Résumé de recherche sur le crime organisé numéro 4
Table des matières
- Les crimes de contrefaçon sur Internet
- La violence et les territoires des gangs
- Mesurer l'incidence des services policiers sur le crime organisé
- Découvrir les laboratoires de méthamphétamine
- Le renseignement stratégique et le crime organisé transnational
- Évaluer les marchés de la drogue à l'aide des eaux usées
Les crimes de contrefaçon sur Internet
Le marché Internet offre une plateforme qui facilite la commission, de manière plus efficace, de crimes mineurs à caractère entrepreneurial, lesquels étaient autrefois perpétrés en personne, dans le cadre d'opérations commerciales licites.
L'auteur a interviewé des criminels de profession impliqués dans la distribution de produits de contrefaçon à l'aide d'Internet. Il s'est servi de l'information recueillie pour faire des observations générales sur la transformation de ces activités criminelles organisées courantes et prosaïques causée par l'utilisation de technologies accessibles sur Internet. Les témoignages de délinquants de carrière actifs se livrant à des formes courantes de cybercrimes montrent que les nouvelles technologies offrent des possibilités criminelles lucratives qui ont transformé les marchés criminels traditionnels, de sorte que les pratiques criminelles actuelles font appel à un « troisième espace » (177), sous la forme d'une plateforme Internet.
Dans sa stratégie de lutte contre les crimes liés à la propriété intellectuelle, le Royaume-Uni reconnaît la cybercriminalité et la contrefaçon comme des activités criminelles s'inscrivant dans un courant général de crime organisé. L'auteur a remarqué que les cybercriminels à la fine pointe de la technologie et ceux se spécialisant dans la production de produits de contrefaçon côtoient rarement les petits entrepreneurs criminels qui vendent au détail ces produits, lesquels font l'objet de la présente étude.
Les groupes criminels perfectionnés ont tendance à miser sur des crimes graves en ligne, comme les fraudes complexes en ligne visant à obtenir des renseignements bancaires des victimes, ou sur des formes organisées d'infractions liées à la propriété intellectuelle, telles que le commerce de produits de contrefaçon dangereux pour la sécurité, par exemple les pièces automobiles et les produits pharmaceutiques (177).
Les entrevues visaient à obtenir des participants de l'information sur leurs activités commerciales passées, leur utilisation d'Internet, leurs antécédents criminels et leurs activités criminelles. L'auteur a d'abord mené un entretien non structuré, puis a posé une série de questions normalisées sur le revenu et le temps consacré aux activités commerciales.
En plus de tremper dans la fraude sur Internet et la vente de produits contrefaits, dans bien des cas, les participants vendaient des articles volés sur e-Bay, étaient coupables de fraudes fiscales, faisaient le commerce de tabac ou d'alcool de contrebande, présentaient de fausses demandes de prestations d'aide sociale, et faisaient le commerce, sur une petite échelle, de drogues.
L'auteur laisse entendre qu'un grand nombre de consommateurs ne considèrent pas la contrefaçon comme un « véritable crime » (180). Les liens entre les activités criminelles des personnes visées par l'étude et le crime organisé traditionnel ne semblent pas aussi évidents qu'on l'avait supposé (181).
Les deux études de cas présentées dans le rapport de recherche sont révélatrices d'une nouvelle tendance en matière d'échanges criminels, laquelle est en train de transformer la culture d'entreprise traditionnelle de la classe ouvrière (183). Des études empiriques sur le crime organisé en col blanc au R.-U. s'intéressent aux hommes de la classe ouvrière, qui achètent et vendent des biens contrefaits et des drogues lorsqu'ils « font des affaires » (183). Agissant en grande partie de manière indépendante, ils coordonnent leurs activités criminelles avec d'autres selon les occasions qui se présentent, dans un contexte sous-culturel qui normalise leurs pratiques criminelles.
Cette nouvelle forme de délinquance est signe de changements socio-économiques et culturels plus vastes. Elle s'étend aux personnes qui ont acquis les compétences pour profiter des nouvelles possibilités de se livrer de manière plus efficace à des crimes qui étaient autrefois commis sans l'aide d'Internet. Les espaces en ligne, comme les sites d'enchères sur le Web (p ex. e-Bay), représentent une tribune d'échanges qui peut facilement être exploitée par des personnes ayant des visées et des contacts criminels ainsi que les connaissances pour exploiter les règles laxistes actuellement en vigueur (à cet égard, on note des éléments communs avec le système bancaire mondial et ceux qui exploitent les transactions numériques caractérisant les marchés monétaires modernes) (188). L'anonymat des personnes fait probablement en sorte qu'il est plus difficile pour les organisations criminelles sophistiquées et bien ancrées de contrôler la vente au détail de biens contrefaits ou volés.
