Résumé de recherche sur le crime organisé no 23 - Le rôle du Canada dans le marché mondial de la méthamphétamine
Selon les premières estimations, le Canada est responsable de 0,6 % à 4,6 % de la production mondiale de stimulants de type amphétamine, dont l'ecstasy. Cette estimation laisse croire que le Canada n'est pas un grand exportateur mondial de ce type de stimulants.
Les études précédentes financées par Sécurité publique Canada ont montré le manque de données fiables sur la prévalence des stimulants de type amphétamine (STA) et de 3,4-méthylènedioxy-N-méthylamphétamine (MDMA ou ecstasy) au Canada. La présente étude est une première étape vers la découverte d'une façon plus fiable d'évaluer le rôle du Canada en tant que producteur et exportateur dans le marché mondial de STA. Dans cette étude innovatrice, on s'est servi de méthodologies bien plus avancées que dans les études précédentes, qui reposaient principalement sur l'utilisation de données sur les saisies et d'hypothèses au sujet du marché.
Pour obtenir ces estimations, on s'est servi de données d'enquêtes et de données sur les arrestations et les saisies. Les auteurs ont adopté une approche à plusieurs méthodes, notamment des méthodes fondées sur un multiplicateur, des méthodes d'estimation synthétique, des méthodes fondées sur le principe de la capture-recapture et des méthodes de modélisation économétrique. La plupart des méthodes ont produit des résultats concordants; il faudra néanmoins pousser davantage la recherche pour valider les conclusions de l'étude. Il faut donc interpréter les résultats de l'étude avec prudence.
Afin d'estimer le nombre de vendeurs de meth et d'ecstasy, les auteurs ont utilisé des méthodes fondées sur le principe de la capture-recapture et sur un multiplicateur à partir des données sur les arrestations au Québec. Les méthodes de capture-recapture servent à estimer la représentation des « populations cachées » à partir des données provenant des populations connues. À l'origine, on s'en servait pour estimer les populations d'animaux sauvages. À l'aide de ces méthodes, les auteurs ont estimé par extrapolation qu'il y a 3 358 vendeurs de meth et 16 980 vendeurs d'ecstasy au Canada.
Le terme méthodes fondées sur un multiplicateur est un terme générique pour désigner les méthodes utilisant un « ratio d'une partie observée de la population pour faire des déductions concernant la partie non observée de la population » (23). Les résultats donnés par ces méthodes valident dans une certaine mesure les résultats des méthodes de capture-recapture : l'estimation du nombre de vendeurs de meth est de 3 457 à 11 113, et celle du nombre de vendeurs d'ecstasy est de 17 897 à 57 525. Étant donné le large intervalle des résultats, les auteurs indiquent qu'il importe de les utiliser avec prudence. Des données provenant de partout au Canada amélioreraient grandement la validité de ces résultats.
On peut considérer que les méthodes d'estimation synthétique font partie du groupe des méthodes fondées sur un multiplicateur, mais, dans le cadre de cette étude, elles sont utilisées dans une catégorie distincte. Dans le cadre de ces méthodes, on obtient des estimations à partir de données provenant de toutes les sous‑populations possibles (p. ex., « élèves du secondaire, population générale d'adultes, individus dans le système de justice pénale, itinérants » (27)) qu'on combine en une seule estimation. Les estimations reposant sur un faible effectif faites à l'aide des méthodes d'estimation synthétique indiquent que « le nombre de consommateurs de meth est d'environ 52 000 et le nombre de consommateurs d'ecstasy, d'environ 270 000 au Canada » (6); si l'on tient compte d'un taux de sous‑déclaration de 50 % (effectif élevé) on estime qu'il y a « 77 788 consommateurs de meth et 402 677 consommateurs d'ecstasy » (6) au Canada.
Les méthodes de modélisation économétrique sont fondées sur la présupposition que le marché des STA est une industrie et qu'il est soumis aux mêmes pressions qu'on trouve dans les entreprises légitimes. Elles s'inspirent des principes économétriques pour estimer le nombre de laboratoires de STA au Canada. Comme cette méthode s'applique seulement aux entreprises, elle a uniquement servi à estimer le nombre de laboratoires.
Comme pour les résultats obtenus précédemment, la recherche concernant l'offre laisse croire qu'il y a eu une forte augmentation de l'offre de STA au Québec entre 1999 et 2009.
On a utilisé un modèle économique pour obtenir l'estimation du nombre de laboratoires de STA, qui se situe entre 560 et 1 400 laboratoires. Ces chiffres ont ensuite servi à estimer le nombre de producteurs. « En fixant à 3,5 le ratio producteurs/laboratoire, on arrive à une estimation basse de 1 960 producteurs de STA s'il y a 560 laboratoires en activité au Canada, et à une estimation élevée de 4 900 producteurs s'il y a 1 400 laboratoires en activité » (7).
Si l'estimation basse de 560 laboratoires est exacte, alors 2 297 kg de STA ont été produits; si c'est l'estimation élevée de 1 400 laboratoires qui est exacte, la quantité serait plus près de 5 743 kg. Les auteurs ont également estimé la production en supposant qu'il y a deux producteurs par laboratoire (au lieu de 3,5). Cette analyse a donné une estimation basse de 4 594 kg et une estimation élevée de 11 485 kg.
On a estimé que la consommation de meth se situe entre 678 et 847 kg; et que la consommation d'ecstasy se situe entre 1 643 et 2 054 kg. La consommation totale de STA au Canada se situe donc entre 2 321 et 2 902 kg.
Au lieu d'utiliser des estimations basses et élevées pour déterminer le volume d'exportation annuelle, les auteurs ont utilisé l'estimation médiane de la consommation et des données relatives aux saisies. Ils ont ainsi estimé qu'entre 1 733 et 8 624 kg de STA fabriqués au Canada sont exportés annuellement.
Vu le niveau de demande au pays, les producteurs canadiens de STA exporteraient entre 38 % et 75 % de leur production. Comme mentionné plus tôt, les estimations laissent supposer que le Canada est responsable de 0,6 % à 4,6 % de la production mondiale de STA. Ces estimations indiquent que le Canada n'est pas un grand exportateur de stimulants de type amphétamine.
Les auteurs formulent cinq recommandations qui permettraient d'améliorer les estimations liées au marché des STA.
- Mieux concerter les efforts de surveillance de l'évolution du marché national des drogues synthétiques, en particulier sur le plan de l'offre.
- Surveiller l'évolution de l'importation nationale de précurseurs illicites des STA.
- Surveiller l'évolution des drogues synthétiques produites au Canada sur les marchés étrangers.
- Adopter la méthode de l'analyse des eaux usées en vue d'estimer la quantité de STA consommés dans les grandes villes canadiennes.
- Définir comme objectif prioritaire pour le Canada l'utilisation des méthodes de capture-recapture pour estimer la taille des marchés illicites.
Bouchard, M., et coll. Estimation de la taille des marchés illicites de la méthamphétamine et de la MDMA (ecstasy) au Canada : Une approche à plusieurs méthodes, Ottawa, Sécurité publique Canada, 2012.
Voir aussi :
Bouchard, Martin, Owen Gallupe et Karine Dercormiers, Estimation de la taille des marchés illicites de la méthamphétamine et de la MDMA au Canada, Ottawa, Sécurité publique Canada, 2010.
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