cet événement, et avec le soutien du procureur général de la Colombie-Britannique, des membres des familles des victimes ont produit un livre commémorant le souvenir des êtres chers disparus. Le lecteur ne peut s'empêcher de ressentir un profond sentiment de perte et d'être blessé. Des familles au grand complet, des enfants à l'avenir prometteur et des parents accomplis et remplis de bonté ont été assassinés ce jour-là. Ce qui est arrivé n'est pas le fruit du hasard. Aucun conflit intérieur, aucun différend religieux ou ethnique et aucune idéologie ne peuvent justifier ce qui s'est produit. De nombreux Canadiens et Canadiennes pensent que ce sont les événements du 11 septembre 2001 qui nous ont fait entrer dans le monde moderne du terrorisme; cela s'est plutôt produit le 23 juin 1985.

Je dois dire qu'encore aujourd'hui, les familles des victimes ont profondément l'impression que le Canada ne comprend toujours pas le problème, que, dans le débat sur le terrorisme, la liberté et la sécurité, l'équilibre des opinions ne tient pas compte de la réalité brutale d'une tuerie conçue et exécutée au Canada. Ce concept n'a jamais été entièrement assimilé. Parfois, les familles des victimes m'ont confié que, si la couleur de leur peau avait été blanche, la situation aurait pu être différente au pays après la tragédie d'Air India. Je n'ai toutefois trouvé aucun élément de preuve au sujet de racisme de la part de qui que ce soit en situation d'autorité. Les erreurs commises lors de l'enquête ne peuvent être attribuables à cette forme de partialité. Cependant, les Canadiens et les Canadiennes doivent se demander s'ils ont pris suffisamment au sérieux cette tragédie et s'ils ont parfaitement compris les leçons qui en découlent pour le pays.

Les familles ont également exprimé des préoccupations au sujet de la tenue de procès criminels dans les affaires de cette nature. Certaines personnes ont laissé entendre qu'un groupe de trois juges serait plus approprié. Bien que je n'aie pas proposé que cette question soit abordée dans le cadre de l'enquête, il vaut certainement la peine de l'étudier et d'en discuter.

Le Secrétariat pour l'examen d'Air India a passé du temps au cours des derniers mois avec les familles des victimes pour discuter de questions concernant la commémoration et le souvenir. La rencontre entre le premier ministre et les familles, le voyage de dirigeants politiques en Irlande, la décision de déclarer le 23 juin journée nationale de deuil en guise de respect à l'égard des familles et les projets visant l'érection de sites commémoratifs dans diverses régions du pays sont tout autant de mesures nécessaires et utiles. Elles ne remplacent toutefois pas une enquête, mais elles constituent des étapes importantes en vue de réparer des torts et de reconnaître des faits. Il ne faut jamais oublier. Ces vies ne devraient pas avoir été sacrifiées en vain.

2. Nature du processus d'examen

Au cours de cet examen, j'ai rencontré à plusieurs reprises des membres des familles des victimes de la tragédie d'Air India. Ces réunions se sont déroulées à Vancouver, à Toronto, à Montréal et à Ottawa. Le premier ministre, Paul Martin, la vice-première ministre, Anne McLellan, le commissaire de la GRC, Giuliano Zacardelli, et le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), James Judd et Margaret Purdy, conseillère spéciale au sous ministre de Transports Canada, ont également participé à des réunions tenues au printemps de 2005 avec des membres des familles des victimes. Le 23 juin le premier ministre a assisté au service marquant le 20e anniversaire de la tragédie au lieu commémoratif situé près de Cork, en Irlande.

J'ai également assisté à des séances d'information détaillées présentées par la GRC à Ottawa et à Vancouver, par des responsables du SCRS dans les deux villes, avec le procureur principal de la Couronne, Robert Wright et ses associés, à Vancouver, avec le premier ministre et le procureur général de la Colombie-Britannique, de même que, entre autres, avec les sous-ministres de la Justice, des Transports, de la Sécurité publique et de la Protection civile ainsi que des Affaires étrangères du Canada.

La liste des personnes et des organisations que j'ai rencontrées figure à l'annexe 2.

Outre les transcriptions des procès de MM. Reyat, Malik et Bagri, et les décisions rendues dans ces cas, j'ai pris connaissance des rapports des enquêtes tenues au Canada (plus particulièrement le rapport du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité [CSARS] de 1992), en Irlande (enquête du coroner) et en Inde (le rapport de la commission Kirpal, l'enquête menée par les autorités indiennes sur la tragédie d'Air India, et l'enquête Jain), et j'ai interrogé d'innombrables responsables.

J'ai reçu l'aide très compétente du Secrétariat pour l'examen d'Air India, dirigé par Taleeb Noormohamed, et les membres de son personnel, Michelle Sample et Chantale Lafond, ainsi que de trois collègues du cabinet d'avocats Goodmans LLP, Benjamin Zarnett, David Lederman et Jenna Seguin.

3. Ce qui s'est produit

En établissant la toile de fond de ces événements tragiques, il est important de comprendre les tendances qu'il était possible d'observer au Canada et en Inde. La communauté sikhe s'était établie au Canada au tournant du siècle dernier, mais demeurait relativement petite et stable. Des changements apportés à la politique sur l'immigration en 1967 ont ouvert la porte à une augmentation considérable de l'émigration sikhe en provenance de l'Inde. Ces immigrants se sont établis principalement dans les basses-terres continentales de la Colombie-Britannique et dans le sud de l'Ontario. La situation politique en Inde et au Punjab était explosive dans les années 60 et 70. Les revendications visant l'autonomie politique d'un territoire sikh distinct au Punjab avaient, depuis quelques années, été accompagnées de violence. Le raid réalisé par le gouvernement indien dans le Temple d'or d'Amritsar, le plus important lieu saint du sikhisme, en juin 1984, et l'assassinat de la première ministre indienne, Indira Gandhi, par ses gardes du corps sikhs en novembre de la même année avaient dramatiquement radicalisé l'activisme sikh en Inde et ailleurs dans le monde. Les revendications visant la sécession du Punjab recevaient l'appui de sections de la communauté sikhe aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et au Canada, et les allégations fusaient au sujet de l'envoi en Inde de fonds, d'armes et de faux passeports par des extrémistes sikhs établis dans ces pays. Avant l'explosion du vol 182 d'Air India, il s'était produit un certain nombre d'incidents violents au Canada, dont l'attentat contre le haut-commissaire intérimaire de l'Inde, de même que des menaces de violence à l'endroit d'autres représentants indiens au Canada.

La montée du radicalisme sikh avait également des ramifications au Canada. Comme dans le cas de nombreuses autres religions, les adeptes du sikhisme pratiquaient leur foi de différentes façons. L'insistance des fondamentalistes pour un retour à la « pratique pure » du sikhisme prenait naissance, tandis que des débats animés et souvent violents se déroulaient dans des gurdwaras de centres urbains comme Toronto et Vancouver, entre des éléments aux opinions divergentes de la communauté. L'expression « Babbar Khalsa », le nom de l'organisation en Inde et au Canada qui se trouvait au cour de l'extrémisme radical de la communauté sikhe, signifie les « Tigres de la foi véritable ». Les principes fondamentaux de cette foi étaient une pratique religieuse sikh et un engagement inébranlable à l'égard du Khalistan indépendant. S'ajoutaient à ces caractéristiques des moyens impitoyables d'atteindre les objectifs visés.

Selon les renseignements que m'a communiqués Affaires étrangères Canada (AEC), ce ministère avait reçu de nombreuses mises en garde quant à d'éventuels actes terroristes contre des intérêts indiens au pays pendant cette période. Ces renseignements ont été communiqués au SCRS et à la GRC. La Direction générale de la sécurité et du renseignement d'AEC a tenu des consultations à la mi-mai 1985 avec la mission canadienne à New Delhi au sujet de la menace terroriste sikhe au Canada et en Inde. En outre, un comité interministériel sur le terrorisme sikh a été mis sur pied le 17 mai 1985, dans le but de mieux suivre et de mieux communiquer les renseignements sur ces activités au Canada. Ce comité, qui se composait de représentants d'AEC, de la GRC, du SCRS et de Solliciteur général Canada, s'est réuni à quelques reprises avant le 23 juin 1985.

Dans un jugement rendu en mars 2005, le juge Josephson, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a conclu qu'une des têtes dirigeantes du complot était Talwinder Singh Parmar Footnote 1. M. Parmar est arrivé au Canada en mai 1970 et, en tant que jeune homme, il a commencé à participer activement à des mouvements politiques et religieux sikhs. Il est retourné en Inde des années plus tard, où il aurait été impliqué dans un certain nombre de confrontations violentes avec les autorités. Après avoir passé un an en détention en Allemagne, M. Parmar est retourné au Canada au cours de l'été de 1984. Le gouvernement indien a décrit M. Parmar comme étant un militant politique dangereux et violent et a demandé son extradition au gouvernement du Canada au motif d'accusations de meurtre. Cette demande a été rejetée, mais M. Parmar était toujours considéré comme une personne connue des autorités canadiennes au moment de son retour au Canada et à l'époque de ses voyages aller-retour entre l'Inde et le Canada. M. Parmar a été tué en Inde par les autorités policières de ce pays le 14 octobre 1992.

Selon le rapport du CSARS du 16 novembre 1992, le SCRS a procédé à la première évaluation de la menace présentée par le militantisme politique sikh au Canada le 1er mai 1984.

En vertu de la Loi sur le SCRS, un mandat visant la surveillance de Talwinder Singh Parmar a fait l'objet d'une demande devant la Cour fédérale, qui l'a approuvée en vue de son entrée en vigueur le 14 mars 1985. Les mesures de surveillance comprenaient l'écoute électronique du téléphone résidentiel de M. Parmar. L'interception téléphonique a commencé le 27 mars 1985, tandis que la surveillance de M. Parmar s'est amorcée dès 1982, lorsque des agents ont été affectés pour suivre les faits et gestes de ce dernier.

De son propre aveu, une autre personne, Inderjit Singh Reyat, a participé à la fabrication de la bombe qui devait être placée à bord du vol CP 060 à destination de Toronto, puis transférée sur le vol CP 003 à destination de Narita, au Japon, le 22 juin 1985. M. Reyat a également plaidé coupable à une accusation d'homicide involontaire en rapport avec la fabrication d'un engin explosif placé à bord du vol 182 d'Air India. Il purge actuellement une peine d'emprisonnement pour homicide involontaire coupable en Colombie-Britannique, en rapport avec la fabrication de ces bombes. M. Reyat a toujours refusé de nommer d'autres conspirateurs, ce qui a amené le juge Josephson à déclarer ce qui suit à son sujet :

[TRADUCTION] L'implication de M. Reyat dans l'acquisition de pièces et la fabrication des bombes utilisées pour faire exploser les avions d'Air India n'est pas examinée à l'occasion des présentes procédures. Il a été condamné pour des infractions liées aux deux attentats à la bombe.