Fait intéressant, les criminels ne redoutaient pas vraiment d'être punis ou arrêtés pour la vente de produits de contrefaçon, mais bien que l'on découvre leur revenu illicite, ce qui mènerait à une évaluation de leur cotisation ou à l'élimination de prestations d'aide sociale obtenues frauduleusement (12).
Pour terminer, l'auteur signale que si les criminologues ne voient peut-être pas le troisième espace (Internet) et les nouveaux espaces en lignes non réglementés comme un endroit de choix pour mener des crimes, il semble que certains criminels sont conscients de leur potentiel transformateur et souvent très lucratif (189).
Treadwell, James.« From the car boot to booting it up? eBay, online counterfeit crime and the transformation of the criminal marketplace », Criminology and Criminal Justice, vol. 12, no 2, 2011, p. 175-191.
La violence et les territoires des gangs
La violence par les gangs se produit généralement sur les limites séparant les territoires des gangs. Ces territoires se forment lorsqu'il y a plus de concurrence entre les gangs qu'au sein d'un même gang.
La violence et les questions de territoire sont l'apanage des gangs de rues. On sait que ces gangs fournissent à leurs membres de l'argent, de l'emploi, une protection et un contrôle social que les institutions légitimes ne peuvent leur offrir. Toutefois, les ressources fournies par les gangs ou pour lesquelles les gangs se disputent varient selon les milieux (853). D'après les résultats d'études passées, les activités criminelles des gangs peuvent procurer des avantages économiques à la population locale, faisant en sorte que le gang est intégré à la structure sociale et économique du quartier. Par ailleurs, la facilité avec laquelle un membre peut quitter un gang ou se joindre à un autre dépend du gang, à savoir s'il a un comportement prédateur exagéré ou s'il offre surtout des services de protection à ses membres (854). Lorsque les personnes appartenant aux gangs sont des amis et des membres de la famille de citoyens locaux, le gang est plus souvent une source de stabilité pour la communauté locale. Selon les études, les gangs qui ont recours à la violence pour atteindre leurs objectifs économiques sont très forts dans les quartiers en difficulté, tandis que les gangs qui manifestent une violence apparente sont généralement plus violents et plus présents dans les quartiers en développement.
L'espace est une ressource importance pour les gangs de rue, lesquels sont souvent liés à des quartiers. La mobilité accrue, comme le transport par autobus, permet aux membres de gangs de se rencontrer à l'extérieur de leur lieu de résidence, affaiblissant le lien qui peut être fait entre les territoires des gangs. Les activités sociales et économiques d'un gang sont souvent circonscrites à un lieu précis dans le quarter, comme certains coins de rue, des immeubles abandonnés ou des terrains vacants (854). Un gang se livrant activement au commerce de la drogue pourrait être plus enclin à défendre son théâtre des opérations, car celui-ci est lié de près au prestige dont jouit le gang. Par conséquent, l'activité criminelle est généralement plus élevée dans les lieux revendiqués par plusieurs gangs.
Le fait d'appartenir à un gang peut offrir à de jeunes hommes des « ressources interpersonnelles », sous la forme de camaraderie, de prestige et de respect (854). Dans le contexte de la sous-culture de la rue, une réputation est souvent acquise, entretenue et rétablie par des actes de violence, en particulier des attaques visant à montrer sa supériorité ou à se venger de torts perçus. Pour un gang, l'accroissement du prestige ou de la crédibilité peut se traduire par plus d'argent, de biens et d'attention du sexe opposé. Souvent, une telle image peut attirer d'autres membres, permettant au gang d'élargir son espace (855).
Les auteurs ont étudié les liens entre l'intensité de la rivalité entre les gangs, la formation de territoires et la distribution des incidents violents entre les gangs en utilisant les modèles de concurrence Lotka-Volterra, qui sont des modèles mathématiques déterministes couramment utilisés en écologie (856). Ils ont utilisé des données provenant de la division de Hollenbeck du service de police de Los Angeles. Plus précisément, ils ont étudié un territoire de 6,5 milles carrés à Boyle Heights, où se sont produites entre 1999 et 2002 563 fusillades entre 13 gangs de rues.
D'après les résultats de cette étude, les frontières des territoires des gangs forment une ligne perpendiculaire à mi-chemin entre les bases de gangs rivaux. De plus, il existe un lien direct entre les lieux des crimes et les frontières des territoires. Les crimes violents parmi les 13 gangs de Hollenbeck étaient regroupés sur les frontières territoriales des gangs du suspect et de la victime. Les auteurs ont souligné que, bien que les résultats soutiennent l'hypothèse selon laquelle la concurrence joue un rôle important dans la détermination de l'organisation des territoires des gangs, il n'y a pas de différence entre les limites territoriales des gangs et la concurrence entre les animaux au sein d'un espace d'habitat (875).
