Les services correctionnels pour autochtones au Canada
par
Carol LaPrairie, Ph.D.
avec l'aide à la recherche de
Phil Mun
Bruno Steinke
de concert avec
Ed Buller
Sharon McCue
Affaires correctionnelles pour autochtones
Ministère du Solliciteur général
1996
Table des matières
- SOMMARIE
- REMERCIEMENTS
- AVANT-PROPOS
- INTRODUCTION
- PARTIE I. RECOURS À
L'INCARCÉRATION
- Fréquence de l'incarcération
- Profil de l'incarcération au Canada
- Comprendre l'incarcération et les mesures correctionnelles communautaires au Canada
- Incidents d'une province et d'un territoire à l'autre :
- Incidents et taux d'inculpation :
- Taux d'inculpation et incarcération :
- Taux d'incarcération dans les établissements fédéraux, provinciaux et territoriaux :
- Genre d'infractions et incarcération :
- Durée des peines :
- Mesures correctionnelles communautaires :
- Aperçu
- PARTIE II: QUI VA EN PRISON?
- PARTIE III : LES DÉLINQUANTS AUTOCHTONES, LA PERPÉTRATION D'INFRACTIONS ET L'EMPRISONNEMENT
- PARTIE IV: EXPLICATION DE LA SURREPRÉSENTATION DES AUTOCHTONES
- Nouvelles théories
- La colonisation et la création des collectivités autochtones contemporaines
- La reproduction de la structure sociale majoritaire dans les collectivités autochtones
- L'incidence de la dislocation culturelle et de la stratification sociale sur les institutions communautaires
- Formation d'une identité individuelle dans les collectivités contemporaines
- Conclusions
- PARTIE V. PROGRAMMES À L'INTENTION DES DÉTENUS AUTOCHTONES
- PARTIE VI : RÉSULTATS D'ENQUÊTES AUPRÈS DU PERSONNEL CORRECTIONNEL ET DES DÉTENUS
- PARTIE VII: RISQUE, MISE EN LIBERTÉ, RÉCIDIVE ET RÉINSERTION SOCIALE
- PARTIE VIII : À PARTIR DE LÀ, QUELLES SONT LES SOLUTIONS?
- PARTIE IX : CONCLUSIONS
- Causes de la surreprésentation
- Programmes dans les établissements
- L'aspect politique de la justice applicable aux autochtones
- Les services correctionnels dans une société multiraciale
- Observations finales
- Leçons tirées
- Orientations futures des recherches et de l'évaluation relatives aux services correctionnels pour autochtones
- BIBLIOGRAPHIE
- ANNEXE I
- ANNEXE II
- ANNEXE III
- Notes de bas de page
Liste des tableaux des figures
- Tableau I.1 Taux d'infractions au Code criminel, provinces et territoires, 1993 (pour 100000 habitants)
- Tableau I.2 Pourcentage des infractions ayant donné lieu à une inculpation, 1993
- Tableau I.3 Taux d'inculpation des jeunes et nombre quotidien pour 10000 habitants par province et territoire
- Tableau I.4 Admissions de personnes condamnées en détention dans les établissements provinciaux selon les adultes inculpés (pour 10000 habitants) par province ou territoire
- Tableau I.5 Genre d'infraction par région selon les admissions dans les établissements fédéraux
- Tableau I.6 Indiens inscrits vivant dans une réserve ou hors réserve et Métis selon le taux d'activité pour toutes les provinces, recensement de 1991 (15 ans et plus)
- Tableau III.1 Admissions d'autochtones dans les établissements provinciaux et fédéraux et inscriptions de cas de probation par province, de 1989 à 1994 (moyenne)
- Tableau III.2 Situation correctionnelle selon l'appartenance ethnique et le type d'infraction, 1995
- Figure III.1 Pourcentage de délinquants autochtones et non-autochtones parrégion, 1995
- Tableau III.3 Taux d'admission par suite d'une condamnation par 10000 personnes pour les autochtones et les non-autochtones
- Tableau III.4a Ratio des admissions par suite d'une condamnation entre les autochtones et les non-autochtones
- Tableau III.4b Pourcentage des admissions en détention provisoire et par suite d'une condamnation et total de la population autochtone
- Figure III.2 Type général d'infraction pour les délinquants autochtones et non-autochtones, 1995
- Tableau III.5 Type particulier d'infraction pour les délinquants autochtones et non- autochtones, 1995
- Tableau III.6 Type d'infraction par région pour les délinquants autochtones etnon-autochtones,1995
- Tableau III.7 Type particulier d'infraction pour les délinquants autochtones et non-autochtones dans les établissements et sous surveillance dans la collectivité, 1995
- Tableau III.8 Type particulier d'infraction pour les détenues autochtones et non-autochtones sous-responsabilité fédérale, 1995
- TableauIII.9 Durée de la peinepour les délinquants autochtones et non-autochtones, 1995
- Tableau III.10 Durée de la peine en fonction du type d'infraction pour les délinquants autochtones et non-autochtones, 1995
- Tableau III.11 Durée de la peine par région pour les délinquants autochtones et non- autochtones, 1995
- Tableau III.12 Durée moyenne de la peine selon le type d'infraction et total des infractions pour les détenues autochtones et non-autochtones sous responsabilité fédérale
- Figure V.1 Classement des détenus autochtones et non-autochtones sous responsabilité fédérale selon le niveau de sécurité, 1995
- Tableau VII.1 Évaluation du risque pour la société et des besoins des détenus autochtones et non-autochtones ayant bénéficié d'une libération conditionnelle totale, 1995
- Tableau VII.2 Évaluation du risque pour la société et des besoins des détenus autochtones et non-autochtones en liberté d'office, 1995
- Tableau VII.3 Résumé des évaluations combinées du risque pour la société et des besoins des détenus autochtones et non-autochtones, 1995
- Tableau VII.4 Genre d'infraction selon le type de mise en liberté — détenus autochtones, blancs et noirs, 1995
- Tableau VII.5 Groupe ethnique selon le nombre moyen de jours purgés par les détenus après la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale
Les opinions exprimées dans ce rapport ne sont pas nécessairement celles du Ministère du Solliciteur général.
SOMMAIRE
Le présent document présente des renseignements recueillis dans le cadre d'enquêtes, des analyses de données quantitatives ainsi qu'un examen de la littérature et des recherches actuelles sur la situation des services correctionnels pour autochtones. Il vise à informer ceux qui élaborent les programmes et les décideurs, les organismes et les services autochtones, les universitaires et les autres personnes qui s'intéressent à ce domaine. En outre, il a pour objet de servir à l'établissement de plans d'évaluation de recherches et de programmes et d'offrir de nouvelles orientations en matière de services correctionnels pour autochtones, de questions théoriques et de réponses aux délinquants autochtones. Il soulève des questions complexes au sujet de la signification et de l'avenir des services correctionnels pour autochtones.
L'étude compte neuf chapitres ou parties. Il existe une progression naturelle d'une partie à l'autre, mais elles sont indépendantes les unes des autres, car il s'agit de sujets distincts et précis. Des tableaux pertinents sont présentés à la fin des chapitres. On y trouve également une liste des « leçons tirées » et des pistes de recherches futures. De plus, il y a une bibliographie détaillée sur les ouvrages des services correctionnels pour la population en général et les autochtones. Une description des sources de données provinciales, des tableaux provinciaux et les questionnaires des enquêtes menées auprès du personnel correctionnel, de la collectivité et des détenus autochtones figurent en annexe.
Un sommaire de chacune des neuf parties de l'étude figure ci-après.
Partie I : Recours à l'incarcération
Le recours trop fréquent à l'incarcération au Canada par rapport à d'autres pays constitue la question fondamentale examinée à la partie I. Les variables qui influent sur le recours à l'incarcération sont la justice pénale, c.-à-d. l'application des lois et des interventions des représentants de la justice pénale, et les facteurs sociaux, c'est-à-dire que l'absence de relations entre les taux de criminalité et les niveaux d'incarcération laisse supposer que d'autres facteurs socioculturels entrent en jeu. La majorité des peines infligées au Canada sont brèves (moins de six mois). La criminalité augmente d'Est en Ouest, et il y a une certaine variation dans le recours à l'emprisonnement. Il n'y a pas de différences importantes en ce qui concerne le genre d'infractions commises d'une province à l'autre. Certaines provinces peuvent faire face à des populations plus difficiles (c.-à-d. sur le plan socio-économique et des infractions) que d'autres, mais faute de meilleures données sur les antécédents et le profil des délinquants, il est impossible de tirer des conclusions rigoureuses sur les disparités injustifiées.
Pour certaines infractions, en particulier le non-paiement d'amendes, la Colombie-Britannique, le Québec et l'Ontario semblent s'en remettre moins à l'incarcération que d'autres provinces. Les provinces des Prairies comptent les populations autochtones les plus marginales, et le recours constant à l'incarcération par suite d'infractions relatives au mode de vie comme l'administration de la justice, l'ordre public et le non-paiement d'amendes entraîne en partie des niveaux disproportionnés d'emprisonnement. Le recours à l'incarcération reflète également des attitudes culturelles et des valeurs pénales qui peuvent aider à expliquer les écarts d'une région à l'autre du pays. Cependant, une attitude plus répressive de la part du public à l'égard de la nécessité de l'incarcération ou des questions autochtones ne se traduit pas nécessairement par un recours accru à l'emprisonnement ou par des niveaux d'incarcération plus élevés des autochtones.
Partie II : Qui va en prison?
Les personnes condamnées à des peines d'incarcération ne sont pas toujours emprisonnées parce qu'elles ont commis des crimes graves contre la personne. Les prisons servent également de « bassins de rétention » des problèmes sociaux, des récidivistes qui commettent des infractions relativement mineures, des personnes que le public considère comme méritant le plus une punition (par exemple, les auteurs d'une infraction liée aux drogues) et les auteurs d'un crime contre la propriété. En fait, ceux qui commettent des crimes graves contre la personne font généralement partie de la minorité au sein de la population carcérale. L'aspect qui est peut‑être le plus remarquable concernant les personnes qui sont incarcérées est le nombre disproportionné de certains groupes raciaux marginaux sur le plan social et économique comme les Noirs et les autochtones (qui semblent commettre plus d'infractions donnant lieu à une incarcération) et, de façon plus générale, des groupes les plus défavorisés de la société.
Partie III : Les délinquants autochtones, la perpétration d'infractions et l'emprisonnement
Il y a des caractéristiques que les délinquants autochtones ont en commun avec les délinquants non autochtones, et il y en a qui divergent. Les attitudes, l'appui des groupes de pairs et les facteurs relatifs à la personnalité qui favorisent la perpétration des crimes sont semblables et dépendent des antécédents familiaux, de la pauvreté, des expériences scolaires, de l'exposition à la violence et du manque de débouchés, de possibilités et d'autres facteurs qui influent sur l'adoption d'attitudes prosociales. Les facteurs qui distinguent les délinquants autochtones des délinquants non autochtones sont les différences de degré des facteurs relatifs aux antécédents et des facteurs géographiques et leur expérience culturelle différente. Cependant, la culture, la géographie et l'exposition à la société majoritaire distinguent également les délinquants autochtones eux-mêmes.
Le nombre de délinquants autochtones dans la plupart des établissements provinciaux, territoriaux et fédéraux est disproportionné. C'est dans les trois provinces des Prairies que leur nombre est le plus disproportionné et dans les Maritimes et au Québec qu'il l'est le moins. Toutefois, le nombre d'autochtones admis par suite de crimes de violence est également disproportionné, en particulier dans les établissements fédéraux, et ils se voient infliger des peines plus courtes que les groupes non autochtones pour ces crimes. Par ailleurs, le recours à l'incarcération est plus fréquent dans le cas des délinquants autochtones lorsqu'on tient compte du genre d'infraction (mais sans disposer de renseignements sur le dossier antérieur). Les délinquants autochtones sont généralement plus jeunes, ont eu plus de démêlés antérieurs avec le système de justice pénale et le système correctionnel et proviennent de milieux plus dysfonctionnels que les groupes non autochtones. La surreprésentation des autochtones dans les établissements correctionnels peut probablement s'expliquer par un taux plus élevé d'infraction, la perpétration d'un plus grand nombre d'infractions qui aboutissent à l'incarcération et le fait que les politiques et les pratiques actuelles en matière de détermination de la peine dans les provinces comptant les groupes autochtones les plus défavorisés ont les effets les plus graves sur ces groupes. Le recours moins fréquent à la probation dans les provinces comme l'Alberta et la Saskatchewan peut contribuer au problème de surreprésentation.
Partie IV : Explication de la surreprésentation des autochtones
Selon l'argument invoqué ici, une diminution de l'interdépendance dans les collectivités autochtones s'est produite par suite de processus historiques (qui ont reproduit la structure sociale majoritaire sans s'accompagner du développement des institutions) ainsi que d'un bouleversement culturel et de la détérioration des mécanismes officieux de contrôle social. Il en a résulté des collectivités stratifiées socialement où les ressources limitées et la répartition de celles-ci créent d'importants groupes de personnes défavorisées, une sous-culture de jeunes de plus en plus importante auxquels s'offrent peu de débouchés ou de possibilités légitimes, une exposition hors contexte aux médias de masse et un manque de ressources culturelles et sociales pour aider à déterminer la formation à la base des valeurs prosociales. Il est cependant trompeur et incorrect de supposer que toutes les collectivités autochtones du Canada sont exposées aux mêmes contingences et limites par suite de ces processus historiques et contemporains. De toute évidence, tel n'est pas le cas, et une hypothèse de ce genre empêche de consacrer aux personnes et aux collectivités qui en ont le plus besoin toute l'attention voulue. Le degré et l'incidence du changement ont été atténués par les modes d'établissement, l'emplacement géographique, les facteurs culturels et l'expérience communautaire individuelle de sorte qu'il y a un écart en ce qui concerne l'effet de ces influences sur les collectivités. Les collectivités les plus touchées se trouvent dans les provinces des Prairies qui affichent également le taux d'incarcération des autochtones le plus élevé.
Trois facteurs risquent plus de provoquer un problème de criminalité. Le premier est le groupe important de personnes marginales et non intégrées dans la collectivité en raison de la répartition inégale des ressources; le deuxième est que les réserves ne sont généralement pas intégrées à la société canadienne majoritaire (en raison des pratiques historiques de l'exclusion et du statut de deuxième classe conféré aux autochtones) et l'aliénation qui en résulte est plus importante dans les collectivités qui ont le moins de liens avec la société majoritaire; et le troisième est que l'exposition à la vie familiale dysfonctionnelle et l'abus pendant l'enfance (en plus des autres facteurs propices au comportement criminel) ont des effets profondément négatifs sur le développement individuel. Les groupes les plus marginaux des collectivités sont les plus touchés par ces facteurs. Lorsque ces groupes quittent les réserves, ils ont peu d'outils pour survivre ou pour obtenir un statut dans la société majoritaire ou s'y intégrer. Dans le milieu urbain, le manque d'instruction et de compétences professionnelles, assorti de problèmes d'abus d'intoxicants et d'antécédents de violence et de dysfonctionnement familiaux, mènent à des associations négatives avec les pairs et à l'adoption d'attitudes antisociales et procriminelles. Les personnes marginales qui quittent les réserves pour vivre en milieu urbain causent un problème de plus en plus épineux.
Partie V : Programmes à l'intention des détenus autochtones
La partie V porte sur les programmes correctionnels qui s'adressent à la population majoritaire et à la population autochtone. On y présente des ouvrages sur « ce qui fonctionne » et l'on y montre que pour l'ensemble de la population autochtone, il y a un certain nombre de principes à suivre afin d'offrir des programmes efficaces, notamment, l'administration et la mise en oeuvre adéquates des programmes, un modèle conceptuel solide de la criminalité, la reconnaissance des différences individuelles, le criblage des facteurs criminogènes; de plus, le style et le mode de traitement doivent correspondre aux caractéristiques d'acquisition du savoir des détenus. Les besoins des femmes incarcérées ne sont pas satisfaits adéquatement dans les programmes des établissements.
On fait l'historique des programmes à l'intention des autochtones. La meilleure façon de décrire les programmes du SCC à l'intention des autochtones consiste à les définir comme étant culturels et spirituels, l'accent étant mis sur la facilitation de la mise en liberté des détenus autochtones et l'établissement de liens avec les collectivités. À la base de cette approche, il y a la croyance qu'il faut recourir à des solutions particulières pour tenir compte des antécédents culturels particuliers des détenus autochtones et que la perte ou le manque de racines et d'identité culturelles constituent les principales causes de leurs démêlés avec le système de justice pénale. La plupart des provinces et des territoires ont suivi le même cheminement dans l'établissement et la mise en oeuvre de programmes à l'intention des détenus autochtones dans leurs établissements. L'accent mis sur l'aspect culturel et spirituel a débouché sur une approche collective plutôt qu'individuelle.
La mesure dans laquelle les programmes autochtones actuels correspondent aux conclusions sur l'efficacité des programmes qui s'adressent à l'ensemble des détenus constituent une question empirique pour laquelle il n'existe aucune réponse claire. On manque de données sur la valeur des programmes visant la majorité appliqués aux détenus autochtones. Les évaluations de l'incidence des programmes particuliers à la culture ou des programmes ordinaires sur les activités des établissements et relatives à la mise en liberté des détenus autochtones devraient, à tout le moins, porter sur la durée et le genre de programmes culturels ou autres auxquels le détenu est exposé et par conséquent sur les questions suivantes : l'atteinte des objectifs de chaque programme; l'intérêt du détenu à l'égard des programmes et sa participation à ceux‑ci; le comportement des détenus en établissement à l'égard de la participation aux programmes; le lien entre les programmes culturels et d'autres programmes des établissements comme l'éducation et l'emploi; la récidive sur diverses périodes; la possibilité que le détenu poursuive les programmes après sa mise en liberté (c.-à-d. la disponibilité des programmes externes); la capacité du détenu de s'intégrer à sa famille et à la collectivité; le soutien de la collectivité et la reconnaissance du changement culturel ou spirituel chez le détenu; le soutien de la collectivité à l'égard du contenu des programmes culturels ou spirituels; la participation des détenus aux programmes comme l'emploi, les loisirs, etc.
Il faut également poser certaines questions importantes au sujet des programmes culturels et y répondre, notamment, comment sont prises les décisions concernant le bien-fondé et la légitimé des programmes et des activités culturels offerts par les fournisseurs, l'existence d'un dénominateur culturel acceptable à tous les délinquants autochtones et l'acceptation de l'enseignement culturel aux collectivités et familles où les délinquants retournent.
Partie VI: Résultats des enquêtes menées auprès du personnel correctionnel et des détenus
Certaines conclusions importantes sont ressorties de l'analyse des résultats des enquêtes menées auprès du personnel correctionnel et des détenus. Il s'agit notamment des ressemblances et des différences dans les perceptions des programmes, des besoins et d'autres questions relatives aux délinquants autochtones ainsi que des différences entre les détenus autochtones eux‑mêmes. Il est essentiel de comprendre et d'analyser davantage ces différences pour mieux répondre à la gamme des besoins des détenus autochtones.
Les trois quarts des détenus autochtones de sexe masculin étaient des Indiens inscrits, qui provenaient de réserves mais qui n'y avaient pas nécessairement passé la plus grande partie de leur vie, qui avaient peu d'instruction et qui avaient déjà été incarcérés. Les détenus sous responsabilité provinciale sont plus jeunes et ont été incarcérés plus souvent que les détenus sous responsabilité fédérale. Ces derniers avaient davantage accès aux programmes que les détenus sous responsabilité provinciale et y participaient davantage, en particulier les programmes culturels ou spirituels. En général, les détenus ne s'estimaient pas exclus des programmes non autochtones ou gênés d'y participer. Les besoins culturels et spirituels ont été cernés par plus de détenus sous responsabilité fédérale qui avaient également davantage accès à ces programmes. Cependant, l'emploi et l'instruction étaient généralement considérés comme les principaux besoins, et l'alcool comme le principal problème.
La plupart des détenus estimaient que tout programme qui les aidait avait une valeur et que les détenus autochtones et non autochtones pourraient bénéficier des programmes des uns et des autres, mais qu'il n'y avait pas assez de programmes dans les établissements, en particulier dans les établissements provinciaux. Ils étaient d'avis qu'ils avaient les mêmes besoins en matière d'instruction et d'emploi que les détenus non autochtones, mais une situation familiale et une culture différentes. Les détenus ne participent pas beaucoup aux programmes dans les domaines où ils soutiennent qu'ils ont le plus de besoins (c.-à-d. l'emploi et les études) ou aux programmes de counseling.
Les détenus qui ont passé le plus clair de leur vie dans les réserves sont moins instruits, considèrent l'instruction et la lecture comme plus importantes, sont plus réticents à participer aux programmes généraux en raison de leur timidité et du sentiment d'être mis à l'écart, ne participent pas autant au counseling de groupe et se sentent plus acceptés par leur famille et leur collectivité. Les détenus provenant d'une combinaison de collectivités et de collectivités non autochtones avaient tendance à considérer plus souvent la culture et la spiritualité comme des besoins et avaient été incarcérés plus souvent. Les détenus plus âgés et ceux qui avaient été incarcérés plusieurs fois étaient plus négatifs à l'égard du personnel, des programmes, de l'acceptation par la famille et la collectivité, de la mise en liberté, etc. et avaient plus de problèmes d'alcool, surtout dans le cas des détenus sous responsabilité provinciale. Plus de jeunes détenus et de détenus qui avaient été incarcérés trois fois et plus ont passé leur première période de détention dans un établissement pour jeunes. Plus de jeunes détenus considéraient l'instruction et la lecture comme leurs principaux besoins et avaient une opinion plus positive du personnel. Les jeunes détenus sous responsabilité fédérale étaient d'avis qu'il y avait assez de programmes pour autochtones. Ceux qui étaient moins instruits étaient moins portés à terminer les programmes de mise en liberté, croyaient que l'instruction et l'emploi étaient leurs principaux besoins, ne pensaient pas que leurs besoins avaient été définis adéquatement et étaient moins susceptibles de participer à des programmes de counseling individuel.
Il y a une discordance dans l'esprit du personnel correctionnel sur les problèmes des détenus autochtones et des solutions à ces problèmes. Il y a plus de constance entre les problèmes perçus et les solutions dans le cas des détenus non autochtones. Cela s'applique à l'examen des besoins pendant l'incarcération ou à la participation aux programmes qui réduisent la récidive. Cette différence s'explique par le fait que les programmes culturels à l'intention des détenus autochtones sont devenus si courants qu'ils étaient les plus souvent mentionnés et que peu d'autres réponses ont été envisagées.
Il y a des différences dans les perceptions du personnel correctionnel et des détenus au sujet des niveaux de mise en liberté, du classement selon le niveau de sécurité, de la pertinence des évaluations, du soutien familial et des problèmes familiaux, et de la participation des autochtones aux programmes non autochtones. Ils s'entendaient sur la nécessité d'un plus grand nombre de programmes à l'intérieur et à l'extérieur des établissements, le recours à des autochtones chargés des programmes, les qualifications limitées du personnel et le manque de soutien de la collectivité.
Partie VII : Risque, mise en liberté, récidive et réinsertion sociale
Les données sur la mise en liberté conditionnelle révèlent que les détenus autochtones sous responsabilité fédérale ont moins de chances que les détenus non autochtones de bénéficier d'une libération conditionnelle totale (mais ont plus de chances de bénéficier de permissions de sortir), mais que la gravité des infractions semble expliquer l'écart entre les taux de mise en liberté. Les détenus autochtones affichent également des niveaux de récidive plus élevés. En raison de leurs infractions antérieures et de la gravité de leurs infractions, les détenus autochtones sont considérés comme présentant un risque de récidive plus élevé, ce qui influe sur la décision de leur accorder une libération conditionnelle. Ce phénomène est exacerbé par leur difficulté de formuler des plans de libération conditionnelle et, comme les données des enquêtes le montrent, d'obtenir l'appui des collectivités.
Cette dernière constatation va à l'encontre de la croyance populaire, mais fait ressortir le fait que le retour du détenu dans la collectivité où il peut obtenir soutien et assistance devrait être un objectif principal de la politique correctionnelle. Les effets positifs des programmes des établissements seront perdus si des programmes de suivi ne sont pas offerts dans la collectivité. Il est essentiel que les détenus retournent dans un milieu positif, qu'il s'agisse ou non de leurs collectivités d'origine. Pour certains délinquants, le retour dans leur collectivité d'origine peut les inciter à récidiver. Par conséquent, les besoins des collectivités doivent être satisfaits avant qu'elles puissent répondent aux besoins des délinquants et devenir des milieux propices à la promotion des valeurs prosociales.
Il y a cependant des différences importantes entre les groupes d'autochtones. Bien qu'on ait montré que le risque de récidive est plus élevé dans le cas des délinquants autochtones, l'analyse des données du Manitoba révèle qu'il est peut‑être plus élevé pour les Indiens inscrits vivant dans les réserves et hors réserve même si les prédicateurs de risque et de besoins du groupe des autochtones vivant dans les réserves étaient les plus faibles. Cela laisse supposer que dans certaines régions du pays, les facteurs de risque peuvent être différents dans les réserves et hors réserve et que des prédicateurs de risque doivent être établis pour les réserves. Cela porte également à croire que les échelles générales de prédiction du risque conviennent au groupe des autochtones en général. Le taux élevé de récidive du groupe vivant dans les réserves (dans certaines régions) peut s'expliquer par l'environnement des réserves, ce qui est conforme aux facteurs qui influent sur les niveaux de criminalité — taux de chômage élevé, pauvreté, famille dysfonctionnelle, contrôle social et communautaire réduit. Cela donne à penser que les collectivités où les Indiens inscrits retournent (c.-à-d. les réserves et les centre-ville) sont peut-être plus criminogènes que celles où les détenus non autochtones et les détenus métis et Indiens non inscrits retournent. Ces constatations sont conformes aux recherches antérieures au sujet de la criminalité et des désordres dans les réserves et dans les centre-ville, en particulier dans l'Ouest du Canada.
Il y a deux genres de réinsertion sociale. Le premier est la réinsertion sociale des détenus dans leur collectivité d'origine, qui est également le milieu où ils ont éprouvé leurs problèmes initiaux. Dans ce milieu, les attitudes antisociales et certains modes de vie procriminels et certains actes de groupes de pairs empêchent l'adoption d'attitudes prosociales. Le deuxième type est la réinsertion dans la famille et la collectivité, ce qui favorise le changement de comportement et l'adoption de valeurs prosociales. Par conséquent, il s'agit non seulement de la réinsertion (comme on le pense souvent), mais de la réinsertion dans le bon milieu.
Le taux élevé de récidive de l'échantillon des Indiens inscrits, comparé à celui des non-autochtones et des Métis et des Indiens non inscrits — indique la nécessité de modifier leurs collectivités d'origine — qu'il s'agisse de la réserve ou du centre-ville. Si le milieu de vie des gens ne change pas suffisamment pour que leurs attitudes, leurs groupes de pairs et leurs relations familiales puissent changer aussi, les modifications du système de justice pénale ou la création d'initiatives locales en matière de justice ne permettront pas de réduire beaucoup leurs démêlés avec le système correctionnel. D'un certain nombre de façons importantes, les détenus autochtones sont défavorisés par leurs antécédents, leurs collectivités et leurs démêlés avec le système de justice pénale. Il s'agit d'un cercle vicieux, dont il est difficile de sortir.
Partie VIII : À partir de là, quelles sont les solutions?
On aura probablement beaucoup moins recours à l'incarcération si le système change radicalement et que les autorités administratives et judiciaires choisissent plus systématiquement d'imposer des sanctions de sévérité moyenne. De même, la mise en œuvre de programmes de déjudiciarisation et de dépénalisation de certaines infractions ont des chances de réduire la charge de travail des tribunaux tenus de décider du sort du délinquant et de la peine à lui infliger. Une loi d'ensemble sur les services correctionnels communautaires ainsi qu'une commission permanente de détermination de la peine pourraient être le point de départ du changement et garantir une mise en œuvre et une administration adéquates. Il est impératif d'introduire véritablement des solutions de rechange afin de réduire les taux d'incarcération et de recibler les sanctions communautaires pour qu'elles contribuent à la réinsertion sociale des délinquants. Ces sanctions ne devraient pas faire office de mécanisme de contrôle social destiné à renvoyer les gens en prison. Enfin, ces changements doivent être acceptables pour la collectivité et le système de justice pénale de sorte à être légitimisés et à obtenir un plein appui.
Malgré les critiques à l'égard des solutions de rechange, des mesures correctionnelles communautaires et de la justice communautaire, il n'est pas question de privilégier le statu quo ou de militer en faveur de sanctions plus sévères. Ces critiques visent plutôt à mettre en lumière la façon dont ces sanctions de rechange ont été utilisées et les attentes souvent irréalistes des mesures correctionnelles communautaires et de la justice communautaire compte tenu du peu de ressources allouées et de la rigidité des objectifs. Enfin, malgré les problèmes que posent ces solutions de rechange, elles demeurent tout aussi efficaces et moins onéreuses sur le plan humain que les sanctions plus punitives comme l'incarcération. Le but est de généraliser leur utilisation, de surveiller leur application et de les recibler afin qu'elles atteignent des objectifs plus humains.
Il ne faut pas chercher bien loin pour voir qu'il est possible de réduire l'incarcération au Canada. Il existe des différences de taille au pays concernant le recours à l'incarcération et certaines provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique, qui abritent d'importantes populations autochtones mais comptent des nombres moins disproportionnés de ces personnes en prison, ont maximisé le recours à des peines non privatives de liberté, en particulier pour le défaut de paiement des amendes, l'ivresse publique et d'autres infractions mineures. D'autres provinces, comme l'Alberta, semblent privilégier l'incarcération, sans que la gravité des infractions commises le justifie. Toutefois, il vaut la peine de souligner à nouveau que les provinces des Prairies comptent les populations autochtones les plus importantes et les plus marginalisées. Il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que le système de justice pénale ou les services correctionnels remédient à ce problème, mais on peut s'attendre à juste titre à ce qu'ils ne l'aggravent pas.