La crédibilité de M. Reyat lors de sa comparution importe peu pour la conclusion du présent procès. Cela étant dit, je conclus sans hésitation que c'est un fieffé menteur sous serment. M. Reyat a décidé de révéler le moins d'information possible relativement à sa complicité et à celle d'autres individus dans la perpétration des infractions, tout en tentant, en vain, de fabriquer une histoire conforme à son plaidoyer à l'égard de l'accusation d'homicide involontaire coupable et à ses admissions de faits en ce sens.

Une grande partie de son témoignage était extrêmement improbable et totalement incohérente. Confronté à ses nombreux manques de logique flagrants, M. Reyat a invoqué des trous de mémoire, s'est lancé dans des explications approximatives et s'est perdu en conjectures.

Les interlocuteurs les plus compréhensifs ne pouvaient que conclure, tout comme je l'ai fait, que son témoignage était pathétiquement fabriqué de toutes pièces, dans le but de minimiser le plus possible son implication dans le crime, tout en refusant de révéler les renseignements pertinents que, de toute évidence, il possédait. Ses remords très superficiels ont dû laisser un goût d'amertume aux familles des victimes. S'il avait eu le moindre remords authentique, il aurait été plus ouvert et plus disposé à parler Footnote 2.

MM. Reyat et Parmar, ainsi que d'autres individus ont participé à la fabrication des deux bombes au moins et ont mis à l'essai un dispositif alors qu'ils étaient surveillés par des membres du SCRS le 4 juin 1985. Aucune photo n'a été prise des suspects lorsqu'ils sont allés en forêt pour tester le dispositif et, lorsqu'il s'est produit une explosion, les agents du SCRS ont cru, à tort, qu'il s'agissait de la détonation d'un fusil. Les agents de la GRC et ceux du SCRS divergeaient d'opinion quant au degré de coopération entre les deux organismes relativement à la surveillance de M. Parmar et de ses complices ce jour-là.

Le 20 juin 1985, des réservations ont été faites sur deux vols des Lignes aériennes Canadien Pacifique : une place sur le vol 060 de CP Air en partance de Vancouver et à destination de Toronto, avec correspondance avec le vol 181/182 d'Air India, et une place sur le vol 003 de CP Air en partance de Vancouver et à destination de Narita, au Japon, avec correspondance sur le vol 301 d'Air India en partance de Narita et à destination de Bangkok. Nous connaissons le numéro de téléphone à partir duquel l'appel a été fait, mais ne connaissons pas l'identité des individus qui ont fait les réservations, ni celle des personnes qui ont transporté les valises contenant les bombes à l'aéroport. Nous savons toutefois que, conformément à un plan convenu, un homme s'est rendu en voiture à l'aéroport, qu'il s'est identifié comme étant le passager M. Singh et qu'il transportait avec lui une valise contenant une bombe artisanale, qui, plus tard, a explosé et tué tous les passagers du vol 182 d'Air India.

Ce jour-là, l'aéroport de Vancouver était achalandé, et le propriétaire de la valise en question a reçu confirmation de sa place à bord du vol CP 060 à destination de Toronto, mais son nom était sur la liste d'attente pour le vol 181 d'Air India (de Toronto à Montréal) et le vol 182 d'Air India (de Montréal à New Delhi). L'agente, Jeanne Bakermans, se souvient que l'individu en question insistait pour que son sac se rende (transféré) de Vancouver jusqu'au vol 182 d'Air India. Selon les règles en vigueur à l'époque, les passagers et leurs valises devaient être enregistrés en même temps. Les bagages ne devaient pas être mis à bord d'un avion sans que leurs propriétaires voyagent dans le même appareil. On n'a pas comparé la liste des bagages avec celle des passagers avant le départ du vol.

Il semble également que des précautions spéciales avaient été recommandées pour les vols d'Air India – par exemple, la GRC exerçait une surveillance accrue à l'aéroport de Toronto – mais pas pour les vols de correspondance. Il est important de se rappeler que le sac avait été placé initialement non pas à bord d'un appareil d'Air India, mais bien d'un avion du Canadien Pacifique assurant la liaison entre Vancouver et Toronto.

Avant le 23 juin 1985, au Canada – et à l'échelle internationale – l'accent était mis sur la menace de détournements d'avion. Les contrôles de sécurité étaient axés sur la prévention de l'embarquement d'armes à bord des avions, dont les revolvers et les engins explosifs dans les bagages de cabine.

Le 17 mai 1985, le Haut-commissariat de l'Inde a transmis une note diplomatique au ministère des Affaires extérieures au sujet de la menace que faisaient planer des éléments extrémistes sur les missions diplomatiques indiennes et les appareils d'Air India. Par la suite, au début du mois de juin, Air India a fait parvenir une demande visant une protection entière et complète et la mise en place de toute autre mesure de sécurité appropriée aux bureaux de Transports Canada à Ottawa, à Montréal et à Toronto, ainsi qu'aux bureaux de la GRC à Montréal et à Toronto.

Jusqu'à maintenant, je n'ai découvert aucune menace précise concernant le vol 182 d'Air India les 22 et 23 juin 1985.

En vertu des procédures mises en place par Air India, les passagers, les bagages de cabine et les bagages enregistrés destinés au vol 181/182 d'Air India du 22 juin 1985 ont fait l'objet de contrôles de sécurité supplémentaires. En raison de l'évaluation de la menace contre la compagnie aérienne, Air India disposait de mesures de sécurité plus complètes que presque toutes les autres lignes aériennes canadiennes ou internationales. Ces mesures étaient généralement conformes aux procédures recommandées dans le manuel de sécurité de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour les vols présentant des risques spéciaux.

Air India a également demandé et obtenu des mesures de sécurité accrues de la part de Transports Canada et de la GRC au cours du mois de juin 1985. Pour le vol 181/182, Air India a affecté un agent de sécurité de son bureau de New York pour qu'il supervise les dispositifs de sécurité mis en place à Toronto et à Mirabel. Le programme de sécurité dans chaque aéroport relevait de la surveillance générale du chef d'escale compétent d'Air India.

Du 16 juin 1984 au 22 juin 1985, à la suite d'une recrudescence de la violence en Inde, les mesures de sécurité applicables aux vols d'Air India ont été haussées, passant au niveau 4. Au nombre des mesures prises, mentionnons les suivantes : surveillance accrue exercée par la GRC sur les appareils d'Air India dans l'aire de trafic; surveillance exercée par la GRC dans les aires d'arrivée et de départ ainsi qu'à la billetterie d'Air India; liaison entre un superviseur de la GRC et un représentant d'Air India au sujet des opérations de sécurité avant l'arrivée ou le départ de chaque appareil; la présence d'un maître-chien de la GRC pour contrôler tous les bagages ou les colis suspects et pour fouiller la section des passagers de chaque appareil d'Air India avant son départ.

Le 22 juin 1985, CP Air ne faisait l'objet d'aucune menace particulière et, par conséquent, on a procédé au contrôle de sécurité habituel des passagers, sans avoir recours à des procédures supplémentaires.

Dans le cas de toutes les lignes aériennes canadiennes, les règlements en vigueur au Canada avant le 23 juin 1985 exigeaient la présence d'un système d'identification qui empêchait l'embarquement de bagages, d'articles et de marchandises si ceux-ci n'avaient pas été autorisés au préalable par l'exploitant de la ligne aérienne. Toutefois, si un individu achetait un billet, enregistrait ses bagages, mais ne montait pas à bord de l'avion, selon toute vraisemblance, la compagnie aérienne aurait autorisé l'embarquement de ses bagages. Par conséquent, il était possible que des bagages changent de ligne aérienne en l'absence de leur propriétaire, et c'est ce qui explique comment une valise a été transférée du vol 181/182 d'Air India au vol CP 060. Les compagnies aériennes n'avaient pas comme pratique courante de transférer les bagages si une réservation n'avait pas été confirmée à destination. Dans le cas présent, l'agent à la billetterie de Vancouver avait permis l'enregistrement de la valise en question.

Les mesures de sécurité décrites ci-dessous étaient en vigueur à l'aéroport international de Vancouver le 22 juin 1985. Des agents de sécurité et de police aéroportuaires étaient sur place. En outre, les plans et les procédures de sécurité aéroportuaire étaient en vigueur, y compris la coordination des opérations normales et d'urgence. Selon les renseignements que m'a communiqués Transports Canada, les bagages enregistrés n'ont toutefois pas été fouillés, et CP Air n'a pas procédé à un dénombrement visuel des passagers à bord de l'avion avant son départ.

Par conséquent, une valise contenant une bombe a été embarquée sur le vol 060 de CP Air en provenance de Vancouver et à destination de Toronto, et était prête à être transférée sur le vol 181/182 d'Air India.

À Toronto, l'appareil d'Air India et les passagers ont été pris en charge par Air Canada à l'aéroport international Pearson (aérogare II). Un agent de la GRC affecté à ce secteur surveillait les activités liées à l'avion d'Air India. Les passagers d'Air India ont été contrôlés au point prévu à cet effet dans l'aire des départs internationaux, puis sont passés dans une aire d'attente entourée d'un cordon, à l'intérieur de la zone stérile.

Normalement, tous les bagages enregistrés pour les vols d'Air India étaient contrôlés au moyen d'un appareil à rayons X, dont la compagnie aérienne avait fait l'acquisition en janvier 1985. Trois agents de sécurité de la compagnie Burns étaient affectés à cet appareil, qui servait à contrôler des colis et des bagages de grande taille et qui était situé dans l'aire de rassemblement des bagages de l'aérogare II.

Les bagages à transférer au vol d'Air India arrivaient à Toronto à bord de divers vols intérieurs et étaient envoyés à l'aire internationale de rassemblement des bagages pour être passés aux rayons X et étiquetés. Les bagages des vols intérieurs étaient ensuite placés dans un conteneur qui, par la suite, était scellé et mis à bord de l'avion. Un autre gardien de sécurité était posté au tapis roulant à bagages en transit de l'aérogare II pour empêcher que des bagages non autorisés soient déposés sur ce tapis roulant.

