Programmes de protection des témoins dans certains pays : Résumé de recherche no 43
Une protection efficace des témoins est un élément déterminant du système judiciaire pénal dans la lutte contre le crime organisé. La protection classique est axée sur la sécurité du témoin. Cependant, l'expérience montre que les personnes ne seront pas disposées à témoigner à moins d'être certaines que l'État protégera leurs droits et leur sécurité ainsi que les droits et la sécurité de leur famille immédiate.
Les programmes de protection des témoins (PPT) ont de nombreuses raisons d'être. Ils offrent aux victimes et aux témoins la possibilité de participer à un processus pénal sans crainte de danger pour eux et leur famille. Ils offrent un espoir de responsabilisation et donnent aux témoins menacés un moyen de trouver un refuge et d'être à l'abri d'une situation de victimisation. Le PPT offre un espace dans lequel les traumatismes individuels peuvent être traités et permet à la victime agissant comme témoin de reprendre le contrôle de sa propre vie. Le programme peut par contre perturber considérablement la vie du témoin et de toute personne qui l'accompagne. Il peut même avoir des répercussions sur des tiers. Pour ces raisons, les PPT doivent être bien ancrés dans la loi ou les politiques.
Le document examine les pratiques et les résultats des PPT au moyen de documents publics concernant les lois et les pratiques adoptés en Australie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, et les compare aux programmes fédéral et provinciaux au Canada.
Chaque pays examiné a établi des dispositions législatives et des critères en ce qui concerne l'acceptation et la participation des témoins aux programmes de protection. Le document recense également les stratégies de protection des témoins adoptées dans des tribunes internationales telles que la Cour pénale internationale, les Nations Unies et le Conseil de l'Europe.
Chaque pays examiné a également établi des mesures spéciales pour aider les témoins vulnérables et intimidés. La protection efficace des témoins, des victimes et des collaborateurs de la justice comprend des mesures législatives et pratiques pour veiller à ce que ces témoins puissent témoigner librement et sans intimidation : la criminalisation des actes d'intimidation, l'utilisation de méthodes différentes pour déposer, la protection physique, les programmes de relocalisation avant et pendant les procédures pénales, l'autorisation de limiter la divulgation de renseignements concernant l'identité ou les allées et venues, et, dans des situations exceptionnelles, la protection de l'anonymat de la personne qui fournit des éléments de preuve.
Le Witness Security Program (WITSEC) fédéral des États-Unis a été le premier PPT et a servi de modèle aux autres pays. Depuis plus de 30 ans, l'US Marshals Service (USMS) administre le programme WITSEC. La principale mesure qu'il met en œuvre est la relocalisation secrète et permanente, souvent accompagnée d'un changement d'identité, des témoins et de leur famille immédiate, Note de bas de page 1 Note de bas de page 2. Le WITSEC est devenu un modèle pour bon nombre d'instances, dont le Canada et l'Australie. Ces deux pays disposent de programmes fédéraux semblables, qui coexistent avec ceux établis par les provinces ou les États.
En Europe, plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, ont recours à des témoins de la Couronne pour lutter contre le crime organisé. Des préoccupations particulières ont été soulevées en Europe concernant le caractère légitime de mesures visant à aider les témoins dans le contexte de la Convention européenne des droits de l'homme, plus précisément du droit à un procès équitable (article 6).
Les conventions de l'ONU, la pratique des tribunaux pénaux internationaux, les recommandations du Conseil de l'Europe et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) figurent parmi les autres sources d'inspiration pour les pays qui élaborent leur propre PPT. Par exemple, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale et la Convention
des Nations Unies contre la corruption exigent que les parties contractantes prennent les mesures appropriées à leur disposition pour protéger de façon efficace, lors des procédures pénales, les témoins qui fournissent de l'information et des témoignages concernant les infractions visées par les Conventions.