Peut-être que l'intervention immédiate la plus utile serait de lancer immédiatement une campagne de sensibilisation du public en faveur de la réduction du recours à l'emprisonnement et de l'utilisation d'autres méthodes de punition. Il importe d'éduquer le public pour faire valoir l'intérêt des sanctions de sévérité moyenne comme moyen « réel » de punition. En outre, il est peut-être temps de rééduquer le public sur les mythes et les réalités de la justice pénale et des services correctionnels. Plus important encore, il faut faire comprendre au public les limites de la solution de l'incarcération dans le processus de resocialisation. Pour combattre la tendance à privilégier le châtiment et réduire la criminalité, on peut accroître l'interdépendance entre les gens. Quand la responsabilité à l'égard des délinquants et des infractions dépassera la compétence des services de police, des tribunaux et des prisons, on pourra s'opposer à la soif de vengeance du public.
Partie IX : Conclusions
Le système de justice pénale canadien demeure profondément attaché au principe de l'incarcération, ce qui a des répercussions à la fois sur les délinquants autochtones et les délinquants non autochtones et place le Canada au nombre des plus grands utilisateurs de l'incarcération au monde. Si la mesure dans laquelle cet état de choses reflète les attitudes judiciaires et la culture dans laquelle évolue le système canadien de justice pénale est matière à débat, l'ostracisme et l'opprobre qui frappent les délinquants portent à croire que le recours à l'incarcération par le système de justice pénale bénéficie de l'appui du public et fait indubitablement partie intégrante de la société canadienne. Nous continuons à mettre sous les verrous des délinquants à faible risque pour lesquels l'emprisonnement ne sera probablement pas plus bénéfique que d'autres sanctions et à qui il fera probablement plus de mal que de bien.
Il faudrait envisager une démarche triple à l'égard du traitement des délinquants autochtones. Dans le cadre de la première démarche, on exécute des programmes préliminaires intensifs de sorte que les délinquants autochtones puissent profiter au maximum des programmes destinés aux délinquants de la culture dominante, en particulier les programmes d'enseignement, de développement des aptitudes cognitives et d'acquisition des connaissances élémentaires. Dans le cadre de la deuxième démarche, on continue à offrir aux délinquants intéressés des programmes à contenu culturel et spirituel puisque ces programmes semblent attirer les délinquants autochtones et leur donner le sentiment d'identité qui leur fait cruellement défaut. La troisième démarche consiste à exécuter les programmes les plus efficaces dans un contexte adéquat, c'est-à-dire un contexte où l'on comprend les besoins et les réalités des délinquants.
Comment réduire la surreprésentation des autochtones dans les établissements correctionnels? Plusieurs étapes peuvent être envisagées.
Premièrement, on pourrait se tourner vers un type de justice différente qui ne se sert pas du système de justice pénale pour régler des problèmes sociaux. Ensuite, il faudrait changer les principes qui sous-tendent l'utilisation de solutions de rechange à l'incarcération et les personnes qui y sont admissibles et en faire une solution de premier plan, l'incarcération n'étant utilisée qu'en dernier recours. En troisième lieu, il conviendrait d'interdire le recours à l'incarcération pour certaines infractions comme le défaut de paiement des amendes, les atteintes à l'ordre public, les infractions administratives et divers types de violations des conditions de la libération conditionnelle et de la probation. En quatrième lieu, il importe de bien comprendre les besoins des personnes qui se voient infliger une peine d'emprisonnement et de leur offrir des programmes en établissement et des ressources communautaires propres à y répondre. En cinquième lieu, il faut assurer suffisamment de programmes de qualité en établissement. En sixième lieu, il importe de faire des services correctionnels communautaires un outil de réinsertion plutôt qu'un simple mécanisme de contrôle social. Enfin, il convient de s'interroger sur les différences entre les régions concernant la surreprésentation des autochtones dans le système correctionnel, la démographie des populations autochtones et la façon dont le système de justice pénale traite les délinquants autochtones et non autochtones, afin d'allouer les ressources aux provinces, aux collectivités autochtones et aux populations qui en ont le plus besoin et de modifier les attitudes discriminatoires à l'égard des délinquants autochtones.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Ed Buller, chef de la Section des affaires correctionnelles autochtones, Direction générale des affaires correctionnelles, ministère du Solliciteur général, de m'avoir offert la possibilité d'effectuer la présente étude. Lui et sa collègue, Sharon McCue, n'ont cessé de me prodiguer encouragement et soutien. Avant de quitter la Direction générale, Joan Nuffield m'a prêté son aide pour le traitement des questionnaires et a dépouillé certains renseignements sur les camps forestiers. Richard Zubrycki et Bob Cormier de la Direction générale des affaires correctionnelles ont également contribué aux travaux de recherche, et Jim Bonta ainsi que Karl Hanson étaient toujours disponibles pour me donner des conseils et me prêter leur concours. Kimberley Fever a mis en forme le document final. J'aimerais adresser mes sincères remerciements à toutes ces personnes.
Phil Mun était chargé de la revue de la littérature sur les divers sujets abordés dans la présente étude, et sa précieuse contribution est évidente dans plusieurs chapitres. Je lui suis très redevable ainsi qu'à Cathy Mathews et au personnel de la bibliothèque John Edwards du Centre de criminologie de l'Université de Toronto, de leur aide pour ce travail.
Bruno Steinke a assuré des services généraux d'aide à la recherche ¾ codage des données, programmation informatique, construction des tableaux, correction d'épreuves, liaison avec les provinces et le SCC au sujet des données et bien d'autres activités trop nombreuses pour qu'on puisse toutes les nommer. Lui et Phil Mun ont accompli leur travail avec enthousiasme et ont réussi à maintenir le cap tout au long des aspects les plus fastidieux et les plus exigeants des travaux de recherche.
Il y a plusieurs personnes aux paliers fédéral et provincial auxquelles je dois rendre un hommage particulier pour leur contribution à la présente étude. Peter York et Dan Beavan, Secteur de la mesure de la performance et du service, Service correctionnel du Canada (SCC), ont donné généreusement de leur temps pour fournir des données sur les délinquants sous responsabilité fédérale et réviser des parties de l'analyse et d'autres textes. Lothar Goetz et Tim Foran ont fourni des données du Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ). George Kiefl, Section de la recherche du ministère de la Justice, a fourni des données détaillées sur l'opinion du public. Au palier provincial, Tim Tritten et Mike Kotyk, Direction générale des Services correctionnels, ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique, Gordon Telford et Dawn Chalas, Services correctionnels du ministère de la Justice de l'Alberta, Shaukat Nasim, Direction générale de la politique, de la planification et de l'évaluation du ministère de la Justice, Ron Parkinson, Services communautaires et correctionnels pour les jeunes du ministère de la Justice du Manitoba et Cathy Underhill et Paula Davis, ministère du Solliciteur général et des Services correctionnels de l'Ontario, n'ont ménagé ni temps ni efforts pour fournir des données provinciales et passer en revue les analyses et l'étude. Toutes ces personnes ont répondu à nos nombreuses exigences en matière de données avec une politesse et un empressement qui ne se sont jamais démentis. Si la présente étude revêt de la valeur, c'est grâce à leur contribution.
Je tiens également à remercier tous ceux qui étaient chargés de distribuer les questionnaires d'enquête. Chacun des sous-commissaires (SCC) et de leur bureau ont distribué les questionnaires au personnel correctionnel dans leur région; les chefs des services correctionnels des provinces et des territoires ont également reçu ces questionnaires pour les distribuer; les personnes des diverses collectivités les ont distribués, et les membres du personnel ont remis les questionnaires destinés aux détenus. Même s'il est impossible de donner le nom de tous ceux qui ont apporté leur contribution, j'aimerais leur rendre hommage pour leur précieuse collaboration.
Il y également d'autres personnes à remercier, car chacune a apporté une contribution particulière à la présente étude, en formulant des observations, en révisant le texte ou en présentant des suggestions utiles. Il s'agit, entre autres, de Terry Thompson et de David Gullickson, du ministère de la Justice de la Saskatchewan et d'Andy Birkenmeyer du SCSJ.
Enfin, j'aimerais remercier tous ceux qui ont pris le temps de remplir les questionnaires. Je tiens également à remercier les nombreux répondants qui m'ont écrit des commentaires personnels et fait part de leurs idées et suggestions. J'espère qu'ils trouvent la présente étude utile et qu'elle reflète une partie de ce qu'ils m'ont communiqué.
C.L.
AVANT-PROPOS
Si l'on examine rétrospectivement les politiques et initiatives en matière de justice pénale des vingt dernières années, on observe une tendance à la catégorisation, en particulier dans des domaines critiques du point de vue politique, comme celui de la justice applicable aux autochtones. Il s'ensuit qu'au lieu d'élargir le débat, on a tendance à fragmenter et à prendre les facteurs isolément plutôt que de rechercher des dénominateurs communs. Cela est particulièrement le cas là où des groupes marginalisés sur le plan social, économique ou culturel participent désormais à un mouvement «politique de résistance»Note de bas de page 1 contre les institutions de la majorité. La résistance peut être dirigée contre la prédominance d'institutions particulières, mais le mouvement à la base s'attaque à la politique transformatrice. Tel est le cas de la justice pénale applicable aux autochtones dans le Canada d'aujourd'hui.
Comment établir un programme de justice dans les années 1990 dans ce contexte de résistance et de bouleversement social où le rôle du droit dans la société est de plus en plus flou et indéfinissable car :
[traduction]
«La "déconstruction"Note de bas de page 2 dans les études juridiques critiques des années 1980 essayait de miner l'autorité du droit et de déstabiliser les notions de raisonnement juridique, alors que les analyses postmodernes du droit et des mouvements sociaux ont remis en question notre prétention à l'universalité de nos théories. En effet, le droit a perdu sa tribune où se faisait entendre la voix de la justice et n'est plus dans la conscience populaire et la pensée libérale de gauche, l'édifice privilégié du combat pour la justice (Merry, 1995, p. 13).
Foucault a contribué à la théorie moderne en indiquant que le siège du pouvoir n'était pas exclusivement l'État, mais que celui-ci est dispersé dans toute la société civileNote de bas de page 3. Le postmodernisme met en pratique cette théorie, de sorte que les expressions individuelles de l'identité, du rôle et de la culture sont devenues des «moteurs de résistance»Note de bas de page 4 qui s'opposent à la prédominance du langage moderniste et des études des sciences sociales. Dans la justice pénale applicable aux autochtones, ces expressions de résistance ont réduit le langage correctionnel de la majorité à un discours sur la guérison définie sur le plan culturel, et la recherche empirique à une vision incontestable du monde. La tension entre le postmodernisme et la recherche positiviste atteint son point maximum dans la justice pénale applicable aux autochtones.
Quel est l'avenir des services correctionnels pour autochtones en cette période de redéfinition et de changement? Comment répond-on aux besoins de certains groupes par rapport à d'autres? Dans quelle mesure l'isolement de groupes et de cultures a-t-il aidé ou entravé la recherche de solutions plus générales? Qu'avons-nous appris des initiatives et des programmes correctionnels généraux et de ceux destinés aux autochtones pour nous guider dans l'avenir? Les stratégies de traitement visant la majorité servent-elles à l'établissement de programmes pour les délinquants autochtones? Devraient-elles le faire? Les services correctionnels communautaires sont-ils une solution préférable à la prison? Que connaît-on vraiment des solutions de rechange à l'incarcération? Comment répondre à la fois aux besoins des délinquants autochtones et des collectivités autochtones dans un contexte politique exigeant? La politique transformatrice peut-elle mener à des politiques correctionnelles transformatrices?
Ces interrogations ont été le point de départ du présent document. Elles peuvent sembler déroutantes et contradictoires à première vue, mais nous espérons qu'ensemble, elles ouvriront la voie à une analyse des services correctionnels pour autochtones porteuse de solutions. Nous laisserons au lecteur le soin de décider si le débat qui suit fournit une analyse de ce genre.
INTRODUCTION
Le présent document fait le point sur divers aspects relatifs aux autochtones et au traitement dont ils font l'objet dans les systèmes correctionnels territoriaux, provinciaux et fédéral. Le fond du problème de la justice pénale applicable aux autochtones dans ce pays et ailleursNote de bas de page 5 a trait à la représentation disproportionnée de délinquants autochtones dans les établissements correctionnels. Vient s'ajouter à cela l'opinion selon laquelle on a trop souvent recours à la prison pour les délinquants autochtones et faisant état d'un constat d'échec du système de justice pénale dans son intervention auprès des délinquants autochtonesNote de bas de page 6. Ce sont là les principaux «problèmes» auxquels sont confrontés les chefs de gouvernement et les bureaucrates qui, au cours des dernières années, se sont efforcés de réduire le nombre d'autochtones incarcérés, tout en essayant de changer l'image du système considéré comme injuste et inéquitable. Dans une déclaration récente, le ministère de la Justice de la Saskatchewan décrit sa vision à cet égard :
Notre vision est de fournir une société juste, équitable et sécuritaire à l'aide d'un système de justice qui soit compris et en qui l'on a toute confiance. Notre système, bien sûr, respecte la diversité, les droits individuels et collectifs, les attentes changeantes du public et les besoins de la collectivité, y compris les besoins des autochtones, et en tient compte.
Les autochtones, pour leur part, sont préoccupés par le nombre d'entre eux qui sont incarcérés; ils ont le sentiment que le système est incapable de répondre à leurs besoins, les problèmes se situant d'ordinaire à un niveau politique et personnel plus intense.
Les solutions mises de l'avant par les responsables de la majorité, les organes et organisations politiques autochtones et les autochtones eux-mêmes ont porté alternativement sur le symbolique et le réel. Le symbolique avait trait à l'autonomie gouvernementale et au contrôle tandis que le réel concernait des modifications aux programmes et aux politiques. Le symbolique et le réel sont souvent liés. La mesure dans laquelle ces initiatives ont, séparément ou ensemble, résolu l'un de ces problèmes demeure une question sur laquelle on dispose de peu d'éléments probants. Nous essayons de combler cette lacune en faisant état des résultats de l'information recueillie auprès de diverses sources au cours des derniers mois.
L'objet de l'étude
L'objet de notre étude est de brosser un tableau de l'état des services correctionnels pour autochtones dans le Canada d'aujourd'hui et de débattre des questions les plus critiques. Grâce à l'analyse d'une variété de données, on a une meilleure idée de l'état des connaissances concernant les services correctionnels pour autochtones à divers égards, entre autres, la surreprésentation, les variations concernant la population et l'emprisonnement entre les régions, les services correctionnels communautaires, la mise en liberté et le taux de récidive, la réintégration, le risque et les solutions de rechange à l'emprisonnement. Simultanément, nous replaçons l'emprisonnement des autochtones dans un contexte pénologique plus vaste en étudiant les similarités entre des groupes de détenus et leurs différences. Nous faisons valoir qu'il n'est possible de comprendre convenablement les différences et d'en tenir compte que si l'on comprend les similarités. Si l'analyse du problème est mauvaise, les solutions le seront également.
Notre analyse comporte plusieurs niveaux, où l'aspect théorique et l'aspect appliqué sont liés. À un niveau, nous amorçons un débat philosophique sur l'emprisonnement et analysons le recours à l'incarcération au Canada comme moyen d'intervention auprès de certains groupes, y compris un grand nombre d'autochtones; à un autre niveau, nous abordons la question de la politique de changement et de transformation dans le cadre de laquelle l'incarcération d'autochtones sert de tremplin à la demande de mesures de redressementNote de bas de page 7. À un autre niveau encore, nous nous penchons sur les besoins et les réalités des délinquants et des collectivités. Enfin, nous parlons de ce «qui marche» dans les services correctionnels et des valeurs et besoins qu'il convient de prendre en compte pour assurer la réussite. Pour comprendre l'état des services correctionnels pour autochtones, il faut adopter une approche globale.
Voici les grandes lignes de notre étude. La partie I porte sur la fréquence du recours à l'incarcération au Canada par comparaison avec celle des autres pays. Nous y examinons également les facteurs qui influent sur le recours à l'incarcération. Cette section est suivie d'une brève description du profil des personnes qui vont en prison. La partie III aborde les problèmes des services correctionnels pour autochtones, y compris la surreprésentation et les caractéristiques et les infractions des délinquants autochtones. La partie IV est un cadre théorique permettant de comprendre le phénomène de la surreprésentation. La partie V porte principalement sur les programmes, entre autres sur la philosophie et l'efficacité des programmes destinés à la majorité et de ceux destinés aux autochtones. À la partie VI, nous présentons les résultats des sondages auprès des détenus et du personnel correctionnel. La partie VII étudie le risque, la mise en liberté, la récidive et la réintégration relativement aux délinquants autochtones et non autochtones. Elle est suivie d'une section intitulée «Et maintenant, que faisons-nous?». Les conclusions, les meilleures pratiques, les recommandations de recherche, les références et les appendices sont présentées dans la partie IX. Les tableaux et figures sont insérés, le cas échéant, à la fin de chaque chapitre.
Le présent document est structuré de façon à permettre au lecteur de le lire comme un volume complet ou de choisir les chapitres qui l'intéressent particulièrement. Les résultats sont résumés à la fin de chaque chapitre.
Méthodologie
L'information a été recueillie de plusieurs façons, entre autres par la voie d'une étude de la littérature portant sur les services correctionnels pour autochtones et non-autochtones, au Canada et à l'étranger, et d'un sondage auprès du personnel correctionnel fédéral, provincial, territorial et autochtone, des délinquants autochtones et des collectivités dans le cadre duquel on a recueilli leur opinion sur plusieurs questions visant les services correctionnels, en particulier ceux ayant trait aux délinquants autochtones. On a également passé en revue les évaluations de certains projets des services correctionnels pour autochtones. Des données quantitatives ont également été recueillies auprès du Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ), du Service correctionnel du Canada (SCC) et de cinq provinces.
Les questionnaires destinés au personnel correctionnel ont été envoyés aux chefs provinciaux et territoriaux des Services correctionnels, aux sous-commissaires régionaux du Service correctionnel du Canada et à des organisations autochtones qui assurent des services correctionnels, pour qu'ils les distribuent et veillent à ce qu'on y réponde. Les questionnaires destinés aux collectivités ont été transmis aux organisations autochtones et directement à certaines collectivités dotées de comités de justice. En raison des délais, les questionnaires destinés aux détenus ont uniquement été distribués aux établissements provinciaux de la Saskatchewan et à trois établissements de la région des Prairies — Drumheller, le pénitencier de la Saskatchewan et Stoney Mountain. Bien que l'on ait exigé que tous les questionnaires soient distribués le plus possible au hasard, la représentativité des répondants n'est pas garantie. Il n'est pas possible non plus de déterminer la proportion de réponses provenant du personnel correctionnel et des collectivités car on ne connaît pas le nombre de questionnaires distribués. En gros, 44 p. 100 (N = 525) des questionnaires distribués aux détenus dans les établissements ont été remplis et renvoyés.
Les données générales du CCSJ ont été analysées et nous avons demandé au SCC et à la Colombie-Britannique, à l'Alberta, à la Saskatchewan, au Manitoba et à l'Ontario de nous fournir des données particulières sur les services correctionnels dans la collectivité et en établissement pour la période allant de 1988 à 1995. Des données quantitatives ont été recueillies à des fins de comparaison entre les autorités correctionnelles et les changements, au fil du temps, concernant les délinquants autochtones et non autochtones, les infractions, les admissions, les peines et les mises en liberté dans les établissements et les services correctionnels communautaires. Les provinces choisies sont celles qui comptent le plus grand nombre d'autochtones.
Enfin, on a analysé à nouveau un ensemble de données du Manitoba, créé en vue d'examiner la validité de certaines mesures de l'Échelle de prévision du risque du Wisconsin pour les détenus sous responsabilité provinciale dont la probation est terminée. Cette analyse visait à déterminer la valeur de l'instrument de prévision du risque pour les délinquants autochtones, et les différences sur le plan du risque et du taux de récidive entre les autochtones et entre les groupes d'autochtones et de non-autochtones.
PARTIE I. RECOURS À L'INCARCÉRATION
1. Fréquence de l'incarcération
Le recours à l'incarcération peut être considéré comme une mesure du degré de répression d'une sociétéNote de bas de page 8. Il est peut-être vrai que, de façon générale, les sociétés industrielles occidentales modernes deviennent plus répressives, mais la différence entre les taux d'incarcération qui existe entre les pays et à l'intérieur de ces pays rend moins évidentes ces conclusions hâtives. Le taux d'incarcération aux États-Unispour 100 000 habitants est environ dix fois plus élevé que celui des Pays-Bas et quatre fois plus élevé que celui du Royaume-UniNote de bas de page 9. De plus, il existe de grandes divergences même dans des territoires ayant des systèmes économiques et politiques relativement similaires. Quoique les États-Unispuissent avoir globalement le taux d'incarcération le plus élevé au mondeNote de bas de page 10, les différents États affichent un degré de variation remarquable[11] .
Par ailleurs, bien que la tendance actuelle laisse généralement entrevoir une forte augmentation de la population carcérale, cette hausse n'a pas été constante. Les États-Unis, par exemple, ont connu d'importantes fluctuations, surtout dans les années 1960 et 1970, quand les taux ont diminuéNote de bas de page 12. Il n'y a pas eu non plus d'augmentation uniforme à travers les États puisque certaines régions font actuellement état d'une diminution de leur population carcérale. D'après une analyse préliminaire menée par Nuttal et Pease (1994), la tendance en Angleterre et au Pays de Galles entre 1955 et 1991 se caractérise par une forte baisse initiale, suivie d'une lente augmentation, puis d'un nouveau recul. Le Canada, l'Allemagne de l'Ouest, la Danemark, les Pays-Bas et l'Australie ont également connu des faibles taux de population ou une baisse de ce taux[13] .
Le degré remarquable de variation dans les taux d'incarcération met en lumière deux problèmes dans la littérature sur l'emprisonnement. Le premier est méthodologique et concerne la validité, la fiabilité et l'interprétation des différentes mesures de l'emprisonnement et leur incidence sur les études comparatives intranationales et internationales sur le recours à l'incarcération. Cette question souligne certains aspects problématiques liés à la documentation du recours à l'incarcération, donnant à penser que certaines des différences et des divergences que l'on retrouve dans la littérature dénotent en partie des différences entre les approches méthodologiques. McMahon (1992) et Young et Brown (1993) fournissent d'excellentes analyses des problèmes fondamentaux des documents mettant en cause les diverses règles et méthodes de dénombrement des détenus ainsi que la présentation et l'interprétation des chiffres qui en découlent. Les personnes en liberté sous caution et celles en détention provisoire par exemple sont souvent exclues des calculs de la population incarcérée, même si elles représentent une part importante de l'ensemble de la population emprisonnée. On ne porte pas suffisamment d'attention aux différences théoriques et empiriques entre les différents descripteurs de la population, comme les données sur les admissions (c'est-à-dire le nombre de personnes qui entrent dans le système) et les données sur le dénombrement (c'est-à-dire le nombre de personnes dans le système), ni à leurs incidences.
L'importance de la variation entre les taux d'incarcération porte également à croire qu'il faut se pencher sur le deuxième problème — la question de déterminer le niveau adéquat d'emprisonnement. Malheureusement, cette question est peu souvent abordée de façon explicite[14] . Malgré les considérations d'ordre moral, politique et financier qui entrent en jeu, il n'existe aucune mesure simple et satisfaisante du niveau adéquat d'incarcération[15] . Toutefois, beaucoup de travaux de recherche ont été menés afin de déterminer les variables liées aux niveaux d'incarcération. On peut les diviser en gros en deux catégories : les variables relatives à la justice pénale et les variables relatives à la société.
Les variables relatives à la justice pénale
Selon ces facteurs, le fonctionnement de la justice et du droit pénal et ses agents déterminent les taux d'incarcération. Souvent, on explique cette situation comme suit : les applications plus strictes de lois pénales sont responsables du recours accru à l'incarcération. Les premiers agents qui peuvent influer sur les taux d'incarcération sont la police par ses pratiques d'arrestation. Toutefois, à l'évidence, la police joue un rôle limité ou modeste[16] . La raison manifeste de la portée limitée de son activité est que le recours accru à l'arrestation ne donne pas nécessairement lieu à un emprisonnement puisque ce sont surtout les tribunaux qui décident en la matièreNote de bas de page 17. Ceci indiquerait que les procureurs de la poursuite et les tribunaux eux-mêmes jouent un rôle plus important dans la détermination des taux d'incarcération.
Les mesures prises par les agents du tribunal pourraient donner à penser que la politique et le droit pénal sont les principaux facteurs responsables des niveaux d'incarcération puisqu'ils peuvent influencer les décisions des tribunaux. Plus précisément, on a établi un lien entre les changements dans le processus de détermination de la peine, comme les peines de durée déterminée et les peines obligatoires, et les taux d'incarcération car ils limitent ou suppriment le pouvoir discrétionnaire des juges qui déterminent la peine. Selon les études, cependant, ces changements ont une incidence minimaleNote de bas de page 18. Comme Tonry (1987) l'a mentionné dans son étude des lois sur la détermination de peines obligatoires dans les États du Massachussetts, du Michigan et de New York, les juges, pour des accusations moins graves, peuvent contourner les lois qui leur paraissent inappropriées en rendant une ordonnance de non-lieu et déjudiciariser les délinquants pour éviter d'appliquer la loi. Et pour les accusations plus graves, [traduction] «les lois sur la peine obligatoire font double emploi en ce sens que les délinquants risquent, dans tous les cas, de se voir imposer des peines plus longues que celles exigées par la loi» (p. 35).
La capacité de la commission des libérations conditionnelles de réduire la surpopulation grâce à son pouvoir de mise en liberté[19] illustre son influence potentielle sur la durée des peines purgées. Bien que le régime de libération conditionnelle puisse faire office de «soupape de sécurité» pour réduire ou stabiliser les populations carcérales, il peut également avoir l'effet inverse, soit augmenter la population par l'incarcération de contrevenants aux conditions de la libération conditionnelle, qui purgent parfois des peines plus longues qu'ils n'auraient purgées s'ils n'avaient pas bénéficié de la libération conditionnelleNote de bas de page 20.
Les tribunaux et le régime de libération conditionnelle ne fonctionnent toutefois pas en vase clos. En plus d'être influencé à certains égards par des facteurs au sein du système de justice pénale, comme d'aucuns l'ont soutenu, leur comportement est, par ailleurs, fortement politisé et fait l'objet d'un examen minutieux par le publicNote de bas de page 21. Il serait donc nécessaire de mettre en contexte l'action du système de justice pénale dans la structure et les conditions de la société, compte tenu des facteurs extérieurs susceptibles d'influencer les taux d'incarcération.
Les variables relatives à la société
La criminalité est peut-être la variable la plus étudiée en ce qui a trait aux taux d'incarcération. On suppose que les fluctuations des taux de criminalité seront directement proportionnelles aux changements dans le taux d'emprisonnement car l'emprisonnement est destiné théoriquement à faire échec à la criminalité. La littérature regorge d'arguments étayés déroutants et contradictoires, indiquant en général qu'il n'y a pas de relation claire et directe entre les crimes et l'incarcération et que si relation il y a, elle est relativement faible.
Toutefois, comme Young et Brown (1993) l'indiquent, la plupart des travaux de recherche tendent à utiliser une méthode simpliste. Par exemple, il est courant que certains auteurs analysent les statistiques générales sur la criminalité qui tendent à estomper les différences entre les types de crime. Quand ils ont séparé les infractions contre les biens des crimes avec violence, Ekland-Olson, Kelly et Eisenberg (1992) ont découvert que l'incarcération était reliée aux infractions contre les biens mais non aux crimes avec violence. Les propos de Zimring et Hawkins (1991) sur les données américaines concernant la criminalité et l'incarcération entre 1949 et 1988 sont peut-être ce qui décrit le mieux l'état des connaissances actuelles sur la question : [traduction] «[Nos données] prouvent l'absence de relation directe et simple qui nous permettrait d'expliquer de manière satisfaisante la plupart des fluctuations dans le taux d'incarcération en faisant référence aux changements dans les taux de criminalité» (p. 124).
On a également proposé à titre de facteurs déterminants des taux d'incarcération les conditions économiques de la société. Plus précisément, le chômage a été la principale variable examinéeNote de bas de page 22, et l'on a élaboré la théorie selon laquelle il créerait des conditions favorables à la criminalité (p. ex. la pauvreté) qui augmentent par conséquent les taux d'incarcération ou ferait naître la tentation du désordre et de la marginalité chez les chômeurs, ce qui nécessite un resserrement du contrôle social par l'État au moyen de l'incarcération. Les fondements de ce point de vue sont contradictoiresNote de bas de page 23 car certains chercheurs ont découvert une corrélation, et d'autres non[24] . Les cas de corrélation plus évidente ont tendance à viser les populations purgeant une peine de courte durée et les délinquants en détention provisoire.
L'argument le plus récent et peut-être le plus convaincant formulé dans la littérature établit un lien entre les attitudes socioculturelles plus libérales et le recours à l'incarcération. Bien que la culture ait été directement mesurée et reliée à l'incarcérationNote de bas de page 25, il semble y avoir peu d'indications indirectes de son incidence. Les tendances régionales relativement fortes dans les taux d'incarcération aux États-Unisconstituent un exemple qui donne à penser qu'un contexte culturel plus libéral est en causeNote de bas de page 26. La comparaison, par Selke (1991), des régimes punitifs du Danemark et des États-Unislaisse entendre que les différences importantes dans la philosophie et les pratiques pénales entre les deux pays peuvent être attribuables aux différences dans les idéologies, les attitudes et les valeurs culturelles. L'auteur observe par exemple que le recours moins fréquent du Danemark à l'incarcération reflète des attitudes implicites plus libérales en ce qui concerne la criminalité, la justice et le pragmatisme.
La perspective socioculturelle est intéressante en ce sens qu'elle est compatible avec de nombreuses autres variables associées à l'incarcération pour lesquelles on a élaboré une théorie. Zimring et Hawkins (1991) ont mis en lumière certains des problèmes de ce point de vue et des travaux de recherche subséquents et indiqué que les attitudes culturelles seules ne déterminaient pas automatiquement les taux d'incarcération, du moins pas de façon simple et directe. Cependant, comme ils le laissent entendre, si l'on comprend bien le recours à l'incarcération, on a des chances de saisir une interaction complexe, probablement variable, de facteurs qui englobent plusieurs paramètres. Les partisans de cette perspective socioculturelle suggéreraient avant tout que les facteurs socioculturels jouent d'ordinaire une sorte de rôle, interagissant avec d'autres variables. Ainsi, bien que la structure officielle particulière du droit pénal puisse jouer un rôle important dans le taux d'incarcération, les paramètres politiques sous-jacents sont influencés ou du moins circonscrits par le cadre culturel dans lequel ils sont formulésNote de bas de page 27. Par exemple, le pouvoir des commissions des libérations conditionnelles de stabiliser les populations carcérales peut être contrebalancé par les pressions et les critiques de l'opinion publique pendant des périodes de préoccupations intenses concernant l'ordre public. De même, certaines données militent également en faveur d'une interaction entre les conditions économiques et les attitudes culturelles dans ces conditions, qui influencerait les taux d'emprisonnementNote de bas de page 28.