Le 22 juin 1985, le contrôle des bagages du vol d'Air India a commencé vers 14 h 30, heure locale. À 16 h 45, l'appareil à rayons X est tombé en panne. À ce moment-là, de 50 à 75 % des bagages avaient été contrôlés. L'agent de sécurité d'Air India responsable de la supervision de l'examen des bagages a autorisé le personnel à utiliser un appareil portatif de détection de vapeurs et de traces d'explosifs (le détecteur PD4C) pour contrôler le reste des bagages. Les agents de sécurité de la compagnie Burns ont effectué cette tâche après avoir été informés du fonctionnement de l'appareil par l'agent de sécurité d'Air India. Le contrôle des bagages s'est terminé à 18 h 06. Aucun bagage n'a été ouvert et fouillé à la main. Les appareils à rayons X et les détecteurs PD4C utilisés pour contrôler les bagages enregistrés des passagers d'Air India avaient été achetés par la ligne aérienne Air India.

Selon Transports Canada, plus tôt, le 21 janvier 1985, le personnel responsable de la sécurité aéroportuaire, le personnel d'Air India, la GRC et l'unité de détection des engins explosifs de la police régionale de Peel se sont rencontrés pour évaluer le programme de sécurité d'Air India. Le maître-chien de la GRC et le représentant de l'unité de détection des engins explosifs de la police régionale de Peel ont déclaré qu'à leur avis, le détecteur PD4C était inefficace. On ne sait pas si le détecteur PD4C utilisé le 22 juin 1985 était le même que celui qui a été évalué lors de la réunion tenue en janvier 1985.

On ne sait pas si la valise transférée du vol CP 060 au vol 181/182 d'Air India le 22 juin 1985 a été inspectée avant ou après que l'appareil aux rayons X de l'aéroport de Toronto est tombé en panne. Les bagages qui n'ont pas été passés aux rayons X ont été inspectés à l'aide du détecteur PD4C, mais certaines indications laissent entendre que celui-ci était peut-être inefficace pour déceler la présence d'engins explosifs, en particulier les explosifs plastiques. Plutôt que d'utiliser le détecteur PD4C, il aurait été plus efficace d'ouvrir tous les sacs et de les inspecter manuellement. Il semble que cela n'ait pas été fait.

Malgré les précautions et les mesures de protection qui devaient être en place, presque tout ce qui pouvait mal tourner a effectivement mal tourné. Les sacs n'auraient jamais dû être enregistrés en l'absence du passager à qui ils appartenaient à Vancouver. Les vols 060 (de Vancouver à Toronto) et 003 (de Vancouver à Narita) de CP Air n'auraient pas dû décoller sans que les autorités procèdent à un appariement qui aurait montré l'absence d'un passager-accompagnateur à bord de chacun de ces vols. Lorsque le sac est arrivé à Toronto à bord du vol 060 de CP Air, il n'aurait pas dû être transféré et être embarqué dans l'avion d'Air India sans que l'on procède à une vérification et à un appariement bagages-passagers adéquats.

Cependant, la valise contenant la bombe a traversé les contrôles de sécurité de deux aéroports, Vancouver et Toronto. Il s'en est suivi l'explosion en plein vol de l'avion au large de la côte ouest de l'Irlande aux petites heures du matin, le 23 juin 1985.

Une catastrophe de cette ampleur n'avait jamais frappé des citoyens canadiens en temps de paix. L'ambassade canadienne de Dublin était petite et disposait de ressources très restreintes. La communication avant l'ère du téléphone cellulaire et des appareils portatifs sans fil était très limitée. Tandis que des dignitaires canadiens d'Ottawa, de Dublin et d'ailleurs, sous la direction de l'ambassadeur du Canada en Espagne, Daniel Molgat, se rendaient à Cork pour aider les familles à faire face à la tragédie, il est clair que, comme pays, nous n'étions tout simplement pas munis des moyens nécessaires pour gérer toute la portée d'une catastrophe aussi vaste. J'ai discuté de ces efforts avec des représentants canadiens et les familles. Ces dernières ont le sentiment profond qu'on n'a tout simplement pas répondu à leurs divers besoins. Pour leur part, les représentants canadiens soulignent qu'ils avaient passé des journées et des nuits complètes à tenter de répondre à la catastrophe et qu'ils portent toujours sur leurs épaules le poids des scènes d'horreur dont ils ont été témoins.

Depuis, le ministère des Affaires étrangères du Canada a établi un centre d'opérationsà Ottawa, qui peut être mis en service 24 heures sur 24 dans un court délai pour répondre aux questions de la population canadienne et pour coordonner les services consulaires et de secours destinés à aider les familles en détresse. Il a été considérablement mis à contribution lors des efforts de secours déployés à la suite du tsunami en Asie et d'autres situations touchant des ressortissants canadiens à l'étranger. Ce centre représente une amélioration incomparable quand on pense à ce qui existait en 1985. À cette époque, un agent était en service après les heures normales de travail pour s'occuper de toute intervention. Il existe maintenant des instructions permanentes à l'intention des agents au Canada et à l'étranger au sujet des mesures à prendre pour répondre à une situation d'urgence consulaire ou à toute autre crise.

Il est nécessaire de procéder à une analyse approfondie de l'expérience des familles et de la réponse officielle pour s'assurer que des leçons ont véritablement été tirées de cette situation.

4. GRC et SCRS : contexte

Dès le début de l'enquête sur la catastrophe d'Air India, tant le SCRS que la GRC ont été mis à contribution. Les deux organismes avaient été séparés en 1984, à la suite du rapport du juge David Macdonald sur les activités de la GRC. Les principales conclusions de ce rapport étaient que les activités de renseignement de sécurité devraient être séparées des tâches policières et que les activités d'un nouvel organisme – le SCRS – devraient être assujetties à l'approbation judiciaire à des fins de mandats, ainsi qu'à l'examen général d'une nouvelle entité, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, ainsi que du bureau de l'Inspecteur général. Le SCRS ne serait pas un corps policier, et ses agents ne seraient pas des policiers.

Le gouvernement a accepté cette recommandation, mais non sans controverse. Certains se sont vivement inquiétés du fait que la division distincte entre les activités de renseignement de sécurité et celles de la police était artificielle et que, en fait, la ligne de démarcation entre les deux était souvent floue.

Comme il fallait que les deux organismes travaillent en étroite collaboration, un protocole d'entente a été signé le 17 juillet 1984. Ce protocole décrivait les conditions liées à l'échange et à la mise en commun de renseignements entre le SCRS et la GRC. Footnote 3 Tout d'abord, le protocole d'entente prévoit que [TRADUCTION] « conformément à l'article 12 de la Loi sur le SCRS, le SCRS doit fournir (…) à la GRC dès qu'il en prend connaissance ou qu'ils sont mis à sa disposition, ou encore à la suite d'une demande précise de la GRC (…) des évaluations ou des renseignements concernant une menace pour la sécurité du Canada et relevant du rôle et des responsabilités de la GRC Footnote 4 ». De plus, le protocole d'entente prévoit que, conformément à l'article 13 et au paragraphe 19(2) de la Loi sur le SCRS, le SCRS doit fournir à la GRC des renseignements [TRADUCTION] « pertinents pour la tenue d'enquêtes et l'application de la loi relativement à de présumées infractions à la sécurité ou à l'arrestation de suspects et qui relèvent au premier chef de la responsabilité de la GRC aux termes du paragraphe 61(1) de la Loi sur le SCRS Footnote 5 ». En outre, [TRADUCTION] « tout désaccord ne pouvant être résolu par le directeur [du SCRS] et le commissaire [de la GRC] doit être renvoyé devant le solliciteur général à des fins de règlement Footnote 6 ».

Dans le cadre de ses instructions concernant les répercussions du projet de loi C-9 Footnote 7 et la création du SCRS, le solliciteur général de l'époque, Robert Kaplan, C.P., c.r., député, a écrit au directeur du SCRS, M. Finn, et au commissaire de la GRC, M. Simmonds :

[TRADUCTION] (…) la séparation du rôle de la GRC en matière de renseignement de sécurité ne doit pas nuire à la communication de renseignements entre la GRC et le SCRS. Ces deux organismes assument des fonctions et des responsabilités connexes dans le domaine de la sécurité. Aucun de ces deux organismes ne peut atteindre entièrement ou de manière efficace ses objectifs en matière de sécurité nationale sans la collaboration et l'aide de l'autre. Footnote 8

Qui plus est, selon un des principes exposés dans le document, [TRADUCTION] « la GRC reçoit du SCRS les renseignements pertinents concernant des infractions à la sécurité nationale Footnote 9 », et [TRADUCTION] « la GRC et le SCRS doivent se consulter et collaborer ensemble pour la tenue d'enquêtes de sécurité Footnote 10 ».

En ce qui concerne l'enquête sur Air India, il faut se demander si cette consultation et cette coopération ont bel et bien eu lieu, et si elles sont observables aujourd'hui.

5. Enquête, accusations et procès

À la suite des attentats à la bombe, plus de 200 enquêteurs et employés de soutien de la GRC ont été affectés à l'enquête sur les explosions d'Air India et de Narita. Il s'agissait d'une enquête d'une portée nationale et internationale. La plupart des éléments de preuve ont été recueillis à l'aéroport Narita de Tokyo et lors de l'enquête concernant l'acquisition, par M. Reyat, de pièces pour fabriquer des bombes. On a procédé à de nombreuses fouilles et à l'interception d'un très grand nombre de communications chez des suspects. On a trouvé très peu de preuves matérielles sur les lieux de l'explosion du vol 182 d'Air India, la carcasse de l'appareil s'étant abîmée à plus de 6 000 pieds au fond de l'océan. Seule une très petite partie de l'appareil a pu être ramenée à la surface.

Le 6 novembre 1985, la GRC a effectué une descente dans les résidences de MM. Parmar et Reyat, ainsi que de trois autres individus. Par la suite, MM. Parmar et Reyat ont été arrêtés pour faire face à des accusations liées à des armes, à des engins explosifs et à un complot. À l'époque, la GRC a fait savoir que ces arrestations s'inscrivaient dans le cadre de son enquête sur la tragédie d'Air India.