Deux conclusions importantes ressortent de la relation qui existe entre la violence par un gang et les modèles de compétition spatiale Lotka-Volterra : 1) pour que se forment des territoires de gang, il doit y avoir plus de rapports de concurrence entre les gangs qu'au sein d'un même gang; 2) pour que les territoires de gang soient stables, l'activité violente des gangs doit être relativement la même (niveau et intensité).
Il a été prouvé que les caractéristiques locales et géographiques du milieu expliquent très peu la formation des territoires des gangs et la répartition de la violence par les gangs. Les repères géographiques de la région de Boyle Heights à l'étude, y compris les autoroutes et une rivière, semblent limiter l'ensemble de l'activité liée aux gangs à un tel point qu'il faudrait évaluer la situation dans le cadre d'autres études (877).
Contrairement aux modèles Lotka-Volterra d'agression chez les populations animales, les gangs ont tendance à faire preuve de plus de violence envers les gangs situés à proximité, et non ceux à distance.
Les auteurs laissent entendre que la modélisation de la violence des gangs en fonction de processus écologiques pourrait donner des résultats intéressants pour les organismes d'application de la loi et les services policiers (878). Pour que se forment des territoires de gangs, il suffit que la concurrence entre les gangs soit légèrement supérieure à la concurrence au sein d'un même gang; il n'est pas nécessaire que la concurrence soit extrême (852). On a observé que la territorialité des gangs est en grande partie le produit de l'agression d'un gang envers un autre, et que ce n'est pas la territorialité qui mène à la violence (878). On peut déduire des renseignements sur la portée et l'intensité de la concurrence entre ceux-ci, du chevauchement des activités entre les gangs. Si l'on sait où se produit la violence entre les gangs, on peut évaluer les territoires et les structures des gangs.
On présume souvent que la meilleure solution pour réduire la violence liée au gang consiste à atténuer l'intensité des rivalités entre les gangs (878). Toutefois, les auteurs laissent entendre que, si l'incidence individuelle d'une seule interaction peut être réduite par ce type d'intervention, le taux de crimes violents entre les gangs pourrait augmenter en général simplement en raison de l'accroissement des interactions causé par un chevauchement plus important du territoire (878). Si l'augmentation de la concurrence se traduit par une diminution de la violence, l'accroissement de la concurrence entre les gangs pourrait atténuer (mais non éliminer) la violence entre les gangs.
Brantingham, Jeffrey P., Tita, George E., Short, Martin B. et Shannon E. Reid. « The ecology of gang territorial boundaries », Criminology, vol. 50, no 3, 2012, p. 851-885.
Mesurer l'incidence des services policiers sur le crime organisé
Les services de police devraient mesurer l'incidence des mesures prises sur les torts causés par le crime organisé, au lieu de le faire par rapport aux résultats positifs d'activités passées.
Au moyen de données provenant de l'agence écossaise de lutte contre la criminalité et les drogues (la SCDEA), les auteurs ont analysé et critiqué l'utilisation des indicateurs de rendement clés (IRC) pour mesurer les répercussions des interventions policières sur le crime organisé. Dans le contexte de l'application de la loi, les IRC comportent deux grandes lacunes : 1) ils sont généralement modestes et faciles à atteindre, ce qui limite la capacité des corps policiers d'élargir leur gamme d'interventions; 2) ils ne sont pas représentatifs des aspects de leur travail que les policiers considèrent comme importants et des moyens pris pour accomplir leur travail.
L'absence de définition claire du crime organisé et de données quantitatives fiables sur le sujet au sein du système de justice pénale nuit à l'évaluation du rendement des interventions policières ciblant le crime organisé au R.-U. Le régime de signalement des activités du crime organisé mis en place dans les années 1990 a donné aux corps policiers un moyen d'améliorer la collecte de données sur l'identité, les caractéristiques et le statut des organisations criminelles ainsi que sur l'intervention officielle (10). Au départ, on avait mis l'accent sur la collecte de données sur les arrestations, les condamnations et la perturbation des activités des groupes, lesquelles informations peuvent servir de mesures de rendement pour les organismes concernés. Les auteurs soutiennent toutefois que l'initiative a été compromise parce que les indicateurs de rendement relatifs au volume de travail des policiers, comme le nombre de délinquants condamnés et la quantité de produits illicites saisis, ont fini par l'emporter sur les autres indicateurs.