Les effets de l'incarcération
Comme il a été mentionné plus haut, il n'existe à l'heure actuelle aucun point de référence pour déterminer la « durée » adéquate d'incarcération. Pour y arriver, il semblerait qu'il faille déterminer les effets de l'emprisonnement. Aux yeux de la population, l'incarcération est considérée comme un moyen de réduire la criminalité ou de lutter contre celle‑ci à l'aide de moyens de dissuasion particuliers ou généraux. Par conséquent, plus le taux d'incarcération serait élevé, plus le taux de criminalité serait faible. Toutefois, la littérature ne semble pas corroborer ce point de vue. Bien qu'un effet de dissuasion puisse exister jusqu'à un certain point, habituellement dans le cas des crimes contre la propriétéNote de bas de page 29, les recherches indiquent généralement le contraireNote de bas de page 30.
Si le recours à l'emprisonnement ne réduit pas efficacement la criminalité, quels autres effets pourrait-il avoir? Une conséquence dont il est souvent fait état est le surpeuplement des prisons. En 1990, seulement neuf prisons d'État comptaient un nombre de détenus inférieur à leur capacité théorique et, à l'échelle nationale, les pénitenciers étaient surpeuplés dans une proportion de près de 30 %Note de bas de page 31. Bien entendu, certains États ont réagi à la situation en consacrant des sommes considérables à la construction de prisons (p. ex. en Californie), mais les critiques soutiennent que cette solution constitue en grande partie un gaspillageNote de bas de page 32.
Le surpeuplement des établissements peut également exercer des pressions sur d'autres secteurs du système de justice pénale. Par exemple, les tribunaux imposent souvent des niveaux maximums de détenus pour réduire le surpeuplement. On sait que la population carcérale augmente en raison du surpeuplement des prisons, car des détenus attendent d'être transférés dans les prisons d'État remplies à pleine capacité. Enfin, comme nous l'avons mentionné plus haut, les systèmes de libération conditionnelle peuvent agir comme soupapes de sécurité servant à réduire le surpeuplement des prisons.
Le recours à l'emprisonnement peut également déboucher sur la mauvaise utilisation ou la mauvaise gestion des locaux des pénitenciers en entraînant l'incarcération d'individus qui ne devraient pas être incarcérés et qui occupent, de ce fait, des locaux que d'autres personnes qui méritent réellement d'être incarcérées pourraient occuper. Irwin et Austin (1994) soutiennent que, contrairement à la croyance populaire, la grande majorité des détenus admis dans les prisons des États-Unisont commis des crimes sans violence ou ont violé les conditions de leur libération conditionnelle. De même, Immarigeon et Chesney (1992) soutiennent qu'il n'y a aucune commune mesure entre le taux d'emprisonnement des femmes et la nécessité d'assurer la sécurité du public. Même si elles sont incarcérées plus souvent, les femmes ne constituent pas encore un danger plus grave que par le passé. McMahon (1992) explique que le taux d'incarcération élevé enregistré en Ontario dans les années 50 était en grande partie attribuable à l'incapacité des pauvres et des sans‑abri de payer les amendes qu'on leur avait imposées pour ivresse sur la voie publique. Ce point de vue est conforme à celui de Welch (1994) et d'Irwin (1985) selon lequel les établissements correctionnels (c.-à-d. les prisons) servent uniquement à parquer les inadaptés sociaux. L'incarcération est considérée comme une force d'oppression servant à contrôler les défavorisés et les marginaux, dont l'existence même, plutôt que leur capacité de recourir à la violence, menace le statu quo.
Somme toute, ces conclusions donnent à penser que le recours à l'emprisonnement peut avoir un effet contraire à celui que les décisions visent à obtenir, non pas en fonction des mérites de chacun des cas, mais plutôt sur la base de facteurs externes qui débouchent par conséquent sur l'utilisation douteuse de l'incarcération.
2. Profil de l'incarcération au Canada
En dépit des diverses tentatives faites pour réformer la détermination de la peine au fil des ans ainsi que la croyance dans le recours aux mesures correctionnelles communautaires et de l'accroissement de l'utilisation de celles-ci, le Canada compte encore, par rapport à d'autres pays occidentauxNote de bas de page 33 et à de nombreux pays de l'Asie-PacifiqueNote de bas de page 34, parmi ceux qui ont le plus souvent recours à l'incarcération. En 1993-1994, il y avait en moyenne plus de 154 000 détenus sous la responsabilité des organismes de services correctionnels au Canada — dont 79 % faisaient l'objet d'une surveillance dans la collectivité tandis que 21 % étaient incarcérésNote de bas de page 35. Selon les estimations, le taux d'incarcération du Canada est 2,5 fois plus élevé que celui des Pays-Bas, 1,4 fois plus élevé que celui de l'Australie et 1,1 fois plus élevé que celui de l'Angleterre et du Pays de Galles. En outre, il est légèrement plus élevé que celui de la Nouvelle-ZélandeNote de bas de page 36.
Selon les enquêtes internationales sur le crime réalisées en 1989 et en 1992 dans vingt pays environ, le Canada, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, l'Australie, les États-Uniset la Pologne comptaient parmi ceux où les taux de victimisation étaient les plus élevés, et l'Irlande du Nord et la Japon, parmi ceux où ils étaient les plus faibles. Même s'il figurait encore dans la catégorie des pays arrivant en tête de liste en ce qui concerne les risques d'agression, le Canada arrivait derrière la Nouvelle-Zélande, les États-Uniset l'Australie à ce chapitre. Entre 1988 et 1991, le risque d'être victime de nombreux crimes au Canada a diminué ou n'a augmenté que légèrementNote de bas de page 37. D'après ces données, on peut conclure que des niveaux d'incarcération élevés au Canada ne correspondent pas à des niveaux de criminalité disproportionnés.
3. Comprendre l'incarcération et les mesures correctionnelles communautaires au Canada
Comprendre le recours à l'incarcération est beaucoup plus complexe qu'on ne l'imaginerait à première vue. Cependant, le Canada n'est pas le seul à faire face à cette difficulté. Les différences entre les diverses régions de l'Australie au chapitre des taux d'incarcération ont fait l'objet d'analyses plus approfondies, mais l'écart entre les États, même après prise en considération des caractéristiques comme le pourcentage de jeunes hommes et d'autochtones dans la population, le nombre de crimes et la gravité relative du crime et du chômage, reste inexpliqué. On en est arrivé à la conclusion que les traditions administratives et les différences dans le caractère punitif des attitudes des collectivités pourraient expliquer l'écartNote de bas de page 38. Aucune conclusion de ce genre n'a encore été tirée au Canada.
La première réaction à l'incarcération des autochtones et au risque d'incarcération consiste à supposer automatiquement que l'inculpation et les poursuites sont plus fréquentes et les peines infligées plus lourdes. Mais que sait-on de ces facteurs?
a) Incidents d'une province et d'un territoire à l'autre :
Tout le monde sait (et les données officielles le corroborent) que la criminalité augmente d'Est en Ouest (CCSJ, 1993). En général, les taux de criminalité sont plus élevés dans les provinces de l'Ouest que dans les provinces de l'Est. En 1993, le nombre d'infractions au Code criminel déclarées à la police dans le cas des adultes et des jeunes pour 100 000 habitants étaient le plus élevé dans les deux territoires — Yukon et T.N. -O, suivis des provinces des Prairies et de la C.-B. L'examen des taux pour 100 000 habitants de crimes de violence réels déclarés à la police révèle qu'ils étaient les plus élevés en C.-B., au Manitoba et en Saskatchewan. Étant donné que les personnes qui commettent des crimes de violence sont généralement considérées comme un risque plus élevé, ce facteur peut expliquer une partie des niveaux d'incarcération disproportionnés des autochtones dans certaines provinces (Tableau I.1 Taux d'infractions au Code criminel, provinces et territoires, 1993).
b) Incidents et taux d'inculpation :
Il est également vrai qu'il existe un écart considérable dans les taux d'inculpation, mais la tendance à un « taux inférieur dans l'Est à celui de l'Ouest » ne tient pas. En fait, les taux d'inculpation (fondés sur les infractions réelles classées par mise en accusation) de 1990 à 1993, inclusivement, montrent que les taux d'inculpation pour toutes les infractions étaient les plus élevés à Terre-Neuve, en SaskatchewanNote de bas de page 39 et à l'Île-du-Prince-Édouard, et les plus faibles en C.-B. malgré le fait que la C.-B. affiche l'un des taux de crimes déclarés les plus élevés du pays. Les territoires, la Saskatchewan et le Manitoba affichaient les taux les plus élevés d'inculpation par suite de crimes de violence (Tableau I.2 Pourcentage des infractions ayant donné lieu à une inculpation, 1993). Fait intéressant, le nombre de jeunes inculpés (pour 10 000 jeunes de 12 à 17 ans) dans les territoires et au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta (territoires et provinces où les taux d'incarcération des autochtones sont les plus élevés au Canada) sont beaucoup plus élevés que dans les autres provinces, et sont de loin les plus bas au Québec (Tableau I.3 Taux d'inculpation des jeunes et nombre quotidien pour 10 000). Si le rapport entre les jeunes et les adultes reste vrai comme le montrent certains travaux de rechercheNote de bas de page 40, cela peut expliquer en partie le problème de surreprésentation des adultes et des autochtones dans ces provinces. Il s'agit de déterminer quelle proportion du taux d'inculpation des jeunes autochtones réside dans la discrimination attribuable au système de justice pénale, les tendances en matière de perpétration des infractions ou dans les caractéristiques des populations autochtones de ces provinces.
c) Taux d'inculpation et incarcération :
Les données sur le taux d'inculpation correspondent-elles aux niveaux d'incarcération dans les provinces et les territoires? Sans données sur les poursuites et les condamnations, il est difficile de répondre à cette question. Il se peut que dans les provinces affichant les niveaux d'inculpation les plus élevés, il y ait moins de condamnations que dans les provinces qui ont recours de façon plus modérée à l'inculpationNote de bas de page 41. Le fait que les procureurs prennent les décisions dans les provinces affichant les niveaux d'inculpation les plus élevés (comme la Saskatchewan) peut influer sur les pratiques de la police en matière d'inculpation. Les juges peuvent également agir comme régulateurs de l'inculpation. Selon des données récentes sur le nombre de casNote de bas de page 42, sur les six provinces et territoires étudiés, c'est en Ontario que le nombre de non-lieu, de retraits et de sursis d'instance a été le plus élevé et au Québec que le nombre d'inculpations a été le plus bas; les plaidoyers de culpabilité étaient les plus nombreux à l'Î.-P.-É. et les plus bas en Ontario, en Saskatchewan et au Yukon; et les tribunaux de la Saskatchewan ont délivré plus de mandats d'arrêtNote de bas de page 43.
Même si le taux d'inculpation des jeunes dans les trois provinces des Prairies, c.-à-d. l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan est élevé par rapport à celui des autres provinces, le nombre de jeunes en détention pour 1 000 inculpations se situe au milieu de la fourchette (voir le tableau I.3). Le taux d'admissions des personnes inculpées qui ont été condamnées dans les établissements fédéraux et provinciaux n'est généralement pas plus élevé en Saskatchewan qu'ailleursNote de bas de page 44. Cependant, il faut admettre que ces conclusions ne contredisent pas le fait que lorsque le taux d'inculpation est plus élevé, le risque de recours à l'incarcération est accru. Sans données connexes sur les infractions et les poursuites, toutefois, il est difficile d'interpréter les effets des accusations.
d) Taux d'incarcération dans les établissements fédéraux, provinciaux et territoriaux :
Alors que le nombre d'habitants a augmenté de 5,3 % entre 1989 et 1994, le nombre de détenus a presque quadruplé dans les établissements fédéraux et a doublé dans les établissements provinciaux. De plus, quatre fois plus de personnes ont fait l'objet d'une ordonnance de probation. Il y avait peu d'uniformité d'une province à l'autre en ce qui concerne la détention provisoire et le nombre de personnes condamnées incarcérées dans les établissements fédéraux et provinciaux. Certaines provinces comme la C.-B. et la Nouvelle-Écosse ont enregistré une forte hausse de personnes en détention provisoire, mais non de détenus condamnés. D'autres provinces ont connu une hausse beaucoup plus importante de personnes condamnées sous responsabilité fédérale que sous responsabilité provincialeNote de bas de page 45. Pendant la même période, le nombre moyen de détenus sous responsabilité fédérale s'est accru de 16,7 %, et les provinces de l'Atlantique ont enregistré la hausse la plus forte. Seule la région du Pacifique a accusé une baisseNote de bas de page 46. En 1994-1995, le nombre d'admissions dans les établissements fédéraux a diminué de 5 %; il s'agissait de la première diminution depuis de nombreuses annéesNote de bas de page 47.
Le nombre de détenus dans les établissements provinciaux a augmenté de 9,8 % de 1989 à 1994. Dans l'ensemble, le nombre d'admissions de personnes condamnées a progressé de 4 %, quatre provinces et un territoire accusant une baisse: Î.-P.-É., Ontario, Manitoba, Saskatchewan et Yukon. Le nombre de personnes en détention provisoire admises s'es accru du tiers entre 1989-1990 et 1993-1994, et le Québec et l'Ontario ont enregistré le plus grand nombre de personnes admises en détention provisoire. Dans ces deux provinces ainsi qu'au Manitoba et au Yukon, le taux d'admission de personnes en détention provisoire était supérieur au taux national. Dans les provinces de l'Atlantique, au Manitoba et en Alberta, le nombre d'admissions de personnes en détention provisoire a régressé. Pendant cette période, l'Île-du-Prince-Édouard, l'Alberta et le Nouveau-Brunswick ont enregistré les niveaux d'admissions de personnes condamnées les plus élevés tandis que la Nouvelle-Écosse, la C.-B. et le Manitoba ont affiché les niveaux les plus faibles pour 1 000 adultes inculpés de toutes les infractionsNote de bas de page 48. Ce n'est qu'au Manitoba que le taux d'incarcération pour 10 000 adultes inculpés a diminué, et Terre-Neuve a enregistré la hausse la plus forteNote de bas de page 49 (Tableau I.4 Admissions de personnes condamnées dans les établissements provinciaux selon les adultes inculpés).
e) Genre d'infractions et incarcération :
L'examen des admissions de personnes condamnées de 1989 à 1994 par suite d'infractions au Code criminel, à des lois fédérales ou provinciales et à des règlements municipaux révèle qu'il y a un écart considérable d'une province et d'un territoire à l'autre. Même si la majorité des admissions sont attribuables à des infractions au Code criminel dans toutes les provinces et les territoires, les pourcentages varient d'un minimum de 63 % au Québec à un maximum de 94 % dans les T.-N.-O. Il y a plus d'admissions par suite d'infractions à des lois fédérales en C.-B. et plus d'admissions par suite d'infractions à des lois provinciales et à des règlements municipaux au Québec et en Alberta que dans les autres provinces.
Le nombre d'admissions de personnes condamnées par suite de crimes de violence était le plus élevé au Manitoba, au Yukon et à Terre-Neuve, et le moins élevé en Alberta et au Québec; les infractions contre la propriété étaient les plus nombreuses en Nouvelle-Écosse tandis que l'Île-du-Prince-Édouard arrivait au premier rang en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété; les T.N.-O. comptaient le plus grand nombre d'admissions par suite d'«autres infractions au Code criminel »; la Colombie-Britannique comptait le plus d'infractions relatives aux drogues et le Québec, suivi de près par la Saskatchewan, le plus de cas de non-paiement d'amendeNote de bas de page 50. Le nombre d'autres infractions au Code criminel était le plus élevé dans les territoires et en Alberta, et le moins élevé à l'Î.-P.-É.
Dans les établissements fédéraux de l'Ontario, des Prairies et de la C.-B. en 1993, plus de personnes purgeaient une peine pour meurtre et crime de violence que dans les provinces de l'Atlantique et au QuébecNote de bas de page 51. Dans toutes les régions, les personnes ayant commis une infraction figurant à l'annexe 1 constituaient la catégorie des personnes admises la plus nombreuse en 1994 (Tableau I.5 Genre d'infraction par région selon les nouvelles admissions dans les établissements fédéraux. 1993-1994).
En 1993, la conduite en état d'ébriété constituait le motif de condamnation le plus fréquent; 19 % des condamnations au Québec et 32 % à l'Î.-P.-É. lui étaient attribuables. Fait intéressant, les voies de fait et les vols de 1 000$ ou moins arrivaient au deuxième rang dans toutes les provinces et les territoires, sauf en Saskatchewan, où le défaut de comparaître arrivait au premier rang. Il s'agit d'une constatation importante, car on sait depuis longtemps qu'un pourcentage disproportionné des infractions administratives, dont le défaut de comparaître, le défaut de se conformer et l'administration de la justice, est attribuable aux autochtonesNote de bas de page 52.
f) Durée des peines :
En 1993-1994, le nombre d'admissions de personnes condamnées à une peine de moins d'un mois représentait 38 % des admissions, tandis que 81 % des admissions étaient attribuables à une peine de six mois ou moins. La durée médiane de la peine des personnes admises dans les établissements provinciaux était de 31 jours contre 46,3 mois dans les pénitenciers fédéraux. Dans les quatre provinces et le territoire pour lesquels nous disposons de données, la durée médiane d'incarcération attribuable à la condamnation la plus grave était de 14 jours à Î.-P.-É., 30 jours au Yukon, 40 jours en Nouvelle-Écosse et 60 jours au Québec et en Saskatchewan. Il y a un écart considérable. En 1993-1994, le nombre de peines de moins d'un mois variait de 15 % dans les T.N.-O. à 67 % à l'Î.-P.-É.; les peines supérieures à un an variaient de 2 % au Nouveau-Brunswick à 20 % en Nouvelle-Écosse. La Saskatchewan se situait à mi-chemin dans toutes les catégories de longueur de peineNote de bas de page 53.
g) Mesures correctionnelles communautaires :
Le recours aux mesures correctionnelles communautaires a commencé au milieu des années 60 et était largement répandu au cours des années 70 et 80Note de bas de page 54. Le recours à la probation s'est généralement accru au Canada entre les années 1989 et 1994 tout comme depuis 1975. Malgré le fait que l'incarcération constitue la réponse la plus évidente et la plus grave à la criminalité, elle n'est aucunement la méthode la plus fréquemment utilisée. Les amendes et les mesures correctionnelles communautaires sous forme de probation, d'ordonnances de services communautaires, de restitution, etc. sont les décisions les plus courantesNote de bas de page 55. En 1993-1994, le nombre moyen de délinquants en probation dépassait 100 000, soit une hausse de 35 % depuis 1989-1990. Comme il n'y a pas eu d'affectation correspondante de ressources aux programmes communautaires, cela donne à penser qu'il y a eu une modification des pratiques de détermination de la peineNote de bas de page 56. Cependant, les données récentes montrent également une hausse des admissions dans les prisonsNote de bas de page 57.
Entre 1989 et 1994, le nombre d'admissions en probation s'est accru plus rapidement que les taux de criminalité, mais les probationnaires étaient plus âgés et se sont vu infliger des peines de probation plus longues. La plupart des admissions en probation étaient attribuables à des infractions au Code criminel. Le nombre de probationnaires a augmenté de 53 % entre 1989-1990 et 1992-1993 dans toutes les provinces et les territoires, sauf au Yukon. Les provinces de l'Atlantique ont enregistré une hausse supérieure à celle des provinces des Prairies. Certaines hausses (à Terre-Neuve, par exemple) résultaient de peines de probation plus longues. Le Yukon, suivi de l'Ontario et de l'Î.-P.-É., affichait les taux de probation les plus élevés pour 10 000 adultes inculpés; les T.N.-O, l'Alberta et la Saskatchewan ont enregistré les taux les plus basNote de bas de page 58. Des chiffres peu élevés peuvent résulter de périodes de probation plus courtes. Cependant, dans les provinces où le nombre et le taux d'admissions sont faibles (Saskatchewan, Alberta et T.N.-O.), la probation peut simplement être moins utilisée, et l'on peut recourir davantage à d'autres décisions comme les amendes. Pour certains groupes, comme les autochtones, le résultat final peut être un taux d'admission important dans les établissements provinciaux pour non-paiement d'amende.
La comparaison du recours à l'incarcération, à la probation et aux amendes dans les cinq provinces ou territoires pour lesquels des données sur les tribunaux sont disponibles pour 1993 révèle que l'écart est considérable. L'Î.-P.-É. a beaucoup plus recours à l'incarcération que les autres provinces pour toutes les catégories d'infractions (en particulier, au Code de la route) et la Nouvelle-Écosse, suivie du Québec et de la Saskatchewan, y a recours le moins. La Saskatchewan a généralement davantage recours aux amendesNote de bas de page 59. Le Québec fait appel à la probation plus souvent pour les crimes de violence, les crimes contre la propriété et les infractions au Code de la routeNote de bas de page 60. L'Ontario et l'Alberta ont plus souvent recours à l'incarcération pour les crimes de violence. Le taux d'incarcération par suite de crimes contre la propriété et d'autres infractions au Code criminel était semblable dans quatre des provinces, mais plus élevé au Québec, au Yukon et à l'Î.-P.-É.
Aperçu
Quelle est la conclusion de tout cela? Ce que savons, c'est que le Canada compte parmi les pays qui ont le plus recours à l'incarcération, en particulier pour les infractions qui aboutissent à de courtes peines. Nous en savons moins sur les raisons de cet état de fait ou sur les écarts d'une région à l'autre en ce qui concerne le recours à l'emprisonnement.
Les données actuelles ne fournissent pas assez d'information uniforme pour permettre de tirer des conclusions précises au sujet de l'écart dans le recours à l'incarcération au pays, sauf que le recours à l'emprisonnement a généralement augmenté depuis 1989-1990. Il n'y a pas de tendance évidente qui permette de conclure qu'une province ou un territoire donné a trop recours à l'incarcération. Cependant, deux provinces affichent de toute évidence des taux d'admissions de personnes condamnées pour 10 000 adultes inculpés plus élevés que les autres : l'Î.-P.-É. (qui semble enregistrer un nombre disproportionné de cas de conduite avec facultés affaiblies) et l'Alberta. Les T. N.-O. et les provinces des Prairies affichent les chiffres les plus élevés. Il semblerait que ceux-ci soient aux prises avec des populations de détenus différentes. Les faibles taux d'inculpation et d'incarcération des autochtones en Colombie-Britannique constituent une conclusion convaincante qu'il faut examiner davantage tout comme les niveaux d'inculpation élevés dans les autres provinces comme la Saskatchewan.
Un certain nombre d'autres facteurs entrent en jeu dans le recours à l'incarcération, notamment le genre d'infraction, les pratiques en matière d'inculpation, les taux de condamnation et la détermination de la peine. Selon la littérature actuelle, il y a un écart considérable au pays en ce qui concerne le taux d'inculpation et la détermination de la peineNote de bas de page 61, mais l'on prend rarement en considération le casier antérieurNote de bas de page 62. Roberts (1988, p. 38) soutient que la différence est probablement attribuable à la disparité non justifiée des peines. Les recherches sur le rôle de la race dans la disparité ont cependant permis de constater que ses effets sont limitésNote de bas de page 63, particulièrement par rapport à la gravité de l'infraction et du dossier antérieurNote de bas de page 64. Plusieurs ont fait remarquer qu'une discrimination systémique, attribuable à la situation sociale et économique particulière des personnes traduites en justice, peut influer sur la peine infligée, c.-à-d. qu'une peine d'incarcération est choisie au lieu d'une mesure correctionnelle communautaireNote de bas de page 65.
Les travaux de recherche sur la surreprésentation des autochtones, par exemple, font généralement appel aux données sur les admissions, et non sur le nombre de détenus. Si on les utilise seuls, les chiffres sur les admissions de personnes condamnées peuvent donner une fausse idée de la nature et de l'ampleur du problème et du nombre précis d'autochtones en cause. Compte tenu des peines de courte durée et des programmes de solution de rechange à l'incarcération, les mêmes personnes peuvent être admises sur une période d'un an de sorte que les données sur les admissions peuvent être surestimées. Il y a un autre problème : il se peut qu'en cherchant à réduire les niveaux des admissions, on ne porte pas attention aux délinquants « invétérés » qui risquent le plus de figurer dans les données sur le nombre de détenus. Il s'agit du groupe qui cause le plus de problèmes au système de justice pénale, mais qui est souvent inadmissible aux solutions de rechange à l'incarcération.
La difficulté que pose l'utilisation des admissions de personnes condamnées pour l'analyse du défaut de payer les amendes réside dans le fait que dans la plupart des provinces et territoires une personne qui ne paie pas l'amende peut choisir de participer à un programme de solution de rechange à l'amende à tout moment, y compris au moment de son admission en prisonNote de bas de page 66. Un individu peut figurer dans le nombre d'admissions de personnes condamnées, mais n'avoir passé que quelques heures ou jours en détention. En Saskatchewan en 1994-1995, par exemple, le nombre moyen de journées purgées par suite du non-paiement d'une amende s'élevait à 9,3. Les délinquants n'ayant pas bénéficié de programmes de solutions de rechange à l'incarcération se sont peut-être vu refuser cette possibilité parce qu'ils avaient contrevenu aux conditions des programmes précédents ou qu'ils avaient refusé d'y participer.
Les caractéristiques des délinquants, les solutions de rechange à l'emprisonnement, l'éloignement (qui influe sur l'accès au cautionnement et aux solutions de rechange à l'incarcération), les ressources existantes, l'attitude du public à l'égard de l'incarcération, la capacité des prisons, les traditions administratives, les attitudes culturelles et les valeurs pénales influent également sur le recours à l'incarcération. Par exemple, selon des recherches récentes sur les autochtones du centre-ville de deux villes de l'Est et de deux villes de l'Ouest, le groupe de l'Ouest est généralement plus marginaliséNote de bas de page 67. La situation de la Saskatchewan témoigne de l'importance de ce phénomène. Cette province affiche les taux les plus élevés d'incarcération des autochtones, elle compte le plus d'admissions pour des raisons administratives et de non-paiement d'amendes (ce qui laisse supposer plus de démêlés chroniques avec le système de justice pénale), mais elle a des programmes de surveillance intensive et de surveillance électroniqueNote de bas de page 68. Selon la théorie de Wilkins et de Pease sur les attitudes culturelles et les valeurs pénales, la Saskatchewan, avec sa tradition socialiste bien ancrée, risque plus que les autres provinces d'être moins punitiveNote de bas de page 69. Dans les provinces comme l'Alberta, où la compétition et l'individualisme sont fortement valorisés, les facteurs qui influent sur le recours à l'emprisonnement peuvent être différents.
Les sondages d'opinion sur la justice pénale ne jettent pas non plus beaucoup de lumière sur les écarts en ce qui concerne l'incarcération des autochtones. Selon certaines indications, les gens de l'Ouest, en particulier ceux de la C.-B., sont davantage en faveur de la peine capitale et de l'imposition de fortes peines, mais dans le cas des autres questions comme les camps de type militaire, les habitants du Manitoba et de la Saskatchewan étaient les moins favorablesNote de bas de page 70. Le fait de favoriser davantage l'imposition de fortes peines ne se traduit pas nécessairement par des pratiques plus punitives comme en témoignent les taux d'inculpation et d'incarcération moins élevés des autochtones en C.-B. Les opinions moins favorables à l'égard des questions autochtones en général, comme les ont exprimées les répondants du Québec dans le cadre du sondage d'Angus Reid en 1994, ne se soldent pas non plus par des niveaux d'incarcération plus élevés des autochtones. En ce qui concerne les questions générales touchant les autochtones, les groupes favorables les plus nombreux se trouvaient dans les provinces des Prairies et les moins nombreux, en C.-B. et au Québec. Le point de vue des habitants des Prairies était semblable à celui des gens des provinces de l'Atlantique qui, par contre, affichent de faibles taux d'incarcération des autochtonesNote de bas de page 71. Fait intéressant, les habitants de l'Ouest estiment que les autochtones vivant dans les réserves sont mieux que les autochtones vivant dans les villes tandis que la perception contraire a cours dans l'Est. Ces perceptions reflètent peut-être la situation marginale plus évidente et plus visible des autochtones dans les villes de l'OuestNote de bas de page 72.
Il est peut-être plus utile de recourir aux données économiques pour comprendre les écarts entre les régions au chapitre des niveaux d'incarcération. Selon le recensement de 1991, la Saskatchewan affichait les taux d'activité les plus faibles parmi toutes les provinces et les territoires tant pour les hommes que pour les femmes parmi les Indiens inscrits vivant dans les réservesNote de bas de page 73. L'Ontario et la Colombie-Britannique avaient les taux d'activité les plus élevés et la Saskatchewan les plus bas, suivie de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve (où les niveaux d'emploi de l'ensemble de la population sont généralement plus bas) et du Manitoba. Les niveaux d'activité des autochtones hors réserve suivaient des tendances semblables — le taux d'activité des Indiens inscrits est le plus bas en Saskatchewan et au Manitoba, et le plus élevé en Ontario et dans les Maritimes (Tableau I.6 Indiens inscrits vivant dans une réserve et hors réserve et Métis selon le taux d'activité, 1991). Dans toutes les provinces, sauf l'Alberta, où il est semblable, le taux d'activité des Métis est plus élevé que celui des Indiens inscrits. La comparaison du niveau d'activité total des autochtones (tous les groupes autochtones) et celui des non-autochtones révèle des niveaux semblables dans toutes les provinces, sauf la Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta, où les niveaux des autochtones sont plus faibles. Les niveaux de revenu des Indiens inscrits, dans les réserves et hors réserves, sont également inférieurs dans les trois provinces des Prairies à ceux du reste du pays. La Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta affichent les niveaux les plus élevés d'autochtones ayant des démêlés avec le système de justice pénale. Les caractéristiques démographiques et les conditions des réserves dans les provinces des Prairies peuvent expliquer les niveaux plus élevés d'incarcération des autochtones dans les établissements provinciaux et fédéraux.