Les accusations contre M. Parmar ont dû être abandonnées en raison de preuves insuffisantes, mais M. Reyat a été inculpé de trois chefs d'accusation relativement au déclenchement d'un engin explosif dans la forêt située tout près de Duncan (Colombie-Britannique), ainsi que d'un quatrième chef d'accusation concernant la découverte d'une arme à feu dans sa résidence lors d'une fouille policière. M. Reyat a plaidé coupable à deux chefs d'accusation et payé une amende de 2 000 $, et les procédures ont été suspendues dans le cas des deux autres chefs d'accusation. Peu après, il a déménagé sa famille à Coventry, en Angleterre. Cependant, il est resté un suspect clé dans les attentats à la bombe contre Air India.

En février 1988, la police britannique a procédé à l'arrestation de M. Reyat et l'a accusé d'avoir fabriqué la bombe qui a explosé à l'aéroport Narita. Il a été extradé au Canada le 13 décembre 1989. Son procès a débuté le 17 septembre 1990 et a duré huit mois. Le 10 mai 1991, il a été déclaré coupable d'homicide involontaire par le juge Paris de la Cour suprême de la Colombie-Britannique et condamné à une peine d'emprisonnement de dix ans.

Malgré l'arrestation de M. Reyat, les enquêteurs ont eu de la difficulté à recueillir suffisamment de preuves pour inculper d'autres individus. Tandis qu'il était clairement identifié comme l'un des auteurs du complot, M. Armar a été tué lors d'une fusillade avec les autorités indiennes en 1992. Il y a eu également d'autres problèmes concernant la mise en place d'une récompense pour toute information pouvant conduire à une condamnation. Après un certain temps avant d'obtenir l'approbation nécessaire, la récompense a finalement été annoncée en 1995.

Le 27 octobre 2000, MM. Malik et Bagri ont été arrêtés en rapport avec les attentats à la bombe. Ils ont été inculpés conjointement de huit chefs d'accusation en vertu du Code criminel. Le 5 juin 2001, le procureur de la Couronne a déposé un nouvel acte d'accusation, celui-là contre M. Reyat, qui est venu s'ajouter aux individus déjà inculpés le 27 octobre 2000. En vertu de ce nouvel acte accusation, MM. Malik, Bagri et Reyat étaient conjointement inculpés des chefs d'accusation suivants aux termes du Code criminel :

Le 10 février 2003, M. Reyat a plaidé coupable et a été condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans pour homicide involontaire coupable, et les accusations de meurtre qui pesaient contre lui ont été abandonnées.

Le procès des autres accusés, MM. Bagri et Malik, a débuté devant le juge Josephson de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en avril 2003. Les plaidoyers finals ont été entendus le 3 décembre 2004, ce qui représente 233 jours de séance. Le 16 mars 2005, le juge Josephson a rendu sa décision, statuant que MM. Malik et Bagri n'étaient coupables d'aucun des chefs d'accusation. Dans sa décision, le juge Josephson a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] J'ai commencé par décrire la nature horrible de ces actes cruels de terrorisme, à l'égard desquels justice doit absolument être faite. Toutefois, justice n'est pas rendue si les accusés sont condamnés pour des motifs autres que la norme requise de la preuve au-delà de tout doute raisonnable. Même s'il semble que la police et la Couronne aient déployé des efforts très louables en l'espèce, la preuve s'est avérée très loin de cette norme Footnote 11.

Dans sa décision, le juge Josephson a conclu que les témoignages recueillis contre MM. Malik et Bagri n'étaient pas suffisamment crédibles pour répondre à la norme concernant la preuve lors d'un procès criminel, à savoir la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable. Contrairement au procès de M. Reyat, aucune preuve matérielle ne pouvait établir de liens entre ces deux individus et le complot. La Couronne s'est fiée à plusieurs témoins qui se sont présentés d'eux-mêmes pour faire connaître ce qu'ils disaient savoir et ce qu'on leur avait dit. Par conséquent, l'affaire a reposé sur l'opinion du juge quant à la fiabilité des témoignages de ces témoins.

Le procès a été long et complexe, le plus coûteux et le plus difficile de toute l'histoire du pays. Sa conclusion a évidemment provoqué un vaste débat entre les familles, les médias et le grand public.

La cause devant le juge Josephson était importante pour bien des raisons. Premièrement, il a conclu à l'existence d'un complot au sujet de deux bombes, et que celles-ci avaient été placées à bord de deux avions de CP Air en partance de Vancouver : une dans un sac portant le nom « M. Singh » et destiné au vol 182 d'Air India et l'autre dans un sac portant le nom « L. Singh » et destiné au vol 301 d'Air India. Le juge Josephson a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] Pour tous ces motifs, on peut très certainement déduire que la bombe qui a détruit le vol 182 d'Air India se trouvait dans le sac de M. Singh. Les deux valises faisaient partie d'un complot, lequel s'est concrétisé lors du déclenchement d'un engin explosif dans le sac de L. Singh lié à MM. Reyat et Parmar. Compte tenu de ces circonstances, prétendre que le sac de M. Singh ait pu contenir autre chose qu'un engin explosif défie toute logique et va à l'encontre du bon sens.

Étant donné toutes sortes de théories avancées au sujet des bombes par divers témoins et d'autres personnes, il s'agit là d'une conclusion importante.

Le juge Josephson a également statué que la Couronne et la défense avaient généralement reconnu M. Parmar comme étant la tête dirigeante du complot visant à commettre les actes criminels en question. Footnote 12 Cette conclusion était importante parce qu'elle établissait un lien direct entre M. Parmar et les crimes.

Le procès en tant que tel est important puisqu'il en ressort clairement qu'une grande partie des renseignements que le SCRS a obtenus lors de son enquête n'a pas été communiquée promptement à la GRC.

Par exemple, il semble que le SCRS n'ait pas informé la GRC qu'un mandat avait été obtenu de la Cour fédérale pour intercepter les communications de M. Parmar. Il existe des rapports contradictoires quant à savoir à quel moment le SCRS a avisé la GRC au sujet de l'écoute électronique concernant M. Parmar après l'attentat à la bombe. Il existe aussi des comptes rendus contradictoires quant à la portée d'une enquête distincte du SCRS dans les jours suivant l'attentat à la bombe et le degré de coopération entre la GRC et le SCRS à cette époque. De plus, on constate des opinions contradictoires sur le fait que la GRC a demandé ou non au SCRS de conserver les enregistrements de l'écoute électronique des communications de M. Parmar.

Le procès a révélé que bon nombre des enregistrements de l'écoute électronique exercée sur M. Parmar avaient été effacés par le SCRS. En particulier, les enregistrements des conversations interceptées de M. Parmar du 27 mars 1985 au 8 avril 1985, du 26 avril 1985 au 5 mai 1985, ainsi que du 8 mai 1985 au 23 juin 1985 ont été effacés par le SCRS.

En outre, la surveillance visuelle de M. Parmar a été intermittente pendant cette période. Par exemple, M. Parmar n'a pas été surveillé pendant les jours tout de suite avant l'attentat à la bombe.

Le juge Josephson a fait savoir que la destruction de ces enregistrements constituait un [TRADUCTION] « acte de négligence inacceptable ». Footnote 13 En 1992, le CSARS a conclu que la destruction des enregistrements n'avait eu aucune incidence importante sur l'enquête de la GRC. Ce n'est toutefois pas l'avis de la GRC, qui est exposé clairement dans des notes de service des 9 et 16 février 1996 et rédigées par Gary Bass, commissaire adjoint de la GRC et enquêteur principal sur l'attentat à la bombe contre Air India depuis 1996.

L'effacement des enregistrements pose problème tout particulièrement à la lumière de l'arrêt-clé de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Stinchcombe Footnote 14, qui a statué que la Couronne avait l'obligation de divulguer à la défense toutes les preuves pertinentes, et ce, même si elle n'entendait pas les utiliser lors du procès. Le juge Josephson a statué que toutes les autres informations détenues par le SCRS devaient être divulguées par la Couronne, conformément aux normes établies dans l'affaire StinchcombeFootnote 15 Par conséquent, des renseignements que possédait le SCRS n'auraient pas dû être cachés à l'accusé.

Lors du procès de MM. Malik et Bagri, les avocats de la défense ont soutenu que les enregistrements effacés auraient pu fournir des renseignements qui auraient exonéré leurs clients. Ne serait-ce que pour cette raison, les enregistrements n'auraient jamais dû être détruits.

La question des rapports entre le SCRS et la GRC dont le juge Josephson avait été saisi fait ressortir les préoccupations au sujet des liens entre le renseignement, la destruction d'éléments de preuve, la divulgation requise et les éléments de preuve recevables. Il est clair que les relations entre ces institutions et l'action réciproque entre le renseignement et la preuve doivent faire l'objet d'un examen approfondi.

6. Sûreté de l'aviation

Depuis le milieu des années 60, alors que le ciblage des intérêts en matière d'aviation était en vogue, les moyens utilisés pour attaquer et choisir des cibles n'ont pas beaucoup changé, bien que la fréquence des attentats ait connu des fluctuations. Comme le tableau ci-dessous l'indique, les aéroports, les avions et les installations situées à l'extérieur des aéroports, comme les bureaux des lignes aériennes, continuent d'être les principales cibles des terroristes. En outre, les attentats à la bombe, les détournements d'avions et les agressions armées sont toujours les principales méthodes d'attaque.

Sûreté de l'aviation

Source : Données pour les années 1967–1996 tirées de « Attacks on Civil Aviation: Trends and Lessons », d'Ariel Merari, Lecture at the White House Commission – George Washington University Conference on Aviation Safety in the 21st Century; données pour les années 1997–2001 tirées de « FAA Criminal Acts against Civil Aviation 2001 Edition » (dernière année de cette publication de la FAA).

À titre d'information, j'inclus l'annexe 3, qui comprend une liste dressée par Transports Canada des incidents terroristes mettant en cause des avions survenus au cours des 50 dernières années.

En ce qui concerne l'attentat contre le vol 182 d'Air India, ce n'était pas la première fois que des engins explosifs étaient placés dans des bagages enregistrés, et ça n'allait pas non plus être la dernière fois. Le 7 septembre 1974, un jet de la compagnie Trans-World Airlines avec à son bord 88 passagers s'est écrasé au large des côtes de la Grèce à la suite d'une explosion dans la soute à bagages. De même, le 21 décembre 1988, le vol 103 de la Pan Am a explosé au-dessus de Lockerbie, en Écosse, tuant les 259 personnes à bord et onze personnes au sol. Un engin explosif avait été dissimulé dans un combiné radio-cassette Toshiba dans une valise. On trouve aussi des exemples d'engins explosifs improvisés qui ont été assemblés à bord d'avions.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont représenté un tournant dans les méthodes utilisées, en ce sens que les terroristes se sont servis des appareils eux-mêmes comme armes, bien que les attentats-suicide à l'aide de moyens de transport ne soient pas un phénomène nouveau. Il s'est produit au moins 20 attentats-suicide depuis 1996 et, selon les statistiques, les trois quarts de tous les attentats-suicide à la bombe ont eu lieu depuis le 11 septembre 2001.

