Table ronde ministérielle sur le trouble de stress post-traumatique au sen des agents de la sécurité publique
29 janvier 2016 Regina (Saskatchewan)
Table ronde ministérielle sur le trouble de stress post-traumatique
Le 29 janvier 2016, à l'Université de Regina, Sécurité publique Canada a organisé une table ronde ministérielle sur les répercussions du trouble de stress post-traumatique (TSPT) sur les agents de la sécurité publique. Plus de 50 participants, comprenant des membres du milieu universitaire, des organismes sans but lucratif, des représentants syndicaux, des responsables des trois services d'intervention d'urgence (incendie, police et services médicaux d'urgence), des agents des opérations de sécurité publique ainsi que des représentants des trois ordres de gouvernement se sont réunis autour de la table pour discuter de la menace posée par les blessures de stress opérationnel (BSO) qui touchent les agents de la sécurité publique.
Des représentants des trois services d'intervention d'urgence ont ouvert la séance en définissant le problème et en proposant des moyens de définir des normes nationales fondées sur des données probantes pour l'évaluation, le traitement et les soins à long terme des employés de la sécurité publique touchés par le TSPT et autres blessures de stress opérationnel.
Les agents de la sécurité publique et le TSPT
Le terme « agent de la sécurité publique » est employé dans un sens large pour désigner le personnel de première ligne chargé d'assurer la sécurité des Canadiens; il englobe les trois services d'intervention d'urgence (incendie, police et services médicaux d'urgence), le personnel de recherche et de sauvetage, les agents des services correctionnels, les agents des services frontaliers, les agents du renseignement opérationnel et les gestionnaires autochtones des mesures d'urgence.
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est un trouble anxieux survenant à la suite d'événements traumatisants tels une situation de combat, une agression physique ou sexuelle, un désastre naturel, un acte de terrorisme ou un accident grave; la personne qui en est atteinte peut éprouver de la difficulté à fonctionner dans les différentes sphères de sa vie sociale et familiale, ainsi qu'au travail ou à l'école. Le terme TSPT regroupe un sous-ensemble de troubles liés à la santé mentale; il est utilisé pour décrire une blessure de stress opérationnel, soit une difficulté psychologique persistante découlant de tâches exécutées dans le cadre d'opérations. Les symptômes du TSPT peuvent comprendre :
- La reconstitution ou la reviviscence du traumatisme (p. ex. flashbacks, cauchemars ou émotion très intense suscitée par un rappel de l'incident traumatisant);
- L'évitement ou l'éloignement des lieux et des personnes qui rappellent le traumatisme, l'isolement ou la sensation d'engourdissement sur le plan émotif;
- La manifestation d'une sensibilité accrue (p. ex., la personne est sur ses gardes, irritable, elle a du mal à dormir);
- Le TSPT s'accompagne souvent d'autres états pathologiques comme la dépression, l'anxiété, les pensées suicidaires.
Le TSPT peut toucher des membres de la population en général, mais il est surtout associé aux membres des forces armées et aux agents de la sécurité publique.
Le rôle de Sécurité publique Canada
La lettre de mandat du ministre de la Sécurité publique contient un engagement à travailler avec les provinces, les territoires et la ministre de la Santé à l'élaboration d'un plan d'action national coordonné sur le TSPT, un trouble dont les agents de la sécurité publique sont touchés de façon disproportionnée.
Compte tenu de l'étendue de son mandat, de ses partenaires de portefeuille et de ses relations bien établies tant avec les trois services d'intervention d'urgence qu'avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, le ministère de la Sécurité publique est on ne peut mieux placé pour assurer un leadership national sur cette initiative.
La définition du problème du point de vue des trois services d'intervention d'urgence
Des représentants des trois services d'intervention d'urgence ont donné des exposés. Chaque association a présenté sa définition du problème du TSPT au sein des agents de la sécurité publique et proposé des mesures qui pourraient être prises pour s'attaquer au problème.
L'Association canadienne des chefs de police (ACCP)
Dans sa définition du problème, l'Association canadienne des chefs de police met l'accent sur les points suivants :
- La reconnaissance de l'ampleur des conséquences du TSPT sur le personnel et les organisations;
- Le décalage entre les points de vue de partenaires clés comme la communauté médicale et les services de police;
- L'entrave à la prise de décisions que constituent les préoccupations relatives à la protection de la vie privée.
Les solutions proposées pour les services de police sont :
- Accroître la collaboration et l'aide de groupes externes possédant une expertise particulière dans ce domaine;
- Mener des recherches fondées sur des faits en vue d'élaborer des politiques qui apporteront une aide efficace aux agents et au personnel civil.