Les indicateurs quantitatifs sont un moyen facile de mesurer de manière générale et non ambiguë le rendement et le succès d'un organisme (c.-à-d. les objectifs ont été atteints ou non). Au lieu de tenir compte de l'incidence sociale des interventions policières sur le crime organisé, on détermine qu'un organisme a obtenu du succès s'il a été efficace par rapport à son rendement passé. C'est ce que l'on appelle le « phénomène de l'autoréférence » dans le contexte des mesures policières de lutte contre le crime organisé. Autrement dit, les corps policiers prennent plus de mesures pour éliminer les menaces connues, de manière à parfaire leurs connaissances, mais ne font rien pour éliminer celles qui ne sont pas définies. Les hauts placés de l'agence ont reconnu qu'il était possible d'atteindre des objectifs chiffrés fondés sur les résultats passés, mais ils ont indiqué que ces cibles étaient jugées inutiles et sans intérêt par le personnel de l'agence, car elles ne tenaient pas compte de la valeur réelle du travail des agents et ne traduisaient pas les répercussions complexes de leurs interventions ni le contexte dans lequel elles étaient menées (12).
Les auteurs ont examiné la relation entre le rendement des services de police et les torts causés par la criminalité dans le contexte : 1) des marchés de la drogue; 2) du recouvrement des avoirs; 3) d'autres formes du crime organisé. D'abord, bien que les drogues et leurs marchés illicites puissent causer des torts aux collectivités, la recherche montre que les activités d'application de la loi ont une incidence minimale sur les marchés illicites de drogues en ce qui concerne le prix, la pureté et la disponibilité des drogues. Toutefois, selon les études, l'utilisation de renseignements très fiables et l'application de mesures perturbant les activités de spécialistes clés au sein de groupes nouveaux ou de marchés ouverts (plutôt que les activités de surveillance traditionnelles et les stratégies de saisie) peuvent perturber les marchés de la drogue et changer les interactions entre les vendeurs et la communauté en général, ce qui contribue à réduire certains des torts liés au marché illicite de la drogue. Deuxièmement, au R.-U., on recueille de l'information sur les indicateurs quantifiables liés au recouvrement des avoirs, qui donnent un aperçu de l'économie criminelle. Or, ces indicateurs posent un problème, à savoir que les estimations de la taille de l'économie criminelle reposent sur des calculs précaires, non vérifiés et non publiés faits par des économistes du secteur public (15). En faisant ressortir le rendement inefficace des services policiers en matière de recouvrement des avoirs, ces estimations exagérées n'indiquent pas de manière réaliste les sommes potentielles ou la façon dont l'argent est dépensé ou blanchi. Les chercheurs recommandent que l'on établisse des liens entre les opérations financières suspectes et les dossiers policiers pour aider à comprendre la taille et la portée de l'activité criminelle ainsi que la région géographique où elle a lieu. Troisièmement, la surveillance du rendement comporte des lacunes dans d'autres secteurs du crime organisé en raison de l'absence de données. On peut se servir de mesures directes et indirectes pour déterminer l'étendue des activités criminelles liées à d'autres formes du crime organisé. Les mesures directes employées par les organismes d'application de la loi devraient comprendre l'analyse des infractions, ce qui implique de faire un recoupement entre les infractions prévues dans la Proceeds of Crime Act 2002 et les infractions punissables uniquement par mise en accusation. Il est possible d'obtenir des mesures indirectes pour certains types d'infractions, par exemple la décharge d'une arme à feu et l'enlèvement, ainsi que pour les avertissements de haut niveau fondés sur le renseignement et donnés par les organismes d'application de la loi à des personnes qui, selon eux, pourraient être victimes d'actes de violence graves.
Les auteurs proposent un cadre de gestion du rendement englobant des mesures de lutte contre le crime organisé qui tiennent compte des données incomplètes sur les torts liés au crime organisé ainsi que sur les stratégies efficaces possibles visant à combattre le crime organisé. Par ailleurs, vu le contexte complexe dans lequel se situent les problèmes et les solutions liés au crime organisé, tout cadre doit également promouvoir la collaboration entre les organismes. Enfin, ce genre de cadre doit prendre en considération l'idée que les activités de lutte contre le crime organisé peuvent varier considérablement durant leur période d'application.