Chaque pays examiné envisage des solutions de rechange pour protéger le témoin sans sa participation au PPT. Même si tous les témoins devraient recevoir de l'assistance et du soutien, les PPT sont réservés aux cas importants où la menace contre le témoin est tellement grave que la protection et le soutien ne peuvent être assurés d'une autre façonNote de bas de page 3.
Points saillants
- Les PPT sont coûteux et la majorité des pays ne disposent pas des ressources nécessaires pour les maintenir.
- Pour les petits pays, il est difficile ou presque impossible de relocaliser les témoins à l'intérieur de leurs frontières.
- L'une des difficultés pour certains PPT est l'absence d'accords internationaux ou régionaux ou de traités avec d'autres pays. Lorsqu'il est difficile de relocaliser des témoins à l'intérieur du pays, il n'est pas possible de les relocaliser à l'extérieur du pays. L'absence d'accord donne également lieu à une absence de coopération efficace en matière d'enquête sur les crimes et de répression des crimes.
- Dans chaque pays examiné, la protection des témoins est principalement perçue comme une responsabilité des forces policières de mettre en œuvre des mesures efficaces pour obtenir la protection et la collaboration des témoins.
- Tous les pays considèrent qu'il est important de trouver un équilibre entre la nécessité d'assurer la sécurité des témoins et la nécessité d'assurer les droits constitutionnels des défendeurs à une audience ou à un procès équitable. Par exemple, tous les pays permettent : le contre-interrogatoire des témoins; la présence de l'avocat de la défense à toutes les étapes des procédures; la présence au cours du procès d'une personne qui accompagne le témoin et lui offre du soutien; la divulgation d'information pertinente à l'avocat du défendeur.
- Chaque pays examiné a adopté des mesures pour limiter l'exposition des témoins au public ou au stress psychologique, et de nombreux pays disposent de mesures pour réduire la peur en évitant la confrontation directe avec le défendeur, ainsi que de mesures qui rendent difficile ou impossible pour le défendeur d'établir l'identité du témoin. Les lois actuelles au Royaume Uni autorisent les dépositions par lien vidéo ou vidéoconférence ainsi que les déclarations avant procès au lieu du témoignage au tribunal. Les lois prévoient également la possibilité que les témoins soient accompagnés au tribunal et garantissent des salles d'attente distinctes pour les témoins. Elles interdisent également la divulgation et prévoient une aide financière et du soutien psychologique. Il existe par ailleurs une coordination entre les organismes gouvernementaux concernés.
Koren, Elaine (2014). Programmes de protection des témoins dans certains pays : bibliographie analytique. Ottawa, ON : Sécurité publique Canada.
Pour obtenir d'autres renseignements au sujet de la recherche au Secteur de la sécurité communautaire et de la lutte contre le crime, Sécurité publique Canada, veuillez communiquer avec l'Unité de recherche à l'adresse ps.organizedcrimeresearch-recherchesurlecrimeorganise.sp@canada.ca.
Les résumés de recherche sont produits pour le Secteur de la sécurité communautaire et de la lutte contre le crime, Sécurité publique Canada. Le présent résumé reflète les interprétations des conclusions de l'auteur du rapport et pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada.
Notes
- 1
Earley, P. et Shur, G. WITSEC: Inside the Federal Witness Protection Program, Bantam Books, février 2002:359:5.
- 2
18 US Code, Section 3521. Bien que la création du programme de protection des témoins ait été autorisée par l'Organized Crime Control Act of 1970, le programme a été établi en vertu de la partie F du chapitre XII de la Public Law 98-473; les dispositions habilitantes adoptées en vertu de cette section peuvent être citées comme la Witness Security Reform Act of 1984.
- 3
United Nations Office on Drugs and Crime. Good Practices for the Protection of Witnesses in Criminal Proceedings Involving Organized Crime, United Nations Office on Drugs and Crime, Vienna, January 2008:124:23 [consulté le 2013-12-19], site Web : http://www.unodc.org/documents/organized-crime/Witness-protection-manual-Feb08.pdf
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