Les données sur les mesures correctionnelles communautaires révèlent que les provinces affichant les niveaux d'incarcération des autochtones les plus disproportionnés, soit la Saskatchewan et l'Alberta, sont également celles qui admettent le moins de personnes en probation (le nombre peu élevé de personnes en probation en Saskatchewan résulte peut-être d'une surveillance plus intensive et de périodes plus courtes de probation). Le nombre plus bas d'admissions en probation laisse supposer un recours accru à l'emprisonnement ou aux amendes. Les taux d'admission de personnes condamnées pour 1 000 adultes inculpés sont beaucoup plus élevés en Alberta qu'en Saskatchewan. On peut en déduire que l'Alberta a davantage recours à l'emprisonnement, constatation conforme aux recherches sur le centre-villeNote de bas de page 74. D'autre part, la durée médiane des peines est plus brève en Alberta qu'en Saskatchewan.
Le fait que la Saskatchewan ait davantage recours aux amendes pourrait se traduire indirectement par un taux d'incarcération plus élevé des autochtones qui ne paient pas leurs amendes en raison du grand nombre d'autochtones marginaux dans les centres urbains où la possibilité d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale est la plus forte. La récidive et l'inadmissibilité aux programmes de solutions de rechange à l'incarcération (en raison d'échecs antérieurs) révèlent l'existence d'un groupe de personnes qui se retrouvent souvent dans les établissements correctionnels provinciaux. Ce groupe peut être fortement représenté dans les chiffres sur les admissions dans les établissements des personnes qui n'ont pas payé une amende ou qui ont commis des infractions administratives parce qu'elles éprouvent autant de difficulté à respecter les conditions de la probation qu'à payer les amendes. Fait intéressant, plus de mandats d'arrêt ont été délivrés par les tribunaux de la Saskatchewan que ceux des cinq autres territoires ou provinces en 1993-1994.
Le Québec compte le plus d'admissions pour non-paiement d'une amende, mais le taux d'incarcération d'autochtones le plus faible du pays. Ce phénomène tient peut-être au fait qu'au Québec le défaut de payer une amende ne s'applique qu'aux infractions à un règlement municipal. Les collectivités autochtones ont leurs propres règlements, et il est peu probable que les mandats d'arrêt pour défaut de payer une amende soient exécutés. En outre, il n'y pas d'importante population autochtone marginale dans quelque centre urbain que ce soit au Québec. Les recherches menées au centre-ville ont révélé que sur le centre-ville de quatre villes, le groupe autochtone de Montréal était celui qui s'enracinait le moins, et que la plupart des gens retournaient dans leur collectivité après de courtes périodes en milieu urbain. C'est le contraire en Alberta et en SaskatchewanNote de bas de page 75. Le Québec fait également davantage appel aux mesures de rechange comme en témoignent les faibles niveaux de jeunes en détention.
PARTIE II : QUI VA EN PRISON?
...à en croire les exagérations du procureur général et du ministre responsable des services correctionnels, les prisons et les centres correctionnels provinciaux sont remplis de criminels et de récidivistes méchants .... même si les prisons abritent ce qu'on appelle des détenus endurcis, elles accueillent également un mélange des « types » suivants : personnes innocentes, personnes ayant commis de petites infractions, handicapés mentaux, alcooliques, personnes pauvres et démunies, jeunes contrevenants, délinquants primaires, détenus purgeant une peine de courte durée... Il est évident que les prisons agissent comme bassins de rétention des victimes qui passent à travers les mailles du système de sécurité sociale (McMahon, 1992, p. 89-90)Note de bas de page 76.
Dans ses recherches sur le suicide en prison au Royaume-Uni, Liebling (1995, p. 81) a conclu que d'importants groupes au sein de la population carcérale présentent les caractéristiques associées à l'accroissement du risque de suicide dans la collectivité, notamment les conditions de vie défavorables, les relations interpersonnelles négatives, les désavantages sociaux et économiques, l'alcoolisme et la toxicomanie, les démêlés avec les organismes de justice pénale, les antécédents scolaires et professionnels de piètre qualité, la mauvaise estime de soi, l'incapacité de résoudre les problèmes et une faible motivationNote de bas de page 77. La tendance à la désinstitutionnalisation dans le domaine de la santé mentale a également entraîné l'incarcération de personnes souffrant de troubles mentaux dans les établissements correctionnelsNote de bas de page 78. Lorsqu'il a étudié les caractéristiques de 110 détenus d'un établissement provincial à sécurité maximum, Vitelli (1995) a constaté que près de 40 % d'entre eux étaient sans abri et qu'il y avait des écarts sensibles entre les détenus sans-abri et les autres détenus, qui tenaient surtout à la santé mentale et au recours antérieur à des services de santé mentale.
Austin et Irwin ont soutenu qu'on a abusé de l'incarcération aux États-Unis, en grande partie pour des délinquants non violents ayant commis des infractions sans gravitéNote de bas de page 79. Environ 37 % des admissions faisaient suite à des crimes contre la propriété comme les cambriolages et les vols simples et la fraude. En outre, 25 % étaient attribuables à des infractions relatives aux drogues comme le trafic et la possessionNote de bas de page 80. En Australie, entre 1981 et 1991, la composition des détenus présentait des caractéristiques légèrement différentes, un peu plus de 40 % des détenus étant incarcérés par suite de crimes de violence et environ le tiers par suite de crimes contre la propriétéNote de bas de page 81.
L'évolution de la composition judiciaire des populations carcérales des États-Unis s'accompagne d'une modification de la composition raciale, les noirs étant plus souvent incarcérés que les blancs, soit six ou sept noirs pour un blancNote de bas de page 82. Le taux d'incarcération des hommes noirs américains est maintenant cinq fois plus élevé que celui des hommes noirs d'Afrique du SudNote de bas de page 83. La représentation disproportionnée de la population noire dans le système carcéral n'est pas propre aux États-Unis. Selon Tonry (1994a), ces taux d'incarcération ressemblent à ceux d'autres pays modernes de langue anglaise. En Australie, au Canada ainsi qu'en Angleterre et au Pays de Galles, les membres des groupes minoritaires risquent de sept à seize fois plus que les blancs d'être incarcérés.
On présente généralement deux explications, qui s'appliquent également au Canada, pour justifier cette disproportion : les noirs et les autochtones commettent réellement plus de crimes punissables d'emprisonnement ou bien le système de justice pénale est entaché de discrimination fondée sur la race. Selon la littérature, il y a relativement peu de données empiriques indiquant qu'il y a eu discrimination raciale après une arrestationNote de bas de page 84. Cela ne veut pas dire, comme Blumstein (1993) le fait remarquer, que la discrimination n'existe pas parce qu'il y a beaucoup de preuves fragmentaires et d'analyses spécifiques indiquant le contraire. Néanmoins, il semble, empiriquement, que la plus grande partie de la disproportion soit attribuable au fait que les noirs commettent des crimes qui risquent davantage d'entraîner l'emprisonnement, comme l'homicide et le vol qualifié.
Compte tenu des iniquités socio-économiques et des désavantages que subissent les noirs américainsNote de bas de page 85 et les autochtones canadiens, surtout au sein de la classe marginale dont proviennent les délinquants et les détenus noirs et autochtonesNote de bas de page 86, leur surreprésentation dans les activités criminelles ne devrait pas nous surprendre. Le tableau est cependant plus complexe. Alors que les noirs et les autochtones peuvent commettre un plus grand nombre de certains crimes, la loi elle-même et son application peuvent engendrer une discrimination systémique. On reconnaît généralement que la « guerre contre les drogues » a eu peu d'effet sur la prévalence des activités relatives aux drogues illicites, mais la campagne a été considérée comme un facteur déterminant de la disproportion d'origine raciale dans les prisonsNote de bas de page 87. La « guerre » telle qu'elle a été menée semblait viser surtout les noirs même si tel n'était pas l'objectif délibéré de la loi et des décideurs ainsi que des agents de la justice pénale. Comparativement aux blancs, les noirs sont plus vulnérables aux arrestations en raison de la présence plus importante de la police dans les collectivités noires criminogènes, de la plus grande visibilité du commerce des drogues dans la rue auquel les noirs risquent plus de participer et des stéréotypes de la police qui sont souvent implicites dans le profil des passeurs de droguesNote de bas de page 88. En bref, il y a de plus en plus de recherches qui examinent la disparité raciale dans les prisons en ne limitant pas au comportement discriminatoire traditionnel de base, mais en examinant les pratiques plus subtiles, systémiques et institutionnelles qui semblent neutres, mais qui en fait influent de manière différente sur certaines populations minoritairesNote de bas de page 89.
Les États-Unisont également enregistré une hausse du nombre de détenues au sein du système carcéral. Une augmentation du nombre de femmes dans les pénitenciers se produit également en AustralieNote de bas de page 90, au Canada et dans tous les pays membres du Conseil de l'Europe, sauf l'Autriche et l'Italie, dont le taux d'incarcération des femmes est stableNote de bas de page 91. Néanmoins, les femmes sont encore fortement sous-représentées dans la population incarcérée; elles représentent entre 3 et 7 % de la population carcérale totaleNote de bas de page 92.
Comparativement aux hommes, les femmes sont généralement incarcérées par suite de crimes économiques comme le vol et la fraudeNote de bas de page 93. En outre, même si elles risquent moins d'être incarcérées par suite de crimes de violence que les hommesNote de bas de page 94, il y a encore une forte proportion de détenues violentes au sein de la population carcérale féminine. Selon un rapport de 1988 publié aux États-Unis, 37 % des femmes sont incarcérées par suite d'un crime de violence comme un meurtre, un vol qualifié et des voies de fait gravesNote de bas de page 95. D'après une enquête réalisée au Canada en 1989 auprès d'un échantillon de détenues dans les établissements fédéraux et provinciaux, 42 % de la population purgeaient des peines pour meurtre ou homicide involontaire, et 27 % pour vol qualifié et d'autres crimes de violence moins gravesNote de bas de page 96. Une forte proportion de ces crimes de violence peut être attribuable à l'accroissement du nombre de femmes qui tuent leur mari abusifNote de bas de page 97.
Quant aux minorités raciales comme les Africains-Américains, il semble y avoir un lien étroit entre les détenues et les droguesNote de bas de page 98. Snell (1994) a constaté d'après son enquête auprès des femmes détenues dans les prisons d'États en 1991 que les femmes risquent plus de purger une peine infligée par suite d'infractions relatives aux drogues que les hommes. Le nombre de détenues qui déclarent une certaine forme de toxicomanie ou d'abus d'intoxicants est encore plus prononcé. Soixante et onze pour cent des répondantes à l'enquête canadienne de 1989 ont déclaré que l'abus d'intoxicants avait joué un rôle important dans leur infraction ou leurs antécédents criminelsNote de bas de page 99. Environ les trois quarts ont admis avoir été alcooliques ou toxicomanes ou avoir consommé des drogues à un moment donné de leur vie. En Australie, selon les estimations, 85 % des détenues ont été toxicomanesNote de bas de page 100.
Dans une enquête nationale menée auprès d'un échantillon représentatif de détenues en Californie, Owen et Bloom (1995) ont constaté que les détenues risquaient plus d'être noires et en chômage au moment de leur arrestation, et 43 % ont déclaré avoir été victimes de violence physique ou mauvais traitements sexuels. Les détenues violentes risquaient plus d'avoir subi cette violence. Les trois quarts étaient mères et la majorité avaient eu leurs enfants à l'âge de 18 ans ou moins. Plus de la moitié ont déclaré que les personnes les plus importantes de leur vie étaient leurs enfants. La plupart des enfants avaient été confiés aux soins de la mère ou de la grand-mère des détenues. Elles avaient peu d'expérience professionnelle et éprouvaient des problèmes d'abus d'intoxicants. Les chercheurs ont conclu que les détenues ont tendance à être des femmes marginalesNote de bas de page 101.
Conformément à la disproportion générale observée, les groupes minoritaires ont également tendance à être surreprésentés au sein de la population carcérale féminine. Selon l'étude de Crawford (1988), 36 % et 15 % des détenues étaient noires et hispaniques, respectivement. En 1991, les détenues dans les établissements des États risquaient plus d'être africaines-américaines; elles représentaient 46 % des détenuesNote de bas de page 102. Selon l'échantillon de Shaw (1991) des femmes incarcérées au Canada, 23 % étaient d'origine autochtone et 21 % étaient de langue française. En Australie, le nombre croissant de femmes appartenant à la minorité d'expression autre qu'anglophone nées à l'étranger comptaient pour plus de 50 % des femmes incarcéréesNote de bas de page 103. Il est important de répondre aux besoins de ces femmes, car il arrive souvent que bon nombre des problèmes liés aux détenues en général soient amplifiés dans le cas des femmes des groupes minoritaires. Par exemple, comme il a été mentionné plus haut, la principale préoccupation des femmes semble être leur rapport avec leurs enfants. Cependant, dans le cas des femmes autochtones, qui ont généralement plus d'enfants, les problèmes et l'anxiété peuvent être doublesNote de bas de page 104. Compte tenu de l'amplification de ces problèmes et de la discrimination et des préjugés, la vie en prison des détenues des groupes minoritaires est particulièrement difficile et tout à fait différente à bien des égards des expériences de la majorité des détenues.
PARTIE III : LES DÉLINQUANTS AUTOCHTONES, LA PERPÉTRATION D'INFRACTIONS ET L'EMPRISONNEMENT
1. L'incarcération des délinquants autochtones
S'il est vrai que pour certains groupes d'autochtones au Canada et ailleurs, le contexte historique diffère peut-être, le résultat final, sur le plan de la surreprésentation dans le système de justice pénale, est en général le même. De tous les groupes au Canada, ce sont les autochtones qui ont les taux d'arrestation, d'incarcération et de criminalité les plus élevés. Le constat est similaire en AustralieNote de bas de page 105.
Depuis toujours, la littérature canadienne et étrangère portant sur la justice pénale applicable aux autochtones s'attache à étayer et à expliquer le phénomène de la surreprésentation des autochtonesNote de bas de page 106. En des termes simples, cela veut dire que la proportion d'autochtones incarcérés est plus élevée que leur proportion dans la population générale. Au total, en 1993, 17 p. 100 des personnes incarcérées et 12 p. 100 des probationnaires au Canada étaient des autochtones, alors que seulement 3,7 p. 100 de la population a fait état d'origines autochtones dans le Recensement de 1991 (CCSJ, 1995b). Dans les établissements correctionnels fédéraux du Canada, les délinquants autochtones représentent entre 10 et 13 p. 100 de la population carcérale. Dans certains établissements provinciaux (en particulier ceux des provinces des Prairies), la disproportion est bien plus grande (Tableau III.1 Admissions d'autochtones dans les établissements provinciaux et fédéraux et inscriptions de cas de probation, 1989-1994 [moyenne]).
Fédéral
Le 2 juillet 1995, les délinquants autochtones (Innu, Inuit, Métis et Indiens d'Amérique du Nord) représentaient 11,2 p. 100 (2 483) de l'ensemble de la population carcéraleNote de bas de page 107. Sur ce nombre, 68 p. 100 se trouvaient dans la région des Prairies, où ils représentaient 35 p. 100 de la population carcérale. La région du Québec enregistre la proportion la moins élevée de détenus autochtones (Figure III.1 Pourcentage de délinquants autochtones et non autochtones par région, 1995). Les délinquants autochtones étaient plus nombreux que les non-autochtones à être incarcérés plutôt que placés sous surveillance dans la collectivité, même si l'on tient compte du type d'infraction. On ne dispose toutefois pas de renseignements sur le nombre et le type des infractions antérieures (Tableau III.2 Situation correctionnelle selon l'appartenance ethnique et le type d'infraction, 1995). L'écart entre le taux d'incarcération et la proportion de population est bien moins prononcé dans les établissements fédéraux que dans les établissements provinciaux.
Dans le régime correctionnel fédéral, les femmes représentent 2,7 p. 100 de tous les délinquants, mais les femmes autochtones représentent quant à elles 11,2 p. 100 de toute la population carcérale de sexe féminin; elles sont donc largement surreprésentées par rapport à leur proportion au sein de la population généraleNote de bas de page 108. Toutefois, 73 p. 100 des délinquantes autochtones sont incarcérées au lieu d'être placées sous surveillance dans la collectivité, comparativement à 49 p. 100 du groupe de non-autochtones. La région des Prairies abrite 68,8 p. 100 contre 16,4 p. 100 en Ontario de l'ensemble de la population autochtone sous responsabilité fédérale.
Provincial et territorial
Les autochtones de la Saskatchewan et de l'Alberta sont ceux qui risquent le plus de purger une peine d'emprisonnement, alors que ceux du Québec et de la Nouvelle-Écosse sont ceux qui risquent le moins d'être incarcérés. Selon les données du CCSJ pour 1989-1994, c'est dans les provinces de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Manitoba que le nombre d'admissions d'autochtones dans les établissements provinciaux et territoriaux par suite d'une condamnation est le plus disproportionné, et au Québec, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Nouvelle-Écosse et en Ontario que ce nombre est le moins disproportionné. En Saskatchewan, les admissions sont environ 6,8 fois plus élevées que ce à quoi on s'attendrait pour la population autochtone provinciale. En Alberta et au Manitoba, les chiffres sont comparables, soit de 5,5 et 4,9 fois respectivement. Toutefois, au Québec, il n'existe aucune disproportion de ce genre et dans les Territoires du Nord-Ouest, le nombre est 1,5 fois plus élevé, et en Nouvelle-Écosse et en Ontario, deux fois plus élevéNote de bas de page 109. Les admissions en détention provisoire pour les cinq autorités correctionnelles pour lesquelles des données ont été fournies révèlent des proportions analogues, leur nombre étant à peu près 7 fois plus élevé en Saskatchewan et deux fois plus élevé en Ontario.
D'après les données sur les services correctionnels fournis par cinq provinces (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan, Manitoba et Ontario), entre 1988 et 1995 (entre 1993 et 1995 pour la Saskatchewan), 17 p. 100 en moyenne des délinquants admis par suite d'une condamnation dans les établissements de la Colombie-Britannique étaient autochtones, comparativement à 31 p. 100 en Alberta, 73 p. 100 en Saskatchewan, 57 p. 100 au Manitoba et 7 p. 100 en Ontario. En ce qui concerne les admissions en détention provisoire, les chiffres sont les suivants : 16 p. 100 en Colombie-Britannique, 29 p. 100 en Alberta, 70 p. 100 en Saskatchewan, 55 p. 100 au Manitoba et 6 p. 100 en Ontario. Sur les trois autorités correctionnelles qui ont fourni des données, la Saskatchewan comptait le plus grand nombre d'infractions par délinquant pour les délinquants tant autochtones que non autochtones.
Lorsqu'on examine les taux d'admissions par suite d'une condamnation par 10 000 personnes dans la population générale des cinq provinces, on constate que dans l'ensemble, l'Alberta enregistre le taux d'admission le plus élevé (Tableau III.3 Taux d'admission par suite d'une condamnation par 10 000 habitants pour les autochtones et les non-autochtones). Toutefois, le ratio des admissions par suite d'une condamnation entre les autochtones et les non-autochtones est près de 25 fois plus élevé pour les autochtones en Saskatchewan, 9,7 fois plus élevé au Manitoba et 7,2 fois plus élevé en Alberta. Ce ratio est considérablement moins élevé en Colombie-Britannique et en Ontario (Tableau III.4a Ratio des admissions par suite d'une condamnation entre les autochtones et les non-autochtones; Tableau 4b Pourcentage d'admissions en détention provisoire et par suite d'une condamnation et total de la population autochtone).
En 1991, près de la moitié des femmes admises dans les établissements correctionnels provinciaux du Canada étaient autochtones. C'est en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario que l'on retrouve les plus grandes concentrations. En Ontario, en 1991-1992, les femmes autochtones représentaient 13 p. 100 de la population féminine de l'échantillon dans les établissements et sous surveillance dans la collectivitéNote de bas de page 110.
Comme le révèlent les données provenant des cinq provinces, le nombre d'admissions de femmes autochtones par suite d'une condamnation est disproportionné par rapport à celui de femmes non autochtones dans les cinq provinces, plus particulièrement en Saskatchewan. En ce qui concerne les admissions en détention provisoire, les femmes autochtones sont à nouveau surreprésentées dans toutes les provinces, sauf en Ontario, où le nombre d'autochtones et de non-autochtones est semblable. Fait intéressant, la Saskatchewan compte le nombre le moins élevé de femmes en détention provisoire, contrairement aux autres provinces où ce nombre était semblable au nombre d'admissions par suite d'une condamnation.
Défaut de paiement des amendes
Dans les cinq provinces, on compte proportionnellement plus de délinquants autochtones que non autochtones qui purgent une peine pour défaut de paiement des amendes. Entre 1988 et 1995, c'est en Saskatchewan que le nombre d'autochtones (38 p. 100) et de non-autochtones (31 p. 100) qui ne payaient pas leurs amendes était le plus élevé, tandis que la Colombie-Britannique en comptait le moins, avec des taux respectifs de 19 p. 100 et de 18 p. 100. Au cours de la même période, le taux d'incarcération pour défaut de paiement des amendes a baissé abruptement en Ontario, passant de 60 p. 100 à 14 p. 100 pour les autochtones, mais il est passé de 5 p. 100 à 8 p. 100 pour les délinquants non autochtones. En Ontario, toutefois, les femmes autochtones sont plus nombreuses que les non-autochtones à purger une peine d'emprisonnement pour défaut de paiement des amendes.
Deux provinces, la Saskatchewan et l'Ontario, ont fourni des renseignements sur le type d'infraction commise par les délinquants et pour lesquels ils n'avaient pas payé leur amende, ce qui leur avait valu leur incarcération. En Saskatchewan, les délinquants autochtones étaient plus nombreux à avoir été admis pour des raisons administratives et les non-autochtones pour des infractions au code de la route et des infractions aux lois provinciales. En Ontario, un nombre plus élevé de délinquants autochtones ont été admis pour des infractions contre les personnes tandis que les non-autochtones étaient plus souvent admis en raison d'une infraction en matière de drogue. Dans les deux provinces, les infractions contre les biens, les infractions au code de la route et les infractions liées à l'administration de la justice étaient les plus courantes mais, en Saskatchewan, les infractions aux lois provinciales représentaient la principale catégorie d'infractions. L'Alberta a enregistré plus d'admissions pour des infractions contre les personnes.
Surveillance des personnes en liberté sous caution
Seule la Colombie-Britannique a fourni des données sur la surveillance des personnes en liberté sous caution. Celles-ci révèlent une légère différence dans les groupes d'âge entre les délinquants autochtones et non autochtones, mais la différence est plus marquée entre les délinquantes autochtones et leurs homologues non autochtones. On observe peu de différences entre les infractions pour lesquelles les délinquants en liberté sous caution font l'objet d'une surveillance, les infractions contre les personnes et les biens étant les plus fréquentes pour les deux groupes. Un nombre un peu plus élevé de non-autochtones font l'objet d'une surveillance en liberté sous caution pour des infractions en matière de drogue et des infractions contre l'ordre public, et les autochtones arrivent en tête pour des infractions relatives aux armes. Toutefois, c'est dans le nombre de jours de surveillance que se situe le plus grand écart entre les deux groupes, celui-ci étant nettement plus grand pour les délinquants autochtones. Par exemple, entre 1992 et 1995, 21 p. 100 d'autochtones en moyenne contre 8 p. 100 de non-autochtones en liberté sous caution ont passé de six mois à un an sous surveillance. De même, 6 p. 100 d'autochtones comparativement à 1 p. 100 de non-autochtones en liberté sous caution ont passé une année ou plus sous surveillance. Cet écart peut s'expliquer en partie par le fait qu'une proportion considérablement plus élevée d'autochtones avaient déjà purgé des peines d'emprisonnement ou eu des démêlés avec la justice pénale.
2. Caractéristiques des détenus autochtones
Si l'on retrouve chez les délinquants autochtones et non autochtones certaines caractéristiques communes, on observe néanmoins des différences. Les attitudes, le soutien du groupe et les facteurs liés à la personnalité qui favorisent la perpétration d'un acte criminel sont similaires et façonnés par le milieu familial, la pauvreté, les expériences scolaires, le contact avec la violence, le manque de débouchés et d'options ainsi que d'autres facteurs qui influencent les attitudes prosociales. Les facteurs qui distinguent les délinquants autochtones des non autochtones sont les différences sur le plan des antécédents et des facteurs géographiques et une expérience culturelle différente. Toutefois, la culture, la géographie et le contact avec la société dominante constituent des facteurs qui distinguent également les délinquants autochtones entre euxNote de bas de page 111.
Les résultats des recherches menées aux États-Unisrecoupent ceux du Canada. Lorsqu'il a représenté sous forme graphique les caractéristiques des détenus autochtones américains aux États-Unis, Grobsmith (1989) a constaté qu'environ un tiers venait des réserves, un tiers de la ville et que le dernier tiers allait et venait entre les deux. En général, ces personnes étaient arrêtées pour la première fois à l'âge de 14 ans et comptaient à leur actif en moyenne 18 arrestations avant d'être écrouées. Les autochtones étaient incarcérés en moyenne 1,2 fois par an et avaient été détenus environ 3,9 fois chacun dans des prisons de comté. Lors d'entrevues, ils ont indiqué qu'à quelques exceptions près, la consommation d'alcool précédait la participation à des activités criminelles. Près de 90 p. 100 des personnes de l'échantillon ont signalé qu'un membre de leur famille avait déjà fait de la prison. Pratiquement tous ont fait état d'un problème de chimiodépendance et les deux tiers ont déclaré que leurs parents buvaient à l'excès. L'âge moyen du début de la consommation d'alcool et (ou) de drogue (d'ordinaire des produits d'inhalation) était de 11,6 ans. La plupart des détenus venaient d'un milieu familial instable et un quart d'entre eux seulement avaient été élevés par leurs parents. Les détenus ont mentionné avoir souvent été maltraités par leurs parents nourriciers et beaux-parents et, dans une moindre mesure, par leurs parents biologiques, constatation en accord avec les données canadiennes de l'étude sur les centres urbainsNote de bas de page 112.
Dans son étude sur les caractéristiques d'un échantillon de détenus autochtones et non autochtones dans des établissements du Manitoba, McCaskill (1970, 1985) a constaté que le groupe d'autochtones était moins scolarisé et plus dysfonctionnel et venait d'un milieu familial plus déviant que le groupe de non-autochtones. Dans la période de 1988 à 1995, les délinquants autochtones de l'Alberta avaient des niveaux de scolarité et d'emploi inférieurs à ceux de leurs homologues autochtones, et les niveaux de scolarité et d'emploi du groupe des Indiens inscrits étaient encore inférieurs à ceux des Métis et des Indiens non inscrits.
Dans les établissements fédéraux, les détenus autochtones ont en moyenne 3,4 ans de moins que les délinquants non autochtonesNote de bas de page 113. On peut faire le même constat pour les admissions par suite d'une condamnation en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario, où la plupart des non-autochtones ont au moins 30 ans. Toutefois, la population en détention provisoire est généralement plus jeune que le groupe admis par suite d'une condamnation, et ceci est particulièrement vrai pour la Colombie-Britannique et la Saskatchewan. C'est au Manitoba que les différences d'âge sont les plus extrêmes, puisque les non-autochtones sont beaucoup plus nombreux à avoir au moins 30 ans.
La représentation des détenus autochtones est disproportionnée dans les renvois en vue d'un examen de maintien en incarcération en raison de leur difficulté à maîtriser leurs pulsions de violence liée à leurs problèmes de toxicomanieNote de bas de page 114. L'alcoolisme est apparu comme une caractéristique importante des délinquants autochtones dans presque toutes les étudesNote de bas de page 115. Il ressort des travaux de recherche sur les délinquants autochtones et non autochtones sous responsabilité fédérale que le groupe d'autochtones a tendance à être moins scolarisé et plus dysfonctionnel et provient d'un milieu familial plus tourmenté que le groupe de non-autochtones.
Les 142 employés correctionnels interrogés dans le cadre de la présente étude ont cité comme principales similarités entre les délinquants autochtones et non autochtones la toxicomanie et l'alcoolisme, la piètre éducation et la pauvreté, les mauvais traitements et la violence dans leur vie, le type d'infractions commises et le manque de scolarité. Les principales différences entre ces deux groupes étaient d'ordre culturel (y compris la timidité), l'importance des problèmes familiaux et personnels (comme la dépendance à l'alcool) et l'enlisement dans la pauvreté. Les différences entre les délinquants autochtones concernaient la culture (langue, croyances et groupements), le milieu familial et la géographie, c'est-à-dire que certains répondants ont déclaré que les délinquants des villes et du sud avaient la vie plus facile dans les établissements que les autochtones du Nord et de collectivités plus éloignées.
Quand on examine les caractéristiques des délinquants autochtones, il importe de ne pas oublier combien elles sont similaires à celles de la majorité des délinquants qui font de la prison, comme on le verra dans la partie II. On a souvent tendance à considérer les délinquants autochtones comme tout à fait différents des autres délinquants. Or, à des fins de traitement et d'élaboration de programmes, il faut se souvenir que les similarités entre les deux groupes de délinquants l'emportent souvent sur les différences.
Femmes autochtones
Selon Shaw (1994) et Birkenmeyer et Jolly (1981), l'alcoolisme, le chômage et les mauvaises conditions de vie sont les facteurs que l'on trouve associés à l'arrestation et à l'incarcération de femmes autochtones en Ontario. La grande majorité avaient des personnes à charge, mais pas d'emploi stable et un dossier faisant état de fréquents démêlés avec la justice. Shaw (1994) a constaté que si les femmes autochtones signalaient plus de violence physique dans leur vie que les femmes non autochtones, les deux groupes ne présentaient aucune différence sur le plan des mauvais traitements sexuels. Les femmes autochtones ont également mentionné un nombre plus élevé de tentatives de suicide et d'incidents d'automutilation.
Dans une étude sur les femmes de l'établissement correctionnel de Portage au Manitoba, Comack (1993) a documenté la situation particulièrement marginalisée des détenues autochtones. Elle a constaté que les délinquantes autochtones étaient moins bien loties que leurs homologues non autochtones sur plusieurs plans socio-économiques, y compris l'éducation et l'emploi, qu'elles étaient plus jeunes lors de leurs premiers démêlés avec la justice et qu'elles avaient plus souvent été victimes de mauvais traitements. Elle a remarqué que les femmes qui avaient été victimes de violence physique étaient plus enclines à user elles-mêmes de violence physique et que les femmes risquaient davantage d'intérioriser leurs expériences de mauvais traitement et, par conséquent, d'avoir recours à l'alcool et aux drogues pour faire face à leur situation (1993, p. 44).