Pour un organisme qui lutte contre le crime organisé, le processus de mise au point des IRC doit se faire dans les limites d'un cadre de gestion du rendement qui comprend les éléments suivants : 1) modèle logique; 2) modèle de cheminement; 3) comités d'évaluation. Le modèle logique définit les intrants, les activités, les extrants, les résultats et le contexte. Il doit décrire clairement les activités de l'organisme, les éléments mesurés et les raisons de l'évaluation. Le modèle de cheminement propose une approche de réduction du crime dont la réussite dépend de l'atteinte d'une série de jalons chaque année du programme. Si l'opération n'atteint pas ses objectifs en général, il est quand même possible d'obtenir des résultats positifs mesurables les premières années en atteignant un certain nombre de jalons. Les auteurs estiment toutefois que les comités offrent la meilleure forme d'évaluation. Il est possible d'obtenir des données sur la satisfaction des agents et sur le succès des interventions, en ce qui concerne le soutien par l'organisme, peu importe combien de temps il faut pour atteindre les résultats finaux. De cette façon, la « satisfaction des clients » serait intégrée aux IRC, ce qui contribuerait à améliorer la rétroaction et la communication partout au sein de l'organisme et entre les services policiers.
Les IRC actuels ne motivent pas activement les agents et ne permettent pas de reconnaître le travail bien fait. Ils encouragent toutefois les policiers à générer des données sur le rendement au lieu de prouver que des activités efficaces contribuent réellement à réduire les répercussions négatives du crime organisé. Les auteurs soutiennent que les IRC actuels servent simplement à mesurer des normes professionnelles au lieu de promouvoir des interventions policières qui ont une incidence sur le crime organisé.
Mackenzie, Simon et Hamilton-Smith, Niall. « Measuring police impact on organized crime: Performance management and harm reduction », Policing: An International Journal of Police Strategies & Management, vol. 34, no 1, 2011, p. 7-30.
Découvrir les laboratoires de méthamphétamine
Le meilleur moyen de prédire où trouver les laboratoires de méthamphétamine est de savoir où étaient situés les laboratoires par le passé. Les facteurs comme la pauvreté, la diversité ethnique ou la cohésion sociale ont peu d'importance.
À l'échelle mondiale, la méthamphétamine arrive au deuxième rang après la marijuana en matière de consommation de drogues. Il s'agit d'une drogue puissante qui peut être produite facilement, à faibles coûts, avec peu de matériel et à partir de peu d'ingrédients. Il peut être difficile de découvrir les laboratoires en raison de la petite taille et de la nature familiale d'un grand nombre d'installations.
Les auteurs ont cherché à savoir pourquoi il y avait des laboratoires de méthamphétamine dans certaines collectivités et pas dans d'autres. Pour répondre à la question, ils ont examiné les théories classiques de la criminologie en matière de délinquance, y compris celles touchant les difficultés économiques et la privation, les troubles sociaux et l'engagement civique. Parmi les facteurs de criminalité examinés, mentionnons les ressources économiques, la mobilité résidentielle, la croissance ou le changement communautaire, la diversité ethnique, la ségrégation résidentielle, la communauté civique et le capital social. De plus, les auteurs ont créé un « indice de décalage spatial », soit une variable composée servant à mesurer le taux moyen de saisies de laboratoire de méthamphétamine dans les comtés adjacents au comté à l'étude.
Les auteurs ont analysé les données relatives à tous les laboratoires saisis entre 2004 et 2010 (N = 17 720) par la Drug Enforcement Administration (DEA) dans tous les comtés aux É.-U (N = 3 055). Ils ont appliqué trois méthodes multivariées de régression pour expliquer la présence de laboratoires dans certains comtés et leur absence dans d'autres.
D'après les résultats de l'analyse, l'indice de décalage spatial est le meilleur outil de prédiction de la présence de laboratoires de méthamphétamine. Tous les autres facteurs de prédiction dérivés des théories classiques de la criminologie ont obtenu des résultats négligeables. Le meilleur moyen de prédire la présence d'un laboratoire dans un comté donné consiste, semble-t-il, à observer la présence actuelle ou passée de tels laboratoires aux environs de ce comté.
Les auteurs sont allés plus loin et ont appliqué les mêmes facteurs criminogènes classiques de prédiction de l'activité criminelle ainsi que l'indice de décalage spatial à deux autres ensembles de données : le taux de criminalité provenant de l'indice Uniform Crime Report Index (crimes signalés par la police) et le taux d'arrestations liées aux drogues selon cet indice. Dans le cadre de cette deuxième analyse, l'indice de décalage spatial, même s'il a donné des résultats statistiquement significatifs, n'a pas été aussi efficace pour prédire l'activité criminelle ou les arrestations liées aux drogues que pour prédire la présence de laboratoires de méthamphétamine. À l'inverse, les facteurs classiques de prédiction de l'activité criminelle ont permis de prédire des crimes autres que l'exploitation de laboratoires de méthamphétamine.
