La récidive sexuelle : d'une simplicité trompeuse
Andrew J. R. Harris et R. Karl Hanson
Sécurité publique et Protection civile Canada
Table des matières
Résumé
Dans l'étude dont il est question ici, nous examinons la récidive sexuelle — définie comme une accusation ou une condamnation pour une nouvelle infraction sexuelle - à l'aide des données de dix études de suivi sur des délinquants sexuels adultes de sexe masculin (échantillon combiné de 4 724 sujets). Les résultats indiquent que la plupart des délinquants sexuels ne commettent pas de nouvelle infraction sexuelle, que ceux qui en sont à leur première infraction sexuelle sont beaucoup moins susceptibles de commettre une nouvelle infraction sexuelle que ceux qui avaient déjà été condamnés pour une infraction sexuelle, et que les délinquants de plus de 50 ans sont moins susceptibles de récidiver que les délinquants moins âgés. En outre, nous avons constaté qu'à mesure que s'allonge la période que les délinquants passent dans la collectivité sans commettre d'infraction, le taux de récidive sexuelle décroît. Les données montrent que les taux de récidive sont différents pour les violeurs, les auteurs d'inceste, les agresseurs d'enfants qui s'en prennent à des filles et les agresseurs d'enfants qui s'en prennent à des garçons. Ces résultats viennent contredire certaines convictions solidement ancrées à propos de la récidive sexuelle et seront utiles pour l'élaboration des politiques visant à gérer le risque que présentent les délinquants condamnés pour une infraction sexuelle.
Introduction
À peu près tout le monde voudrait savoir quelle proportion des délinquants sexuels commettent une nouvelle infraction sexuelle. Les membres du gouvernement, les médias et les parents inquiets présument souvent que le risque de récidive des délinquants sexuels est extrêmement élevé, et ils posent habituellement aux personnes qui travaillent auprès de ces délinquants des questions comme « Tous les délinquants sexuels récidivent, n'est-ce pas? » ou « Est-ce qu'ils ne vont pas récidiver si vous les libérez? ». Pour répondre à ce genre de question, mieux vaut se fier aux résultats de la recherche; toutefois, avant tout, il importe de bien définir la question qui est posée.
Une question d'une simplicité trompeuse
La question fondamentale à propos de la récidive sexuelle est habituellement exprimée à peu près de la façon suivante : « Quelle proportion de délinquants sexuels commettent une nouvelle infraction sexuelle après leur mise en liberté? » Il n'est pas aussi facile que l'on pourrait croire de répondre à cette question. Premièrement, nous devons définir la notion de « récidive ». Dans certaines études, la récidive est considérée comme toute condamnation pour une nouvelle infraction sexuelle (Hanson, Scott et Steffy, 1995). Dans d'autres, on appelle récidivistes tous les délinquants qui ont été accusés d'une nouvelle infraction sexuelle, qu'ils aient été condamnés ou non (Song et Lieb, 1995). En ajoutant les accusations aux condamnations, on devrait évidemment obtenir un taux de récidive plus élevé (Prentky, Lee, Knight et Cerce, 1997). D'autres études enfin utilisent une définition large de la récidive sexuelle, qui comprend les signalements non officiels qui sont faits aux organismes de protection de l'enfance, les signalements faits par le délinquant lui-même, les manquements aux conditions de la liberté sous condition, et le simple fait d'être interrogé par la police (Marshall et Barbaree, 1988). Toutes autres choses étant égales, l'estimation du taux de récidive devrait augmenter à mesure qu'on élargit la définition; plus la définition est générale, plus le taux de récidive devrait être élevé. Par conséquent, lorsqu'on évalue la récidive, il importe de préciser les critères qui la définissent (p. ex. « quelle proportion des délinquants sexuels sont accusés d'une nouvelle infraction sexuelle ou condamnés pour une nouvelle infraction sexuelle après leur mise en liberté? »).
Deuxièmement, il faut tenir compte de la période de suivi. Lorsque la durée de la période de suivi augmente, le nombre cumulatif de récidivistes ne peut qu'augmenter. Il importe cependant de souligner que l'augmentation du nombre de récidivistes n'équivaut pas à l'augmentation du taux annuel de récidive. La probabilité qu'une personne reproduise un même comportement diminue à mesure que se prolonge la période durant laquelle elle s'est abstenue de ce comportement; cela vaut pour tous les crimes (et presque tous les comportements). Dans les deux années qui suivent la mise en liberté, le taux de récidive est beaucoup plus élevé qu'entre dix et douze ans après la mise en liberté. Par conséquent, lorsqu'on évalue la récidive sexuelle, il faut définir la période de suivi (p. ex. « dans les cinq années qui suivent leur mise en liberté, quelle proportion des délinquants sexuels sont accusés d'une nouvelle infraction sexuelle ou condamnés pour une nouvelle infraction sexuelle? »).
Troisièmement, il faut tenir compte de la diversité des délinquants sexuels. Nous savons que les auteurs d'inceste récidivent en moins grande proportion que les délinquants qui s'en prennent à des victimes en dehors du foyer familial (Hanson et Bussière, 1998). Nous savons aussi que le taux de récidive des agresseurs d'enfants qui ont pour victimes des garçons est plus élevé que celui des agresseurs qui s'en prennent uniquement à des filles (Hanson et Bussière, 1998). Par conséquent, lorsqu'on prend en considération le type de délinquant sexuel, la question qui paraissait simple au début se complique encore davantage (p. ex. « dans les cinq années qui suivent leur mise en liberté, quelle proportion d'agresseurs d'enfants s'en prenant à des garçons sont accusés d'une nouvelle infraction sexuelle ou condamnés pour une nouvelle infraction sexuelle? »).