Le Rapport du Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale (1990) précisait que 69 p. 100 des personnes interrogées indiquaient elles avaient été victimes de violence, de viol et de mauvais traitements sexuels, ou encore qu'elles avaient été témoins d'un meurtre ou avaient vu leur mère très souvent battue dans leur enfance. Par ailleurs, la plupart de ces femmes avaient également été victimes de violence alors qu'elles étaient adultes. Près de 90 p. 100 avaient des problèmes d'alcoolisme ou de toxicomanie (1990, p. 53). Les caractéristiques de ce groupe ne sont guère différentes de celles des femmes interrogées par Owen et Bloom (1995) dans les établissements de la Californie. Les deux groupes font partie de la catégorie «marginalisée».
Différence culturelle et structurelle entre les délinquants autochtones
Après avoir traité dans l'ensemble les délinquants autochtones comme un groupe homogène, on accepte maintenant de reconnaître qu'il y a des différences dans la population autochtone en général. Dans le milieu correctionnel, les concepteurs de programmes ont toutefois émis certaines hypothèses concernant les besoins des détenus autochtones et conclu qu'il fallait avant tout mettre l'accent sur la culture et la spiritualité. Néanmoins, certains spécialistes laissent entendre qu'il convient d'accorder plus d'attention aux différences entre les délinquants autochtones, notamment à partir de deux domaines, qui ne s'excluent pas nécessairement l'un l'autre et qui sont des plus utiles : le degré et la nature de la participation à des activités criminelles et les contextes structurels et culturels de leur vie. Ces deux domaines sont abordés ci-après.
Quand il a établi le profil culturel des détenus autochtones à des fins d'élaboration de plans de traitement, Waldram (1992) a discerné trois groupes distincts parmi 30 détenus autochtones choisis au hasard, qu'il a qualifiés de «traditionnel», «biculturel» et «assimilé». Les groupes étaient différents sur le plan de la langue, de la collectivité d'origine, du temps passé dans la réserve, du vécu dans la société eurocanadienne, de la connaissance des croyances et pratiques traditionnelles, du contact avec la ville, de la mobilité pendant leurs jeunes années, de l'identité autochtone, etc. Waldram décrit les individus du groupe 1, les traditionalistes, comme culturellement autochtones en raison de leur utilisation continue d'une langue autochtone et d'une vaste enculturation, parfois pendant toute leur vie, dans des collectivités principalement autochtones. Le groupe 2, les biculturels, sont principalement autochtones sur le plan culturel, mais bien au courant des modes de vie eurocanadiens. Le groupe 3, les assimilés, sont avant tout eurocanadiens, avec même une orientation anglophone. Ils sont surtout uniculturels, et ne connaissent pratiquement aucune culture ou langue autochtoneNote de bas de page 116.
Les groupes 1 et 2 s'identifient fortement à une réserve ou à une collectivité principalement autochtone, dotée de réseaux familiaux étendus. Ils ont été en contact étroit avec la culture et la spiritualité autochtones pendant leurs années de formation. Le groupe 3, par contre, a souvent vécu dans des familles adoptives ou d'accueil en milieu urbain, et n'a pas eu beaucoup de contact avec la culture autochtone. C'est le groupe 1 qui a la plus forte identité autochtone, celle-ci étant moins prononcée chez le groupe 2 et souvent absente chez le groupe 3. L'expérience du racisme diffère également, les groupes 2 et 3 ayant été les plus exposés à la discrimination pendant leurs années de formation en raison de leur contact avec la société non autochtone. Fait intéressant, même si les personnes du groupe 3 ont connu une vie de famille perturbée, elles n'ont pas connu les conditions pathologiques que l'on retrouve dans de nombreuses collectivités autochtones et ont donc subi moins de violence personnelle et de mauvais traitements. Près des trois quarts des membres de l'échantillon de Waldram appartenaient aux groupes 1 et 2.
Les recherches sur les centres urbains ont également mis en lumière la relation entre les niveaux socio-économiques et les démêlés avec la justice. L'échantillon a été divisé en groupe Centre 1, groupe Centre 2 et groupe Hors-centreNote de bas de page 117. Le groupe Centre 1 était le plus marginalisé et défavorisé. Il était composé essentiellement d'hommes qui étaient dans l'ensemble les moins scolarisés, sans emploi et guère employables, et aux prises avec de graves problèmes d'alcool. Ils avaient été très victimisés pendant leur enfance et arrivaient en tête en ce qui a trait aux démêlés avec la justice et l'âge auquel ils avaient eu ces démêlés. Ils avaient été en détention plus souvent et pour de plus longues périodes, et étaient marginalisés dans la société autochtone et non autochtone.
Le deuxième groupe avait reçu une éducation plus stable que le groupe Centre 1, mais avait quand même eu une enfance marquée par les privations, un milieu défavorisé et la violence. Les hommes du groupe 2 avaient eu bien des démêlés avec la justice, mais moins que ceux du groupe 1. Collectivement, ils consommaient moins souvent de l'alcool. Un peu plus jeunes et davantage scolarisés, ils avaient des rapports moins passifs avec la police et les autorités correctionnelles. Ce groupe, plus que le groupe 1, cherchait dans la culture autochtone des solutions à ses problèmes, même si ses liens avec les réserves n'étaient pas solides.
Le troisième groupe, le groupe Hors-centre, comptait plus de femmes que d'hommes et d'après les indicateurs socio-économiques, les indicateurs d'éducation et le degré de participation aux systèmes de contrôle social, il était généralement plus avantagé que les groupes 1 et 2. C'était le groupe le plus scolarisé, qui comptait la plus grande proportion de personnes occupant un emploi, même si cette proportion était très inférieure au niveau canadien ou au niveau de la population autochtone en général. Ce groupe entretenait surtout des liens avec les réserves et les familles et ses membres avaient eu une enfance plus stable.
Il importe également de distinguer d'autres différences entre les délinquants autochtones. Les délinquants aux prises avec un problème chronique d'alcool ou un problème lié à leurs habitudes de vie auront peut-être besoin d'un type d'intervention différent. Le fait de se concentrer uniquement sur des interventions d'ordre culturel peut occulter d'autres besoins des délinquants autochtones, ou privilégier les besoins d'un groupe au détriment d'autres. De nombreux délinquants non autochtones sont également mis au ban de la société et piégés par le système de justice pénale en raison de circonstances socio-économiques et autres.
Il existe toute une littérature qui porte à croire que de nombreux délinquants autochtones sont des récidivistes qui, dans certaines régions du pays, peuvent être admis dans un établissement correctionnel plusieurs fois par anNote de bas de page 118. Le groupe qui contribue le plus au syndrome de la «porte tournante» est celui des multirécidivistes, caractérisés par un grave problème d'alcool et surreprésentés dans les catégories d'infractions suivantes : défaut de paiement des amendes, administration de la justice, infractions mineures contre les personnes, infractions contre les biens et d'autres infractions mineures. Ils peuvent être victimes et délinquants à tour de rôle. Leur mode de vie est fortement responsable de leurs démêlés avec la justice. La perpétration d'infractions n'est qu'un facteur dans une série de comportements liés au syndrome de l'alcoolisme et au mode de vie qui lui est associé. Le fait qu'ils soient considérés comme délinquants ne reflète pas la réalité de leur vieNote de bas de page 119. Pour les infractions les plus mineures, on intervient auprès de ce groupe en fonction non pas d'un problème social ou d'un problème de santé, mais d'un problème de justice pénale.
D'autres délinquants autochtones, en revanche, sont plus jeunes, commettent des infractions en raison de motivations plus complexes et ont une orientation politisée (en particulier quand ils sont en détention). Ils sont moins dépendants de l'alcool et du style de vie qui accompagne cette dépendance. Certains délinquants ont également commis un seul type d'infraction, comme une agression sexuelle, n'ont jamais commis d'autres infractions auparavant, ne sont pas récidivistes et n'ont pas un style de vie de citadin. Leurs infractions sont particulières et l'intervention du système de justice pénale est directement liée à cette infraction.
3. Infractions commises par les autochtones
Le type d'infractions que commettent les autochtones n'est pas surprenant vu leurs traits personnels et leur passé, ainsi que le contexte social et économique dans lequel ils vivent. Les travaux de recherche menés ces dernières années dans les établissements correctionnels et dans la collectivité sur le cheminement criminel des autochtones ont immanquablement mis en lumière un nombre disproportionné d'infractions contre les personnesNote de bas de page 120. Selon le Centre canadien de la statistique juridique (1989), les autochtones constituent 2,8 p. 100 de la population canadienne, mais représentent 22,2 p. 100 des personnes soupçonnées d'homicide au Canada et 17,6 p. 100 des victimesNote de bas de page 121. À l'extrémité la moins grave de l'échelle, le défaut de paiement des amendes, les infractions administratives (non-comparution, manquement aux conditions de la probation) et les infractions contre l'ordre public sont également à l'origine de la surreprésentation des autochtones dans le système de justice pénale et au sein du système correctionnel.
Les délinquants autochtones des établissements fédéraux sont plus susceptibles d'être incarcérés pour des infractions contre les personnes que les délinquants non autochtones. Dans le cadre d'un projet de prise de décisions sur la libération conditionnelle et le risque lié à la mise en liberté, Hann et Harman (1992) ont constaté que les infractions contre les biens sont celles qui conduisent le plus souvent les non-autochtones à l'incarcération; dans le cas des autochtones, ce sont les infractions contre les personnes et les introductions par effraction. Selon des données plus récentes sur l'incarcération, la tendance se maintient et les hommes et les femmes autochtones sont encore incarcérés en nombre disproportionné pour des infractions contre les personnes, et les non-autochtones, pour des infractions en matière de drogue et des infractions contre les biens. Le personnel correctionnel interrogé a mentionné que l'une des différences entre les délinquants autochtones et non autochtones concernait la gravité des infractions commises. Les délinquants autochtones purgent également un nombre plus élevé de peines — tous les détenus autochtones purgeant leur sixième, septième ou huitième peine dans le système fédéral (N = 11) se trouvent dans la région des PrairiesNote de bas de page 122.
Le 2 juillet 1995, les délinquants autochtones étaient plus nombreux que les non-autochtones à être incarcérés dans des établissements fédéraux pour avoir commis des infractions figurant à l'annexe I — 80 p. 100 (N = 1 979) par rapport à 63 p. 100 (N = 12 510)Note de bas de page 123.
Compte tenu du fait que les types d'infraction ne s'excluent pas mutuellement (les délinquants peuvent se trouver dans plus d'une catégorie), les cinq principales infractions commises par les délinquants autochtones étaient les suivantes :
- voies de fait causant des lésions corporelles
- vol qualifié
- meurtre au deuxième degré
- homicide involontaire
- agression sexuelle.
Pour les délinquants non autochtones, les cinq principales infractions étaient les suivantes :
- vol qualifié
- voies de fait causant des lésions corporelles
- trafic de drogue
- meurtre au deuxième degré
- infractions relatives aux armes.
Ces infractions sont reprises à la Figure III.2 Type général d'infraction pour les délinquants autochtones et non autochtones, 1995 et Tableau III.5 Type particulier d'infraction pour les délinquants autochtones et non autochtones, 1995.
Si l'on examine le Tableau III.6 Type d'infraction par région pour les délinquants autochtones et non autochtones, 1995, on constate que les délinquants autochtones sont surreprésentés dans les catégories «homicides involontaires» et «voies de fait causant des lésions corporelles», particulièrement dans les régions des Prairies, de l'Atlantique et du Québec. Les non-autochtones commettent davantage d'infractions relatives aux armes à feu, au trafic de drogue et autres infractions liées à la drogue et sont également légèrement surreprésentés dans les catégories «meurtres au premier degré» et «tentatives de meurtre», mais pas dans toutes les régions. Les délinquants autochtones sont surreprésentés dans les établissements et dans le cadre de la surveillance communautaire dans les catégories «homicides involontaires» et «voies de fait causant des lésions corporelles» (Tableau III.7 Type particulier d'infraction pour les délinquants autochtones et non-autochtones dans les établissements et sous surveillance dans la collectivité, 1995).
Dix-sept pour cent de tous les délinquants sexuels incarcérés dans les établissements fédéraux sont des autochtones, et 28 p. 100 de tous les délinquants autochtones sont en prison pour des infractions sexuelles. Les délinquants autochtones sont légèrement surreprésentés dans la catégorie des délinquants sexuelsNote de bas de page 124 (ils constituent 11 p.100 de la population carcérale) mais non dans la catégorie des délinquants dangereux, où tout sont non autochtonesNote de bas de page 125.
Les données sur les admissions par suite d'une condamnation des cinq autorités correctionnelles provinciales pour 1988-1995 révèlent que les infractions au Code criminel les plus courantes commises par les autochtones étaient les infractions au code de la route en Colombie-Britannique, les infractions contre les biens en Alberta et en Ontario, les infractions relatives à l'administration de la justice en Saskatchewan et les infractions contre les personnes au Manitoba. Elles étaient les mêmes pour les délinquants non autochtones, sauf en Saskatchewan et au Manitoba, où les infractions contre les biens étaient plus nombreuses. Les admissions de délinquants autochtones et non autochtones par suite d'une condamnation pour une infraction aux lois provinciales étaient plus nombreuses en Alberta qu'ailleurs. Si les délinquants non autochtones sont incarcérés plus souvent pour des infractions contre les biens, des infractions en matière de drogue ou des infractions au code de la route, ce sont des infractions contre les personnes et des infractions administratives qui entraînent l'incarcération des délinquants autochtones, sauf en Ontario, où les infractions des deux groupes sont similaires.
Entre 1988 et 1995, les infractions au Code criminel les plus courantes des autochtones menant à la détention provisoire étaient les infractions administratives en Saskatchewan et les infractions contre les personnes en Colombie-Britannique, au Manitoba et en OntarioNote de bas de page 126. Dans toutes les provinces, on compte un nombre plus élevé d'autochtones que de non-autochtones en détention provisoire pour des infractions contre les personnes. Pour le groupe de non-autochtones, les infractions les plus courantes étaient les infractions administratives en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, les infractions contre les personnes au Manitoba et les infractions contre les personnes et les biens en Ontario. Ceci signifie que, sauf en Saskatchewan, l'infraction la plus courante menant à la détention provisoire est celle contre les personnes.
Femmes autochtones
Il existe quelques écarts dans les infractions pour lesquelles les femmes autochtones et les femmes non autochtones sont incarcérées. Selon les données fédérales, les femmes autochtones sont incarcérées en nombre disproportionné pour des infractions accompagnées de violence. Le Tableau III.8 Type particulier d'infraction pour les détenues autochtones et non autochtones sous responsabilité fédérale, 1995 révèle que près de 77 p. 100 des détenues du groupe d'autochtones sont incarcérées pour des infractions figurant à l'annexe I comparativement à 41,2 p. 100 des détenues non autochtones. Par contre, seulement 2 p. 100 des détenues autochtones sont incarcérées pour des infractions figurant à l'annexe II comparativement à 30,9 p. 100 du groupe de non-autochtones.
Les femmes autochtones sont surtout surreprésentées dans la catégorie des infractions «homicides involontaires». Par exemple, le 22 octobre 1995, 29 p. 100 des délinquantes autochtones sous responsabilité fédérale purgeaient une peine pour homicide involontaire comparativement à 10 p. 100 des délinquantes non autochtones. Les femmes sous responsabilité fédérale qui purgeaient une peine d'emprisonnement pour une seule infraction représentaient 84 p. 100 du groupe d'autochtones comparativement à 93 p. 100 du groupe de non-autochtones. Les femmes autochtones admises dans des établissements fédéraux sont plus susceptibles que les femmes non autochtones d'avoir déjà purgé une peine fédérale et risquent deux fois plus d'être incarcérées pour des crimes de violenceNote de bas de page 127.
Les données de l'Alberta et de l'Ontario pour 1992-1995 révèlent qu'en Ontario, les femmes autochtones sont plus nombreuses à être incarcérées pour des infractions contre les biens, et les femmes non autochtones pour des infractions en matière de drogueNote de bas de page 128, mais les infractions contre les biens et celles en matière de drogue sont les infractions les plus courantes pour les deux groupesNote de bas de page 129. En Alberta, les non-autochtones sont plus nombreuses à commettre des infractions contre les biens, et les autochtones, des infractions aux lois provinciales, des infractions contre l'ordre public et des infractions relatives à l'administration. En général, les délinquantes autochtones comptent un plus grand nombre d'infractions antérieures que leurs homologues non autochtones. C'est du moins ce qui ressort beaucoup plus des données de l'Alberta que de celles concernant l'Ontario et ce constat concorde avec la plus grande marginalisation socio-économique des autochtones dans les provinces de l'Ouest, mise en évidence par la recherche sur les délinquants dans les centresNote de bas de page 130 et les données du recensement.
4. Durée des peines
Au niveau fédéral, les délinquants non autochtones purgent en général des peines plus longues que les délinquants autochtonesNote de bas de page 131. Selon des données récentes, le 2 juillet 1995, les délinquants non autochtones purgeaient en moyenne une peine de 5,2 ans comparativement à 4,2 ans pour leurs homologues autochtones. Si l'on examine la durée des peines pour les voies de fait, on constate que bien que 63 p. 100 des délinquants autochtones se voient imposer une peine de deux à quatre ans, seulement 47 p. 100 des délinquants non autochtones ont été condamnés à la même peine. Vingt pour cent des délinquants non autochtones ont été condamnés à une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus par rapport à 11 p. 100 des délinquants autochtones, même si, en général, ces derniers avaient déjà commis une autre infraction auparavant. Toutefois, le nombre moyen de peines purgées était similaire, soit 1,6 pour les autochtones et 1,4 pour les délinquants non autochtonesNote de bas de page 132.
Si l'on compare la durée de la peine en fonction du type d'infraction pour les délinquants sous responsabilité fédérale (dans les établissements et sous surveillance dans la collectivité), on constate que les délinquants autochtones se voient infliger des peines beaucoup plus courtes (Tableau III.9 Durée de la peine pour les délinquants autochtones et non autochtones, 1995). Ces différences valent pour les infractions suivantes : tentative de meurtre, voies de fait causant des lésions corporelles et vol qualifié. Les délinquants non autochtones sont également condamnés à des peines plus longues — même si l'écart n'est pas considérable — pour des infractions liées au traficNote de bas de page 133 (Tableau III.10 Durée de la peine en fonction de l'infraction pour les délinquants autochtones et non autochtones, 1995). L'examen des variations entre les régions révèle que les délinquants autochtones se voient infliger des peines beaucoup plus courtes dans les régions du Québec, du Pacifique et des Prairies. C'est dans les Prairies que les différences sont les plus marquées à cet égard (Tableau III.11 Durée de la peine par région pour les délinquants autochtones et non autochtones, 1995).
Selon les données des cinq provinces, les peines infligées aux délinquants autochtones ne sont que légèrement plus courtes que celles imposées aux délinquants non autochtones. C'est en Alberta que l'on constate la plus grande différence sur le plan de la durée de la peine, 9 p. 100 seulement des délinquants autochtones étant condamnés à une peine d'au moins 367 jours contre 15 p. 100 des délinquants non autochtonesNote de bas de page 134. Pour les infractions tant aux lois fédérales qu'aux lois provinciales, c'est l'Alberta qui enregistrait les peines les plus longues des cinq provinces. En Saskatchewan (suivie de la Colombie-Britannique), on trouve une proportion plus élevée de l'ensemble des délinquants sous responsabilité fédérale et provinciale (mais particulièrement les délinquants autochtones) purgeant des peines de moins de 30 jours, et un nombre moindre purgeant une peine de plus de 367 jours. Cet écart dans la durée de la peine peut s'expliquer en partie par le type d'infraction commise, car dans cette province, un nombre plus élevé d'autochtones purgent des peines pour des infractions relatives à l'administration de la justice et des infractions provincialesNote de bas de page 135.
On ne connaît la durée de la peine selon le type d'infraction que pour les délinquants autochtones et non autochtones de l'Alberta et de la Saskatchewan. Dans les deux provinces, les délinquants non autochtones se voient infliger des peines plus longues pour des infractions contre les personnes et les biens et des infractions relatives à l'administration et aux armes à feu ainsi que celles contre l'ordre public. En Alberta, les délinquants autochtones sont condamnés à des peines plus longues pour des infractions au code de la route, mais en Saskatchewan, les autochtones ne sont condamnés à des peines plus longues dans aucune des catégories d'infraction.
Pour les femmes sous responsabilité fédérale, le phénomène de la peine plus courte pour les autochtones est également vrai. Le Tableau III.12 (Durée moyenne de la peine selon le type d'infraction et total des infractions pour les détenues autochtones et non autochtones sous responsabilité fédérale) révèle que la durée moyenne de la peine pour les femmes autochtones est plus courte pour toutes les catégories d'infraction, y compris l'ensemble des infractions. La seule exception concerne les infractions ne figurant pas à l'annexe, où les peines infligées aux autochtones sont un peu plus longues — 4,7 ans contre 4,1 ans pour les femmes non-autochtones.
Pour des infractions particulières, la durée moyenne de la peine infligée aux femmes autochtones est généralement plus courte. Pour l'homicide involontaire, la durée moyenne est de 5,8 ans pour les autochtones et de 7,3 ans pour les non-autochtones. Pour les voies de fait causant des lésions corporelles, les durées sont comparables, soit de 2,8 et de 3,2 ans respectivement; pour le vol qualifié, elles sont de 3,0 et de 5,1 ans.
Au niveau provincial, Shaw (1994, p. 80) a constaté qu'en Ontario, les femmes autochtones purgeaient des peines d'emprisonnement légèrement plus courtes que les femmes de l'échantillonnage principal, bien qu'elles aient été incarcérées plus souvent auparavant. Les données provinciales de l'Alberta de 1992 à 1995 révèlent que les femmes autochtones ont été condamnées à des peines plus courtes alors qu'elles avaient été incarcérées plus souvent et que les infractions ayant mené à la présente admission étaient plus nombreuses. Si les peines sont plus courtes pour le groupe d'autochtones en Alberta, c'est peut-être parce que les femmes autochtones sont plus nombreuses à être admises pour des infractions de moindre gravité — principalement des infractions à des lois provinciales et administratives et des infractions contre l'ordre public.
5. Recours aux mesures correctionnelles communautaires pour les délinquants autochtones
Deux grandes questions se posent relativement aux autochtones et à la probation. La première concerne la surreprésentation des autochtones au chapitre de la probation et la deuxième, la fréquence du recours à la probation pour les délinquants autochtones.
Les autochtones sont également surreprésentés dans les inscriptions des cas de probation par rapport à leur proportion au sein de la population, en particulier dans les provinces des Prairies, mais également en Colombie-Britannique, à Terre-Neuve, en Ontario, au Québec et au Yukon. Cette disproportion est moindre en Nouvelle-Écosse. Les autochtones en probation sont plus nombreux que ceux qui sont incarcérés à la suite d'une condamnation dans certaines provinces (provinces de l'Atlantique) et moins nombreux dans d'autres (principalement l'Alberta et la Saskatchewan). Cette situation peut contribuer à un emprisonnement disproportionné dans ces dernières. Si les autochtones se voient infliger des amendes (qu'ils sont incapables de payer) plus souvent que des mesures de probation, cette pratique est susceptible d'entraîner leur admission en prison par suite d'une condamnation. En Saskatchewan, par exemple, sur tous les cas ayant donné lieu à une condamnation en 1993, 23 p. 100 ont bénéficié d'une probation, 50 p. 100 se sont vu infliger des amendes et 31 p. 100 des peines d'emprisonnement, ce qui vient corroborer quelque peu cette affirmation.
En 1993-1994, près de 12 p. 100 de toutes les inscriptions des cas de probation provinciaux concernaient les autochtones. Les nombres les plus élevés ont été enregistrés au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et au Yukon, soit les provinces et le territoire où les autochtones ont le plus de démêlés avec la justice. On ne disposait d'aucune donnée sur les Territoires du Nord-Ouest. Entre 1989 et 1994, on a constaté une augmentation de 27,5 p. 100 du nombre d'autochtones en probation, mais ce taux variait selon la province ou le territoire. Toutes les régions, sauf la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et le Yukon (où l'on observait une fluctuation) affichaient des hausses constantes du nombre d'autochtones en probation (on ne dispose d'aucune donnée pour l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick)Note de bas de page 136. Toutefois, si l'on ne tient pas compte du type d'infraction et des antécédents criminels, il est difficile de tirer des conclusions de ces observations.
Trois seulement des cinq provinces auxquelles on a demandé des données sur la probation, soit le Manitoba, la Colombie-Britannique et l'Ontario, ont été en mesure d'acquiescer à la demande. L'analyse de ces données a révélé que 23 p. 100 des probationnaires de la Colombie-Britannique étaient autochtones, contre 17 p. 100 au Manitoba et 21 p. 100 en Ontario (en Colombie-Britannique et en Ontario, la proportion de délinquants autochtones en probation est plus élevée que la proportion de délinquants incarcérés, mais tel n'est pas le cas au Manitoba). Un nombre accru de probationnaires autochtones dans les trois provinces avaient ente 21 et 29 ans, tandis que les délinquants non autochtones étaient plus nombreux à avoir 30 ans ou plus. Les femmes autochtones étaient plus nombreuses que les non-autochtones à être en probation, en particulier en Colombie-Britannique. Les infractions contre les personnes et contre les biens étaient les infractions les plus courantes pour lesquelles les délinquants avaient fait l'objet d'une probation, mais en Ontario, plus de huit fois plus de délinquants autochtones que de non autochtones ont été en probation pour des infractions contre les personnes. On a eu plus souvent recours à la probation pour des infractions au code de la route et beaucoup plus souvent pour des infractions contre l'ordre public en Colombie-Britannique qu'au Manitoba et en Ontario. La Colombie-Britannique a également imposé des périodes plus courtes de probation (peut-être parce qu'elle a recours à la probation pour les infractions contre l'ordre public) pour les deux groupes, mais en général, les délinquants autochtones des trois provinces se sont vu infliger des périodes de probation plus courtes. En Ontario, une plus grande proportion des délinquants se sont vu infliger deux ou plusieurs années de probation.
Sommaire
Que faire de toutes ces données contradictoires? D'une part, les données sur les infractions révèlent que les délinquants autochtones sous responsabilité fédérale commettent des infractions plus graves, mais simultanément, ils se voient systématiquement infliger des peines plus courtes que les délinquants non autochtones. Bien que les différences entre les délinquants autochtones et non autochtones sur le plan des infractions soient moins extrêmes pour les délinquants sous responsabilité provinciale, le groupe de délinquants autochtones bénéficie en général de peines plus courtes, ce qui s'explique en partie et dans certaines provinces par la moindre gravité de leurs infractions.
Par ailleurs, si l'on tient compte du type d'infraction mais sans connaître leur nombre et le type des infractions antérieures, on constate que les délinquants autochtones sous responsabilité fédérale se voient infliger plus souvent une peine d'emprisonnement. Le taux d'incarcération au sein de la population autochtone est considérablement plus élevé que pour les non-autochtones, mais le milieu d'où sont issus les délinquants autochtones est également plus négatif et marginalisé. Bien que le système de justice pénale soit incapable de résoudre ces problèmes, il est possible que les juges tiennent compte de ce milieu quand ils décident de la peine à imposer. Le fait d'imposer des peines plus courtes aux autochtones inculpés donne à penser que les juges ont conscience de la situation défavorisée des délinquants autochtones et essaient de rétablir l'équilibre. Bien que cette attitude semble discriminatoire à l'encontre des délinquants non autochtones, il est possible de trouver une compensation partielle dans le fait que l'on a plus souvent recours à l'incarcération pour les délinquants autochtones. Mais ce fait s'explique peut-être par le manque de structures dans la vie de nombreux délinquants autochtones propres à favoriser l'application de sanctions communautaires.
Les infractions avec violence pour lesquelles les délinquants autochtones sont incarcérés dans des établissements fédéraux et la chronicité de leurs démêlés avec la justice très tôt dans leur vie nous rappellent de manière frappante les conditions de vie de nombreux autochtones (en particulier les plus marginalisés). La banalisation de la violence et le contact avec ses formes les plus extrêmes sont deux des principales observations de l'étude sur les délinquants dans les centresNote de bas de page 137. Le nombre disproportionné de femmes autochtones purgeant une peine dans des établissements fédéraux pour homicide involontaire témoigne des circonstances et de la violence avec lesquelles de nombreuses femmes autochtones sont aux prises.
Dans quelle mesure a-t-on recours à l'incarcération pour les délinquants autochtones au pays et pourquoi existe-t-il des différences dans les niveaux d'incarcération entre les autorités correctionnelles, même si l'on tient compte de la proportion d'autochtones?
Les profils socio-démographiques qui se sont dégagés du recensement et les données de la recherche nous apprennent que les populations autochtones les plus marginalisées vivent dans les trois provinces des Prairies. Ce constat donne à penser que le recours massif à des peines comme des amendes et des inculpations pour infractions contre l'ordre public ou d'autres infractions administratives affectent outre mesure et négativement les autochtones de ces provinces. Là où ils sont le plus marginalisés, ils risquent davantage d'être des sans domicile fixe, de consommer plus d'alcool, d'être bien connus des milieux policiers et moins en mesure de payer leurs amendes ou de respecter des ordonnances de la cour en raison de leur mode de vie. La migration accrue hors des réserves et la hausse du taux de natalité dans ces provinces donnent à penser que si les pratiques de détermination des peines ne changent pas, les niveaux d'incarcération des autochtones dans les établissements provinciaux ne changeront pas non plus. Rien n'est plus difficile pour le système de justice pénale que de se pencher sur les circonstances de la vie et les expériences qui donnent lieu aux peines fédérales et d'essayer de changer les choses.