Selon les auteurs, cette différence marquée traduit la nature particulière de l'activité criminelle liée à la production de méthamphétamine. La théorie classique de criminologie n'explique pas à elle seule l'emplacement des laboratoires. La production de méthamphétamine, bien que relativement simple, nécessite des connaissances de base en chimie ou des compétences acquises, et il s'agit largement d'un comportement appris. La théorie classique de l'association différentielle, ou le comportement criminel appris, et le fait que la plupart des petits fabricants de méthamphétamine sont également des consommateurs de cette drogue explique peut-être pourquoi les laboratoires sont regroupés sur le plan géographique.
L'étude influe de deux façons les politiques. D'abord, les mesures visant à prévenir la création de laboratoires de méthamphétamine devraient viser à prévenir la formation de réseaux sociaux d'utilisateurs et à démanteler ces réseaux. Ensuite, les mesures visant à prévenir la propagation des laboratoires de méthamphétamine devraient accorder moins d'importance aux conditions sociales et économiques des collectivités où l'on trouve ce genre de laboratoires, et davantage sur la détection précoce de consommateurs de méthamphétamine qui savent comment en fabriquer et de fabricants de méthamphétamine afin de perturber leurs sociaux criminels.
Wells, Edward L., et Weisheit, Ralph A. « Crime and Place: Proximity and the Location of Methamphetamine Laboratories », Journal of Drug Issues, vol. 42, no 2, 2012, p. 178-196.
Le renseignement stratégique et le crime organisé transnational
Le renseignement stratégique devrait viser à découvrir les possibilités criminelles au lieu de suivre les groupes.
La structure complexe et l'expansion rapide du crime organisé transnational (COT) sont considérées comme une menace croissante pour la sécurité nationale et la stabilité des collectivités. Les chercheurs, les professionnels et les politiciens avaient à l'œil le COT bien avant les attentats terroristes du 11 septembre 2001, mais cet incident a fait ressortir la complexité du processus décisionnel lorsque les gouvernements font face à des menaces non étatiques comme le COT, ainsi que le rôle important du renseignement stratégique (61).
Dans les thèses universitaires, la notion de renseignement et la capacité du renseignement d'améliorer le rendement en matière d'application de la loi ont pris le dessus dans le cadre des discussions sur les méthodes de gestion des services de police. Auparavant, les services policiers géraient leurs activités de manière réactive, avec beaucoup de subjectivité. De nos jours, le public s'attend à ce que les organismes d'application de la loi prennent des décisions proactives, objectives et stratégiques en matière d'activités policières et d'application de la loi. Le renseignement stratégique dans le secteur de l'application de la loi est considéré par certains comme un moyen de prendre des décisions plus impartiales et objectives au sujet des stratégies et politiques. Il peut servir à interpréter les informations manquantes et à atténuer les répercussions qui peuvent être associées aux menaces criminelles en constante évolution et aux changements du milieu (61).
Les auteurs signalent que les chercheurs et les professionnels s'entendent maintenant sur les capacités du COT : ces groupes ont leur propre structure en réseau; ils agissent rapidement afin d'exploiter les occasions d'agir et de prévenir les risques et ils tendent à brouiller les limites entre les activités licites et illicites afin d'optimiser les avoirs.
Le COT a l'avantage d'avoir accès au renseignement de source ouverte sur les tactiques et activités des corps policiers. Ils peuvent acheter et utiliser les dernières technologies plus rapidement que les organismes d'application de la loi, sans compter qu'en raison de leur souplesse, ils peuvent modifier sur-le-champ leurs opérations et activités en fonction des occasions d'agir et des risques.
Pour mieux évaluer le COT et la réaction des organismes d'application de la loi à celui-ci, on propose, dans l'étude, que les corps policiers ont trois rôles importants à jouer : 1) produire des évaluations de la menace; 2) agir comme service de police mondial; 3) accroître la capacité de services de police partout dans le monde (72). Les auteurs signalent que lorsque les corps policiers préparent des analyses quantitatives des menaces liées au COT dans les limites des rôles décrits, le renseignement recueilli est trop vague pour bien éclairer la prise de décisions stratégiques.
Selon les auteurs, deux raisons expliquent le manque de précision des évaluations actuelles de la menace liée au COT. D'abord, les organismes d'application de la loi concentrent surtout leurs efforts sur les crimes et les informations signalées, au lieu d'accorder une attention à ce que l'on ne sait pas (72). En second lieu, la politisation du COT en tant que menaces pour la sécurité nationale par les gouvernements occidentaux a mené à l'établissement de nombreux groupes de travail et accords structurels, lesquels viennent compliquer la structure des interventions d'application de la loi (72).
