Le chemin qui mène au pénitencier
Recherche en bref
Vol. 13 No. 3
Mai 2008
Question
Est-il possible d'établir le cheminement criminel et le profil des jeunes canadiens qui finissent par purger une peine d'incarcération dans un établissement fédéral?
Contexte
Dans les études qui ont été publiées au sujet du comportement criminel à l'âge du développement, on a largement essayé d'expliquer la constatation selon laquelle le comportement délinquant prend racine en début d'adolescence, se manifeste le plus nettement à la fin de l'adolescence et soudainement disparaît peu à peu au début de l'âge adulte. Un certain nombre de théories avancent qu'à la base de ce schéma criminel en fonction de l'âge se trouvent deux catégories de délinquants qui diffèrent sur le plan de leur composition, des activités criminelles ou du modèle de renoncement au comportement délinquant au cours d'une vie. Le modèle de renoncement comprend a) les délinquants chroniques, qui commencent tôt leur longue carrière criminelle, et b) les délinquants renonciateurs, dont la carrière criminelle commence plus tard et est de courte durée, car ils abandonnent leur comportement délinquant dès le début de l'âge adulte. Ce sont aux délinquants chroniques que l'on attribue la responsabilité de la vaste majorité des actes criminels et de la plupart des infractions les plus graves.
La preuve qu'il existe deux types distincts de cheminement criminel a été faite dans plusieurs pays avec quantité de groupes-échantillons différents. Par contre, les études ayant porté sur le cheminement criminel des délinquants canadiens sont rares.
Au Canada, le nombre de condamnations menant à une peine d'emprisonnement dans un établissement provincial (moins de deux ans) est relativement faible, et le nombre de peines à purger dans un établissement fédéral (plus de deux ans) est encore plus faible. Notre capacité d'identifier tôt, c'est‑à‑dire dès le commencement de leur carrière criminelle, les jeunes qui présentent un risque élevé d'aboutir dans un établissement correctionnel pour adultes profite grandement aux professionnels de la justice pénale et autres décisionnaires.
Méthode
L'échantillon étudié était composé de 514 jeunes hommes et jeunes femmes du Manitoba (Canada) qui se sont vus imposer une peine de probation entre 1986 et 1991. Les renseignements sur les caractéristiques personnelles et sociodémographiques, comme les divers indicateurs de risque et de besoin ont été tirés des entrevues effectuées auprès des jeunes délinquants au moment de l'inscription pré‑supervision. On a ensuite suivi la carrière criminelle de ces jeunes jusqu'à l'année 2005.
Réponse
Les résultats indiquent la présence de deux sous-groupes chez les jeunes en probation, et que chaque sous-groupe aurait emprunté une voie différente sur le chemin de la délinquance, dès le début de l'adolescence jusqu'au milieu de l'âge adulte (31 ans et plus). Le premier sous-groupe comprend environ 12 % des jeunes délinquants et regroupe ceux qui ont récidivé de façon chronique et qui ont commis des crimes graves en vieillissant. Le reste des jeunes contrevenants appartient à l'autre sous-groupe. Les infractions commises par ces derniers au fil des ans sont relativement peu fréquentes et moins graves. Leur comportement criminel est plutôt demeuré le même, bien que la tendance atteste un léger déclin dans la fréquence et la gravité des infractions à partir de 26 ans.
Parmi les facteurs de risque et les besoins criminogènes étudiés, les fréquentations constituaient le principal élément permettant de prédire dans quel groupe les jeunes allaient être classés. Il n'est donc pas surprenant de constater que parmi le groupe de délinquants chroniques se trouvaient davantage de personnes ayant des relations négatives ou non constructives avec leurs pairs que parmi le groupe au comportement délinquant stable ou faible. La consommation de drogue ou d'alcool constitue aussi un facteur de différenciation entre les deux groupes. En effet, une plus large proportion de jeunes en probation ayant des problèmes de toxicomanie a été classée parmi les délinquants chroniques, par comparaison aux jeunes qui ne semblaient pas aux prises avec des problèmes de drogue ou d'alcool.
D'autres analyses montrent que le risque d'incarcération dans un établissement correctionnel provincial ou fédéral est
sensiblement plus élevé chez les délinquants qui font partie du groupe ayant un comportement criminel chronique. Par exemple, environ 40 % des délinquants chroniques ont purgé une peine dans un établissement fédéral au cours de leur vie, alors qu'il en est ainsi chez seulement 10 % des délinquants dont le comportement criminel est stable ou faible.
Incidences sur les politiques
- Une petite proportion de délinquants commet fréquemment des infractions graves et a besoin que les organismes du système de justice pénale lui portent une attention sélective.
- Pour assurer un déploiement judicieux des ressources et des énergies, les stratégies d'intervention doivent cibler le début de la carrière criminelle des délinquants chroniques.
- Pour arriver à réduire le nombre d'admissions en établissement correctionnel provincial et fédéral, les programmes et services devraient chercher à contrer la mauvaise influence des pairs et à résoudre les problèmes de consommation d'alcool ou de drogue, car ces deux facteurs exposent les adolescents au risque d'entreprendre une carrière criminelle.
Source
-
Yessine, A. K. et J. Bonta. Pathways to Serious Offending, Rapport pour spécialistes no 2008‑01, Ottawa, Sécurité publique Canada, 2008.
Pour de plus amples renseignements
James Bonta, Ph. D.
Recherche correctionnelle
Sécurité publique Canada
340, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0P8
Tél. : 613-991-2831
Téléc. : 613-990-8295
Courriel : Jim.Bonta@ps-sp.gc.ca
- Date de modification :