Les différences dans les taux d'admission par suite d'une condamnation en Colombie-Britannique et en Ontario, par rapport aux provinces des Prairies, révèlent deux choses. Tout d'abord, il existe des groupes d'autochtones moins marginalisés dans ces provinces, et donc moins de défauts de paiement des amendes et d'infractions liées à l'administration de la justice et contre l'ordre public. Deuxièmement, on n'a pas tellement recours à l'incarcération pour les défauts de paiement et d'autres infractions mineures. L'autre différence concerne le recours accru aux mesures correctionnelles communautaires pour les délinquants autochtones de ces deux provinces. Ainsi, une politique ou une pratique comme le recours à l'incarcération pour défaut de paiement des amendes ou des infractions contre l'ordre public ou relatives à l'administration de la justice (y compris le manquement aux conditions de la probation), qui sont les infractions que commettent un grand nombre d'autochtones marginalisés, peut avoir des effets particulièrement dévastateurs. On constate la même situation aux États-Unis, où l'on a eu recours à l'incarcération pour certaines infractions en matière de drogue, ce qui a donné lieu à une augmentation du nombre de noirs incarcérés. La différence au Canada, c'est que l'incarcération pour ces infractions n'est pas nouvelle, contrairement à certaines infractions en matière de drogue aux États-Unis. La situation n'a tout simplement pas changé et, contrairement à de nombreux autres pays, le Canada continue à avoir massivement recours à des peines d'emprisonnement, même pour des infractions relativement mineures, mais pour lesquelles les délinquants se voient infliger des peines d'emprisonnement de courte durée. Pour d'autres catégories de délinquants autochtones sous responsabilité fédérale ou provinciale, les solutions de déjudiciarisation sont beaucoup moins évidentes, comme nous nous efforcerons de l'illustrer à la partie IV.
Figure III.1 Pourcentage de délinquants autochtones et non autochtones par région, 1995
(Source : York, 1995, p. 6)
Description de l'image
Les cinq diagrammes à secteurs représentés dans un cercle ci dessus montrent la ventilation des délinquants autochtones par rapport aux délinquants non autochtones par région : la partie supérieure au centre représente la région du Pacifique – quatorze virgule deux pour cent (14,2 %) de délinquants autochtones et quatre vingt cinq virgule huit pour cent (85,8 %) de délinquants non autochtones; le coin supérieur droit représente la région des Prairies – trente cinq virgule quatre pour cent (35,4 %) de délinquants autochtones et soixante quatre virgule six pour cent (64,6 %) de délinquants non autochtones; le coin inférieur droit représente la région de l'Ontario – trois virgule sept pour cent (3,7 %) de délinquants autochtones et quatre vingt seize virgule trois pour cent (96,3 %) de délinquants non autochtones; le coin inférieur gauche représente la région du Québec – un virgule cinq pour cent (1,5 %) de délinquants autochtones et quatre vingt dix huit virgule cinq pour cent (98,5 %) de délinquants non autochtones; le coin supérieur gauche représente la région de l'Atlantique – trois virgule six pour cent (3,6 %) de délinquants autochtones et quatre vingt seize virgule quatre pour cent (96,4 %) de délinquants non autochtones.
Figure III.2 Type général d'infraction pour les délinquants autochtones et non autochtones, 1995
* Un délinquant figurant dans la catégorie des meurtres au premier ou au deuxième degré peut également apparaître dans la catégorie des infractions figurant à l'annexe I ou II. Soixante-quatorze délinquants autochtones et 686 délinquants non autochtones purgeant une peine d'emprisonnement pour un meurtre au premier ou au deuxième degré purgent également une peine d'emprisonnement pour des infractions répertoriées à l'annexe I. Par ailleurs, 65 délinquants non autochtones (et aucun autochtone) ayant commis un meurtre au premier ou au deuxième degré purgent également une peine d'emprisonnement pour des infractions figurant à l'annexe II.
(Source : York, 1995, p. 18)
Description de l'image
Deux diagrammes à secteurs sont représentés ci dessus. Le diagramme qui se trouve en haut montre la ventilation des délinquants autochtones par catégorie d'infraction : soixante quatorze virgule cinq pour cent (74,5 %) pour les infractions prévues à l'annexe 1; quatre virgule cinq pour cent (4,5 %) pour les infractions prévues à l'annexe 2; treize virgule trois pour cent (13,3 %) pour les infractions non prévues aux annexes; un virgule neuf pour cent (1,9 %) pour les meurtres au premier degré et dix virgule quatre pour cent (10,4 %) pour les meurtres au second degré. Le diagramme qui se trouve en bas montre la ventilation des délinquants non autochtones par catégorie d'infraction : cinquante neuf virgule deux pour cent (59,2 %) pour les infractions prévues à l'annexe 1; seize virgule neuf pour cent (16,9 %) pour les infractions prévues à l'annexe 2; dix sept virgule six pour cent (17,6 %) pour les infractions non prévues aux annexes; trois virgule un pour cent (3,1 %) pour les meurtres au premier degré et dix virgule huit pour cent (10,8 %) pour les meurtres au second degré.
Délinquants autochtones
Délinquants ayant commis une infraction figurant à l'annexe I
Délinquants ayant commis une infraction figurant à l'annexe II
Délinquants n'ayant pas commis d'infraction figurant à l'annexe et non meurtriers
Meurtre au premier degré*
Meurtre au deuxième degré*
Délinquants non autochtones
Délinquants ayant commis une infraction figurant à l'annexe I
Délinquants ayant commis une infraction figurant à l'annexe II
Délinquants n'ayant pas commis d'infraction figurant à l'annexe et non meurtriers
Meurtre au premier degré*
Meurtre au deuxième degré*
PARTIE IV: EXPLICATION DE LA SURREPRÉSENTATION DES AUTOCHTONES
Dans les travaux effectués jusqu'à maintenant, on a déterminé trois causes possibles de la surreprésentation des autochtones dans le système de justice pénale : le traitement différent accordé par le système de justice pénale en raison de la différence de culture et de la discrimination raciale, les taux de criminalité plus élevés des autochtones et la perpétration par les autochtones des genres d'infractions qui risquent le plus d'entraîner des peines d'incarcérationNote de bas de page 138. Je crois maintenant qu'une quatrième cause — les politiques et les pratiques du système de justice pénale qui ont une incidence différente sur les délinquants autochtones en raison de leur situation socio-économique — contribue également à leur surreprésentation.
Les recherches réalisées dans chacun de ces domaines sont limitées, mais il semblerait que les facteurs qui expliquent la surreprésentation des autochtones soient surtout un taux de criminalité plus élevé et la perpétration d'infractions (en particulier les crimes de violence commis dans le cas des détenus sous responsabilité fédérale) qui entraînent une peine d'incarcération. Cela ne signifie pas cependant que les deux autres facteurs ne jouent pas un rôle important. Le traitement différent peut résulter de préjugés systémiques ou raciaux, et les pratiques et politiques, comme l'incarcération des personnes qui n'ont pas payé une amende (voir à ce sujet la partie III), peuvent avoir des conséquences plus graves pour les délinquants autochtones que pour les délinquants non autochtones en raison de la marginalisation économique des premiers. Au Canada, les politiques et pratiques peuvent même avoir un effet différent sur les délinquants autochtones dans diverses régions du pays. Bon nombre des crimes commis par les autochtones sont d'origine sociale ou économique. Lorsque l'intervention vise l'infraction plutôt que le problème social sous-jacent, les groupes les plus marginaux en subissent le plus le contrecoup.
La principale question à se poser est la suivante : pourquoi le nombre d'autochtones du Canada qui ont des démêlés avec la justice et qui sont vulnérables aux politiques et pratiques du système de justice pénale est-il disproportionné par rapport au reste de la population? Le texte qui suit vise à établir un cadre d'explication possible de ces facteurs.
Contexte
On explique souvent le taux d'incarcération disproportionné des autochtones par l'incapacité du système de justice de s'adapter aux autochtones et par la différence de culture entre la société autochtone et la société non autochtone. Cependant, l'examen des caractéristiques générales des populations incarcérées révèle que le phénomène de surreprésentation des autochtones au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande (pays où les autochtones ont été colonisés et sont maintenant minoritaires) n'est guère surprenant. Lorsque certains groupes ont de piètres conditions de vie, qu'ils vivent dans la pauvreté et qu'ils sont généralement victimes de privations sociales et économiques, il s'ensuit immanquablement des taux d'incarcération disproportionnés. Les théories culturelles, structurelles et autres (comme le contrôle social) qu'on utilise souvent pour expliquer le nombre disproportionné d'autochtones qui ont des démêlés avec le système de justice pénale et le système correctionnel, sont souvent présentées comme si elles étaient mutuellement exclusivesNote de bas de page 139.
L'examen du rôle que joue le système de justice pénale dans la situation révèle qu'il n'y a pas de réponses claires, surtout lorsque la variation des niveaux d'incarcération des autochtones est prise en considération. Nous pouvons déterminer le risque élevé que courent de nombreux autochtones de commettre une infraction, et d'être victimes, arrêtés et incarcérés, mais l'apport des préjugés raciaux et du traitement injustifié de la part du système de justice pénale ou des différences de culture (définies comme étant les différences entre les normes de comportement de groupes culturels différents) est beaucoup moins évident. Tel est le cas au Canada et en AustralieNote de bas de page 140. On a fait une constatation surprenante dans les deux pays : les autochtones inculpés se voient constamment infliger des peines plus courtes même lorsqu'on tient compte du genre d'infractionNote de bas de page 141. Les données actuelles ne laissent pas supposer que les délinquants autochtones (en particulier ceux qui sont sous responsabilité fédérale) ont un casier judiciaire moins lourd ou commettent moins d'infractions graves. Certaines données donnent à penser le contraireNote de bas de page 142. Bien que les données sur le traitement du système de justice pénale soient encore limitéesNote de bas de page 143, les données disponibles laissent supposer que la surreprésentation des autochtones dans le système de justice pénale et les systèmes correctionnels ne peut être attribuée aux seuls préjugés raciaux.
Broadhurst (1996, p. 75) invoque l'argument des différences de culture pour expliquer la surreprésentation des autochtones en Australie. Il soutient que tout comme dans nombre d'anciennes colonies, les autochtones qui ont survécu [en Australie] ont été marginalisés socialement et économiquement et réduits largement à l'état de criminels. Il se concentre surtout sur les questions culturelles en utilisant des mesures de l'« autochtonicité », c'est-à-dire la population, la superficie occupée et contrôlée par les autochtones, la conservation de la langue autochtone traditionnelle en plus des diverses mesures du taux d'incarcération. Il établit un rapport entre le degré des mesures « culturelles » de l'autochtonicité (population, superficie occupée et conservation de la langue) et les niveaux d'incarcérationNote de bas de page 144. Par ailleurs, Broadhurst reconnaît que Cove (1992), lorsqu'il examine l'incarcération des autochtones en Tasmanie, État où le taux est le plus bas, a constaté que les niveaux d'urbanisation et d'emploi des autochtones de Tasmanie étaient beaucoup plus élevés que les moyennes nationales des autochtonesNote de bas de page 145 Au Canada, il y a des anomalies semblables d'une région à l'autre. Si les différences de culture et la discrimination découlant du système de justice pénale déterminaient les niveaux d'incarcération des autochtones, la surreprésentation serait un problème semblable dans la plupart des régions du Canada, mais les données du système correctionnel et les autres données du système de justice pénale montrent clairement que tel n'est pas le cas.
Il faudrait donc recourir à une approche multidimensionnelle pour comprendre les causes de la surreprésentation des autochtones parmi les personnes qui ont démêlés avec le système de justice pénale. La déconstruction (c.-à-d. le rejet) du langage classique de la criminologie a empêché l'établissement d'une théorie plus raffinée pour expliquer la surreprésentation des autochtones dans le système de justice pénale. La déconstruction s'est produite pour deux raisons. Premièrement, les influences du postmodernisme ont créé un milieu où les expressions individuelles du rôle, de l'identité et de la culture occupent une place prépondérante dans la définition de la nature du problème et des solutions, ainsi que dans la méthodologie principale de production de l'information. Deuxièmement, ces expressions, allant de pair avec un mouvement politique qui a adopté une idéologie semblable, ont créé une « connaissance » distincte et une « conception du monde » autochtones qui, malgré l'importante diversité des expériences autochtones au Canada, a dicté le discours. La théorie a été réduite dans une grande mesure à des explications culturelles de la surreprésentation des autochtones dans le système de justice pénale.
Afin de comprendre cette surreprésentation et de tenir compte de la diversité au sein de la société autochtone et de l'incidence de l'histoire sur l'évolution de cette société, il faut, par conséquent, « reconstruire » la théorie. Les connaissances sur les peuples autochtones et leur surreprésentation dans le système de justice pénale comprennent la dimension culturelle, mais vont au delà de celle-ci. Pour comprendre les collectivités autochtones contemporaines, l'affaiblissement des interdépendances et l'accroissement de la dépendance à l'égard des structures sociales et économiques externes par suite des processus historiques et contemporains, il faut procéder à une analyse plus raffinée que celle que les seules différences de culture permettent d'effectuer. Le texte qui suit constitue une tentative préliminaire visant à procéder à une telle analyse.
1. Nouvelles théories
D'autres explications de la surreprésentation des autochtones dans le système de justice pénale sont maintenant données. Aux États-Unis, Green (1993) a examiné la littérature contemporaine sur les taux de criminalité des Indiens américains et les résultats de la justice pénale dans le cadre sociologique de l'expérience des autochtones américains afin de comprendre les démêlés des autochtones avec le système de justice pénale. Il a noté que les recherches antérieures n'ont pas tenu compte de la diversité des expériences des Indiens. Il a conclu que les théories sur le contrôle social (fondées sur les conditions familiales et structurelles) ¾ qui soutenaient que le comportement illégal résulte d'un manque d'attachement et de participation aux sociétés indiennes et non indiennes ¾ peuvent être plus utiles pour l'explication de la criminalité et de la délinquance des autochtones américains que la théorie sur les différences de culture. L'accent que met Green sur le contexte sociologique témoigne de la nécessité de reconnaître en théorie l'évolution et la diversité de la société autochtone américaine. Pour comprendre la criminalité et la délinquance, il faut disposer d'un cadre beaucoup plus large et plus évolué sur le plan conceptuel que celui que fournissent les seules théories sur les différences de culture.
Nous partons d'une prémisse quelque peu différente et nous nous inspirons des travaux de John Braithwaite (1990), qui a formulé la théorie voulant que les pays qui affichent de faibles taux de criminalité et qui connaissent des périodes où la lutte contre la criminalité est plus efficace soient ceux où l'humiliation a le plus de pouvoir socialNote de bas de page 146. En bref, Braithwaite soutient que la stigmatisation des délinquants crée des parias alors que l'humiliation en vue de la réintégration comporte une désapprobation, mais un pardon ultérieur et une réacceptation dans le groupe. Cela finit par réduire la récidive. La clé d'une humiliation efficace, selon lui, est le degré d'interdépendance entre les gens. Les interdépendances réduisent la perpétration d'infractions, car les gens ne veulent pas être couverts de honte ou apporter la honte aux personnes qui revêtent de l'importance à leurs yeux. Dans son article, Shame and Modernity (1993), Braithwaite soutient que, contrairement à la croyance populaire, les interdépendances entre les gens et les familles se sont accrues dans les sociétés occidentales au cours des trois derniers siècles.
C'est peut-être le contraire dans le cas des sociétés autochtones, même si les idées reçues et les travaux antérieursNote de bas de page 147 vont à l'encontre de ce point de vue. Selon l'argument invoqué ici, une diminution de l'interdépendance dans les collectivités autochtones s'est produite par suite de processus historiques (qui ont reproduit la structure sociale majoritaire sans s'accompagner du développement des institutions) ainsi que d'un bouleversement culturel et de la détérioration des mécanismes officieux de contrôle social. Il en a résulté des collectivités stratifiées socialement où les ressources limitées et la répartition de celles-ci créent d'importants groupes de personnes défavorisées, une sous-culture de jeunes de plus en plus importante auxquels s'offrent peu de débouchés ou de possibilités légitimes, une exposition hors contexte aux médias de masse et un manque de ressources culturelles et sociales pour aider à déterminer la formation à la base des valeurs prosociales. Il est cependant trompeur et incorrect de supposer que toutes les collectivités autochtones du Canada sont exposées aux mêmes contingences et limites par suite de ces processus historiques et contemporains. De toute évidence, tel n'est pas le cas, et une hypothèse de ce genre empêche de consacrer aux personnes et aux collectivités qui en ont le plus besoin toute l'attention voulue. Le degré et l'incidence du changement ont été atténués par les modes d'établissement, l'emplacement géographique, les facteurs culturels et l'expérience communautaire individuelle de sorte qu'il y a un écart en ce qui concerne l'effet de ces influences sur les collectivités.
2. La colonisation et la création des collectivités autochtones contemporaines
Les structures des collectivités autochtones contemporaines sont le produit d'une évolution historique alors que la colonisation et la création du système des réserves résultent des différences de culture et des divergences au sujet de la propriété et de la possession des terres. Il en a résulté une conséquence importante : l'installation des autochtones dans des structures géographiques, sociales et économiques marginales d'où il est très difficile de s'échapper. Ces structures ont eu des effets considérables sur la vie familiale et les relations entre les parents, les autres relations communautaires, la perte des pratiques de contrôle social issues de la coutume, les mouvements ainsi que les rôles et obligations traditionnels. Elles imposent également la forme des collectivités autochtones contemporaines et de la vie communautaire ainsi que les possibilités et les ressources dont disposent les gens pour former des attitudes prosociales et mener une vie remplie et productive.
Nous soutenons que la vie dans les réserves crée ses propres problèmes. Les recherches sur la justice et les autochtones révèlent que les Indiens inscrits sont surreprésentés dans les populations carcérales et les centre-ville comparativement aux Indiens non inscrits et aux MétisNote de bas de page 148. Par exemple, lors d'un dénombrement quotidien effectué dans des établissements de la Saskatchewan en 1994, 78 % des détenus autochtones étaient des Indiens inscrits contre 12 % de Métis et 10 % d'Indiens non inscrits. Même si la majorité commettent les infractions pour lesquelles ils sont incarcérés en milieu urbain, ils proviennent également des réserves, comme le montrent les données récentes du SCC.
Plusieurs facteurs se combinent pour créer les conditions de vulnérabilité de ce groupe d'autochtones, en particulier ceux des réserves des provinces des Prairies. Premièrement, (par suite de la colonisation et de la dépendance dont il est fait état plus haut), nombre de réserves contemporaines se caractérisent par leur isolement géographique, leur petite taille, leur sol non fertile, le manque de ressources dans le domaine de l'éducation, de l'emploi, etc., l'accès différent aux débouchés et possibilités communautaires et l'aliénation par rapport à la société majoritaire. Elles peuvent fonctionner comme des sociétés fermées ayant peu de compte à rendre au monde extérieur, peu de rapports avec celui-ci ou peu d'exposition à celui-ci. Le système des réserves a isolé et continue d'isoler bien des autochtones de la société majoritaire. Il crée également des collectivités qui sont particulièrement vulnérables au crime et au désordre à cause de l'isolement, du manque d'emplois et d'instruction, du grand nombre de jeunes désoeuvrés, et la désintégration culturelle a débouché sur une diminution des interdépendances. En plus de l'isolement géographique et de la pauvreté, l'administration des réserves définies dans la loi actuelle (c.-à-d. la Loi sur les Indiens ) crée des divisions au sein des collectivités qui produisent plus de groupes marginaux. La surreprésentation des délinquants autochtones dans le système de justice pénale est un résultat logique de ces forces.
Les différences dans l'histoire et les modes d'établissement, la valeur des terres, la géographie et la taille ainsi que l'organisation sociale, politique et économique des réserves, peuvent également expliquer les niveaux d'incarcération disproportionnés des autochtones dans l'Est et l'Ouest du CanadaNote de bas de page 149. Fait intéressant, les provinces enregistrant les niveaux de chômage les plus élevés, et les niveaux d'instruction et de revenu les plus faibles pour les Indiens inscrits vivant dans les réserves et hors réserve (Saskatchewan, Alberta et Manitoba) comptent également les niveaux d'incarcération les plus disproportionnés. Compte tenu du taux élevé d'exode des autochtones des réserves et du fait qu'ils vivent en permanence dans les centre-ville de certaines provinces de l'Ouest, ceux-ci commencent à devenir des ghettos d'autochtones retranchésNote de bas de page 150.
3. La reproduction de la structure sociale majoritaire dans les collectivités autochtones
Les forces qui modèlent les collectivités contemporaines sont la création d'un système de réserves, les dispositions de la Loi sur les Indiens qui permettent à un chef et un conseil élus de contrôler les ressources, l'introduction du travail rémunéré et de l'éducation et la communication par les médias. Il est difficile, voire impossible, de déterminer l'influence exacte de chaque facteur, mais ensemble ils ont exercé un effet considérable en imprimant des changements aux sociétés autochtones traditionnelles.
Pour nombre de réserves, l'absence d'une identité communautaire commune agissant comme lien entre les familles et les groupesNote de bas de page 151, l'effondrement de l'interdépendance fondée sur les activités économiques traditionnelles structurées en fonction de l'âge et du sexe, et l'obligation de vivre ensemble dans des collectivités sédentaires, créent du stress et des tensions. Pour ceux qui ont accès au pouvoir grâce à leur emploi et à leurs liens de parenté, la vie dans les réserves donne des résultats satisfaisants. Pour ceux qui n'y ont pas accès, elle donne des résultats insatisfaisantsNote de bas de page 152. Ces derniers sont exclus des débouchés dans les réserves et, lorsqu'ils partent pour améliorer leur sort à l'extérieur, le manque de compétences et les problèmes personnels les relèguent aux rôles et aux logements inférieurs dans les villes. Un plus grand nombre de membres de ce groupe quittent les réserves de l'Ouest et demeurent dans les centres urbains où ils mènent une vie marginaleNote de bas de page 153. Ils n'ont pas accès aux possibilités, au pouvoir et à une place dans les deux sociétés.
Cependant, certains ont bénéficié financièrement et socialement de ces changements comme en témoignent les nouvelles formes d'affluence des autochtones dans les réserves. Comme dans la plupart des sociétés occidentales, il existe maintenant une démarcation sociale et économique évidente dans les collectivités autochtones contemporaines. Beaucoup d'autres (un groupe de taille disproportionnée au sein de la société autochtone par rapport à la société non autochtone), courent un risque plus élevé d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale, à cause du manque d'accès aux débouchés et aux possibilités et de liens et d'attachements légitimes dans les deux sociétés, combinés aux bouleversements, à la négligence et souvent à la violence physique qu'ils ont connus pendant leur enfance. Ce risque est plus élevé en dehors des réserves qu'à l'intérieur de celles-ci, comme LaPrairie l'a constaté dans ses recherches sur le centre-ville (1994) et les Cris de la baie James (1991). Le risque est également plus élevé dans différentes régions du pays, à savoir les provinces des Prairies, comme le montrent les données sur les services correctionnels.
Pourquoi les autochtones non inscrits (et surtout ceux qui ne proviennent pas des réserves les plus marginales) ont-ils moins de démêlés avec le système de justice pénale au CanadaNote de bas de page 154? Dans les recherches qu'il a effectuées en Tasmanie, Cove (1992) présente certains indices importants permettant de comprendre la situation ici. Celui-ci a constaté que le degré d'urbanisation et d'« homogénéité culturelle » entre les autochtones de Tasmanie et entre ceux‑ci et le reste de la population de Tasmanie a entraîné des niveaux de démêlés plus faibles avec le système de justice pénaleNote de bas de page 155. Au Canada, les Métis et les autochtones non inscrits sont plus urbanisés, ce qui peut signifier que, malgré les problèmes de racisme et d'identité, ils participent plus à la société non autochtone dominante et ont davantage accès à ses institutions économiques, politiques et sociales (et par conséquent à la création d'interdépendances) que les Indiens inscrits vivant dans une réserve ou ceux qui quittent les réservesNote de bas de page 156. L'urbanisation et l'acculturation accrues ainsi que le degré moindre d'exclusion physique de la société majoritaire, qui débouchent sur une plus grande interdépendance, peuvent expliquer les niveaux plus faibles de démêlés avec le système de justice pénaleNote de bas de page 157. Les autochtones ayant un bas niveau d'études et de compétences et souffrant d'un dysfonctionnement personnel résultant de leur vie familiale et de problèmes d'alcool, qui quittent les réserves à cause du manque d'accès aux débouchés et aux possibilités, font face à l'exclusion la plus extrême des institutions majoritairesNote de bas de page 158.
4. L'incidence de la dislocation culturelle et de la stratification sociale sur les institutions communautaires
Le contrôle social exercé par l'intermédiaire des mécanismes officieux de la famille et de la collectivité fait non seulement partie intégrante de la vie communautaire, mais constitue le moyen de socialisation des jeunes. Le contrôle social s'exerce d'un certain nombre de façons et comporte souvent une humiliation, une désapprobation verbale et parfois même l'ostracisme. Le renforcement par des récompenses et diverses formes de punition aide à se bâtir une confiance et à se maîtriserNote de bas de page 159.
La dislocation culturelle des sociétés autochtones, la diminution de l'autorité traditionnelle de la famille et du groupe et les structures sociales nouvellement stratifiées qui ont créé des divisions sociales et économiques entre les individus et les familles ont profondément influé sur la socialisation des jeunes. Les différences entre les rôles et les responsabilités des jeunes et des aînés, des hommes et des femmes, des modernes et des traditionalistes s'estompent. De nouvelles structures sociales ont créé des catégories de bien nantis et de moins bien nantis. Le rôle des aînés dans l'enseignement et dans la promotion de l'harmonie dans les collectivités est beaucoup moins clair qu'auparavant. On s'en remet de plus en plus aux institutions publiques et officielles comme la police et les services sociaux et autres pour trancher les différends et résoudre les problèmes. Aujourd'hui, les problèmes sont beaucoup plus complexes et leur résolution est beaucoup moins claire que jadis. Les institutions officieuses et les interdépendances entre les gens ont perdu de l'importance.
Ces collectivités affichent le stress et les tensions de la société majoritaire, mais elles n'ont pas les ressources nécessaires pour y faire face. Dans le cas des jeunes, les tensions supplémentaires proviennent des pressions exercées en faveur de la conformité culturelle, de l'éducation et des différences de langue entre eux et leurs parents et grand-parentsNote de bas de page 160, des pressions qu'exerce la famille pour qu'ils restent dans les réserves et de l'incertitude générale au sujet de leur avenir. La classe sociale peut cependant atténuer les effets négatifs de ces pressions de sorte que les effets sont plus graves pour les groupes les plus défavorisésNote de bas de page 161. Cette situation est exacerbée par le nombre disproportionné de jeunes dans les réserves et, dans certaines villes de l'Ouest, par le renforcement des sous-cultures de pairs.
Ces caractéristiques démographiques liées à l'âge et les sous-cultures de pairs dans les réserves constituent des facteurs importants à prendre en considération pour comprendre les niveaux disproportionnés de criminalité et de désordre. En raison des taux de natalité élevés et d'une espérance de vie inférieure, la plupart des réserves se caractérisent par un grand nombre d'enfants et de jeunes. Le relâchement des structures du pouvoir traditionnelles, le taux de chômage élevé et le manque de débouchés et de ressources ainsi que le désoeuvrement (une plainte courante chez les jeunes) peuvent entraîner la formation de fortes associations de pairs et, par la suite, la perpétration d'infractions mineures et d'inconduite. Ces comportements agacent les membres de la collectivité et préoccupent les familles, et peuvent ouvrir la voie à l'adoption d'attitudes antisociales et procriminelles, prédicateurs importants de l'adoption d'un comportement criminelNote de bas de page 162.
5. Formation d'une identité individuelle dans les collectivités contemporaines
Snider (1995a, p. 3) s'inspire de la théorie du développement lorsqu'elle soutient que les identités qui apparaissent le plus souvent sont celles qui sont publiquement validées dans leur système social et que celles-ci varient selon les ressources sociales et culturelles disponibles. Cela donne à penser que dans les collectivités autochtones contemporaines, la formation de l'identité est très différente de celle des sociétés plus traditionnelles où les rôles et les responsabilités fondés sur l'âge, le sexe et le statutNote de bas de page 163 étaient plus clairement définis et compris et dictaient le comportement et la conscience de soi. Dans les collectivités contemporaines, par contre, l'influence de la sous-culture de plus en plus importante des jeunes et la stratification sociale, qui détermine l'accès aux débouchés et aux possibilités, ont largement remplacé les influences plus traditionnelles. Le discours culturel autochtone prédominant pose certaines hypothèses au sujet du rôle et de l'influence des aînés sur les jeunes, mais les recherches à ce chapitre sont au mieux contradictoiresNote de bas de page 164. Cependant, l'emplacement géographique, l'expérience et les ressources sociales et économiques modèlent le milieu dans lequel les identités individuelles sont formées de sorte qu'il y a une diversité considérable dans tout le pays.
Les caractéristiques, les aspects démographiques et les conditions pathologiques (comme en témoignent les taux d'abus d'alcool, la violence interpersonnelle ainsi que le crime et le désordre) de bien des réserves peuvent être des facteurs plus importants que le manque d'identité ou de culture ou les préjugés raciaux dans les démêlés des autochtones avec le système de justice pénaleNote de bas de page 165. Combinées à la vie familiale bouleversée et aux mauvais traitements, ces conditions rendent les personnes défavorisées qui quittent les réserves et qui sont exposées à la vie urbaine plus susceptibles de participer à des systèmes de contrôle social. Les recherches de Muirhead (1982) confirment cette hypothèse. Celui‑ci conteste l'hypothèse voulant que les différences culturelles entre les membres de la population carcérale revêtent une importance primordiale et soutient que les facteurs structurels sous-jacents sont plus importants. Il a constaté que les variables « communautaires » décrivent la position des individus dans la structure sociale. En outre, bien que les autochtones aient souvent des liens avec leur lieu de résidence rural, en raison de leur mode de vie fortement nomade, ils vivent souvent dans les milieux urbains. Ces milieux peuvent jouer un rôle important qui détermine la probabilité de démêlés avec le système de justice (p. 23). Cette variable s'est révélée très importante dans le cas des admissions dans les établissements et de la durée de l'incarcération des détenus autochtones. Muirhead a conclu que la culture autochtone est une explication ténue et commode de l'incarcération des autochtones et que le nombre disproportionné d'autochtones dans les établissements de correction résulte de leur appartenance en nombre disproportionné à une classe marginale. Dans son analyse, les collectivités d'origine des personnes sont aussi importantes que les collectivités où elles ont commis leurs infractionsNote de bas de page 166.