Si certains affirment que le renseignement n'est pas utile à l'élaboration des stratégies en matière de services de police, d'autres avancent qu'un modèle à volets multiples axés sur un problème est plus pertinent et efficace. Les approches à volets multiples sont avantageuses si elles s'appuient sur du renseignement stratégique qui permet de prédire les faits en général plutôt que de manière précise. L'étude des comportements et des contextes liés au COT permet d'en arriver à une compréhension éclairée, qui peut servir à élaborer des stratégies proactives pour prévenir et atténuer le COT. Les interventions intégrées et l'échange de renseignements peuvent également être utiles.
Selon les auteurs, lorsque vient le moment de mettre au point des solutions proactives pour limiter les occasions d'agir du COT, les obstacles liés au renseignement stratégique sont les suivants : 1) produire des évaluations qui traduisent bien les risques et les occasions d'agir du point de vue du COT; 2) découvrir les facteurs qui peuvent perturber ou prévenir les occasions d'agir du COT (73). Si ces obstacles sont éliminés, le renseignement stratégique peut réduire la période qui s'écoule entre la prise de décisions sur la stratégie ou la mesure à adopter et la mise en place d'une opération permettant de perturber le COT.
Toujours selon les auteurs, les services de police axés sur le renseignement (SPAR) ne réussissent pas à long terme à combattre le COT parce qu'ils sont souvent dirigés contre les récidivistes et les groupes, et les occasions d'agir sont ainsi dispersées, ce qui permet aux pratiques criminelles de prendre racine (73). Normalement, dans le contexte des SPAR, l'approche adoptée est axée sur une analyse d'un criminel en particulier, et met de côté la stratégie proactive qui tient compte du milieu où se déroule le conflit entre les acteurs non étatiques et les forces de l'ordre. Les auteurs soutiennent que les SPAR actuels ne portent pas suffisamment attention aux secteurs où les occasions stratégiques d'agir sont plus susceptibles de se concrétiser.
Les études montrent que les SPAR pourraient être plus stratégiques, en misant sur la détection des occasions d'agir et les points faibles du COT au lieu de cibler des groupes précis. Certains prétendent que la collecte de renseignement stratégique en matière d'application de la loi ne devrait pas s'en tenir aux données policières pour évaluer ce que l'on ne sait toujours pas au sujet des menaces liées au COT. Les auteurs affirment que pour combattre de manière créative et audacieuse le COT, les organismes d'application de la loi doivent se concentrer sur les marchés au lieu des groupes, faire appel à un plus grand nombre de sources de données et resserrer les partenariats avec leurs homologues ainsi que la collaboration avec des intervenants d'autres milieux (73).
Coyne, John William et Bell, Peter. « The role of strategic intelligence in anticipating transnational crime: A Literary review », International Journal of Law, Crime and Justice, vol. 39, 2011, p. 60-78.
Évaluer les marchés de la drogue à l'aide des eaux usées
Il existe une méthode pour évaluer la consommation de méthamphétamine, de MDMA (ecstasy) et de cocaïne par l'analyse des eaux usées, laquelle méthode peut également servir à évaluer la valeur en argent du marché de ces drogues illicites.
En Europe, en Amérique du Nord et en Australie, on s'est servi des analyses des eaux usées pour évaluer la taille des marchés de cocaïne, de méthamphétamine et de MDMA. Plus précisément, on analyse la composition chimique des eaux usées et on fait des calculs fondés sur la façon dont l'organisme métabolise les drogues illicites ainsi que sur les habitudes de consommation des utilisateurs de drogues. La méthode peut servir à évaluer le volume de drogues illicites consommées par les résidants d'une région municipale, ainsi que la valeur de ces drogues. Ces informations peuvent servir à détecter des tendances en matière de consommation de drogues ainsi qu'à évaluer le rendement des mesures de répression ou d'atténuation des méfaits liés aux drogues illicites.
Les méthodes de recherche employées pour évaluer la taille du marché des drogues illicites reposent habituellement sur une combinaison d'enquêtes nationales fondées sur les déclarations des répondants et portant notamment sur la consommation de drogues, les données sur les arrestations et saisies liées à la drogue, les données des hôpitaux; des entrevues avec les consommateurs de drogues et des spécialistes des domaines de la santé et de l'application de la loi; et, en Australie, sur les résultats des analyses d'urine périodiques auxquelles doivent se soumettre les personnes arrêtées pour des infractions liées à la drogue ainsi que les réponses aux questions posées à ces personnes. Or, les données déclarées par les répondants mènent à une sous-estimation du taux réel de consommation de drogues. En effet, les données sur les arrestations et les saisies et les résultats des analyses d'urine excluent généralement les personnes riches ou celles dont le seul crime est de consommer des drogues. De même, les données sur les saisies sont problématiques, puisque les saisies dépendent des ressources que les forces de l'ordre consacrent à l'application des lois sur les drogues.