Pour ce qui est des attentats-suicide terroristes et de la sûreté aérienne depuis le 11 septembre 2001, si Richard Reid avait réussi à faire exploser la bombe placée dans ses chaussures lors du vol 63 de la compagnie American Airlines entre Paris et Miami en décembre 2001, l'incident aurait été qualifié de « mission-suicide ». L'explosion quasi simultanée de deux avions de passagers russes le 24 août 2004 est généralement perçue comme le travail de deux kamikazes.

En ce qui concerne la tragédie d'Air India, il est important de se rappeler que des cibles indiennes à l'échelle mondiale faisaient l'objet de menaces à la sécurité de l'intérieur et de l'extérieur depuis des dizaines d'années. Les risques associés au`x vols d'Air India à destination et en provenance du Canada étaient pris au sérieux. Il s'est quand même produit une tragédie.

En raison du milieu de la menace qui prévalait en 1985, Air India avait pris des mesures de sécurité plus poussées que la plupart des autres transporteurs aériens canadiens et étrangers. Conformément au Règlement sur les aéronefs étrangers (mesures de sécurité), Air India avait transmis au ministre des Transports copie de son programme de sécurité, qui comprenait les mesures suivantes :

Comme nous l'avons vu, toutes ces mesures supplémentaires n'ont pas suffi pour empêcher les conspirateurs de mettre une bombe à bord de l'avion. Le 23 juin 1985, Transports Canada a pris des mesures de sécurité additionnelles pour tous les vols internationaux de transporteurs canadiens et étrangers à titre de réponse immédiate à la tragédie d'Air India et des explosions de voiturettes de transport des bagages à l'aéroport Narita. Il s'agissait notamment des mesures suivantes :

Les tragédies d'Air India et de Narita ont transformé le programme d'aviation civile du Canada. Ces deux événements ont aussi changé le milieu international et produit de nouvelles approches en matière de protection des passagers, des aéroports et des avions dans le monde entier.

Dans la foulée de la tragédie d'Air India, le gouvernement indien (commission d'enquête Kirpal) et le Bureau de la sécurité des transports du Canada ont entrepris des enquêtes distinctes. De nombreuses recommandations découlant du rapport de la commission Kirpal et visant à améliorer la sûreté de l'aviation et à prévenir le placement d'engins explosifs dans des avions commerciaux avaient déjà été mises en œuvre par le Canada.

En raison de son mandat, le Bureau de la sécurité des transports du Canada a dû limiter son enquête à la tragédie elle-même. Par conséquent, le gouvernement du Canada a jugé qu'il y avait lieu d'ordonner une enquête plus vaste de la sûreté de l'aviation et a chargé le Comité interministériel de la sécurité et des renseignements d'effectuer un examen approfondi de la sécurité des lignes aériennes et des aéroports. Les conclusions de cette enquête se trouvent dans le rapport Seaborn, nommé ainsi en l'honneur de son auteur, Blair Seaborn, qui à l'époque était haut fonctionnaire au Bureau du Conseil privé et président du Comité interministériel de la sécurité et des renseignements.

Le principal changement découlant du rapport Seaborn a été d'imposer des règles strictes empêchant l'embarquement, sur des vols internationaux, de bagages enregistrés au nom d'un passager si celui-ci n'est pas à bord de l'avion.

Le Canada a été le premier membre de l'OACI à introduire les mesures suivantes :

D'autres améliorations importantes ont été apportées au régime canadien de sûreté de l'aviation, dont les suivantes :

Après les événements du 11 septembre 2001, on a apporté d'autres changements réglementaires et techniques. Dans le budget de décembre 2001, le gouvernement du Canada a affecté 2,2 milliards de dollars sur cinq ans aux mesures suivantes :

Au nombre des autres améliorations aux mesures de sûreté de l'aviation, mentionnons le fait que tous les passagers au Canada doivent être soumis à de nouvelles limites sur le nombre de bagages de cabine et que tous les passagers à destination desÉtats-Unis soient soumis au hasard à une deuxième fouille avant de monter à bord de l'avion.

Les mesures actuelles de sécurité des bagages enregistrés sont, dans l'ensemble, les mêmes que celles qui existaient tout juste avant les événements du 11 septembre 2001. La principale amélioration réside dans le fait que les bagages enregistrés sur les vols à destination des États-Unis doivent maintenant faire l'objet d'un contrôle de sécurité au moyen de l'une ou l'autre des combinaisons approuvées d'équipement conventionnel aux rayons X, d'appareils de détection des engins explosifs et de moyens physiques. D'ici le 1er janvier 2006, tous les bagages enregistrés dans les aéroports canadiens feront l'objet d'un contrôle de sécurité, peu importe la destination.

Compte tenu de ce qui précède, il serait juste de dire que le milieu réglementaire actuel s'est considérablement amélioré depuis 1985.

Toutefois, à l'échelle de la planète, la sécurité et la sûreté du transport aérien sont aussi solides que le maillon le plus faible de la chaîne. L'OACI, dont le Canada est membre, est une tribune qui devrait permettre d'adopter des mesures plus rigoureuses à l'échelle mondiale. Tous les bagages des passagers feront l'objet d'un contrôle de sécurité au Canada d'ici le 1er janvier 2006, toutefois, ce n'est pas le cas du fret aérien. Il s'agit là d'une grave lacune au Canada et ailleurs dans le monde. Les vérifications de sécurité effectuées par l'OACI auprès des pays membres ne sont pas de nature publique et le plan d'action en matière de sécurité ne constitue pas un élément permanent du budget de l'OACI. Ces questions sont prépondérantes, car, peu importe les problèmes nationaux que l'on souhaite régler, il sera toujours possible que des faiblesses dans d'autres régions du globe viennent saper les efforts déployés.

J'ai visité les aéroports de Toronto et de Vancouver en compagnie de représentants des autorités aéroportuaires, de l'ACSTA, de Transports Canada, d'Air Canada et d'Air India, et j'ai également rencontré des responsables de l'Organisation de l'aviation civile internationale à Montréal. Comme l'a fait ressortir l'enquête diffusée récemment à l'émission « The Fifth Estate » de la CBC au sujet de la sûreté de l'aviation au Canada, il reste encore des problèmes importants à régler dans ce domaine.

L'attentat à la bombe contre Air India montre toute l'importance du facteur humain. Bien sûr, il faut améliorer la réglementation et la technologie, mais
celles-ci dépendent entièrement des personnes qui en sont responsables. Des dizaines de millions de personnes prennent l'avion partout dans le monde tous les ans, et les voyageurs souhaitent arriver à destination le plus rapidement possible. Les contrôles de sécurité prennent du temps, et la pression s'exerce toujours sur les responsables pour qu'ils fassent leur travail rapidement. Les fonctions en matière de sécurité peuvent être répétitives, ce qui augmente les risques d'erreurs humaines.

Le ministre des Transports a fait savoir récemment que l'examen obligatoire des dispositions législatives portant création de l'ACSTA comprendra une analyse des mesures de sécurité en général. Je ne vois pas l'utilité de faire double emploi à cet examen, à condition qu'il soit indépendant du gouvernement et qu'il puisse donner lieu à des discussions avec les victimes d'actes terroristes au sujet des lacunes dans la sûreté de l'aviation. À titre de solution de rechange, les questions touchant la sûreté de l'aviation pourraient faire l'objet de l'enquête que je propose dans le présent rapport.

7. Questions nécessitant un examen approfondi

J'en conclus qu'une autre enquête doit être tenue pour trouver des réponses satisfaisantes aux questions suivantes :

  1. L'évaluation effectuée par des responsables du gouvernement canadien relativement à la possible menace terroriste sikhe au cours de la période antérieure à 1985 était-elle adéquate à la lumière des renseignements qui étaient raisonnablement disponibles à cette époque, et les organismes du gouvernement canadien ont-ils suffisamment coordonné leur intervention? Si l'on a constaté des lacunes dans l'évaluation et l'intervention, les problèmes systémiques ont-ils été résolus, de telle sorte que des erreurs de ce genre ne puissent plus être commises aujourd'hui?
  2. Au cours des périodes antérieure et postérieure au 23 juin 1985, les relations entre le SCRS et la GRC et d'autres ministères et organismes gouvernementaux ont-elles été entachées de problèmes qui auraient pu nuire à la surveillance de suspects terroristes et à l'enquête sur les attentats à la bombe contre Air India? Le cas échéant, ces problèmes ont-ils été résolus depuis? Sinon, quels changements devront être apportés aux pratiques et/ou aux dispositions législatives pour assurer une coopération efficace entre ces deux organismes?
  3. L'enquête et les poursuites dans l'affaire Air India ont fait ressortir la difficulté d'établir des liens fiables et efficaces entre le renseignement de sécurité et les preuves, qui puissent être utilisés au cours d'un procès criminel. Cette situation délicate entre le renseignement de sécurité, la preuve et l'application de la loi ne se constate pas uniquement au Canada. En tirant profit de notre propre expérience et d'autres situations étroitement liées, comment pouvons-nous gérer ces rapports de manière efficace aujourd'hui?
  4. Il s'est produit des manquements graves à la sûreté de l'aviation lors de l'attentat à la bombe contre Air India. Le Canada a-t-il tiré suffisamment de leçons de cette tragédie pour ce qui est de sa politique officielle dans ce domaine? Quels changements doit-on apporter aux mesures législatives et réglementaires, ainsi qu'aux pratiques?

Selon moi, il est clair que chacune de ces questions est toujours en suspens. Dans le premier cas, il est tout à fait compréhensible de se dire qu'une fois la menace cernée, il faut la gérer efficacement. Il ne s'agit pas d'« agir en gérant d'estrade ». Toute analyse doit tenir compte du contexte du moment et du fait que des gens font de leur mieux avec les connaissances incomplètes dont ils disposent. L'analyse du dossier laisse penser qu'il reste encore des questions importantes à régler dans le domaine de l'évaluation de la menace et des mesures à prendre en conséquence.

