Les délinquants sexuels réhabilités au Canada - Que savons-nous à leur sujet?
Recherche en bref
Vol. 5 No. 2
Mars 2000
Question
Combien de délinquants sexuels ont obtenu une réhabilitation en vertu de la Loi sur le casier judiciaire et combien ont commis une nouvelle infraction sexuelle?
Contexte
La plupart des réhabilitations sont octroyées ou délivrées par la Commis-sion nationale des libérations conditionnelles en vertu de la Loi sur le casier judiciaire (LCJ). L'objet de la loi, promulguée en 1970 et modifiée en 1992, est de reconnaître que l'individu a un comportement respectueux des lois et de mettre fin aux préjudices causés par un casier judiciaire. Depuis 1970, plus de 234 000 réhabilitations ont été octroyées à des personnes qui avaient satisfait aux conditions de leur peine et qui n'avaient pas eu de démêlés avec la justice pendant une période déterminée (de 3 ans à 5 ans). Depuis ce temps également, quelque 6 046 réhabilitations (soit 2,6 %) ont été révoquées ou ont pris fin automatiquement parce que ceux qui en bénéficiaient avaient été reconnus coupables de nouvelles infractions, qu'ils avaient fourni de faux renseignements pour obtenir leur réhabilita-tion ou avaient enfreint la condition de " bonne conduite " que l'on définit comme " une période sans condamnation pendant laquelle le délinquant ne fait l'objet d'aucun soupçon ou allégation de comportement criminel ".
Méthode
Les renseignements ont été tirés des dossiers de la Commission nationale des libérations conditionnelles de février 1999. On a regroupé les données démographiques personnelles et les données sur les antécé-dents criminels afin d'établir les caractéris-tiques des demandeurs et de connaître l'issue à long terme de la réhabilitation. On a établi des échantillons distincts des réhabilitations octroyées (n=603) et des réhabilitations révoquées (n=525). Les 1 128 réhabilitations comprises dans les échantillons ont été octroyées entre 1988 et 1992. Les cas de révo-cation sont répartis entre les réhabilitations qui ont été révoquées (55,2 %) et celles auxquelles on a mis fin (44,8 %) entre 1989 et 1996.
Réponse
Au cours d'une période de 28 ans, (1970 à 1998), plus de 234 000 réhabilita-tions ont été octroyées ou délivrées, tandis que 1,2 % (2 785) ont été refusées. L'analyse de l'échantillon révèle que dans 5,1 % (27/525) des cas de réhabilitations révoquées ou annulées, le casier judiciaire antérieur faisait état d'une condamnation de nature sexuelle. Il convient également de signaler que 6,1 % (32/525) des révocations ou annulations résultaient d'une condamnation de nature sexuelle, même si la plupart des délinquants sexuels n'ont pas commis de nouvelle infraction de cet ordre. En fait, seulement 10 des 32 personnes dont la réhabilitation a été révoquée ou annulée avaient des antécédents de délinquance sexuelle. Quelque 1,9 % des cas où la réhabilitation a été révoquée ou a pris fin concernaient donc des délinquants sexuels reconnus coupables d'une nouvelle infraction sexuelle. En fait, l'examen des infractions les plus souvent à l'origine de la révocation révèle que, dans plus de la moitié (56,2 %) des cas, ce sont les infractions liées à l'alcool ou à la circulation (par ex. conduite avec facultés affaiblies) ou les infractions contre les biens qui ont mené à la révocation.
À partir de l'analyse des échantillons ayant servi à la recherche, il a été possible d'établir une estimation du nombre de délinquants sexuels présents parmi les 234 000 personnes et plus qui ont obtenu une réhabilitation. Si on regroupe les échantillons des cas où la réhabilitation a été octroyée et des cas où la réhabilitation a été révoquée ou a pris fin, on estime que 2,1 % (4 883) des réhabilitations octroyées entre 1970 et 1998 ont visé des délinquants sexuels. En outre, on estime que 114 (2,3 %) des délinquants sexuels bénéficiant d'une réhabilitation auraient commis une nouvelle infraction sexuelle au cours de cette période de 28 ans.
Incidences sur les politiques
- Très peu de délinquants sexuels ont obtenu une réhabilitation et la grande majorité de ceux qui ont été réhabilités n'ont pas commis de nouvelle infraction sexuelle. En conséquence, le refus automatique de la réhabilitation aux délinquants sexuels brimerait indûment les libertés de nombreux ex-délinquants qui n'ont plus de démêlés avec la justice.
- Certains délinquants sans antécédents d'infraction sexuelle réhabilités ont également commis des infractions sexuelles. Toutefois, dans l'ensemble, les ex-délinquants réhabilités commettent peu des infractions sexuelles connues. Certaines infractions sexuelles survien-draient donc même si l'on refusait la réhabilitation à tous les délinquants sexuels connus. Il faudrait en fait cibler plus largement les stratégies destinées à protéger la population contre les infractions sexuelles.
- Il serait sage de continuer à suivre de près les réhabilitations et l'issue de ces décisions de façon à disposer en tout temps de renseignements statistiques sur le processus de réhabilitation.
Source
- Wallace-Capretta, S. (2000). Les délinquants réhabilités au Canada - Une analyse statistique. Ottawa: Solliciteur général Canada.
Pour de plus amples renseignements
James Bonta, Ph.D.
Solliciteur général Canada
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