Les auteurs signalent qu'aucune des méthodes traditionnelles ne permet d'évaluer de manière fiable la consommation de drogues parmi une population donnée. L'analyse des eaux usées propose une approche très différente, qui permet une évaluation objective de cette consommation pour une communauté en particulier. Les auteurs montrent qu'il est possible, en appliquant un procédé pour séparer les agents chimiques que l'on trouve dans les eaux usées d'une municipalité, de calculer à rebours la quantité de drogues consommées par la population desservie par le réseau d'évacuation des eaux usées.
La municipalité visée par l'étude comptait environ 150 000 habitants et était située dans le Queensland, en Australie. Des échantillons d'eaux usées ont été recueillis en novembre 2009, puis de nouveau en novembre 2010. Les analyses en laboratoire visaient à découvrir des traces chimiques des drogues illicites ainsi que les déchets chimiques produits par le corps par suite de la consommation de ces drogues (on parle dans ce cas de métabolites).
Trois types de drogues étaient visés par l'étude : la méthamphétamine, le MDMA (ecstasy) et la cocaïne. D'autres drogues, comme le cannabis ou 'héroïne, ont été omises de l'analyse pour différentes raisons : leur signature chimique est trop difficile à détecter; le corps humain entrepose et libère les agents chimiques qui y sont associés différemment; ou encore la signature chimique peut facilement être confondue avec celles de médicaments sur ordonnance.
Après avoir mesuré la quantité d'agents chimiques et de métabolites liés aux drogues se trouvant dans les eaux usées urbaines, les auteurs se sont servis de renseignements concernant le débit des eaux usées et la taille de la population pour en arriver à une estimation de la consommation de drogues dans la municipalité. En divisant la quantité détectée de drogues illicites par la dose usuelle pour chaque type de drogues, les auteurs ont évalué le taux de consommation de drogues par 1 000 habitants.
Les résultats révèlent une baisse marquée du taux de consommation de cocaïne entre 2009 et 2010, la consommation moyenne passant de 221 mg à 52 mg par 1 000 habitants. Par contre, le taux de consommation de méthamphétamine a augmenté de 158 mg à 228 mg par 1 000 habitants durant la même période. Enfin, le taux de consommation de MDMA (ecstasy) est demeuré relativement stable d'une année à l'autre (de 131 mg à 139 mg par 1 000 habitants).
Par ailleurs, les auteurs ont constaté, pour les trois drogues, que la quantité de drogues consommées augmentait la fin de semaine, pour atteindre son point le plus élevé les dimanches, et diminuait vers le milieu de la semaine. Puisque les échantillons d'eaux usées étaient recueillis à six heures le matin, le taux élevé obtenu le dimanche traduisait probablement le résultat d'une consommation plus élevée le samedi. Le cycle de consommation était le même pour 2009 et 2010.
Plus important encore, les auteurs ont évalué le montant dépensé chaque jour en drogues dans la municipalité visée en multipliant le nombre de ventes au détail annuelles totalisant environ 13 millions de dollars australiens dans le cas de la cocaïne, 19 millions pour la méthamphétamine et 1,5 million de dollars pour le MDMA.
La réduction du taux de consommation de cocaïne et l'augmentation subséquente du taux de consommation de méthamphétamine entre 2009 et 2010 indiquent peut-être qu'une drogue a été remplacée par l'autre, ou encore que l'approvisionnement en cocaïne a été perturbé dans la municipalité en question.
Les résultats de cette étude ont une incidence importante sur les politiques, les opérations et la recherche. Les auteurs ont montré qu'il était possible, en surveillant les eaux usées, d'évaluer le taux de pénétration de drogues illicites dans certaines municipalités, l'offre et la demande de certaines drogues illicites, ainsi que la valeur monétaire du marché des drogues dans une collectivité. Ces informations ont des répercussions importantes sur les mesures d'application de la loi et de répression des drogues. Les services de police ont ainsi des données indiquant les fluctuations du marché des drogues qu'ils peuvent combiner aux renseignements afin de mieux définir leurs stratégies et objectifs de répression des drogues et d'application de la loi, ainsi que de montrer dans quelle mesure leurs efforts contribuent à réduire la consommation de drogues ou illustrer la part du marché que représentent les saisies.
Prichard,Jeremy, Foon, Yin Lai, Kirkbride, Paul, Bruno, Raimondo, Ort, Christoph, Carter, Steve, Hall, Wayne, Gartner, Coral, Thai Phoong K., et Jochen F. Mueller. « Measuring drug use patterns in Queensland through wastewater analysis », Trends & Issues in Crime and Justice (Australian Institute of Criminology), 2012, p. 442.
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