Les Chefs paramédics du Canada
Dans leur définition du problème, les Chefs paramédics du Canada soulignent :
- L'absence d'un outil normalisé de prévention ou d'atténuation pour compenser l'impact des blessures de stress opérationnel;
- Le manque de recherches concertées.
Les solutions proposées sont les suivantes :
- La conduite d'études concertées, à l'échelle nationale, sur la communauté des premiers intervenants, notamment des études qui vont au-delà du simple constat de la prévalence du TSPT et qui portent sur l'évaluation de pratiques optimales en matière d'intervention précoce;
- La mise en place d'outils et de ressources permettant aux dirigeants de contribuer à la prévention, à l'atténuation, au traitement, au soutien et à la réintégration.
L'Association canadienne des chefs de pompiers
Dans sa définition du problème, l'Association canadienne des chefs de pompiers fait ressortir les points suivants :
- Une mauvaise compréhension des maladies mentales peut se traduire par l'inaptitude à déceler et à traiter les problèmes de santé mentale en milieu de travail.
Les prochaines étapes proposées sont les suivantes :
- l'harmonisation des trois services d'intervention d'urgence et du gouvernement fédéral;
- la conduite de recherches fondées sur des faits probants;
- l'importance de l'engagement à long terme.
Exposé présenté par les membres du milieu universitaire
Des membres du milieu universitaire ont présenté un exposé sur les mesures susceptibles d'aider à contrer TSPT qui touche les agents de la sécurité publique.
- Des normes fondées sur des données probantes relativement à l'évaluation, au traitement et au soin à long terme du TSPT chez les employés de la sécurité publique, à savoir :
- l'intégration du personnel de la sécurité publique;
- une intervention plus précoce et plus efficace;
- une formation axée sur l'atténuation du risque et le renforcement de la résilience;
- la lutte contre les problèmes dévastateurs et envahissants.
Les universitaires soulignent également le besoin criant de recherches soutenues qui serviront de fondement à la mise en œuvre de thérapies innovantes telle la thérapie cognitivo-comportementale par Internet.
Les principaux points à retenir
Les points clés à retenir peuvent être classés en trois grandes catégories en vue d'orienter l'élaboration d'un plan d'action national : 1) la nécessité de créer une approche unifiée, à l'échelle communautaire, pour définir et déceler le TSPT; 2) l'importance de la résilience au TSPT, de son traitement et de la réintégration des agents de la sécurité publique dans leur milieu de travail; 3) la nécessité de recherches concertées à l'échelle nationale.
Une approche nationale unifiée
La communauté des agents de la sécurité publique comprend les employés fédéraux, provinciaux et locaux. Le niveau fédéral englobe une communauté aussi diverse que le personnel des services frontaliers, les agents des services correctionnels, les agents opérationnels, les agents du renseignement et la Gendarmerie royale du Canada. Les services de police, d'incendie et les services médicaux d'urgence relèvent de la compétence des gouvernements locaux ou provinciaux. On dit qu'au sein même de la communauté des agents de la sécurité publique, étant donné le grand nombre d'organisations et la grande diversité de leurs structures et de leurs cultures, la disponibilité de traitement, la présomption de maladie et la culture du milieu de travail varient énormément. De nombreux participants insistent sur la nécessité d'une approche pancanadienne concertée et collaborative en matière de TSPT.
Le consensus autour de la table est clair : les agents de la sécurité publique doivent être traités séparément des membres de nos forces armées. S'il est vrai que l'assise biologique des blessures de stress opérationnel peut être de nature similaire chez ces deux groupes, le type de stigmatisation et la culture propres à chacune de ces organisations constituent des obstacles au traitement. Par ailleurs, les agents de la sécurité publique habitent dans les collectivités où ils travaillent et sont exposés souvent et à répétition à des événements pouvant causer des traumatismes. On croit que l'adoption d'une approche concertée serait une façon de contrer la stigmatisation qui, au dire de plusieurs, constitue un obstacle de taille au traitement. La culture de stigmatisation bien enracinée au sein des organisations de sécurité publique limite gravement la capacité de suivre et de surveiller avec précision le taux de prévalence du TSPT au sein de ces organisations. En outre, beaucoup de participants expriment le désir de remplacer le terme TSPT, qui selon eux contribue à nourrir des préjugés défavorables, par celui de « blessures de stress opérationnel (BSO) », qui est plus général et inclusif.
De nombreux membres opérationnels des trois services d'intervention d'urgence affirment que le changement culturel est plus facilement réalisable par l'intermédiaire d'initiatives communautaires; ils soulignent l'importance d'un engagement ferme de la part des parties intéressées. Les participants approuvent l'approche gouvernementale qui consiste à élaborer un plan d'action national coordonné à l'égard du TSPT.