Conclusions
Pour expliquer la surreprésentation des autochtones dans le système de justice pénale au Canada, on a présenté un modèle multidimensionnel qui comprend les dimensions culturelle, structurelle historique et contemporaine. Au centre du modèle figurent l'effondrement des interdépendances traditionnelles et une dépendance accrue à l'égard des établissements externes.
Dans la société autochtone traditionnelle, l'interdépendance était structurée en fonction de rôles et de responsabilités définis selon lesquels chaque individu avait une fonction à accomplir, et la survie dépendait de l'accomplissement de cette fonction. Dans la société autochtone contemporaine, par ailleurs, il y a eu une disparition dramatique des interdépendances et un accroissement énorme de la dépendance à l'égard des institutions externes par l'entremise des paiements de transfert, du bien-être social, etc. Il n'y a pas non plus d'interdépendance avec la société majoritaire, mais un déséquilibre entre les deux. Le problème de la criminalité risque donc d'être plus grave dans les collectivités les plus isolées géographiquement de la société majoritaire, où les pratiques traditionnelles s'effondrent le plus, qui dépendent le plus du financement extérieur et du bien-être social et où la pyramide des âges est la plus disproportionnée. Ce sont les collectivités où les délinquants risquent le plus de connaître une honte « pathologique » plutôt qu'une honte positiveNote de bas de page 167.
Trois facteurs pouvant produire la honte pathologique entrent en jeu. Premièrement, le groupe qui risque le plus d'éprouver cette émotion est le plus marginal et le moins intégré dans la collectivité; deuxièmement, les réserves ne sont généralement pas intégrées à la société canadienne majoritaire (en raison des pratiques historiques de l'exclusion et du statut de deuxième classe conféré aux autochtones) et l'aliénation qui en résulte est plus importante dans les collectivités qui ont le moins de liens avec la société majoritaire; et troisièmement, l'exposition à la vie familiale dysfonctionnelle et les mauvais traitements pendant l'enfance (en plus des autres facteurs propices au comportement criminel) créent des sentiments de rejet et de colère. Ensemble, ces facteurs sont plus prononcés dans le cas des groupes plus marginaux des collectivités et des personnes qui quittent les réserves avec peu d'outils personnels de survie ou pour obtenir un statut dans la société majoritaire ou s'y intégrer, et avec des antécédents dysfonctionnels de privation. La propension à la conduite criminelle produite par cette aliénation s'accompagne du manque d'attachement aux gens ayant des valeurs anticriminelles — résultat de l'exclusion des institutions et des possibilités qui favorisent les valeurs prosociales. Les sanctions officielles et la stigmatisation du système de justice pénale produisent la colère et la défianceNote de bas de page 168, dont une des conséquences peut être la récidive. Le manque d'intégration et de statut est plus prononcé pour les hommes autochtones qui se classent dans cette catégorie et qui, contrairement aux femmes autochtones, n'ont pas le statut et ne jouissent pas des aspects d'intégration que procure l'éducation des enfants.
Cette situation découle de la colonisation, de la création d'un système de réserves et de la Loi sur les Indiens, qui ont entraîné l'établissement de structures administratives non traditionnelles dans les collectivités. Nombre de collectivités autochtones contemporaines affichent une stratification sociale et des niveaux de criminalité et de désordre accrus. Les problèmes sont plus graves dans les collectivités les plus marginales sur le plan social et économique en raison des modes d'établissement, de la géographie, de la population, des caractéristiques culturelles (c'est-à-dire nomades vivant dans des collectivités sédentaires) et de l'utilisation et de la valeur peu élevées des terres. Les personnes et les familles les plus touchées quittent souvent les collectivités en raison des pressions de l'intérieur, d'un dysfonctionnement personnel ou de l'anticipation de débouchés à l'extérieur. Dans le milieu urbain, toutefois, le manque d'instruction et de compétences professionnelles, assorti de problèmes de consommation d'intoxicants et d'antécédents de violence et de dysfonctionnement familiaux mènent à des associations négatives avec les pairs et à l'adoption d'attitudes antisociales et procriminelles.
Les personnes marginales qui quittent les réserves pour vivre en milieu urbain causent un problème de plus en plus épineux. Le manque d'instruction et de compétences, les problèmes d'alcool et l'exclusion des institutions majoritaires sèment les germes de la vie en ghetto. Les effets de la vie dans un ghetto sur les enfants et les jeunes sont profondsNote de bas de page 169. Au Canada, ce phénomène de centre-ville est plus évident dans les villes de l'Ouest où il y a des générations de personnes marginales vivant dans des quartiers à forte concentration d'autochtones. Ces zones se distinguent par les faibles revenus, un taux de chômage élevé, des familles monoparentales et un grand nombre d'enfants et de jeunes. La migration accrue de groupes semblables de personnes exacerbera le problème. Ces groupes se caractérisent par une dépendance à l'égard des instituions majoritaires et une aide financière semblable à celle versée aux résidents des réserves.
On ne saurait cependant passer sous silence le rôle joué par les préjugés raciaux, l'inculpation, le cautionnement, les poursuites, les condamnations, les peines et les mises en liberté dans la surreprésentation des autochtones. Comme l'ont fait remarquer Roberts et Doob (1994, p. 16) en ce qui concerne les causes de la surreprésentation des autochtones, « nous n'avons pas de données suffisantes sur les cas traités par le système de justice pénale ». On a besoin de recherches comme celles effectuées par Muirhead en C.‑B. pour les autres provinces et territoires. Les données de la Colombie‑Britannique montrent également qu'il n'est pas nécessaire que les taux élevés de criminalité déclarés se reflètent dans des niveaux élevés d'inculpation ou d'incarcération. Le recours important aux amendes dans les provinces comptant les populations autochtones les plus pauvres (Saskatchewan, Alberta et Manitoba) risquent de mener à une surincarcération de ce groupe. Cela illustre le danger qu'il y a d'utiliser le système de justice pénale pour régler des problèmes sociaux d'une telle ampleur. Le rôle des attitudes publiques et des traditions administratives en matière de détermination de la peine nécessite également une exploration plus poussée, car il semble exister un écart injustifié dans l'utilisation de l'incarcération des délinquants autochtones et non autochtones d'une région à l'autre du pays.
PARTIE V. PROGRAMMES À L'INTENTION DES DÉTENUS AUTOCHTONES
Dans la présente section, nous examinons l'évaluation et le classement des détenus ainsi que les méthodes correctionnelles et de traitement les plus efficaces pour réduire la récidive dans le cas de certains groupes de délinquants. Nous examinons également le classement des détenus selon le niveau de sécurité, car l'accès aux programmes varie en fonction de ce niveau. Nous abordons ensuite les principes des programmes destinés aux autochtones et la « correspondance » entre les programmes à l'intention des détenus du groupe majoritaire et des détenus autochtones. La présente section vise enfin à déterminer si les ressemblances entre les détenus, les différences culturelles ou une combinaison d'approches et de principes devraient guider les méthodes de traitement des détenus autochtones et les programmes à leur intention.
1. Évaluation et classement
Le Bureau des prisons du Delaware décrit le classement des détenus comme un « processus de répartition des détenus par groupes fondé sur divers facteurs, dont les suivants : 1) la détermination et l'attribution des niveaux de détention et de sécurité appropriés; 2) l'inscription du détenu à des programmes en fonction de celui-ci et de son travail; 3) le placement dans les aires de logement appropriées au sein de l'établissement; 4) l'examen prévu au calendrier des affectations pour la réévaluation des besoins et des progrès des détenus »Note de bas de page 170. En général, les détenus sont d'abord classés à leur arrivée à l'établissement (c.-à-d. classement initial) et font l'objet d'une réévaluation périodique pendant leur séjour (c.-à-d. un reclassement). Le reclassement permet aux administrateurs d'apporter des changements ou des « ajustements », selon le comportement du détenu pendant son placement en cours ou les placements antérieurs établis par les classements précédentsNote de bas de page 171. Les reclassements sont généralement fondés sur les renseignements provenant des établissements au sujet du comportement précédent et actuel en établissement tandis que les classements initiaux sont généralement fondés sur les rapports judiciaires comme les rapports d'enquête présentenciels. Les décisions prises aux deux stades de classement tiennent compte des niveaux de sécurité et de détention des établissements et des capacités des programmes pour détenusNote de bas de page 172. La sécurité a trait au genre d'établissement où le détenu devrait être incarcéré, et la détention concerne le niveau de surveillance que nécessite le détenuNote de bas de page 173. Ces facteurs dépendent des variables judiciaires (p. ex. antécédents criminels et incarcération) et personnelles (p. ex. l'âge) du détenu et de ses besoins spéciaux (p. ex. santé mentale)Note de bas de page 174.
Le principal but des systèmes de classement objectifs consiste à mieux gérer les populations carcérales. Les détenus varient considérablement selon les niveaux de sécurité et de détention nécessaires et les besoins en matière de programmes, et les ressources correctionnelles sont limitées. Le classement permet aux administrateurs de faire correspondre les détenus et les ressources pour obtenir des lieux d'isolement plus adéquats et mieux adaptés tout en maintenant la sécurité des établissements et du publicNote de bas de page 175.
Avant que le SCC procède à une réduction du nombre de niveaux de sécurité en 1987, il y avait plus de détenus autochtones que de détenus non autochtones classés dans les catégories à niveaux multiples, et il y en avait moins qui étaient classés dans les catégories « sécurité minimale et moyenne »Note de bas de page 176. Au cours des deux dernières années, le SCC a effectué des évaluations à l'admission de chacun des détenus pour déterminer leurs besoins et leur classement selon le niveau de sécurité. Le 5 juillet 1995, près de 35 % des détenus autochtones sous responsabilité fédérale n'étaient pas classés contre seulement 22 % des détenus non autochtones. Le fait qu'un détenu n'ait pas été classé n'influe pas sur l'accès aux programmes, mais résulte de la disponibilité des ressources au moment de l'admission et d'autres ressources dans les établissements. Cependant, lorsque les détenus étaient classés, environ la même proportion de détenus autochtones et non autochtones devaient être incarcérés dans les établissements à sécurité moyenne ou maximale ou dans les unités spéciales de détention (Figure V.1 Classement des détenus autochtones et non autochtones sous responsabilité fédérale selon le niveau de sécurité, 1995). Dans l'enquête auprès du personnel correctionnel, 70 % des employés ont déclaré que le classement des détenus autochtones selon leur niveau de sécurité était adéquat.
2. Programmes correctionnels généraux
Les programmes et les traitements offerts risquent plus d'avoir un effet sur les détenus dans les établissements fédéraux que dans les établissements provinciaux ou territoriaux parce que les peines purgées dans les premiers sont plus longues. Le syndrome de la récidive est beaucoup plus fréquent dans les établissements provinciaux et territoriaux où, en raison des peines de courte durée et des remises de peine, nombre de détenus ne peuvent pas participer aux programmes ou y participent pendant de brèves périodesNote de bas de page 177. Un aperçu des programmes correctionnels et des méthodes de traitement figure ci-après.
Le pessimisme généralisé à l'égard de la réadaptation correctionnelle, engendré par l'examen de Martinson (1974) sur les condamnations du milieu à la fin des années 70, a cédé la place à un point de vue plus optimiste depuis le milieu des années 80. Les travaux de recherche et de développement en matière de programmes correctionnels ont acquis une nouvelle légitimité en partie à cause du succès apparent que semble leur attribuer la littératureNote de bas de page 178. Cependant, la littérature générale de cette période ne comprend pas un grand nombre d'études ayant fait l'objet d'un contrôle rigoureux. Antonowicz et Ross (1994) ont constaté qu'entre 1970 et 1991, seulement 44 études publiées se sont conformées `a des normes d'évaluation rigoureuses et 20 de celles-ci se sont révélées efficaces.
Même si Antonowicz et Ross (1994, p. 98) reconnaissent que leurs critères, qui comprennent des groupes de contrôle, des tailles d'échantillon et un examen des résultats adéquats, sont plus rigoureux que ceux employés dans d'autres études, ils concluent que « [vingt programmes efficaces en 21 ans montrent que ceux‑ci sont vraiment exceptionnels ». Certains analystes, toutefois, ont relevé des problèmes méthodologiques qui peuvent remettre en question le caractère exceptionnel des programmes efficaces. Palmer (1991), par exemple, a constaté dans son examen des méta-analyses et des critiques de la littérature des années 80 que les interventions qui semblent infructueuses lorsqu'elles sont regroupées et analysées comme un seul type général non différencié (p. ex. le counseling) se sont révélées efficaces lorsqu'elles ont été examinées individuellement.
D'autres ont soutenu que les mesures populaires du succès, notamment les taux de récidive, sont de piètres indicateurs de l'efficacité des programmes. Selon les critiques, les taux de récidive masquent les améliorations du bien-être général de l'individu, ne permettent pas d'évaluer ceux qui commettent des infractions, mais qui ne sont pas arrêtés, et ne tiennent pas compte des facteurs externes au programme qui influent sur le comportement postérieur à la mise en liberté (p. ex. un emploi stable). Griffiths (1990) propose des mesures du succès qui portent sur la réinsertion sociale des détenus, leur vie familiale et leur amélioration relative. En général, comme le recommande Parent (1989), les programmes correctionnels doivent être évalués en fonction de leur objectif. Certains programmes sont conçus pour réduire la récidive contrairement à d'autres, et il faut donc les évaluer en conséquence.
La détermination de l'efficacité des programmes dépend des facteurs méthodologiques. Certains analystesNote de bas de page 179 insistent sur des normes méthodologiques rigoureuses pour juger de l'acceptabilité des recherches en matière d'évaluation. Cependant, comme le fait remarquer Palmer (1991, p. 340), la plupart des recherches ne respectent tout simplement pas le critère de l'excellence ou de la quasi-perfection de la conception et de l'analyse, mais en surface du moins, elles semblent se conformer aux normes établies depuis longtemps relativement à la qualité scientifique. Le bien-fondé de l'assouplissement des normes scientifiques a été défini ailleursNote de bas de page 180, mais en fin de compte, les programmes qui ne font pas l'objet d'une évaluation judicieuse risquent de disparaître après plusieurs années même en dépit des éloges qu'ils reçoivent et de leur légitimité, et à long terme, une évaluation judicieuse constitue peut-être la meilleure façon d'inspirer la confiance à l'égard d'un programme et d'en assurer la survieNote de bas de page 181.
Même si la résurgence de la réadaptation dans les années 80 était fondée sur des normes méthodologiques d'évaluation qui étaient loin d'être idéales, l'ensemble de la littérature laisse supposer que les programmes sont efficaces; dans certains cas, elle révèle une réduction de la récidive qui peut atteindre 80 p. 100. Au lieu de se demander si la réadaptation fonctionne, les chercheurs s'intéressent maintenant aux conditions propices au succèsNote de bas de page 182. Les facteurs qui ont été associés à l'inefficacité des programmes font l'objet d'un examen ci-dessous.
Inefficacité des programmes
L'efficacité réduite des interventions correctionnelles a été attribuée à la mise en oeuvre ou aux principes. En premier lieu, on sait que les agents de correction n'ont pas réussi à mettre en oeuvre et à appliquer complètement les programmes. Ce qu'on considérait comme l'échec des programmes de déjudiciarisation, par exemple, était attribuable non pas à leur fondement théorique, mais à la qualité épouvantable de leur exécution. Parmi les raisons de la piètre mise en oeuvre figurent la primauté des préoccupations à l'égard de la sécurité, la méfiance générale et la suspicion à l'égard des programmes ainsi que la participation et l'appui insuffisants de tous les niveaux correctionnels, de la collectivité et d'autres organismesNote de bas de page 183.
En outre, on a attribué l'échec à divers principes approuvés et appliqués par les programmes correctionnels. En se fondant sur leur examen de la littérature et leur expérience clinique, Gendreau, Cullen et Bonta (1994) ont relevé un certain nombre de principes de programmes inefficaces. Les programmes visant les détenus à faible risque, qui portent sur le comportement non criminogène (p. ex. l'anxiété), qui ont recours à la psychodynamique freudienne traditionnelle et à d'autres thérapies non directives, à l'utilisation d'un modèle médical traditionnel ou à des approches sous-culturelles et d'étiquetage ou à des stratégies de dissuasion ou de punition semblent peu efficaces. Parmi les autres facteurs ayant trait à l'échec des programmes mentionnés dans la littérature, mentionnons la discontinuité des programmes entre l'établissement et la collectivité, une base théorique inadéquate et la non‑différenciation des détenus selon leurs besoins individuels et une intervention ultérieure inappropriées.
Efficacité des programmes
Les facteurs relatifs à l'efficacité des programmes résultent de toute évidence, en partie, de la détermination de ce qui ne fonctionne pas. Par conséquent, les interventions qui sont liées structurellement à la collectivité (c.-à-d. la famille, les écoles, les employeurs, les organismes de services sociaux, les organismes de quartier et les interventions communautaires) ont tendance à remporter plus de succès parce qu'elles maintiennent une certaine continuité des conditions des programmes des établissements après la mise en liberté du détenuNote de bas de page 184. De plus, étant donné le faible niveau de compréhension du public au sujet du système de justice pénale et sa réaction à l'égard des criminelsNote de bas de page 185, s'il était mieux informé, il accepterait probablement davantage les programmes et y participerait plus, surtout en ce qui concerne les services correctionnels communautaires. En dernier lieu, à cause de la diversité des compétences, il faut tenir compte des facteurs culturels, géographiques, socio-économiques et politiques dans les programmes correctionnels. Les programmes communautaires les plus efficaces, par exemple, sont ceux auxquels la collectivité participe largement et qui visent à tenir compte des coutumes et des pratiques localesNote de bas de page 186.
Plusieurs principes ont été associés à l'efficacité des programmes correctionnels. En premier lieu, les programmes doivent être administrés et exécutés avec soin. Tous les membres du personnel doivent participer de près aux activités, et il faut faire face aux contingences des programmes de manière ferme mais équitable. En outre, les thérapeutes doivent être motivés, recevoir une formation appropriée et faire l'objet d'une surveillance adéquate, ce qui encourage entre autres l'établissement de modèles d'attitudes et de comportements anticriminels. Il doit également exister un climat de coopération et de soutien entre le personnel correctionnel et administratif chargé du traitementNote de bas de page 187.
On associe également l'efficacité des programmes à un modèle conceptuel judicieux de la criminalité. Un tel modèle détermine le processus que l'intervention doit suivre (c.-à-d. objectifs intermédiaires et primaires) et les techniques qui doivent être employées. Les programmes fondés sur la théorie cognitive de l'apprentissage social sont les plus prometteursNote de bas de page 188. La théorie cognitive de l'apprentissage social vise à corriger le manque fondamental d'aptitudes au raisonnement, souvent caractérisé par des points de vue limités et étroits, l'égocentricité, l'impulsivité et la pensée concrète, qui sont essentiels à l'adaptation socialeNote de bas de page 189. Antonowicz et Ross (1994) font état d'interventions récentes en matière de développement cognitif de l'apprentissage social qui ont entraîné une réduction du taux de récidive de 60 à 70 p. 100 chez les détenus des pénitenciers à risque élevé, les délinquants toxicomanes et les détenus à risque élevé. En outre, même si les programmes comportementaux ont produit des résultats mitigés, ceux qui comprennent un élément cognitif, axé sur les attitudes, les valeurs et les croyances qui sous-tendent le comportement antisocial sont plus susceptibles d'être efficacesNote de bas de page 190. La littérature donne également à penser qu'une partie des processus de rupture de la pensée et du comportement antisociaux comprend le bouleversement du réseau criminel du délinquant par le programme et ses activités. En fait, comme il a été constaté, les programmes des prisons peuvent être efficaces s'ils sont isolés de la sous-culture antisociale des prisons Note de bas de page 191.
La reconnaissance des différences individuelles entre les détenus a produit certains résultats prometteurs. Plus précisément, le risque que présentent les détenus, leurs besoins et leur participation aux programmes divergent, et il faut leur offrir les niveaux de service qui correspondent à leurs particularitésNote de bas de page 192. On a constaté qu'il existe une forte corrélation entre le niveau de risque et le résultat des programmes. En général, les services plus intensifs sur le plan du temps et de la durée générale devraient être offerts aux détenus à risque élevé même si Antonowicz et Ross (1994, p. 101) n'ont constaté aucune différence importante entre les détenus à risque élevé et ceux à faible risque dans leurs réactions à divers niveaux d'intensité de services. D'après eux, on peut observer que les détenus à risque élevé et à faible risque remportent du succès.
Les programmes doivent également établir une distinction entre les besoins criminogènes et non criminogènes, et porter sur les premiers. On sait qu'il y a des facteurs dynamiques liés à la récidive comme les attitudes antisociales et l'association avec les pairs, qui peuvent être changés. Par contre, on ne peut guère intervenir dans le cas des variables constantes comme l'âge et les condamnations antérieuresNote de bas de page 193. En dernier lieu, les détenus diffèrent également par leur participation à certains programmes. Le style et le mode de traitement, par conséquent, devraient correspondre aux caractéristiques du détenu en matière d'apprentissage. À cette fin, il faut faire correspondre les styles d'acquisition du savoir et la personnalité des détenus au programme et au thérapeute et faire correspondre le thérapeute au genre de programmeNote de bas de page 194.
Même si l'on a établi un lien entre chacun des facteurs susmentionnés et l'efficacité des programmes, leur pouvoir réel réside dans leur unité et leur combinaison. D'après la littérature, il peut être très efficace de recourir à une approche à multiples facettes selon laquelle des programmes complets portent sur chacun des principaux problèmes des détenus d'une manière intégrée. À cette fin, il faut utiliser une foule de techniques, et non une seule, qui reflètent les caractéristiques individuelles des détenus. Enfin, les interventions doivent être adéquates sur le plan de la durée et, si possible, être administrées dans un milieu isolé de la population en généralNote de bas de page 195.
Besoins des délinquantes
Il existe peu de documentation sur l'efficacité des diverses interventions en établissement et dans la collectivité auprès des délinquantes. En outre, comme Kendall (1993a) l'a fait remarquer dans son examen de la littérature sur les services thérapeutiques pour les femmes en prison, il existe très peu de données sur la diversité des femmes incarcérées en ce qui concerne la race, le statut social, la santé physique et l'orientation sexuelle. Les recherches sur les interventions correctionnelles sont généralement androcentriques. Les recherches sur la toxicomanie, par exemple, ont toujours été orientées vers les hommes blancs, sans tenir compte des différences entre les sexes sur le plan de la consommation de drogues, par exemple le fait que les femmes ont tendance à consommer plus d'une drogueNote de bas de page 196.
De plus, les systèmes de classement correctionnel peuvent ne pas convenir aux détenues. Schafer et Dellinger (1993), par exemple, signalent que les systèmes de classement des prisons ont été appliqués presque exclusivement aux hommes, les femmes étant classées comme formant une seule catégorie. En outre, ils ont constaté des différences démographiques importantes entre les femmes et les hommes dans les pénitenciers; par exemple, il y a plus de chances que les femmes aient des enfants et elles sont plus susceptibles d'avoir été en chômage au moment de l'arrestation, ce qui indique que les systèmes de classement fondés sur les hommes ne conviendraient pas aux femmes. Les données des États-Unisrévèlent également que les services de santé des prisons pour les femmes sont inadéquatsNote de bas de page 197. Dans son évaluation des services thérapeutiques offerts aux femmes à la Prison des femmes, Kendall (1993b) a fait ressortir d'autres lacunes des services offerts aux femmes incarcérées Note de bas de page 198: notamment l'absence de possibilité de participer aux programmes, ou de choisir le thérapeute et les programmes qui tiennent compte de leurs besoins (p. ex. consommation d'intoxicants, culture, survivant d'actes de violence, maîtrise de la colère). Il y a également un manque d'aide après la mise en liberté qui permettrait d'établir des liens entre les détenues et les services communautaires.
Les lacunes des programmes correctionnels sont fondées en partie sur les besoins spéciaux ou différents des délinquantes. Certains des besoins définis dans la littérature comprennent le besoin d'une plus grande autonomie dans les activités carcérales et les décisions relatives aux programmes; le développement des aptitudes pratiques (p. ex. l'affirmation de soi et la formation professionnelle) et le contact accru avec les enfantsNote de bas de page 199. En outre, les programmes et les praticiens correctionnels devraient être sensibilisés aux expériences de vie des femmes, qui peuvent souvent supposer des situations de déresponsabilisation, de violence physique et sexuelle, de toxicomanie, de racisme et de statut socio-économique inférieur Note de bas de page 200.
La réponse donnée actuellement dans le cadre des programmes aux préoccupations concernant les détenues est fondée sur les principes de la thérapie féministe. Celle‑ci vise à placer le comportement criminel des femmes dans le contexte de leur expérience de vie et de la société dans laquelle elles vivent. Ce faisant, elle vise à responsabiliser les femmes en les aidant à définir et à accroître leurs points forts et leurs aptitudes à diriger leur propre vieNote de bas de page 201. Les recherches limitées sur les thérapies individuelles et de groupe enracinées dans les principes de la responsabilisation ont réussi jusqu'à un certain point à améliorer dans le milieu carcéral des femmes le sentiment de leur valeur, de l'idée de soi-même et du contrôle, et leur adaptation à la prison. De plus, comme Kendall (1993b) l'a constaté dans son enquête auprès des détenues de la Prison des femmes, il y a une satisfaction générale à l'égard des groupes thérapeutiques (p. ex. équipe de soutien formée de pairs) qui mettent l'accent sur l'auto-responsabilisation, la participation active et les liens avec les autres. Malheureusement, on ne dispose pas de données à long terme sur le comportement postlibératoire des délinquantes.
3. Traitement des autochtones et programmes
Pendant les deux dernières décennies, les détenus autochtones ont été considérés comme un groupe ayant des besoins spéciaux dans les établissements correctionnels, et ce pour deux raisons. La première est leur surreprésentation à titre de délinquants dans le système correctionnel; la deuxième est la reconnaissance du statut spécial des autochtones et de la culture autochtone au Canada. L'hypothèse selon laquelle le bouleversement et la perte de leur culture sont au coeur de leur surreprésentation a amené à croire qu'un renouvellement culturel est la solution au problème de surreprésentation. Ce phénomène tient largement à la politique d'autonomie gouvernementale dont le caractère culturel distinct fait partie intégrante.
a) La philosophie des programmes pour les autochtones :
Les droits juridiques des autochtones du Canada sont définis dans la Loi constitutionnelle de 1982. La reconnaissance des besoins spéciaux des délinquants autochtones, et leur isolement social et culturel font ressortir la nécessité de créer des programmes à leur intentionNote de bas de page 202. Ces initiatives ont été précédées par le mouvement d'entraide des détenus autochtones dans les établissements, qui a débouché sur la formation des fraternités et des sonorités. Le programme actuel des agents de liaison auprès des autochtones, qui est appliqué dans les établissements provinciaux, territoriaux et fédéraux, trouve son origine dans le Système de liaison avec les autochtones du début des années 70 et est devenu un réseau d'organismes et d'agences dans tout le Canada. Les principaux domaines d'activités autochtones sont la surveillance et le soutien dans la collectivité, les services communautaires, le counseling, la facilitation de la gestion des cas, la sensibilisation à la culture, le ressourcement, l'affirmation culturelle et la formation ou l'instructionNote de bas de page 203.
La meilleure façon de décrire les programmes du SCC à l'intention des autochtones consiste à les définir comme étant culturels et spirituels, l'accent étant mis sur la facilitation de la mise en liberté des détenus autochtones et l'établissement de liens avec les collectivités. À la base de cette approche, il y a la croyance qu'il faut recourir à des solutions particulières pour tenir compte des antécédents culturels particuliers des détenus autochtones et que la perte ou le manque de racines et d'identité culturelles constituent les principales causes de leurs démêlés avec le système de justice pénale. La plupart des provinces et des territoires ont suivi le même cheminement dans l'établissement et la mise en oeuvre de programmes pour détenus autochtones dans leurs établissements. L'accent mis sur l'aspect culturel et spirituel a débouché sur une approche collective plutôt qu'individuelle. Les programmes à l'intention des autochtones comme les camps forestiers et les centres résidentiels communautaires ont généralement adopté les mêmes principes.
b) Politiques :
Fédérales
En 1985, compte tenu de l'importance de la culture et des valeurs traditionnelles, le SCC a établi une politique sur la spiritualité des autochtones, et en 1987, une politique sur les programmes à l'intention des détenus autochtones a été instaurée. Au cours de la même année, le SCC a créé le Groupe d'étude sur les autochtones au sein du régime correctionnel pour qu'il examine le cheminement suivi par les détenus autochtones depuis leur admission jusqu'à la date d'expiration du mandat. Il a également examiné les besoins des détenus et la façon d'améliorer leurs chances de réinsertion sociale. Après la présentation du rapport final, on a déployé d'énormes efforts pour élaborer des programmes et des services à l'intention des autochtones à l'échelle nationale. Le Groupe de travail sur les programmes communautaires et institutionnels (1990) a appuyé les objectifs du Groupe d'étude sur les autochtones au sein du régime correctionnelNote de bas de page 204.
La Directive du commissaire la plus récente (SCC, 1995c) sur les programmes autochtones compte cinq objectifs ayant trait aux pratiques culturelles et aux droits individuels des détenus autochtones. Elle contient également une liste des responsabilités que doit assumer l'établissement pour s'assurer que ces objectifs sont atteints. Selon la Directive, les programmes autochtones doivent remplacer les programmes ordinaires dans certaines conditions prévues, par exemple lorsque d'autres détenus manquent de sensibilité à l'égard des détenus autochtones, lorsque la langue entre en ligne de compte et lorsqu'il y a des différences dans les approches culturelles de l'acquisition du savoir. Les initiatives autochtones sont cependant organisées établissement par établissement et sont généralement coordonnées à l'échelle régionale. Par conséquent, il y a un écart important d'un établissement à l'autre en ce qui concerne les programmes et leur mise en oeuvre. Les rôles et responsabilités de ceux qui sont désignés pour exécuter les programmes comme les agents de liaison et les conseillers spirituels ne sont pas toujours clairement définisNote de bas de page 205.
Aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (1993), le SCC doit offrir une gamme de programmes visant à répondre aux besoins des délinquants (autochtones) et à contribuer à leur réinsertion socialeNote de bas de page 206. Cette loi est le seul texte législatif correctionnel au Canada qui prévoit des dispositions spéciales pour l'exécution de programmes et de services correctionnels autochtones. La garde et la détention des détenus autochtones peuvent être transférées à une collectivité ou un organisme autochtone moyennant l'approbation du ministre.
