Résumé de recherche sur le crime organisé no 27 - La construction commerciale et le crime organisé
La corruption et les activités du crime organisé posent un risque moyen à élevé à l'environnement économique et réglementaire dans lequel évolue le secteur de la construction commerciale au Canada.
Le présent rapport se fonde sur un examen de la littérature, des entrevues et une analyse descriptive des données économiques du secteur de la construction commerciale en Colombie-Britannique et au Québec. Les auteurs expliquent qu'il est difficile d'évaluer l'implication directe du crime organisé dans le secteur de la construction commerciale au Canada en raison du peu de poursuites dont ont été saisis les tribunaux au pays à ce sujet. Toutefois, même si la présence de groupes du crime organisé dans le secteur demeure inconnue, une analyse de l'ensemble de l'environnement politique, économique et réglementaire permet aux auteurs de conclure que la corruption et les activités du crime organisé représentent un risque moyen à élevé pour le secteur de la construction commerciale.
Les auteurs de l'étude soutiennent que la vulnérabilité du secteur de la construction commerciale découle d'un certain nombre de facteurs. Par exemple, une augmentation de la concurrence dans le secteur depuis la récession de 2008 pourrait accroître le recours à des pratiques illégales, comme la collusion lors d'appels d'offres. La réglementation est divisée entre différents ordres de gouvernement, ce qui engendre également des risques liés aux activités du crime organisé. De façon plus générale, la nature des projets de construction commerciale à grande échelle et leur exposition à de nombreux risques, tels que les mauvaises conditions climatiques, les fluctuations du marché du travail et les perturbations des chaînes d'approvisionnement, contribuent aux vulnérabilités impliquant des individus sans scrupules au sein de l'industrie et des organisations criminelles externes.
Au Canada, le secteur de la construction joue un rôle clé dans l'économie globale. En mai 2010, la contribution du secteur au produit intérieur brut du pays s'élevait à environ 71 milliards de dollars canadiens (5,7 %). Le gouvernement fédéral a soutenu les activités du secteur de la construction pendant la période de ralentissement économique en y injectant 40 milliards de dollars par l'entremise du Fonds de stimulation de l'infrastructure. Les gouvernements provinciaux et les administrations municipales tentent également de stimuler le secteur en investissant dans les infrastructures.
En 2010, 480 250 personnes travaillaient dans le secteur de la construction non résidentielle. Industrie Canada estime que 99,6 % des entreprises de construction employaient moins de 100 personnes en 2009. La majorité des entreprises du secteur (59,8 %) pouvaient être qualifiées de micro-entreprises (moins de 5 employés), alors que les petites entreprises de 5 à 99 employés représentaient 39,2 % du total, et que seulement 1 % des entreprises possédaient plus de 100 employés. La majorité des entreprises (54,2 %) font appel à des employés contractuels plutôt que des employés permanents. La petite taille d'un grand nombre d'entreprises et la compétitivité générale du marché pourraient également engendrer des situations où les petites entreprises seraient vulnérables aux agissements du crime organisé, qui pourrait nuire aux activités et aux échéanciers.
Bien que la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies, établie par le Conseil national de recherches du Canada, soit responsable de l'élaboration de modèles de codes nationaux pour le Canada, la responsabilité de la réglementation en matière de construction revient aux provinces et aux territoires. Les provinces établissent les règlements (codes du bâtiment, de la prévention des incendies, de la plomberie et de l'électricité), et leur application relève des autorités locales. En plus des codes du bâtiment, les provinces doivent établir la réglementation en ce qui a trait à la santé et à la sécurité, aux pratiques de travail et à la rémunération, aux avantages sociaux, aux conditions de travail, à l'agrément et à l'embauche des travailleurs, ainsi qu'aux rôles des gens de métiers et des professionnels du secteur.