De nombreuses infractions sexuelles ne sont jamais signalées à la police; c'est la même chose pour toutes les infractions avec violence, sauf le meurtre. La meilleure estimation que nous puissions faire des infractions sexuelles non signalées nous est fournie par les études sur la victimisation. Dans une étude typique, on téléphone à un échantillon aléatoire de personnes et on leur demande si elles ont été victimes d'un crime au cours des douze mois précédents. Une enquête sur la victimisation effectuée récemment a révélé qu'il y a eu environ un demi-million d'agressions sexuelles (499 000) au Canada en 1999 (Besserer et Trainor, 2000). Bien que les signalements à la police de crimes violents et de crimes sexuels aient diminué régulièrement au Canada entre 1993 et 1999, on a constaté des augmentations de 1 % des crimes violents et des crimes sexuels durant les années 2000 et 2001 (Savoie, 2002). Les taux de victimisation sexuelle, selon des enquêtes sur la victimisation, semblent être demeurés pratiquement les mêmes au cours de cette période (Besserer et Trainor, 2000). L'étude de Besserer et Trainor (2000) a montré que c'est dans le cas des infractions sexuelles que le taux de non-signalement est le plus élevé (78 %). Lorsqu'on a demandé aux répondants pourquoi ils n'avaient pas signalé l'incident à la police, 59 % ont répondu que l'incident n'était pas assez important pour qu'ils le signalent. Par conséquent, le lecteur peut se demander en quoi consiste exactement une agression sexuelle.
Dans l'étude de Besserer et Trainor (2000) sur la victimisation, les auteures ont utilisé une définition très large de l'agression sexuelle. Elles ont compté toutes les tentatives d'activité sexuelle forcée, tous les attouchements, agrippements, baisers et caresses non désirés, de même que les menaces d'agression sexuelle (Jennifer Tuffs, communication personnelle, 15 janvier 2003). Il ne fait aucun doute qu'en utilisant cette définition, elles incluaient dans leur étude certains comportements qui ne cadrent pas avec l'image qu'on se fait habituellement d'une infraction sexuelle.
Toutes les avances sexuelles non désirées sont inacceptables; elles peuvent même être criminelles et causer un tort psychologique à la victime. Toutefois, en tant que société, nous devons décider si nous voulons considérer comme un crime sexuel non signalé un attouchement non désiré sur les fesses. Il sera difficile d'en arriver à une définition commune du crime sexuel. En utilisant une définition trop large, on criminalise les gestes de mauvais goût et on exagère le problème des agressions sexuelles. Par ailleurs, en utilisant une définition trop restreinte, on dévalorise les victimes qui, tout en ne montrant aucun signe manifeste de traumatisme, peuvent avoir véritablement souffert aux mains d'un agresseur sexuel. L'examen détaillé de la relation entre les infractions sexuelles déclarées et les infractions non décelées ne fait pas partie de la présente étude. Le lecteur doit cependant se rappeler que lorsqu'on pose la question qui concerne la récidive sexuelle, il faut préciser la nature de l'infraction considérée. Dans les analyses qui suivent, la récidive désigne la perpétration de toute nouvelle infraction sexuelle signalée à la police, qui est plausible et suffisamment grave pour justifier une accusation ou une condamnation.
Comme nous venons de le voir, la question qui paraissait simple au début n'est pas si simple. Plutôt que de demander « quelle proportion des délinquants sexuels commettent une nouvelle infraction sexuelle? », une personne avertie s'informera du taux de récidive d'un type particulier de délinquants sexuels (p. ex. les auteurs d'inceste, par rapport aux violeurs), sur une période de temps déterminée (p. ex. 10 ans), en précisant la définition de la récidive (p. ex. les condamnations pour une nouvelle infraction sexuelle). À défaut de fournir toutes ces précisions, elle obtiendra comme réponse des estimations extrêmement différentes du taux de récidive sexuelle.
Dans la présente étude, nous avons examiné la question de la récidive sexuelle en ayant recours à un grand échantillon diversifié de délinquants provenant de divers endroits. L'échantillon global est suffisamment grand (4 724) pour qu'on puisse calculer les taux de récidive observés après des périodes de suivi de cinq, dix et quinze ans chez des sous-groupes importants de délinquants sexuels : violeurs, agresseurs d'enfants s'en prenant à des filles, agresseurs d'enfants s'en prenant à des garçons, auteurs d'inceste, délinquants ayant déjà commis ou non une autre infraction sexuelle, délinquants âgés (plus de 50 ans au moment de la mise en liberté) et délinquants plus jeunes. Nous évaluerons aussi le taux de récidive sexuelle des délinquants sexuels qui n'ont pas commis d'infraction dans la collectivité pendant cinq, dix et quinze ans.
Méthode
Les échantillons
Notre échantillon (N = 4 724) est constitué de dix sous-échantillons. Ceux-ci sont composés de 191 à 1 138 délinquants qui proviennent du Québec, de l'Ontario, du Manitoba, de l'Alberta, de la Californie, de l'État de Washington, de l'Angleterre et du pays de Galles (Her Majesty's Prison Service) et du Service correctionnel du Canada (SCC, trois ensembles de données). Dans cinq échantillons, le critère qui définissait la récidive était les « condamnations pour une infraction sexuelle »; dans quatre échantillons, c'était « les accusations et les condamnations ». Dans le dernier échantillon (Manitoba), les critères étaient les accusations, les condamnations et d'autres renseignements détenus par la police. Le tableau 1 présente un aperçu des sous-échantillons.
Tous les délinquants de l'échantillon global ont été libérés d'un établissement correctionnel, sauf ceux de l'échantillon des Services de probation du Manitoba et environ la moitié des délinquants de l'échantillon de l'État de Washington, à qui l'on a imposé des peines communautaires. Pour la plupart des échantillons, l'origine raciale ou ethnique n'était pas indiquée, mais si l'on se base sur les données démographiques des provinces, des États et des pays d'origine, on peut supposer que la majorité des délinquants étaient de race blanche. Tous les sujets étaient des délinquants adultes de sexe masculin (âgés d'au moins 18 ans au moment de la mise en liberté). Trente-sept pour cent étaient célibataires et 27,9 % avaient déjà été condamnés pour une infraction sexuelle (pour 9,4 %, plus d'une condamnation).