Résilience, traitement et réintégration
En ce qui concerne plus particulièrement le TSPT au sein des agents de la sécurité publique, les trois services d'intervention d'urgence s'entendent pour dire que l'attention doit être centrée sur trois domaines clés : la résilience, le traitement et la réintégration.
Premièrement, on souligne que la résilience renvoie à la nécessité d'intégrer le TSPT et les autres BSO au discours quotidien des organisations de sécurité publique; il importe de s'assurer que les agents de la sécurité publique disposent des outils nécessaires pour en reconnaître les symptômes, qu'ils connaissent des mécanismes de défense et savent à quel moment il convient de consulter un spécialiste. Il pourrait s'agir, par exemple, de réduire la stigmatisation associée au TSPT au moyen de campagnes de sensibilisation ou en donnant accès à des outils de formation fondés sur des données probantes.
Deuxièmement, les trois services expriment le souhait d'avoir accès à des options de traitement fondées sur des données probantes à la fois novatrices, souples et accessibles. Les obstacles dont il est fait mention sont, entre autres : les limites financières, la formation inadéquate des prestataires de soins de santé, les attentes voulant que les hauts responsables des trois services d'intervention d'urgence assument le rôle de fournisseur de soins de santé, et la conduite d'opérations dans des régions éloignées. Le traitement, disent-ils, doit être de nature tant préventive que réactive. On a souligné clairement tout le potentiel des nouvelles technologies innovantes telles que la thérapie cognitivo-comportementale accessible sur Internet (TCCI). De manière générale, les participants sont favorables à la TCCI, une option de traitement à la fois facile d'accès et respectueuse de la vie privée.
Troisièmement, les participants sont nombreux à insister sur l'importance du soutien à la réintégration du marché du travail. D'un point de vue opérationnel, il y a de fortes chances que les agents de la sécurité publique qui réintègrent leurs fonctions opérationnelles soient de nouveau exposés à des événements traumatisants. De l'avis de plusieurs, peu de ressources ont été jusqu'à maintenant consacrées à l'aide à la réintégration des agents de la sécurité publique dans leur milieu de travail.
On souligne le besoin de recherches fondées sur des faits probants afin de s'assurer que les mesures et les programmes mis en œuvre pour intervenir dans ces trois domaines sont appropriés. Plusieurs croient que pour assurer une approche globale, une importance égale doit être accordée à la résilience, au traitement et à l'intégration. Aucune initiative isolée, par exemple une campagne de sensibilisation, ne peut à elle seule réduire la stigmatisation. On attire l'attention sur le fait que le traitement du TSPT est sous-financé et que ceux qui veulent être traités font face à des délais d'attente très longs. Il serait par conséquent inutile d'investir uniquement dans l'atténuation de la stigmatisation au détriment du traitement; cela ne ferait qu'aggraver le problème. Il ressort clairement des discussions que les participants perçoivent le TSPT comme étant une condition faisant partie du spectre des besoins en matière de santé mentale et à laquelle on doit s'attaquer.
La recherche
Le dernier grand thème soulevé tout au long de la table ronde est la nécessité de recherches fondées sur des faits. Vu l'ampleur du problème et le nombre d'organisations touchées, plusieurs participants considèrent que la recherche existante est fragmentée et très peu intégrée dans les organisations de sécurité publique. Les participants sont favorables à la mise en place d'un centre qui offrirait des connaissances de pointe à toutes les organisations de sécurité publique au Canada et agirait en tant que centre de recherche concertée pour tous les ordres de gouvernements. Selon eux, la présence d'un centre d'expertise spécialisé dans la recherche sur le TSPT au sein des agents de la sécurité publique éclairerait la prise de décisions à tous les paliers.
Les participants font expressément mention de la nécessité de mener des recherches plus poussées sur la TCCI ainsi qu'une étude longitudinale auprès de la Gendarmerie royale du Canada afin de mieux définir les causes sous-jacentes du TSPT.
Les prochaines étapes
Le Budget 2016 a réitéré l'engagement du Canada quant au soutien et au traitement des agents de la sécurité publique souffrant du TSPT. Sécurité publique Canada collabore de près avec certains ministères fédéraux, notamment le portefeuille de la Sécurité publique, le portefeuille de la Santé, le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada, afin d'élaborer des solutions qui permettront au ministre de la Sécurité publique d'honorer l'engagement qui lui a été confié dans le cadre de son mandat et d'assurer la production à point nommé d'un plan d'action national sur le TSPT et autres BSO.
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