Les deuxième et troisième questions découlent tout aussi clairement du dossier public et de mes entrevues avec les responsables. La séparation des fonctions touchant le renseignement de sécurité de la GRC et la création d'un nouvel organisme, le SCRS, se sont produites juste au moment où le terrorisme était une source croissante d'inquiétudes à l'échelle internationale. À cette époque, le contre-espionnage (par opposition au contre-terrorisme) absorbait 80 % des ressources du SCRS. On était toujours en pleine guerre froide, et le milieu du contre-espionnage créé après 1945 avait donné lieu à une culture axée sur le secret. Le nouvel organisme était profondément marqué par le principe du « besoin de savoir ».

Le rapport de la Commission américaine sur les événements du 11 septembre 2001 est truffé d'exemples des difficultés que pose aux stratégies antiterroristes efficaces la persistance du cloisonnement entre la police et le milieu de la sécurité. Il est bien connu que les organismes étaient réticents à échanger de l'information et étaient incapables de coopérer suffisamment pour éliminer les menaces pour la sécurité nationale. Malheureusement, il n'est guère réconfortant de savoir que le Canada n'était pas le seul pays à devoir faire face à des difficultés dans ce domaine. Dans le présent cas, il faut se demander si les relations institutionnelles entre le SCRS et la GRC ont connu de graves ratés, si, le cas échéant, ces problèmes ont été cernés correctement par les deux organismes, ainsi que par le gouvernement, et si les relations aujourd'hui sont telles qu'on puisse dire avec confiance que nos opérations en matière de sécurité et de police peuvent faire face aux menaces terroristes de toutes sortes avec la coopération et la consultation qui s'imposent.

Le débat concernant les preuves reposant sur des renseignements de sécurité est tout aussi important. Si un organisme estime que sa mission n'englobe pas l'application de la loi, il n'est guère étonnant que ses agents estiment qu'il ne leur appartient pas de recueillir des éléments de preuve devant être utilisés au cours d'un procès. Toutefois, à une époque où le terrorisme et ses activités connexes sont clairement des actes criminels, la surveillance de comportements potentiellement violents peut, au bout du compte, être liée au concept d'application de la loi. De même, les policiers participent inévitablement à la collecte de renseignements de nature générale et de sécurité qui ont trait à des crimes violents commis dans un dessein terroriste.

La commission d'enquête sur l'affaire Arar porte également sur ces questions. À quel stade le « besoin de communiquer » remplace-t-il le « besoin de savoir » dans la culture qui prévaut? Comment gérons-nous les questions touchant la protection de la vie privée et les droits individuels lorsque tombent les cloisons entre les organismes? Les critères régissant les mandats de surveillance en vertu de la Loi sur le SCRS et les dispositions du Code criminel relatives à des mandats du même genre sont différents. Comment pouvons-nous obtenir l'équilibre adéquat entre, d'une part, la protection des droits individuels et, d'autre part, la nécessité d'assurer la protection et la sécurité des citoyens et des citoyennes?

La quatrième question fait ressortir la nécessité de tirer toutes les leçons possibles des manquements à la sûreté de l'aviation qui se sont produits lors de l'attentat à la bombe d'Air India. Comme je l'ai déjà dit, il faut que quelqu'un réponde à cette question. Si l'examen de l'ACSTA englobe cette question, il n'est pas nécessaire de l'inclure dans l'enquête proposée dans le présent rapport.

8. Forme d'enquête

Comme il reste des questions en suspens, il s'agit maintenant de déterminer la forme d'enquête qui conviendrait le mieux pour y répondre.

Les semaines précédant ma nomination ont été marquées par un renouveau des demandes visant la tenue d'une enquête publique. Il en avait été de même presque immédiatement après la tragédie survenue en 1985. La lenteur et la complexité exaspérantes de l'enquête criminelle avaient fait ressortir pareilles demandes. Ces dernières ont atteint un point culminant après le verdict d'acquittement de MM. Bagri et Malik rendu en 2005.

Lors de mes rencontres avec les membres des familles des victimes et de nombreuses autres personnes, je leur ai demandé sur quoi au juste devrait porter une enquête publique. À cette question, j'ai reçu en gros trois types de réponses. Dans la première catégorie, on demande de trouver les responsables de cet acte criminel et de les traduire en justice. Dans la deuxième catégorie, on demande de trouver les représentants du gouvernement et des divers services de police et de sécurité qui ont fait des erreurs et de les tenir personnellement responsables de celles-ci. Enfin, dans la troisième catégorie, on demande de déterminer ce qui a fait défaut et de veiller à ce que ces erreurs ne se reproduisent pas.

Une enquête visant à répondre aux deux premières questions serait soit illégale, soit très inopportune. Une enquête mise sur pied en vue de répondre à la troisième question relèverait de l'intérêt public. Il est important de comprendre la distinction entre ces différents types de questions et d'enquêtes, car leurs conséquences sont très différentes.

Une des prémisses fondamentales du droit canadien prévoit qu'une enquête ne peut être utilisée pour établir la culpabilité criminelle ou la responsabilité civile. Comme l'a déclaré le juge Cory dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d'enquête sur le système d'approvisionnement en sang du Canada – la Commission Krever), « une commission d'enquête ne constitue ni un procès pénal, ni une action civile pour l'appréciation de la responsabilité. Elle ne peut établir ni la culpabilité criminelle, ni la responsabilité civile à l'égard de dommages Footnote 16 ».

Au cours des vingt dernières années, les tribunaux ont dû faire face au dilemme suivant : établir un équilibre délicat entre, d'une part, le vaste intérêt public qui exige que l'on examine à fond des problèmes difficiles, et, d'autre part, la protection des droits individuels. Par exemple, voici ce qu'en pense le juge Cory dans l'affaire Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray) :

L'une des principales fonctions des commissions d'enquête est d'établir les faits. Elles sont souvent formées pour découvrir la « vérité », en réaction au choc, au sentiment d'horreur, à la désillusion ou au scepticisme ressentis par la population. Comme les cours de justice, elles sont indépendantes; mais au contraire de celles-ci, elles sont souvent dotées de vastes pouvoirs d'enquête. Dans l'accomplissement de leur mandat, les commissions d'enquête sont, idéalement, dépourvues d'esprit partisan et mieux à même que le Parlement ou les législatures d'étudier un problème dans la perspective du long terme. Les cyniques dénigrent les commissions d'enquête, parce qu'elles seraient un moyen utilisé par le gouvernement pour faire traîner les choses dans des situations qui commanderaient une prompte intervention. Pourtant, elles peuvent remplir, et remplissent de fait, une fonction importante dans la société canadienne. Elles constituent un excellent moyen d'informer et d'éduquer les citoyens inquiets Footnote 17.

Mais le juge Cory ajoute ceci :

Néanmoins, on ne peut pas oublier qu'elles ont été l'objet de critiques dures et convaincantes. Chaque enquête doit être entourée de précautions visant à éviter les plaintes contre les coûts excessifs, les longs délais, la trop grande rigidité du fonctionnement ou l'éparpillement des efforts. Plus important, en ce qui a trait au présent pourvoi, il y a le risque que les commissions d'enquête, libérées d'un bon nombre des contraintes institutionnelles auxquelles sont assujetties les diverses branches de gouvernement, soient aussi en mesure d'agir sans les garanties qui protègent d'ordinaire les droits individuels contre l'action gouvernementale Footnote 18.

Les tribunaux sont clairement guidés par le mandat de l'enquête ainsi que par sa portée. La Cour a convoqué l'enquête dans l'affaire Patti Starr Footnote 19. Ici, la Cour a mis l'accent sur le fait que le mandat de l'enquête utilisait clairement des termes presque identiques à ceux de la disposition correspondante du Code criminel et portait directement sur la conduite de personnes précises.

Dans l'affaire Patti Starr, la décision rendue à la majorité par la Cour suprême du Canada faisait notamment état de ce qui suit :

Il n'y avait aucun objet plus général qui différenciait l'enquête d'un substitut d'enquête policière (…) Rien dans le mandat ni dans les circonstances qui ont donné lieu à l'enquête n'indique qu'elle visait à rétablir la confiance en l'intégrité du gouvernement et de ses institutions ou à examiner le régime auquel les fonctionnaires publics sont assujettis. Ces objets sont manifestement accessoires à la caractéristique principale de l'enquête, qui consiste à mener une enquête et à constater des faits à l'égard de personnes nommément désignées au sujet d'une infraction criminelle précise Footnote 20.

La majorité des membres de la Cour a également statué ce qui suit :

Il n'est pas nécessaire que le commissaire tire des conclusions sur la culpabilité, au sens véritable du terme, pour que l'enquête excède les pouvoirs de la province. Il suffit que l'enquête soit de fait un substitut d'enquête de police et d'enquête préliminaire relativement à une allégation précise de perpétration d'infractions criminelles par des personnes nommément désignées Footnote 21.

Dans l'affaire Re Nelles et al. and Grange et al., dans une décision unanime, la Cour d'appel de l'Ontario a cité avec approbation le juge Riddell, de cette cour, qui avait déclaré ce qui suit dans les années 30 :

[TRADUCTION] Une commission royale n'est pas instituée dans le but de monter un procès ou de déposer des accusations contre une personne ou une institution, mais plutôt en vue d'informer la population au sujet des faits devant faire l'objet d'une enquête (…) Le but d'une commission royale est d'établir les faits, et non de faire le procès de particuliers ou d'institutions, et ce facteur est suffisant pour orienter le commissaire dans l'exercice de ses fonctions Footnote 22.

Et d'ajouter la Cour :

[TRADUCTION] Une enquête publique n'est pas le moyen de mener des enquêtes sur la perpétration de crimes précis (…) Une telle enquête est une procédure coercitive et elle est incompatible avec notre notion de justice dans la recherche d'un crime précis et quant à la détermination de la responsabilité civile ou criminelle réelle ou probable Footnote 23.

Aussi :

[TRADUCTION] Cette enquête ne devrait pas être autorisée à devenir ce qu'elle ne pouvait être sur le plan légal, à savoir : une enquête visant à déterminer les responsables, au civil et au criminel, de la mort des enfants, ou, en l'espèce et en termes simples : déterminer qui a tué les enfants Footnote 24.

La loi est claire : il n'est pas possible de convoquer une enquête qui tenterait de répondre à la question suivante : qui est criminellement responsable de la mort des passagers et des membres d'équipage du vol 182 d'Air India?

Comme nous l'avons noté ci-dessus, le juge Josephson a déclaré clairement que l'identité de deux des conspirateurs avait été établie. Il pourrait y en avoir d'autres, et le relancement de l'enquête criminelle tente de nouveau de trouver ces individus et de les traduire en justice. Leur identité et les poursuites intentées contre eux relèvent de la police, pas des responsables d'une enquête.