Administration fédérale canadienne - région du Pacifique (CS/RESORS Consulting, 1991; Hanson, Broom et Stephenson, 2004). Les auteurs ont suivi les délinquants sexuels qui ont été mis en liberté en Colombie-Britannique entre 1976 et 1992. L'objectif initial de l'étude était de comparer des délinquants ayant bénéficié de services de counseling obligatoire dans la collectivité (n = 401) et des délinquants libérés au cours des années antérieures et n'ayant pas bénéficié de ce programme postlibératoire (n = 288). Nous avons retiré de l'échantillon les délinquants libérés au cours de l'exercice 1983-1984 (n = 38) pour éviter un chevauchement avec l'autre cohorte du SCC décrite ci-dessous. Les données sur la récidive ont été codées en 2000 à partir des dossiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Les accusations et les condamnations relatives aux nouvelles infractions sexuelles ont servi de critères de la récidive dans cet échantillon.
Étude sur la récidive chez les délinquants sous responsabilité fédérale au Canada - mises en liberté en 1983-1984 (Bonta et Hanson, 1995a; voir aussi Bonta et Hanson, 1995b). Cette étude portait sur les 316 délinquants sexuels inclus dans l'échantillon total de 3 180 délinquants sous responsabilité fédérale mis en liberté par le SCC au cours de l'exercice 1983-1984. Les délinquants sexuels étaient définis comme les délinquants qui avaient été condamnés pour une infraction sexuelle. Les données sur la récidive ont été recueillies en 1994 à partir des dossiers nationaux d'antécédents criminels tenus par la GRC. Les condamnations pour toute nouvelle infraction sexuelle ont servi de critère de la récidive dans cet échantillon.
Délinquants sous responsabilité fédérale au Canada mis en liberté entre 1991 et 1994 Brown, 1993; Motiuk et Brown, 1996). Les auteurs ont suivi un groupe de délinquants sexuels qui avaient été mis en liberté par le SCC entre 1991 et 1994. On avait examiné les dossiers de ces délinquants en 1991 (Motiuk et Porporino, 1993) durant leur incarcération. Les données de suivi ont été codées en 1994 à partir des dossiers de la GRC. Les accusations et les condamnations relatives aux nouvelles infractions sexuelles ont servi de critères de la récidive dans cet échantillon.
Échantillon |
Taille de l'échan- tillon |
Âge (ET) |
Type de délinquant viol/EX/IN (%) |
Taille de l'échan-tillon pour le type |
Nombre moyen d'années de suivi |
Taux de récidive sexuelle |
Critères de la récidive |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Dél. sous resp. fédérale - Pacifique |
689 |
38 (11) |
36 / 30 / 33 |
362 |
11 |
24,7 |
Accusations et condamnations |
Dél. sous resp. fédérale au Canada - mises en liberté en 1983-1984 |
316 |
31 (8,7) |
-- / -- / -- |
0 |
10 |
19.7 |
Condamnations |
Dél. sous resp. fédérale au Canada - mises en liberté entre 1991 et 1994 |
241 |
37 (11) |
53 / 19 / 28 |
208 |
2 |
7,1 |
Accusations et condamnations |
Millbrook (Ontario) |
186 |
33 (10) |
00 / 82 / 18 |
186 |
23 |
35,5 |
Condamnations |
Institut Philippe Pinel |
363 |
36 (11) |
30 / 43 / 27 |
349 |
4 |
16,3 |
Condamnations |
Alberta Hospital Edmonton |
363 |
36 (10) |
27 / 27 / 46 |
363 |
5 |
5,5 |
Condamnations |
SOTEP (Californie) |
1137 |
38 (8,9) |
29 / 40 / 31 |
1130 |
5 |
13,3 |
Accusations et condamnations |
HM Prison Service (UK) |
529 |
36 (12) |
53 / 32 / 15 |
325 |
16 |
25,7 |
Condamnations |
Washington State SSOSA |
587 |
36 (13) |
10 / 41 / 49 |
582 |
5 |
7,5 |
Accusations et condamnations |
Manitoba Probation |
202 |
35 (12) |
26 / 42 / 32 |
128 |
2 |
10,2 |
Accusations, condamnations et autres renseignements |
Nota : EX = agresseurs d'enfants extra-familiaux; IN = agresseurs d'enfants intra-familiaux |
Étude sur la récidive de Millbrook (Hanson, Scott et Steffy, 1995; Hanson, Steffy et Gauthier, 1992; Hanson, Steffy et Gauthier, 1993). Pour cette étude, on a recueilli des données sur la récidive à long terme (de 15 à 30 ans) d'agresseurs d'enfants mis en liberté entre 1958 et 1974 par le centre correctionnel de Millbrook, un établissement provincial à sécurité maximale situé en Ontario, au Canada. Environ la moitié des sujets de l'échantillon ont participé à un bref programme de traitement. Les données sur la récidive ont été codées à partir des dossiers de la GRC en 1989 et en 1991. Les condamnations pour toute nouvelle infraction sexuelle ont servi de critère de la récidive dans cet échantillon.
Institut Philippe Pinel (Montréal) (Proulx, Pellerin, McKibben, Aubut et Ouimet, 1997; Pellerin et coll., 1996). Cette étude portait sur des délinquants sexuels traités dans un établissement psychiatrique à sécurité maximale entre 1978 et 1993. L'Institut Philippe Pinel de Montréal offre un traitement de longue durée (1 à 3 ans) aux délinquants sexuels qui y sont dirigés par le système correctionnel et le système de santé mentale. Les données sur la récidive ont été recueillies en 1994 à partir des dossiers de la GRC. Les condamnations pour toute nouvelle infraction sexuelle ont servi de critère de la récidive dans cet échantillon.
Alberta Hospital Edmonton - Programme Phoenix (Reddon, 1996; voir aussi Studer, Reddon, Roper et Estrada, 1996). Les délinquants sexuels examinés dans cette étude comptaient parmi les délinquants ayant participé au programme de traitement Phoenix (Alberta Hospital Edmonton) entre 1987 et 1994. Le programme Phoenix est un programme de traitement éclectique offert aux patients hospitalisés; un grand nombre de participants sont des délinquants qui y sont dirigés par les responsables des établissements correctionnels fédéraux. Les données sur la récidive ont été recueillies en 1995 à partir des dossiers de la GRC. Les condamnations pour toute nouvelle infraction sexuelle ont servi de critère de la récidive dans cet échantillon.