De façon générale, aucune restriction ne s'applique aux entreprises qui désirent se lancer dans le secteur de la construction commerciale. Dans certaines provinces et pour certains métiers, les travailleurs doivent posséder une certification ou une attestation professionnelle, ou encore être un apprenti inscrit, mais ce n'est pas toujours le cas. Cette situation peut faciliter l'arrivée de nouvelles entreprises, mais le manque de réglementation entourant les joueurs du secteur peut également permettre au crime organisé de l'infiltrer. Par exemple, une nouvelle entreprise pourrait offrir ses services sur le marché en tant qu'entrepreneur général ou sous-traitant dans le but premier de blanchir des capitaux acquis par le biais d'activités illicites. Les coûts élevés de mise en marche, comme l'acquisition de machinerie lourde, peuvent offrir l'occasion de blanchir de l'argent. Cependant, il est important de noter que le secteur de la construction commerciale n'est pas l'unique secteur pouvant être touché par ces vulnérabilités.
Les auteurs relèvent un certain nombre de facteurs qui contribuent à la vulnérabilité du secteur de la construction face aux groupes du crime organisé, ces facteurs étant tous liés par un élément commun : la complexité. Les grands projets de construction commerciale sont complexes dans presque tous leurs aspects. Par exemple, les multiples phases des grands projets nécessitent de contrôler et de coordonner de nombreux travailleurs variés, en plus de maintenir les chaînes d'approvisionnement de multiples fournisseurs. Chaque phase est donc exposée à de nombreux risques, qui peuvent être attribuables à une interruption de l'approvisionnement des matériaux requis, à des problèmes ouvriers, ou encore à d'autres facteurs. Pour ces raisons, les grands projets peuvent être vulnérables à une prise de contrôle des différents processus par des moyens criminels, tels que l'extorsion.
La complexité des projets rend également plus ardue la compréhension des dépassements de coûts. Comme les projets de construction commerciale sont souvent des créations uniques, il est très difficile d'évaluer l'exactitude des coûts estimés pour un projet donné, ce qui ouvre la porte à des activités frauduleuses. Cette situation est aggravée par le faible niveau actuel d'expertise au sein du secteur public en ce qui a trait aux acquisitions dans les secteurs de l'immobilier et de la construction.
De plus, les auteurs avancent que le manqued'expertise, combiné à la nature unique de beaucoup de projets de construction commerciale, fait en sorte que la phase d'approvisionnement dans de tels projets peut être particulièrement vulnérable à l'influence du crime organisé. Cette influence peut s'exercer sur les personnes en position d'accorder des contrats par des moyens tels que la corruption, l'intimidation ou l'extorsion, mais elle peut aussi prendre la forme de collusion entre certaines entreprises lors d'appels d'offres à l'insu des autorités publiques.
Même si les auteurs ont relevé de nombreux exemples de vulnérabilités possibles dans le secteur de la construction commerciale dans les deux régions étudiées (Montréal et Vancouver), rien n'indique que ces vulnérabilités ont été exploitées par des organisations criminelles. Selon les auteurs, cette constatation est attribuable au manque de données disponibles, ainsi qu'au peu de poursuites engagées contre les membres d'organisations criminelles dans ce secteur économique.
Gabor, T., J. Kiedrowski, D. Hicks, M. Levi, R. Goldstock, R. Melchers et E. Stregger (2011). Secteurs économiques vulnérables au crime organisé : Secteur de la construction commerciale. Ottawa (Ontario), Sécurité publique Canada.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur la recherche en matière de crime organisé au sein de Sécurité publique Canada, veuillez communiquer avec l'Unité de recherche sur le crime organisé à l'adresse ocr.rco@ps-sp.gc.ca.
Les résumés de recherche sur le crime organisé sontrédigés pour Sécurité publique Canada et le Comité national de coordination sur le crime organisé (CNC). Le CNC et ses comités régionaux et provinciaux de coordination travaillent à différents niveaux en misant sur un but commun : établir des liens entre les organismes d'application de la loi et les décideurs du secteur public afin de lutter contre le crime organisé. Les résumés de recherche sur le crime organisé appuient les objectifs de recherche du CNC en faisant ressortir des renseignements fondés sur la recherche qui sont pertinents pour l'élaboration de politiques ou d'opérations. Les opinions exprimées dans le présent résumé sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les opinions de Sécurité publique Canada ou du Comité national de coordination sur le crime organisé.
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