Compte tenu du principe voulant qu'une commission d'enquête ne puisse servir à établir la responsabilité civile et du fait qu'il s'est écoulé beaucoup de temps depuis l'attentat à la bombe, je conclus qu'il ne serait pas approprié de se pencher sur la conduite individuelle de responsables du gouvernement et d'organismes chargés de la sécurité et de la police. Pour beaucoup de gens, il est cruellement ironique que, comme il s'est écoulé tant de temps avant qu'une commission d'enquête soit convoquée, la portée de celle-ci en sera affectée. Les gouvernements ont répété pendant des années qu'ils s'inquiétaient du fait que la tenue d'une enquête pourrait d'abord influer sur l'enquête concernant l'attentat à la bombe, puis sur les procès de MM. Reyat, Malik et Bagri. Maintenant que ces procès sont terminés, les familles des victimes s'inquiètent avec raison que la question des délais serve d'argument contre la tenue même d'une enquête. Le passage du temps n'élimine aucunement la nécessité de convoquer une enquête, mais il touche inévitablement son mandat et son orientation.

Le fait qu'il se soit passé tant d'années est loin d'être négligeable, car les politiques gouvernementales ont changé et les pratiques ont été modifiées. Aussi, bon nombre des personnes qui étaient visées par certains aspects de l'affaire ont pris leur retraite, ont quitté la fonction publique ou sont décédées. L'enquête devrait être axée beaucoup plus sur ce qu'ont appris les ministères et les organismes centraux, sur les façons dont ils ont changé et sur les autres changements qu'il faudra apporter, plutôt que sur un micro-examen des décisions qui ont été prises il y a vingt ans. La solution de rechange serait une entreprise colossale et échelonnée sur de nombreuses années, qui serait tout de suite empêtrée dans un imbroglio de litiges à n'en plus finir. Un examen intensif de faits passés aiderait peu à améliorer la sécurité et la prévention aujourd'hui et pour demain.

Pour reprendre les paroles des juges Riddell et Cory, une commission d'enquête n'est pas un tribunal ni un procès. Son objectif consiste à établir les faits et à en tirer des leçons. Une commission d'enquête ne vise pas à faire le procès de particuliers ou d'institutions. Il faut éviter les coûts excessifs, les longs retards, les procédures inutilement rigides et une orientation floue.

Les pratiques internes de la GRC et du SCRS en ce qui a trait à cette enquête continuent de faire jouer des questions de sécurité nationale. Bien que les grandes lignes des techniques de sécurité utilisées actuellement dans les aéroports canadiens puissent être décelées par le voyageur moyen, bon nombre des détails opérationnels de ces processus doivent être gardés confidentiels, car leur divulgation faciliterait la tâche des individus qui tentent d'échapper aux contrôles de sécurité. Par conséquent, des aspects importants de tout examen doivent avoir lieu à huis clos, et non en public. Il est préférable de faire face à cette réalité maintenant, plutôt qu'au beau milieu de l'enquête. Il est d'intérêt public de savoir ce qui s'est passé, de comprendre les leçons qui ont été tirées des événements et d'établir les leçons qu'il reste à apprendre. Il est également légitime de protéger la sécurité nationale et la réputation des personnes qui ont travaillé dans la fonction publique. Une enquête ne doit, sous aucun prétexte, être vue ou perçue comme un moyen d'imposer des sanctions.

La responsabilité criminelle est établie à l'occasion d'un procès criminel, et d'aucune autre façon. Il doit être entendu que, peu importe l'enquête ou l'examen qui est mené, cet exercice ne doit pas entrer en conflit avec une enquête policière en cours. Une commission d'enquête ne peut juger de nouveau des individus qui ont été acquittés lors d'un procès criminel. L'enquête de la GRC sur l'attentat à la bombe et d'autres actes de violence qui, selon elle, y sont associés, se poursuit et doit se poursuivre. Si des accusations sont déposées, il appartiendra à un tribunal de les examiner.

Il existe aussi des exemples, au Canada et dans d'autres pays, de victimes d'actes criminels qui intentent des poursuites au civil contre les personnes jugées civilement responsables de la mort d'êtres chers, et ce, nonobstant un verdict de « non-culpabilité » lors d'un procès criminel. Il s'agit là d'une possibilité dont pourraient se prévaloir les familles des victimes si c'est ce qu'elles souhaitent.

Nous ne devrions pas établir une commission d'enquête qui se penchera sur des aspects qui ont déjà été examinés de façon approfondie. Comme je l'ai dit dans le présent rapport, beaucoup d'éléments décrits dans divers rapports et commissions doivent être résumés et compris, et non faire l'objet de nouveaux procès ou litiges. Une commission d'enquête disposant d'une trop grande latitude ou qui tente de répondre aux mauvaises questions déraillerait rapidement. Elle soulèverait de fausses attentes en faisant croire qu'il est possible d'établir l'identité des coupables et de les obliger à rendre des comptes.

Enfin, il faut tenir compte des questions touchant l'efficacité les coûts, les délais et la complexité. Certaines personnes ont dit que, dans le cas d'une tragédie d'une telle ampleur, l'argent ne devrait pas être un problème. Toutefois, le public a le droit légitime de demander que, peu importe ce qu'on décide de faire, les moyens pris à cet égard soient aussi efficaces et efficients que possible. Les familles des victimes ont exprimé la ferme volonté que les autorités agissent rapidement et de manière efficace. Comme m'a confié un membre d'une de ces familles, la meilleure façon de commémorer la mémoire des êtres chers disparus, c'est de tirer des leçons de ce qui s'est passé et de veiller à ce que de telles tragédies ne se reproduisent plus jamais.

Les familles et de nombreuses autres personnes intéressées ont dit souhaiter vivement qu'une éventuelle commission d'enquête ne tourne pas en débats interminables entre avocats, mais plutôt qu'elle soit réalisée dans les délais impartis et qu'elle produise des résultats. Je suis d'accord. La meilleure façon de respecter les personnes disparues dans cet attentat terroriste, c'est de veiller à ce que nous tirions profit de cette expérience et que nous fassions toute la lumière sur les erreurs qui ont été commises, dans le but d'améliorer la sécurité et de mieux protéger le public.

La convocation d'une enquête doit répondre aux critères essentiels qui définissent l'intérêt public. Bien que les inquiétudes, la frustration, la colère et l'anxiété des familles des victimes d'Air India doivent être soigneusement prises en compte, ce sont les intérêts de toute la population canadienne qui sont prépondérants lorsqu'on envisage le type d'enquête qui devrait être instituée. L'enquête choisie devra porter tout autant sur le présent et l'avenir que sur le passé. Il est nécessaire de bien faire comprendre au public ce qui s'est produit. Dans le cadre de mes fonctions, j'ai senti une colère tout à fait légitime découlant du fait que cette tragédie n'a pas été suffisamment comprise en tant qu'événement canadien. L'attentat à la bombe contre Air India a fait entrer le Canada dans l'ère moderne du terrorisme. En avons-nous tiré des leçons?

9. Options

Dans le mandat qui m'a été confié, on m'a demandé de proposer au gouvernement des options quant à un éventuel examen ou à une éventuelle enquête. Je décrirai ces options dans les pages qui suivent.

Première option – Un groupe de travail gouvernemental

Tout d'abord, on pourrait mettre sur pied un groupe de travail gouvernemental chargé de s'assurer que les leçons tirées de la tragédie d'Air India ont été convenablement appliquées aux institutions canadiennes et aux politiques d'intérêt public. Ce groupe de travail pourrait être présidé par un représentant de l'extérieur du gouvernement ou encore par un haut fonctionnaire, et il pourrait se composer de sous-ministres et de chefs d'organismes, dont les sous-ministres d'Affaires étrangères Canada, de Sécurité publique, de Transports Canada, de Justice Canada et d'Immigration et Citoyenneté Canada, ainsi que le directeur du SCRS et le commissaire de la GRC.

Le groupe de travail serait chargé de s'assurer que des organismes gouvernementaux ont répondu aux questions décrites dans le présent rapport. Des rapports pourraient être rendus publics régulièrement, et le dialogue ouvert avec les familles des victimes et d'autres parties intéressées se poursuivrait.

Cette forme d'enquête a l'avantage d'être intimement liée à l'administration et aux politiques du gouvernement et que, par conséquent, elle peut mener à des changements rapides au sein des organismes visés.

Les inconvénients de cette forme d'enquête sont les suivants :

Deuxième option – Un décret du Cabinet

La deuxième option consisterait à établir une commission d'enquête en vertu d'un décret du Cabinet. Elle aurait le mandat clair de produire un rapport dans un délai précis sur les questions qui ont été cernées et elle aurait la souplesse nécessaire pour décider des aspects de son travail devant être tenus à huis clos et ceux pouvant être de nature publique. Cet examen ne se tiendrait pas aux termes de la Loi sur les enquêtes. Le commissaire serait indépendant du gouvernement et il pourrait compter sur des conseillers et des employés indépendants et sur un budget garanti. Il s'agirait d'une enquête semblable à l'enquête provinciale tenue en Ontario sur l'enquête policière concernant l'affaire Bernardo et dirigée par le juge Archie Campbell, de la Cour supérieure de justice de l'Ontario en 1995-1996. Cette enquête s'est déroulée rondement et a entraîné des changements importants dans les pratiques administratives. Comme dans le cas de la première option, une consultation pourrait être menée auprès des familles des victimes. La souplesse relative constitue l'avantage de cette option comparativement à la troisième option dont il est question plus loin. Un commissaire nommé en vertu d'un décret du Cabinet ne disposerait pas des pouvoirs d'assignation de témoins prévus dans la Loi sur les enquêtes. Toutefois, on pourrait remédier à cette situation en obtenant des instructions claires de la part des ministres responsables et des directeurs d'organisme en ce qui a trait à la coopération et à la divulgation complète. En fait, cela devrait être une condition préalable à sa création. Si une telle commission d'enquête était établie, elle devrait reposer sur un engagement ministériel sans équivoque, au nom de tous les ministères et organismes visés, afin de produire tous les documents, dossiers et fichiers disponibles et, dans la mesure du possible, avoir recours aux services de fonctionnaires compétents pour que le commissaire puisse remplir son mandat. Ces conditions pourraient être précisées dans le décret.