Sex Offender Treatment and Evaluation Project (SOTEP) de la Californie (Marques et Day, 1996; voir aussi Marques, Day, Nelson et West, 1993; Marques, Nelson, West et Day, 1994). L'objectif premier de cette étude était d'examiner l'efficacité du traitement. L'échantillon utilisé pour l'étude comprenait des délinquants sexuels affectés au hasard au traitement (n = 172), un groupe témoin de bénévoles appariés, des délinquants qui ont refusé le traitement et un échantillon général de délinquants sexuels du système correctionnel de la Californie (échantillon total de 1 137). Les hommes ayant commis des agressions uniquement contre leurs enfants biologiques ont été exclus. Les sujets ont été admis à cette étude entre 1985 et 1995; les données de suivi ont été recueillies en 1995 à partir des casiers judiciaires locaux et nationaux ainsi que des rapports des services de probation et des services de police locaux. Les accusations et les condamnations relatives aux nouvelles infractions sexuelles ont servi de critères de la récidive dans cet échantillon.
Her Majesty's Prison Service (Royaume-Uni) (Thornton, 1997). Pour cette étude, on a suivi pendant 16 ans tous les délinquants sexuels qui ont été mis en liberté du Her Majesty's Prison Service (Angleterre et pays de Galles) en 1979 (n = 573). Les données sur la récidive ont été tirées des dossiers du Home Office en 1995. Très peu de délinquants de cet échantillon auraient bénéficié d'un traitement spécialisé pour délinquants sexuels. Les condamnations pour toute nouvelle infraction sexuelle ont servi de critère de la récidive dans cet échantillon.
SSOSA de l'État de Washington (Berliner, Schram, Miller et Milloy, 1995; Song et Lieb, 1995). On a créé cet ensemble de données pour évaluer le programme de solution de rechange à l'incarcération pour les délinquants sexuels (Special Sex Offender Sentencing Alternative [SSOSA]), qui permet aux juges de condamner les délinquants sexuels à un traitement dans la collectivité. Pour être admissibles au programme SSOSA, les délinquants doivent en être à leur première condamnation pour une infraction sexuelle autre que le viol au premier ou au deuxième degré. L'échantillon était constitué de 287 délinquants ayant participé au programme SSOSA et de 300 délinquants qui étaient admissibles au programme, mais n'y avaient pas participé. La plupart des sujets étaient de race blanche (85 %). Les délinquants ont été condamnés entre janvier 1985 et juin 1986, et les données de suivi ont été recueillies en décembre 1990. Les accusations et les condamnations relatives aux nouvelles infractions sexuelles ont servi de critères de la récidive dans cet échantillon.
Services de probation du Manitoba (Hanson, 2002). On a réalisé cette étude de suivi pour évaluer une échelle d'évaluation du risque utilisée par les agents de probation du Manitoba, au Canada. Les 202 délinquants de l'échantillon avaient été intégrés à la charge de travail des agents de probation de façon consécutive entre mai 1997 et février 1999. Les données sur la récidive ont été recueillies en novembre 2000 à partir des dossiers de la GRC. À la différence des dossiers utilisés dans les autres études (qui ne contenaient que les accusations ayant abouti devant les tribunaux et les condamnations), les dossiers de la GRC pour l'échantillon du Manitoba contenaient aussi les accusations pendantes et les cas faisant l'objet d'une enquête de la police.
Analyse
Pour l'analyse, nous avons regroupé les renseignements propres aux cas (sans identificateurs individuels) des dix ensembles de données originaux. Nous avons calculé les taux de récidive à l'aide de l'analyse de survie (Allison, 1984). Cette analyse permet d'obtenir la proportion cumulative de sujets n'ayant pas récidivé à la fin d'une période déterminée. Nous avons ensuite soustrait ces pourcentages de 100 afin de produire des estimations de la récidive après cinq, dix et quinze années. De plus, nous avons calculé l'erreur type de mesure pour ces estimations, ce qui a permis de calculer des intervalles de confiance de 95 %. L'intervalle de confiance de 95 % indique la fourchette de valeurs à l'intérieur de laquelle devrait se situer « 19 fois sur 20 », ou 95 % du temps, le pourcentage de récidive observé.
Résultats
La récidive sexuelle a été mesurée en fonction des critères employés dans les rapports de recherche originaux : condamnations (5 échantillons); nouvelles accusations; ou nouvelles condamnations (4 échantillons); condamnations, accusations et autres renseignements détenus par la police (échantillon du Manitoba). Les taux de récidive après cinq et dix ans étaient de 17 % et 21 % dans les études dans lesquelles on se servait uniquement des condamnations comme mesure de la récidive, et de 12 % et 19 % dans les études dans lesquelles on utilisait les accusations et les condamnations. Compte tenu de la similitude entre les taux de récidive en dépit de la mesure utilisée, nous avons combiné les données pour obtenir une estimation globale des taux de récidive sexuelle. Les taux estimés à l'aide de l'échantillon combiné seraient plus près du taux de nouvelles condamnations que du taux de nouvelles accusations parce que les sources utilisées pour les données sur la récidive contenaient relativement peu d'accusations n'ayant pas donné lieu à des condamnations.
Taux de récidive sexuelle
Le tableau 2 résume les taux de récidive pour trois périodes (cinq ans, dix ans, quinze ans) pour chacun des sous-groupes examinés. Les taux globaux de récidive (14 % après 5 ans, 20 % après 10 ans, et 24 % après 15 ans) étaient semblables pour les violeurs (14 %, 21 % et 24 %) et le groupe combiné des agresseurs d'enfants (13 %, 18 % et 23 %). Il y avait cependant des différences significatives entre les agresseurs d'enfants, le taux le plus élevé ayant été observé chez les agresseurs s'en prenant à des garçons de l'extérieur de la famille (35 % après 15 ans) et le taux le plus faible chez les auteurs d'inceste (13 % après 15 ans).
Les délinquants ayant déjà été condamnés pour une infraction sexuelle avaient un taux de récidive environ deux fois plus élevé que les délinquants qui en étaient à leur première condamnation pour une infraction sexuelle (37 % par rapport à 19 % après 15 ans). L'âge était aussi associé à la récidive, les délinquants de plus de 50 ans au moment de la mise en liberté ayant récidivé deux fois moins que les délinquants plus jeunes (50 ans et moins) (12 % par rapport à 26 % après 15 ans). Comme on pouvait s'y attendre, les délinquants n'ayant pas commis d'infraction dans la collectivité présentaient un risque moins élevé de récidive sexuelle. Alors que le taux de récidive moyen des délinquants dix ans après la mise en liberté était de 20 %, ce taux était de 12 % pour les délinquants n'ayant pas commis d'infraction pendant cinq ans, et de 9 % pour ceux n'ayant pas commis d'infraction pendant 10 ans. Le taux de récidive cinq ans après la mise en liberté était de 4 % pour les délinquants qui n'avaient pas commis d'infraction pendant 15 ans. Pour les fins de l'étude, les délinquants n'ayant pas commis d'infraction sont ceux qui n'avaient pas commis de nouvelle infraction sexuelle ou de nouvelle infraction non sexuelle avec violence ou encore de nouvelle infraction non violente suffisamment grave pour qu'ils soient incarcérés durant la fin de période de suivi.
Courbes de survie
Les chiffres du tableau 2 découlent des analyses de survie présentées aux figures 1 à 6 (annexe I). Le lecteur désirant obtenir des détails sur les taux de récidive peut se servir de ces figures pour estimer les taux de récidive pour différentes périodes (p. ex. trois ans). Dans les graphiques de ces figures, chaque délinquant est représenté au coin supérieur gauche au moment de sa mise en liberté (au moment de la détermination de la peine quand il s'agit de délinquants condamnés à une peine communautaire). Au moment de la mise en liberté, aucun délinquant n'a encore récidivé dans la collectivité — ainsi, 100 % des délinquants n'ont pas récidivé au point « 0 ». Au fil des années (axe horizontal du graphique), certains
Sous-groupe |
5 ans |
10 ans |
15 ans |
Illustré à la figure n° |
|
---|---|---|---|---|---|
Tous les délinquants sexuels |
14 |
20 |
24 |
1 |
|
Violeurs |
14 |
21 |
24 |
2 |
|
Auteurs d'inceste |
6 |
9 |
13 |
3 |
|
Agresseurs d'enfants s'en prenant à des filles |
9 |
13 |
16 |
3 |
|
Agresseurs d'enfants s'en prenant à des garçons |
23 |
28 |
35 |
3 |
|
Délinquants jamais condamnés pour infraction sexuelle et délinquants déjà condamnés pour infraction sexuelle |
Jamais condamnés Déjà condamnés |
10 |
15 |
19 |
4 |
Délinquants de plus de 50 ans à la mise en liberté et délinquants de 50 ans et moins à la mise en liberté |
Plus de 50 ans |
7 |
11 |
12 |
5 |
Délinquants sexuels sans infraction dans la collectivité pendant cinq, dix et quinze ans |
5 ans |
7 |
12 |
15 |
6 |
* = Données insuffisantes pour calculer des estimations fiables |
délinquants récidivent et la courbe de survie se met à descendre. Pour connaître la proportion de délinquants qui n'ont pas commis d'infraction dans la collectivité pendant 10 ans, il s'agit de tirer une ligne verticale à partir de la marque de 10 ans (située sur l'axe appelé « Durée en années ») jusqu'à la courbe de survie. Puis, il faut tirer à partir de ce point de la courbe de survie une ligne perpendiculaire jusqu'à l'axe vertical (appelé « Proportion de délinquants n'ayant pas commis de nouvelle infraction sexuelle »). Pour déterminer la proportion des délinquants qui ont récidivé, il suffit de soustraire de 100 la proportion des délinquants qui sont encore dans la collectivité.
Il convient de souligner un facteur que l'on peut observer dans les graphiques; dans tous les cas, sans exception, plus les délinquants restent longtemps dans la collectivité sans commettre d'infraction, moins ils sont susceptibles de commettre une nouvelle infraction sexuelle, comme le montre l'aplanissement des courbes au fil des années. La partie la plus raide de la courbe (la période à risque élevé) se situe dans les premières années suivant la mise en liberté.
Erreur d'estimation
Les données présentées dans tous les graphiques et au tableau 2 sont des estimations, et certaines erreurs sont inhérentes au processus d'estimation. Si l'étude était répétée avec des échantillons différents, les chiffres ne seraient pas exactement les mêmes. Une façon d'évaluer la stabilité des estimations est de calculer des intervalles de confiance de 95 % en se fondant sur l'erreur type d'estimation de l'analyse de survie (annexe II). L'analyse de survie calcule l'erreur type d'estimation à partir du nombre de récidivistes et de non-récidivistes à chaque intervalle de temps précédent. L'intervalle de confiance de 95 % indique la fourchette de valeurs à l'intérieur de laquelle les résultats sont susceptibles de se situer, 19 fois sur 20, si l'étude est répétée 20 fois.
Par exemple, si l'on regarde l'annexe II, l'estimation de la récidive après 5 ans pour l'ensemble de l'échantillon (14,0 %) est fondé sur un échantillon initial de 4 724 délinquants, dont 2 492 ont été suivis pendant au moins 5 ans. L'intervalle de confiance de 95 % s'étend de 12,88 % à 15,12 % (écart de 1,12 % par rapport à l'estimation de 14,0 %). Avec les échantillons de grande taille, les intervalles de confiance sont peu étendus, ce qui indique que les études subséquentes donneront probablement des résultats très semblables. Le lecteur notera cependant que les intervalles de confiance augmentent avec la période de suivi et lorsqu'on examine des sous-groupes de délinquants. Ainsi, l'estimation de la récidive après 15 ans pour les agresseurs d'enfants s'en prenant à des garçons (35,4 %) était fondée sur 95 sujets seulement et avait un intervalle de confiance s'étendant de 29,3 % à 40,7 % (± 5,7 %). La plupart des intervalles de confiance étaient de moins de 5 %.