Troisième option – Une commission d'enquête publique

La troisième option consisterait à convoquer une commission d'enquête en vertu de la partie I de la Loi sur les enquêtes, assortie des pouvoirs complets d'assignation de témoins. On peut prétendre raisonnablement qu'une enquête de cette nature pourrait être plus complexe, plus coûteuse et plus longue qu'une enquête mise sur pied dans le cadre des deux premières options décrites précédemment. Toutefois, si le décret précise clairement le mandat et l'orientation de l'enquête, ces problèmes pourraient être évités dans une certaine mesure.

Cette option présente les inconvénients suivants : la complexité des questions concernant la qualité pour agir; la nature officielle et contradictoire des procédures, compte tenu de ce qu'elles ont été par le passé; le coût par rapport aux avantages; les répercussions possibles sur l'enquête criminelle. Chacun de ces points est important. Une interprétation élargie de la qualité pour agir pourrait compliquer les choses considérablement et prolongerait très certainement les procédures. La plupart des enquêtes publiques d'envergure ont englobé des constestations et des révisions judiciaires relativement à diverses décisions des commissaires. Il est difficile de prévoir les coûts de ces enquêtes en raison des questions exposées ci-dessus. Enfin, la compatibilité avec l'enquête criminelle en cours demeure un problème important. Les accusations en l'espèce sont les plus graves qu'il est possible d'imaginer. Tout ce qui pourrait causer des problèmes additionnels irait considérablement à l'encontre du but recherché.

10. Recommandation

Le mandat de la commission d'enquête devrait être défini clairement dans le cadre de la deuxième ou de la troisième option. Celle-ci ne devrait pas être axée sur la conduite de certaines personnes, mais plutôt sur les réponses aux questions précises posées précédemment. Je recommande qu'un seul commissaire indépendant dirige l'examen et que son mandat porte directement sur la nécessité de tenir une enquête dans des délais précis et de manière efficiente.

Chaque option présente des avantages et des inconvénients. Tout bien pesé, je recommande à la ministre d'adopter la deuxième option, c'est-à-dire une enquête suivant un décret du Cabinet,à condition que des garanties précises soient fournies quant à la divulgation et à la communication complètes des renseignements au commissaire. S'il existe des doutes quant au degré de coopération reçue d'un ministère ou d'un organisme gouvernemental, on pourra toujours fournir, au besoin, des pouvoirs d'assignation supplémentaires. Le concept de l'enquête doit être avant toute chose axé sur la rapidité, la souplesse, l'indépendance et les leçons à tirer de l'expérience.

L'attentat à la bombe contre Air India fut une véritable catastrophe dans l'histoire de notre pays. Comme l'a souligné le juge Cory dans l'affaire Westray, les enquêtes remplissent « une fonction importante dans la société canadienne », car « elles constituent un excellent moyen d'informer et d'éduquer les citoyens inquiets Footnote 25 ». Cependant, à la lumière des questions auxquelles on a déjà répondu et des inquiétudes légitimes au sujet des coûts excessifs, des longs délais, de la trop grande rigidité du fonctionnement ou de l'éparpillement des efforts, je recommande tout aussi vivement que cette enquête soit perçue comme un examen des politiques. Cela aura des répercussions sur la composition, les procédures, le mandat et l'approche liés à l'enquête.

Peu importe le modèle choisi, les familles doivent recevoir les ressources voulues pour pouvoir contribuer à l'enquête.

Je recommande également que le gouvernement agisse assez rapidement. Les Canadiens et les Canadiennes doivent avoir l'assurance que des leçons ont été profondément tirées de cet acte de terrorisme et qu'elles sont rigoureusement appliquées aux politiques actuelles d'intérêt public. La population a attendu assez longtemps.

En terminant, je tiens à remercier le gouvernement de m'avoir confié ce mandat. Ce ne fut pas facile, car la formulation de conseils quant à des politiques d'intérêt public dans un domaine chargé d'émotions et de conflits n'est pas une mince affaire. Aussi, le dilemme intellectuel n'est rien en comparaison du courage et de l'exemple de ces citoyens et citoyennes qui ont tant perdu. Selon un dicton irlandais, le monde peut parfois nous briser le cour. C'est certainement ce qui s'est produit le 23 juin 1985. Quelques jours avant que je termine ce rapport, j'ai reçu la visite d'un membre de la famille d'une personne disparue qui m'a remis une photo d'une fillette de 11 ans tout sourire, sa propre sour, KiranJit Rai. Elle a perdu la vie lors de l'explosion du vol 182 d'Air India. Il m'a également montré les lettres que ses parents avaient reçues de ses compagnons de classe à l'école publique King George. Elles parlent d'une jeune fille enjouée, intelligente et jolie. Elles voulaient dire à ses parents que toute l'école était en deuil. Cette photo se trouve sur mon bureau pour me rappeler toute la dévastation de cette horrible tragédie.

KiranJit et les 330 autres passagers ont été tués par des individus qui vivaient au Canada. Il se peut que d'autres pays aient été complices, mais il s'agit avant tout d'une tragédie canadienne. Certains de ses auteurs ont été arrêtés ou tués; d'autres courent toujours. L'enquête policière dure depuis vingt ans, et notre quête de réponses et justice ne s'arrêtera jamais. L'enquête dont je recommande la mise sur pied ne permettra pas aux familles des victimes ni à qui que ce soit d'autre de tourner définitivement la page. Toutefois, elle devrait nous permettre de mieux comprendre ce qui s'est passé et d'améliorer nos pratiques.

Annexe 1

Mandat

Conseiller indépendant de la ministre de Sécurité publique sur les questions en suspens relatives à l'explosion survenue à bord du vol 182 d'Air India

Contexte

L'explosion survenue à bord du vol 182 d'Air India demeure l'incident terroriste le plus dévastateur de l'histoire du Canada. Toute la population canadienne a été touchée par cette tragédie, mais particulièrement ceux qui ont subi la perte d'un parent ou d'un proche.

Depuis 1985, on a lancé un certain nombre d'enquêtes, nationales ou internationales, de commissions et de procédures judiciaires, qui ont permis d'apporter des améliorations aux systèmes canadiens de sécurité publique et de sûreté des transports.

La ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada désire se prévaloir des conseils d'une personne indépendante qui pourra la conseiller sur ce que nous devons savoir sur cette tragédie, qui serait possiblement resté en suspens. Cet avis devra se fonder sur les divers rapports et recommandations qui ont déjà été publiés, ainsi que sur des entretiens avec des représentants officiels du gouvernement quant aux mesures qui ont été prises pour renforcer la sécurité publique dans le domaine des transports. La ministre lui demande également de consulter les membres des familles des victimes, afin de poursuivre le dialogue qu'elle a entamé avec eux pour répondre aux questions qui demeurent en suspens. Enfin, elle aimerait qu'on lui présente différentes options pour régler la situation.

La ministre a signalé qu'elle sera ouverte à toutes les solutions proposées pour progresser, une fois qu'elle aura obtenu les conseils de cet expert.

Mandat

Le mandat consiste à conseiller la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada sur les questions d'intérêt public pouvant être restées en suspens, qui portent sur l'explosion survenue à bord du vol 182 d'Air India, et auxquelles on pourrait répondre, malgré le temps écoulé depuis la tragédie. Afin de pouvoir donner les meilleurs conseils possible, le conseiller indépendant devra :

  1. Examiner la documentation portant sur la tragédie d'Air India, y compris :
    • les procédures intentées à l'échelle nationale et internationale;
    • les constatations et recommandations relatives aux enquêtes menées par des entités comme le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et le Bureau canadien de la sécurité aérienne;
    • les mesures entreprises depuis 1985 au chapitre des transports et de la sécurité (y compris celles des organismes d'application de la loi et du renseignement) par les ministères et organismes du gouvernement du Canada
  2. Consulter les personnes concernées, y compris les membres des familles des victimes de l'explosion, les représentants du gouvernement et les représentants du bureau du procureur général de la Colombie-Britannique.
  3. Soumettre à la ministre un rapport écrit sur les questions d'intérêt public ayant trait à ce dossier et dans lequel on :
    • établit avec précision les questions et réponses déjà traitées, en tout ou en partie;
    • détermine s'il y a encore des questions d'intérêt public en suspens auxquelles on pourrait répondre aujourd'hui;
    • propose différentes options pour régler la situation.

Annexe 2

Rencontres

Annexe 3

Chronologie des attentats terroristes dans le domaine de l'aviation – de 1948 à 2001

Source : David Gero, Flights of Terror – Aerial Hijack and Sabotage Since 1930, 1997

1948

1949

1956

1959

1961

1965

1965

1966

1967

1968

1969

1970

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1984

1985

1988

1989

1994

1996

1998

2001

Références

  1. 1 R. c. Malik, [2005] B.C.J. No. 521 (B.C. S.C.), par. 224–227 [Malik].
  2. 2 Idem, par. 224–227.
  3. 3 17 juillet 1984, Protocole d'entente entre la GRC et le SCRS.
  4. 4 Idem.
  5. 5 Idem.
  6. 6 Idem.
  7. 7 En janvier 1984, le gouvernement a présenté le projet de loi C-9. Ce projet de loi a été révisé et adopté par la Chambre des communes et le Sénat en juin 1984 et, le 16 juillet 1984, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité a été proclamée.
  8. 8 Lettre datée du 24 juillet 1984 de M. Robert Kaplan adressée au directeur du SCRS, M. Finn, et au commissaire de la GRC, M. Simmonds, telle qu'elle a été présentée par la GRC le 11 octobre 2005.
  9. 9 Protocole d'entente, note 3.
  10. 10 Idem.
  11. 11 Malik, note 1, par. 1345.
  12. 12 Malik, note 1, par. 1256.
  13. 13 R. c. Malik, [2004] B.C.J. No. 842, par. 22 [Stinchcombe].
  14. 14 R. c. Stinchcombe (1991), 68 C.C.C. (3e) 1 (C.S.C.).
  15. 15 Idem, par. 14.
  16. 16 Canada (Procureur général) c. Canada (Commission d'enquête sur le système d'approvisionnement en sang du Canada – la Commission Krever), [1997] A.C.S. no. 83, par. 34.
  17. 17 Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] A.C.S. no. 36, par. 62 [Westray].
  18. 18 Idem, par. 65.
  19. 19 Starr c. Houlden, [1990] A.C.S., no. 30.
  20. 20 Idem, par. 1368–1369.
  21. 21 Idem, par. 1369.
  22. 22 Re Nelles et al. and Grange et al. (1984), 46 OR (2e édition), par. 210 à 215, citant le juge Riddell.
  23. 23 Idem, par. 215 et 216.
  24. 24 Idem, par. 217.
  25. 25 Note 17.
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