Interprétation des estimations de la récidive
Les estimations de la récidive peuvent s'appliquer à un ensemble de délinquants ou à des cas individuels. Ainsi, si l'on veut suivre au fil des années un groupe de 100 violeurs nouvellement mis en liberté (tableau 2 : deuxième sous-groupe - « violeurs »), on peut s'attendre à ce que quatorze d'entre eux récidivent dans les cinq premières années. Dans les cinq années suivantes, pour les sixième à dixième années de suivi, on peut s'attendre à ce que sept autres violeurs récidivent, pour un total de 21 délinquants après 10 ans. Dans les cinq années suivantes, pour les dixième à quinzième années de suivi, on s'attendra à ce que trois autres violeurs récidivent, pour un total de 24 sur 100 après quinze ans, soit 24 % de l'échantillon. Il est intéressant de noter que dans chaque tranche successive de 5 ans, le taux de récidive diminue de moitié, passant de 14 % au cours des cinq années suivant la mise en liberté, à 7 % dans la deuxième tranche de 5 années, et à 3 % dans la troisième tranche de 5 années.
On peut aussi appliquer les estimations de la récidive à un cas individuel. Les probabilités de récidive d'un violeur « typique » avant la fin des cinq premières années seraient de 14 %, de 21 % après 10 ans, et de 24 % après 15 ans. Ces probabilités sont les mêmes que pour le groupe auquel le délinquant est le plus associé. Le risque de récidive du délinquant différera du taux de récidive du groupe dans la mesure où le délinquant diffère des membres « typiques » de ce groupe (p. ex. il a commis moins d'infractions ou plus d'infractions que le nombre moyen d'infractions commises par le groupe). Il importe de se rappeler que l'intervalle de confiance pour les estimations de la récidive ne s'applique qu'aux estimations du groupe et non aux estimations individuelles. En statistique, la valeur moyenne pour un individu est la même que la valeur pour le groupe, mais la variance de la moyenne est beaucoup plus grande pour les estimations individuelles que pour les estimations de groupe.
Observations
La plupart des délinquants sexuels ne récidivent pas au fil des années. C'est peut-être la constatation la plus importante de notre étude, puisqu'elle est contraire à des convictions bien ancrées. Après 15 ans, soixante-treize pour cent des délinquants sexuels n'avaient pas été accusés d'une nouvelle infraction sexuelle ou condamnés pour une nouvelle infraction sexuelle. L'échantillon était suffisamment grand pour qu'il faille des preuves contradictoires très solides pour changer considérablement ces estimations de la récidive. D'autres chercheurs ont obtenu des résultats semblables. Dans leur examen quantitatif d'études sur la récidive, Hanson et Bussière (1998) ont constaté un taux de récidive moyen de 13,4 % après une période de suivi de 4 ou 5 ans (n = 23 393). Dans une étude portant sur 9 691 délinquants sexuels effectuée récemment aux États-Unis, le taux de récidive sexuelle était seulement de 5,3 % après trois ans (Langan, Schmitt et Durose, 2003).
Toutefois, les délinquants sexuels ne sont pas tous également susceptibles de récidiver. À l'aide de caractéristiques simples et facilement observables, il a été possible de distinguer les délinquants dont le taux de récidive était de 5 % de ceux dont le taux de récidive était de 25 %. Les facteurs associés à un risque accru étaient les suivants : a) victimes de sexe masculin, b) antécédents d'infraction sexuelle, c) jeune âge.
Bien que le nombre de récidivistes augmente avec la durée de la période de suivi, le taux de récidive diminue avec la période passée dans la collectivité sans commettre d'infraction. Le taux de récidive après cinq ans pour les nouveaux libérés est de 14 %, mais il passe à 4 % chez les individus qui n'ont pas commis d'infraction depuis 15 ans. Les taux observés sont inférieurs aux taux réels parce que les infractions sexuelles ne sont pas toutes signalées; néanmoins, nos conclusions contrastent avec l'idée que tous les délinquants sexuels risquent pendant toute leur vie de récidiver.
Les taux de récidive observés dans la présente étude sont légèrement plus faibles que les taux de récidive sexuelle à vie estimés par Doren (1998) — 52 % pour les agresseurs d'enfants et 39 % pour les violeurs. Les estimations de Doren étaient fondées en grande partie sur un suivi de longue durée d'échantillons choisis (Hanson et coll., 1995; Prentky et coll., 1997); par contraste, la présente étude reposait sur des échantillons plus diversifiés et de plus grande taille, qui comprenaient de nombreux délinquants à faible risque purgeant une peine communautaire. Les estimations de Doren (1998) s'appuyaient aussi sur les accusations, alors que la plupart des données sur la récidive de la présente étude s'appuyaient sur des condamnations.
Une autre différence est que Doren (1998) a essayé de générer des estimations pour le reste de la vie des délinquants, alors que nos estimations s'étendent sur une durée de 15 ans seulement. Nous n'avons trouvé aucune étude qui ait suivi un grand échantillon de délinquants sexuels jusqu'à leur mort. Les études de très longue durée sont difficiles à faire parce qu'il manque des dossiers, en particulier pour les individus qui n'ont pas eu de démêlés récents avec la justice (Hanson et Nicholaichuk, 2000). Néanmoins, la décroissance du taux de récidive avec l'âge donne à penser que les taux observés après 15 à 20 ans sont susceptibles d'être proches des taux que l'on observerait si l'on suivait les délinquants pendant le reste de leur vie.
Lorsque les gens s'informent du taux de récidive des délinquants sexuels, ils supposent souvent que l'on peut leur fournir comme réponse un taux fixe qui ne changera pas. Il est peu probable que cette supposition soit réaliste. Le taux de récidive sexuelle est susceptible de changer au fil du temps en raison de facteurs sociaux et de l'efficacité des stratégies de gestion de cette population. La plupart des délinquants de la présente étude n'ont pas reçu de traitement efficace, alors qu'on donne actuellement un traitement à presque tous les délinquants sexuels à risque élevé au Canada. La recherche a montré que le traitement cognitivo-comportemental contemporain est associé à une réduction des taux de récidive sexuelle, qui passent de 17 % à 10 % après un suivi d'environ 5 ans (Hanson et coll., 2002). En outre, la sensibilisation et l'inquiétude plus grandes de la population devraient diminuer les possibilités que les délinquants sexuels trouvent des victimes éventuelles.
Utilité pour l'élaboration de politiques
Bien qu'aucun résultat ne soit jamais définitif, les conclusions fondamentales de la présente étude sont suffisamment fiables pour être utilisées en vue de l'élaboration de politiques de justice pénale. Étant donné que le niveau de récidive sexuelle est plus faible que ce que l'on croit généralement, il y aurait lieu d'établir une nette distinction entre la grande inquiétude de la population au sujet de ces infractions et la probabilité relativement faible de la récidive sexuelle.
Les variations dans les taux de récidive donnent à penser que l'on ne devrait pas traiter de la même façon tous les délinquants sexuels. Dans les ouvrages sur les services correctionnels, il est bien connu qu'il est plus efficace d'affecter les ressources correctionnelles aux délinquants qui présentent véritablement un risque élevé et de consacrer un niveau plus faible de ressources aux délinquants à faible risque (Andrews et Bonta, 2003). Plus le risque évalué est grand, plus élevé sera le niveau d'intervention et de surveillance; plus le risque évalué est faible, plus faible sera le niveau d'intervention et de surveillance. On a même donné à penser que l'on peut empirer la situation en imposant un niveau de traitement et de surveillance plus élevé que ne le justifie le niveau de risque (Andrews et Bonta, 2003). Par conséquent, les politiques de portée générale qui traitent tous les délinquants sexuels comme des délinquants « à risque élevé » entraînent un gaspillage de ressources en préconisant une surveillance trop étroite pour les délinquants à faible risque et risquent de priver de ressources nécessaires des délinquants présentant véritablement un risque élevé qui pourraient tirer profit d'une surveillance améliorée et de services sociaux accrus.
Bien que les grands marqueurs de risque de la présente étude soient utiles pour estimer le risque de récidive, il est possible d'améliorer l'exactitude prédictive en combinant ces facteurs en une échelle d'évaluation du risque (p. ex. Hanson, 1997). Les preuves qui appuient la validité de ces échelles sont maintenant suffisantes pour que celles-ci soient appliquées systématiquement dans l'évaluation du risque que présentent les délinquants sexuels (Barbaree, Seto, Langton, Peacock, 2001; Sjöstedt et Långström, 2001; examens par Doren, 2002; Hanson, Morton et Harris, 2003).
Plutôt que de considérer que tous les délinquants sexuels constituent une menace continue durant toute leur vie, nous servirons mieux la société lorsque nous adopterons des lois et des politiques qui établiront le seuil coûts-avantages au delà duquel il est préférable de réaffecter les ressources utilisées pour le suivi et la surveillance des délinquants sexuels à faible risque à la gestion des délinquants sexuels à risque élevé, à la prévention du crime et aux services aux victimes.
Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne correspondent pas nécessairement à celles de Sécurité publique et Protection civile Canada. Nous remercions Jean Proulx, Larry Motiuk, Marylee Stephenson, John Reddon, Lea Studer, Janice Marques, Roxanne Lieb et Lin Song de nous avoir donné accès à leurs ensembles de données originaux.
On peut joindre Andrew Harris à la Recherche correctionnelle, Sécurité publique et Protection civile Canada, 340, avenue Laurier Ouest (Ottawa) K1A 0P8. Andrew.Harris@ps-sp.gc.ca
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Annexe I : Figure 1
Description de l'image
La figure 1 est une courbe de survie présentant la proportion d'un échantillon mixte de délinquants sexuels qui n'ont pas récidivé au fil du temps. Le titre de l'axe vertical est « Pourcentage de délinquants qui n'ont pas récidivé au fil des années » et présente des valeurs de zéro (en bas) à 100 (en haut). Le titre de l'axe horizontal est « Durée en années » et présente des valeurs de zéro (à gauche) à 22 (à droite). La courbe de survie descend tranquillement à partir du coin supérieur gauche, franchit 80 % à environ 10 ans et se termine juste au-dessus de 70 % à 21 ans.
Annexe I : Figure 2
Description de l'image
La figure 2 est une courbe de survie présentant la proportion d'un échantillon de violeurs qui n'ont pas récidivé au fil du temps. Le titre de l'axe vertical est « Pourcentage de délinquants qui n'ont pas récidivé au fil des années » et présente des valeurs de zéro (en bas) à 100 (en haut). Le titre de l'axe horizontal est « Durée en années » et présente des valeurs de zéro (à gauche) à 16 (à droite). La courbe de survie descend tranquillement à partir du coin supérieur, franchit 80 % à environ 10 ans et se termine juste au-dessous de 80 % à 16 ans.
Annexe I : Figure 3
Description de l'image
La figure 3 est une courbe de survie présentant les agresseurs d'enfants qui n'ont pas récidivé au fil du temps. Le titre de l'axe vertical est « Pourcentage de délinquants qui n'ont pas récidivé au fil des années » et présente des valeurs de zéro (en bas) à 100 (en haut). Le titre de l'axe horizontal est « Durées en années » et présente des valeurs de zéro (à gauche) à 18 (à droite). Trois courbes de survie sont représentées dans le graphique : « A – taux de récidivisme des auteurs d'inceste » (n = 1,099; suivi sur 17 ans); « B – taux de récidivisme chez les agresseurs d'enfants s'en prenant à des filles » (n = 1,572; suivi sur 17 ans); « C – récidivisme chez les agresseurs d'enfants s'en prenant à des garçons » (n = 706; suivi sur 15 ans). Les trois courbent commencent dans le coin supérieur gauche et descendent tranquillement. Les courbes pour les auteurs d'inceste (courbe A) et les agresseurs d'enfants s'en prenant à des filles (courbe B) sont à peu près parallèles, et on constate que les auteurs d'inceste récidivent moins que les agresseurs d'enfants s'en prenant à des filles. Les courbes A et B restent au-dessus de 80 % à 17 ans. La courbe la plus abrupte est celle des agresseurs d'enfants s'en prenant à des garçons (courbe C), qui franchit 80 % à 4 ans et s'approche de 60 % à 15 ans.
Annexe I : Figure 4
Description de l'image
La figure 4 présente les courbes de survie de délinquants sexuels jamais condamnés pour infraction sexuelle sur une période de suivi de 17 ans. Le titre de l'axe vertical est « Pourcentage de délinquants qui n'ont pas récidivé au fil des années » et présente des valeurs de zéro (en bas) à 100 (en haut). Le titre de l'axe horizontal est « Durées en années » et présente des valeurs de zéro (à gauche) à 18 (à droite). Deux courbes de survie sont représentées dans le graphique : « Délinquants jamais condamnés pour infraction sexuelle (n = 2,973) » et « Délinquants déjà condamnés pour infraction sexuelle (n = 965) ». Les deux courbes commencent dans le coin supérieur gauche et descendent vers la droite, et on constate que la courbe de survie des délinquants déjà condamnés pour infraction sexuelle descend plus rapidement. En ce qui concerne les délinquants jamais condamnés pour infraction sexuelle, la courbe descend à 80 % à 17 ans. En ce qui concerne les délinquants déjà condamnés pour infraction sexuelle, la courbe franchit 80 % juste avant 4 ans et atteint 60 % à 17 ans.
Annexe I : Figure 5
Description de l'image
La figure 5 présente les courbes de survie de délinquants sexuels selon l'âge à la mise en liberté. Le titre de l'axe vertical est « Pourcentage de délinquants qui n'ont pas récidivé au fil des années » et présente des valeurs de zéro (en bas) à 100 (en haut). Le titre de l'axe horizontal est « Durée en années » et présente des valeurs de zéro (à gauche) à 18 (à droite). Deux courbes de survie sont représentées dans le graphique : « Délinquants de plus de 50 ans à la mise en liberté (n = 488; suivi sur 13 ans) » et « Délinquants de 50 ans et moins à la mise en liberté (n = 3,782; suivi sur 19 ans) ». Les deux courbes commencent dans le coin supérieur gauche et descendent vers la droite, et la courbe de survie des délinquants de 50 ans et moins descend plus rapidement. En ce qui concerne les délinquants de 50 ans et moins, la courbe franchit 80 % à 9 ans et s'établit à 70 % à 19 ans. En ce qui concerne les délinquants de plus de 50 ans, la courbe descend très progressivement pour se terminer à environ 90 % au bout de 13 ans.
Annexe I : Figure 6
Description de l'image
La figure 6 présente des courbes de survie pour les délinquants sexuels sans infraction dans la collectivité selon certains nombres d'années. Le titre de l'axe vertical est « Pourcentage de délinquants qui n'ont pas récidivé au fil des années » et présente des valeurs de zéro (en bas) à 100 (en haut). Le titre de l'axe horizontal est « Durées en années » et présente des valeurs de zéro (à gauche) à 20 (à droite). Trois courbes de survie sont représentées dans le graphique : « A – Taux de récidivisme chez les délinquants sexuels sans infraction dans la collectivité pendant au moins 15 ans (n = 610) », « B – Taux de récidivisme chez les délinquants sexuels sans infraction dans la collectivité pendant au moins 10 ans (n = 1,270) » et « C – Taux de récidivisme chez les délinquants sexuels sans infraction dans la collectivité pendant au moins 5 ans (n = 2,110) ». La courbe C commence dans le coin supérieur gauche (coordonnées 100 %:5 ans) et descend graduellement à près de 85 % à 20 ans. La courbe B commence au milieu dans le haut (coordonnées 100 %:10 ans) et descend graduellement près de 90 % à 20 ans. La courbe A commence dans le coin supérieur droit (coordonnées 100 %:15 ans) et descend légèrement à près de 97 % à 20 ans.
Sous-groupe |
5 ans % (I.C.) |
10 ans % (I.C.) |
15 ans % (I.C.) |
|
---|---|---|---|---|
Tous les délinquants sexuels |
14,0 (12,9-15,1) |
19,8 (18,5-21,5) |
24,2 (22,2-25,8) |
|
Violeurs |
14,1 (11,6-16,4) |
20,6 (17,8-24,2) |
24,1 (20,1-27,9) |
|
Auteurs d'inceste |
6,4 (4,1-7,9) |
9,4 (5,6-12,4) |
13,2 (7,7-18,3) |
|
Agresseurs d'enfants s'en prenant |
9,2 (7,3-10,7) |
13,1 (10,4-15,6) |
16,3 (12,7-19,3) |
|
Agresseurs d'enfants s'en prenant |
23,0 (19,4-26,6) |
27,8 (23,8-32,2) |
35,4 (29,3-40,7) |
|
Délinquants n'ayant jamais été condamnés pour une infraction sexuelle et délinquants ayant déjà été condamnés pour une infraction sexuelle |
Jamais Déjà |
9,8 (8,8-11,2) 25,2 (22,0-28,0) |
15,3 (13,4-16,6) 32,4 (28,6-35,4) |
19,4 (16,9-21,1) 37,2 (33,2-40,8) |
Délinquants de plus de 50 ans et délinquants |
Plus de 50 ans Moins de 50 ans |
7,1 (4,4-9,6) 14,9 (13,8-16,2) |
10,7 (7,4-14,6) 21,1 (19,4-22,6) |
12,5 (7,7-16,3) 25,7 (24,0-28,0) |
Délinquants sexuels n'ayant pas commis d'infraction dans la collectivité pendant cinq, dix et quinze ans |
5 ans 10 ans 15 ans |
7,0 (5,8-8,2) 5,4 (3,5-6,5) 3,7 (0,9-7,1) |
12,0 (10,2-13,8) 9,0 (5,8-12,2) * |
15,3 (11,8-18,2) *
|
Nota : intervalle de confiance de 95 % entre parenthèses
* = données insuffisantes pour calculer une estimation fiable
** = échantillon de Pinel non inclus (moins 382 délinquants)
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