Le SCC et la Commission nationale des libérations conditionnelles ont des comités consultatifs qui les conseillent sur les questions autochtones. Tous deux ont des énoncés de mission et des politiques qui portent sur les questions relatives aux différences sociales et culturelles des délinquants. En 1995, le SCC a créé la Division des programmes pour délinquants autochtones et délinquantes. Il a également créé le bureau du Conseiller national des Programmes correctionnels pour surveiller les programmes autochtones et agir comme catalyseur à cet égard et rester en liaison avec les collectivités. Il a élargi la Directive du commissaire sur les programmes à l'intention des détenus autochtones pour englober la protection de l'expression culturelle. Le SCC est également en train de recueillir des renseignements sur les détenus autochtones afin de déterminer leurs besoins et de planifier les programmes. Le Colloque national sur la prise en charge et la garde des délinquants autochtones (1995) avait pour but de faire connaître aux collectivités autochtones les besoins des délinquants en matière de réinsertion sociale et leurs autres besoins. Cependant, en dépit de toutes les directives et initiatives, il est impossible, en raison du manque de surveillance et d'évaluation des politiques et programmes autochtones, de mesurer la qualité et la quantité des programmes offerts ou l'effet des politiques sur les délinquants autochtones.
Provinciales et territoriales
Certaines provinces (p. ex. l'Ontario, l'Alberta et la C.-B.) ont établi des directions générales ou des directions de la justice pour les autochtones et peuvent même avoir des politiques qui mettent l'accent sur les besoins de certains groupes d'autochtones, comme ceux qui résident dans le Nord. En général, les programmes correctionnels des établissements et des collectivités pour les délinquants autochtones dans les provinces et territoires suivent la même philosophie générale que ceux du SCC. Les différences résident dans le nombre de programmes autochtones offerts. Certaines provinces ont également adopté une approche plus généraliste des programmes, d'autres ont adopté une approche davantage axée sur la culture et la spécificité des autochtones.
c) Programmes :
Les programmes à l'intention des délinquants autochtones offerts au sein des régions du SCC comprennent, entre autres, les services de liaison auprès des autochtones, les pratiques spirituelles traditionnelles, le traitement de toxicomanes, l'alphabétisation des autochtones, les compétences culturelles des autochtones, la formation en dynamique de la vie, les cercles sacrés, la sensibilisation des autochtones, la réinsertion sociale, les cérémonies de la suerie, les programmes de langues autochtones et de lutte contre la violence familiale. Tous les programmes ne sont pas offerts dans toutes les régions. Par exemple, un programme Nouvelle vie est offert à l'Établissement d'Edmonton, et la région de l'Ontario a entrepris des projets pilotes autochtones aux établissements Frontenac et de Collins Bay; et un programme d'études autochtones est en place à l'Établissement de Stoney Mountain. Le SCC a également conclu une entente avec les Native Courtworkers and Counselors de C.-B. concernant la formation de vingt-six conseillers des délinquants sexuels dans l'espoir de tenir compte de la culture des autochtonesNote de bas de page 207.
En 1989, le Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale a recommandé la création d'un pavillon de ressourcement pour les femmes autochtones sous responsabilité fédérale devant être situé dans la réserve Nekaneet de la Saskatchewan. Le choix du site a fait suite au rapport du groupe d'étude. La planification de l'établissement de 30 lits a été effectuée conjointement par le SCC et des représentants de la bande. Le programme principal du pavillon de ressourcement, qui a ouvert officiellement ses portes en septembre 1995, est le ressourcement autochtone, dans le cadre duquel on fait appel aux pratiques traditionnelles. Il englobe le concept de l'enseignement par l'exemple et du modèle de comportement. Le personnel participera à un programme complet sur l'abus d'alcool (car l'abus d'alcool constitue un problème important chez les détenues autochtones) et à une phase de formation, qui porte sur les stratégies d'intervention propres aux autochtones et le maintien de l'équilibre émotif et de la santé mentaleNote de bas de page 208.
Les programmes généraux offerts par les services correctionnels provinciaux et territoriaux comprennent l'alphabétisation, la lutte contre la consommation d'intoxicants, la maîtrise de la colère, la formation en cours d'emploi, la dynamique de la vie et l'enseignement. Dans certaines provinces, ces programmes peuvent s'adresser aux seuls autochtones, mais ce n'est pas le cas partout. Parfois, des éléments autochtones sont ajoutés aux programmes généraux, comme ceux qui s'adressent aux hommes agresseurs et aux délinquants sexuels. Dans certaines provinces, comme l'Ontario, les agents de liaison auprès des détenus autochtones exécutent les programmes. Parmi les approches à l'intention des autochtones, mentionnons les programmes relatifs aux cérémonies de la suerie, aux cercles de guérison, aux aînés, à la liaison auprès des prisons, aux femmes autochtones, à la spiritualité, aux visites, au counseling et aux remèdes traditionnels, entre autres. Encore une fois, ceux‑ci ne sont pas offerts dans tous les établissements, et certaines provinces ont des programmes à l'intention des autochtones beaucoup plus complets que d'autres.
Programmes communautaires
Bien des provinces et territoires ont des politiques concernant l'embauche de personnel autochtone et la formation interculturelle du personnel non autochtone qui travaille avec les délinquants autochtones. Parmi les programmes généraux figurent les programmes de solution de rechange à l'amende, de restitution, de services communautaires, de surveillance des personnes en liberté sous caution, de probation intensive et de centres de fréquentation obligatoire. Ces programmes ne sont pas offerts dans tous les territoires et provinces. Certains programmes sont axés sur les autochtones comme le Programme de surveillance des personnes en liberté sous caution Ma Mawi Wi Itata à Winnipeg, et les Dakota Ojibway Probation Services. Il y a également une grande variété de programmes correctionnels communautaires à l'intention des autochtones, notamment la Forensic Behavioural Management Clinic exploitée par la Native Clan Organization de Winnipeg pour l'évaluation et le traitement des délinquants sexuels; les aides juridiques autochtones en C.-B., le programme des services correctionnels de la tribu des Blood, le programme Metis Nation Elders Visitation, les Yellowhead Tribal and Tsuu T'ina Community Corrections en Alberta, et les travailleurs correctionnels communautaires autochtones ainsi que les services contre la violence familiale autochtone en Ontario. Il y a certains centres correctionnels communautaires à l'intention des autochtones — Stan Daniels à Edmonton, maison Waseskun à Montréal, Aims House à Vancouver et Community Resource Centres à Red Lake et Fort Albany en Ontario. Tous ces établissements accueillent des délinquants sous responsabilité fédérale ou provinciale. Il y a divers aides juridiques communautaires qui prêtent leur concours en ce qui concerne le cautionnement, la probation et la surveillance des libérés conditionnels.
Évaluations des programmes
Même si les programmes autochtones sont offerts depuis longtemps, leur exécution n'a guère fait l'objet d'une surveillance. Il n'y a pas eu non plus d'examen ou d'évaluation des programmes ou de suivi auprès des personnes qui y ont participé. Malgré l'absence de surveillance et d'évaluation, on croit encore profondément que les détenus autochtones répondent plus volontiers aux programmes et services qui respectent leur culture qu'aux programmes et services générauxNote de bas de page 209. Les données à cet égard sont souvent anecdotiques et sont souvent avancées par les personnes qui rédigent la politique ou exécutent les programmes. Par ailleurs, certains détenus soutiennent qu'ils ont tiré parti considérablement des programmes culturels et spirituelsNote de bas de page 210. Cependant, au moment de la mise en liberté, il y a eu peu de suivi concernant la participation à des programmes semblables à l'extérieur ou la récidive. Grobsmith (1989, p. 295) soutient qu'aux États-Unisla hausse de la popularité des activités culturelles autochtones visant la réadaptation se produit à l'échelle nationale, et ses effets sur la baisse des taux de récidive des détenus autochtones américains devra faire l'objet d'une évaluation systématique au cours des prochaines années. Cela est également vrai au Canada.
Deux programmes pour autochtones ont fait l'objet récemment d'une évaluation préliminaire : le Programme préparatoire au traitement des délinquants autochtones toxicomanes et le projet pilote des détenus autochtones. Le premier est un programme préparatoire au traitement des toxicomanes conçu exclusivement pour les délinquants autochtones et offert en milieu carcéral. Le deuxième est un suivi en établissement des détenus qui ont participé à des programmes culturels. Ni l'une ni l'autre des évaluations ne comportait un suivi au moment de la mise en liberté. Cependant, elles ont fourni des renseignements utiles sur les programmes, surtout du point de vue des participants et du personnel des programmes. L'une des constatations les plus importantes était que le Programme préparatoire a attiré des délinquants autochtones qui souffraient de graves problèmes d'alcoolisme.
L'évaluation du projet pilote des détenus autochtones dans la région de l'Ontario montre également des résultats prometteurs. Elle a permis de conclure que certains programmes et activités avaient un effet important sur le changement des attitudes des délinquants (en particulier à l'égard de leur culture) et de leur comportement, et ont créé un milieu carcéral plus sûr. Elle a permis de conclure que la sensibilisation à la culture accroissait l'efficacité des travailleurs et que les employés autochtones étaient mieux à même de répondre aux besoins des détenus autochtones. Toutefois, une mise en garde se dégage de l'évaluation : il reste encore beaucoup à faire en matière de coordination des services, des programmes et d'établissement d'installations communautaires.
Les évaluations de ces deux programmes corroborent l'argument de Grobsmith voulant que les programmes de traitement de l'alcoolisme propres à la culture autochtone soient plus efficaces pour les détenus autochtones que les programmes de la majorité comme les AA. Le manque de suivi après la fin du programme ou après la mise en liberté révèle la limite des évaluations. Par conséquent, il est difficile de savoir si le contenu culturel ou d'autres aspects du programme (c.-à-d. le fait que tous les participants étaient autochtones de sorte qu'ils se sentaient très à l'aise; le programme ne constituait pas une menace sur le plan des connaissances ou de la concurrence avec les autres participants, etc.) ont produit les résultats. Il importe également de déterminer si une plus grande sensibilisation à la culture et une amélioration du comportement en établissement se traduisent pas une amélioration du comportement au moment de la mise en liberté.
À Edmonton, le Centre correctionnel Stan Daniels (CRC) pour les délinquants autochtones sous responsabilité fédérale et provinciale mis en liberté a également été évalué. D'ex-résidants, en plus du personnel et des résidants, ont été interrogés au sujet de leur perception du personnel et des programmes. Le programme a pour objectifs d'aider les délinquants à définir leurs besoins, et de faire en sorte que les détenus respectent les conditions de leur mise en liberté. Alors que les résidants approuvaient généralement le climat et l'accent mis par le Centre sur les autochtones, on ne sait pas à quel point cela reflète l'existence d'une « collectivité thérapeutique » à laquelle ils appartiennent et les éléments culturels et spirituels du programme. Les préoccupations exprimées au sujet du Centre concernaient le fait qu'il ne prodiguait pas assez d'aide en matière d'emploi, de programmes ou de participation familiale et communautaire. Même si d'ex-résidants ont été interrogés, il n'y a pas de données de suivi sur la récidive.
Résumé et considérations
La mesure dans laquelle les programmes autochtones actuels correspondent aux conclusions sur l'efficacité des programmes qui s'adressent à l'ensemble des délinquants comme la correction de l'inaptitude fondamentale au raisonnement par le développement cognitif des aptitudes sociales, la reconnaissance des différences entre les délinquants, les services plus intensifs pour les délinquants à risque élevé, le style et le mode de traitement correspondant aux caractéristiques d'apprentissage des délinquants, l'intégration des programmes pour qu'ils permettent de résoudre les problèmes de chacun des délinquants, la mise en oeuvre et l'administration appropriées des programmes et les interventions liées structurellement à la collectivité constituent une question empirique pour laquelle il n'existe aucune réponse claire. Il n'y a pas non plus de renseignements satisfaisants au sujet de la mesure dans laquelle les programmes à l'intention des autochtones englobent des éléments des approches efficaces pour les femmes, ceux qui font usage d'intoxicants et les délinquants sexuels.
On manque également de données sur la valeur générale des programmes visant la majorité appliqués aux détenus autochtones. Dans le cas des problèmes précis comme l'abus d'alcool, il existe un certain appui à l'adoption d'une approche culturelle. Grobsmith (1989) cite un certain nombre d'études américaines où l'on soutient avoir réussi à parvenir à la sobriété au moyen d'une approche culturelle au lieu de l'approche standard des AA même si aucune donnée sur les questions d'évaluation ou la méthodologie n'est présentée. L'abus d'intoxicants, en particulier l'alcool, est un facteur criminogène important dans le cas des délinquants autochtones, et il semble évident que tout programme correctionnel efficace doit aborder ce domaine. Au delà de l'abus d'intoxicants et des récentes conclusions sur la valeur du développement des aptitudes cognitives pour les détenus autochtones sous responsabilité fédérale, cependant, on ne sait pas quels doivent être les « programmes de base » pour les délinquants autochtones, ni quelle est la meilleure façon d'intervenir auprès d'eux. En fin de compte, il en résulte que d'importantes questions sur les programmes à l'intention des autochtones ne sont pas résolues.
L'une de ces questions est la signification de l'expression « conforme à la culture », étant donné la diversité des expériences autochtones au Canada et des délinquants autochtones eux-mêmes. Cela soulève d'autres questions : Y a-t-il un dénominateur culturel commun auquel tous les délinquants autochtones peuvent souscrire? Dans l'affirmative, comment et par qui ce contenu culturel est-il déterminé? Comment et par qui la légitimité des guérisseurs spirituels, des aînés et d'autres responsables des programmes spirituels est-elle déterminée? Les pratiques s'appliquent-elles à un groupe culturel, comme les pavillons de ressourcement, qui sont largement acceptés par les détenus autochtones de différents groupes culturels? Les délinquants autochtones qui ont été exposés à la spiritualité dans les établissements retournent-ils dans les familles et les collectivités qui partagent ces valeurs spirituelles?
Une troisième question concerne les besoins des délinquants. D'après les données des recherches actuelles, les détenus autochtones sont plus dysfonctionnels que les détenus non autochtones en ce qui concerne un certain nombre d'aspects personnels et socio-économiquesNote de bas de page 211. Dans un article sur les méthodes de traitement de rechange des délinquants sexuels autochtones, Ellerby (1995) écrit que même si la plupart des délinquants que nous voyons ont de multiples problèmes, ceux‑ci sont particulièrement évidents chez les détenus autochtones que nous avons évalués et traités. Les questions comme l'abus d'intoxicants, les antécédents comme l'abandon, les ruptures, la victimisation et les questions d'identité sont prépondérantes et risquent de contribuer aux différences observées dans les résultats des traitements. Les programmes devraient-ils porter davantage sur ces différences et mettre l'accent sur la préparation des détenus autochtones à ces programmes, qu'ils s'adressent aux autochtones ou aux non‑autochtones? L'une des raisons du taux élevé d'abandon par les autochtones des programmes de la majorité ou de leur refus d'y participer pourrait être leur manque de préparation et leur hésitation à y participer. Les besoins des délinquants autochtones sont-ils surtout culturels ou reflètent-ils un degré de dysfonctionnement personnel plus extrême que pour le délinquant non autochtone? Une politique de programmes respectueux de la culture empêche-t-elle les autochtones de participer aux programmes de la majorité qui pourraient leur apporter des avantages?
Parmi les autres questions importantes, mentionnons les suivantes : Dans quelle mesure les programmes à l'intention des autochtones traduisent-ils les désirs et les besoins définis par les délinquants autochtones et dans quelle mesure ceux-ci reflètent-ils les objectifs généraux politiques et en matière de prestation de services des autochtones? L'approche collective répond-elle efficacement aux besoins individuels et, dans l'affirmative, quels en sont les éléments et comment? Quelle est la qualité de définition des buts et objectifs des programmes à l'intention des autochtones? Quel est le degré d'intégration des programmes autochtones et des programmes de la majorité? Quels sont les avantages et les coûts de ce genre d'intégration? Les programmes à l'intention des autochtones créent-ils des tensions raciales dans les établissements? Quelle proportion des détenus autochtones participe aux programmes autochtones? Pourquoi certains détenus autochtones n'y participent-ils pas?
Il y a également la question de l'engagement des établissements à l'égard des programmes autochtones. Par exemple, l'examen de la littérature sur l'efficacité des programmes donne à penser que les programmes devraient être administrés et mis en oeuvre de manière appropriée; les thérapeutes devraient être motivés et bien formés, et il devrait exister un climat de coopération et d'entraide entre les membres du personnel correctionnel et du personnel chargé du traitement et des programmes. D'autre part, l'inefficacité des programmes a souvent été le résultat de la prépondérance des préoccupations des établissements et de la sécurité, de la méfiance générale à l'égard des programmes et du soutien insuffisant de tous les niveaux correctionnels, de la collectivité et des institutions externes. L'isolement des programmes autochtones encourage-t-il leur sous-financement et leur négligence? Y a-t-il eu une surveillance adéquate de la prestation et de la qualité des programmes à l'intention des autochtones? Quelles sont les attitudes et les préoccupations des administrateurs des établissements à l'égard des programmes autochtones et comment celles-ci varient-elles, le cas échéant, selon la composition de la population carcérale? Si l'on n'aborde pas ces questions, il est possible que les programmes soient fragmentaires et qu'il y ait disparité dans l'accès des délinquants autochtones à ceux-ci.
Les évaluations de l'incidence des programmes adaptés à la culture autochtone ou des programmes de la majorité sur les activités des établissements et les activités relatives à la mise en liberté des détenus autochtones devraient, à tout le moins, porter sur la durée et le genre de programmes culturels ou autres auxquels le détenu est exposé et par conséquent sur les questions suivantes : l'atteinte des objectifs de chaque programme; l'intérêt du détenu à l'égard des programmes et sa participation à ceux‑ci; le comportement des détenus en établissement au chapitre de la participation aux programmes; le lien entre les programmes culturels et d'autres programmes des établissements comme l'éducation et l'emploi; la récidive sur diverses périodes; la possibilité que le détenu poursuive les programmes après sa mise en liberté (c.-à-d. la disponibilité des programmes externes); la capacité du détenu de s'intégrer à sa famille et à la collectivité; le soutien de la collectivité et la reconnaissance du changement culturel ou spirituel chez le détenu; le soutien de la collectivité à l'égard du contenu des programmes culturels ou spirituels; la participation des détenus aux programmes comme l'emploi, les loisirs, etc. Les évaluations des programmes adaptés à la culture et d'autres programmes pour les femmes dans les pavillons de ressourcement et d'autres établissements correctionnels devraient être mesurées par rapport à leurs propres objectifs ainsi que par rapport aux besoins des détenues identifiées dans la littérature générale — les programmes portant sur l'éducation et la formation, les relations avec les enfants, les drogues et l'alcool, et l'exposition aux mauvais traitements émotifs, physiques et sexuels.
Figure V.1 Classement des détenus autochtones et non autochtones sous responsabilité fédérale selon le niveau de sécurité, 1995
(Source: York, p. 7)
Image Description
Deux diagrammes à secteurs sont représentés ci dessus. Le diagramme qui se trouve en haut montre la ventilation des délinquants autochtones selon le niveau de sécurité : neuf virgule deux pour cent (9,2 %) des délinquants autochtones sont incarcérés dans des établissements à sécurité minimale; quarante sept virgule six pour cent (47,6 %), dans des établissements à sécurité moyenne; huit virgule six pour cent (8,6 %), dans des établissements à sécurité maximale; zéro virgule un pour cent (0,1 %), dans des unités spéciales de détention et trente quatre virgule quatre pour cent (34,4 %) sont non classifiés. Le diagramme qui se trouve en bas montre la ventilation des délinquants non autochtones selon le niveau de sécurité : seize virgule huit pour cent (16,8 %) des délinquants non autochtones sont incarcérés dans des établissements à sécurité minimale; cinquante pour cent (50 %), dans des établissements à sécurité moyenne; dix virgule huit pour cent (10,8 %), dans des établissements à sécurité maximale; zéro virgule deux pour cent (0,2 %), dans des unités spéciales de détention et vingt deux virgule un pour cent (22,1 %) sont non classifiés.
PARTIE VI : RÉSULTATS D'ENQUÊTES AUPRÈS DU PERSONNEL CORRECTIONNEL ET DES DÉTENUS
Les résultats de deux des enquêtes menées au cours de la présente étude auprès du personnel correctionnel et de détenus autochtones sont présentés ci-dessous. Il y a un écart entre le personnel correctionnel et les détenus et entre certains groupes de détenus en ce qui concerne les perceptions et les opinions au sujet des programmes et des besoinsNote de bas de page 212. Par conséquent, on peut en déduire qu'il n'y a pas le consensus qu'on croit généralement au sujet de l'accent et de l'orientation des programmes autochtones ou de l'homogénéité des détenus autochtones.
1. Personnel correctionnel
Environ 150 agents de correction fédéraux, provinciaux et territoriaux ont été interrogés au sujet de divers aspects des services correctionnels pour autochtones. La majorité des réponses provenaient de personnes travaillant dans des établissements correctionnels — 41 % d'établissements fédéraux et 57 % d'établissements provinciaux. Les répondants avaient travaillé en moyenne 15 ans dans les services correctionnels, surtout dans le cadre de programmes autochtones et non autochtones. Alors que la plupart avaient travaillé avec des hommes autochtones, le tiers avaient travaillé avec des hommes et des femmes. Ils provenaient de toutes les provinces et des territoires, sauf les T.N.-O., mais les provinces de l'Atlantique et le Yukon ont enregistré le taux de réponse le plus faible. Les perceptions des problèmes auxquels font face les délinquants et leurs points de vue concernant les programmes les plus utiles pour résoudre ces problèmes ont été obtenus.
L'analyse des réponses du personnel correctionnel au questionnaire sera ventilée selon les sections suivantes : ressemblances et différences entre les détenus; évaluation et classement des détenus; programmes, services et besoins (en établissement, pendant la mise en liberté et après la mise en liberté) et réinsertion sociale.
Ressemblances et différences entre les détenus
À la question : « Quelles sont les ressemblances entre les délinquants autochtones et les délinquants non autochtones? », les réponses, par ordre d'importance, étaient les suivantes :
- problèmes de drogues et d'alcool/toxicomanie (25 %),
- piètre éducation (15 %)
- perpétration d'infractions semblables (13 %)
- manque de scolarité (12 %)
- pauvreté (10 %).
À la question sur les différences entre les délinquants autochtones et non autochtones, les principales réponses étaient les suivantes :
- 22 % des répondants ont déclaré que les détenus autochtones étaient plus timides et manquaient davantage d'assurance;
- 16 % ont indiqué qu'il y avait une différence de culture;
- 14 % ont déclaré que les détenus autochtones éprouvaient plus de problèmes detoxicomanie;
- 12 % croyaient que les détenus autochtones avaient plus de problèmes familiaux, et les autres répondants ont mentionné d'autres problèmes.
À la question sur les différences entre les délinquants autochtones, 50 % ont répondu qu'ils croyaient que la culture et les croyances, 14 %, que les langues et 11 %, que les tribus ou les clans distinguaient les délinquants autochtones. Quatre-vingt-huit pour cent (88 %) croyaient qu'il était important de cerner les différences entre les détenus autochtones et les détenus non autochtones aux fins des programmes. Selon 71 %, les détenus s'adaptent différemment à l'incarcération, et 66 % étaient d'avis qu'il y avait des ajustements différents aux services correctionnels communautaires pour les détenus autochtones et non autochtones.
À la question sur la meilleure façon de déterminer les ressemblances et les différences entre les détenus aux fins du traitement ou des programmes, 41 % des répondants ont mentionné une meilleure évaluation à l'admission, 28 % croyaient qu'il fallait consulter les aînés ou les collectivités et 19 % estimaient que les détenus devaient être consultés.
Évaluation et classement des détenus
Il y avait trois questions sur l'évaluation et le classement. À la question : « Les détenus autochtones sont-ils évalués avec précision à leur admission au sujet de leurs besoins en matière de programmes? », 55 % des répondants ont répondu par l'affirmative; 10 % ont répondu parfois et 32 % ont dit non. Parmi les répondants qui estimaient que les détenus autochtones n'étaient pas évalués avec précision, 31 % croyaient que les aînés devraient participer aux évaluations, 29 % croyaient que l'évaluation devrait porter sur un élément traditionnel et 20 % étaient d'avis qu'une meilleure évaluation s'imposait en général. Selon 69 % des répondants, le classement des détenus autochtones selon le niveau de sécurité était adéquat. Quatre-vingt pour cent (80 %) ont dit que les détenus autochtones n'étaient pas incarcérés pour des infractions moins graves que les détenus non-autochtones.
Programmes, services et besoins
En établissement :
On a interrogé les répondants sur les problèmes et les besoins des détenus, les programmes les plus utiles et la prestation des programmes. À la question : « Quels sont les principaux problèmes auxquels font face tous les détenus? », les réponses étaient les suivantes :
- manque d'instruction (18 %)
- manque de compétences professionnelles (15 %)
- manque de soutien de la famille /pauvreté (15 %)
- problèmes de drogues et d'alcool (13 %)
- manque d'estime de soi (12 %).
Seulement 5 % des répondants considéraient les croyances et les valeurs comme le principal problème.
À une question semblable sur les principaux problèmes auxquels font face les détenus autochtones, les répondants ont répondu :
- manque de soutien de la famille /pauvreté (17 %)
- manque d'instruction (16 %)
- manque d'estime de soi (12 %)
- problèmes de drogues et d'alcool (12 %)
- manque de compétences professionnelles (12 %)
- absence de valeurs traditionnelles (8 %).
Six pour cent (6 %) ont mentionné l'absence de croyances et de valeurs, 3 %, la discrimination et 2%, la langue.
À la question : « Quels programmes sont les plus utiles pour les détenus autochtones? », les réponses sont les suivantes :
- programmes culturels/aînés (43 %)
- programme de maîtrise de la colère, de compétences psychosociales et de connaissance de soi-même (21 %)
- programmes de traitement des alcooliques (18 %)
- programmes d'éducation (10 %).
Les répondants estimaient que les principales lacunes des détenus autochtones étaient l'instruction, le manque de participation ou d'engagement de la collectivité à l'égard des détenus et le personnel non qualifié qui exécute les programmes. En général, on a mis l'accent sur la nécessité qu'un personnel qualifié exécute tous les programmes. À la question visant à déterminer si les détenus autochtones étaient évalués de manière adéquate par rapport à leurs besoins, seulement 55 % ont répondu par l'affirmative.
À la question sur les programmes les plus utiles pour les détenus non autochtones, les répondants ont donné les réponses suivantes :
- maîtrise de la colère/compétences psychosociales/connaissance de soi (29 %)
- traitement des toxicomanes (24 %)
- counseling (14 %).
- instruction (13 %).
Seulement 5 % estimaient que les programmes culturels ou spirituels étaient plus utiles pour les détenus non autochtones.
À la question sur les programmes les plus valables pour les détenus autochtones, 48 % ont répondu que les programmes à l'intention des autochtones ou culturels étaient plus importants, et environ le même pourcentage croyaient que ces programmes ont modifié le comportement des détenus autochtones. Toutefois, à la question sur les programmes qui réduisaient la récidive pour tous les détenus, seulement 16 % considéraient les programmes à l'intention des autochtones et les programmes culturels comme les plus efficaces. Pour tous les détenus, l'accent a été mis sur le développement des aptitudes cognitives, la lutte contre la consommation d'intoxicants, la maîtrise de la colère, les programmes de développement des compétences et d'éducation. Les deux tiers des répondants croyaient que les programmes destinés à la majorité étaient utiles aux détenus autochtones, et 80 % estimaient que les programmes autochtones seraient utiles aux détenus non autochtones. Les répondants ont expliqué que si les détenus autochtones hésitaient à participer aux programmes destinés à la majorité c'était par choix personnel et parce que les programmes étaient aculturels. Plus du tiers croyaient qu'on n'appréciait pas que des détenus non autochtones participent aux programmes autochtones.
Le quart des répondants estimaient qu'il y avait peu de correspondance entre les programmes et les besoins; 44 % étaient d'avis qu'elle était bonne ou assez bonne, et 33 % croyaient qu'elle n'était que passable. Près des deux tiers voyaient des différences dans la façon dont les divers groupes ont recours aux programmes des établissements, surtout parce que les cultures différentes exigent des programmes différents. Selon 67 %, les délinquants autochtones ont besoin de programmes de sensibilisation à la culture. À la question : « Les programmes à l'intention des autochtones changent-ils le comportement des détenus? », 45 % ont répondu par l'affirmative, 38% ont répondu parfois et 15 % ont répondu par la négative. Toutefois, seulement 29 % des répondants croyaient que les programmes culturels ou spirituels changeaient le comportement des détenus non autochtones et 45 % ont répondu parfois. Les deux tiers des répondants étaient d'avis que les programmes destinés à la majorité étaient utiles aux délinquants autochtones. Selon 80 % des répondants, les programmes autochtones étaient utiles aux détenus non autochtones.
À la question sur les modifications à apporter pour les détenus autochtones dans les établissements, près de 76 % ont répondu: « de meilleurs programmes ». Cela donne à penser que les répondants estimaient que les programmes pourraient et devraient être améliorés, ce qui fait ressortir la nécessité d'un meilleur contrôle et d'une meilleure évaluation des programmes actuels. Une forte proportion (76 %) des répondants estimaient que le personnel chargé des programmes destinés à la majorité était mieux qualifié que le personnel chargé des programmes autochtones (61 %). Cependant, l'idée de confier au personnel autochtone l'exécution des programmes pour les détenus autochtones a recueilli un appui considérable (76 %).
Mise en liberté et période postlibératoire :
Cinquante-trois pour cent des répondants croyaient que le taux de mise en liberté des détenus autochtones est le même que celui des détenus non autochtones. Parmi ceux qui jugeaient plus difficile la mise en liberté des détenus autochtones, 40 % en imputaient la raison à l'absence de soutien de la collectivité, 18 % au fait que les délinquants autochtones commettent plus de crimes de violence, 18 % au fait que les détenus autochtones ne s'affirment pas assez et 15 % au manque de participation aux programmes. Les groupes auxquels la mise en liberté cause le plus de difficulté sont les détenus violents et les délinquants sexuels, en d'autres termes les détenus à risque élevé et ceux qui ne bénéficient pas d'un soutien de la collectivité.
Soixante-seize pour cent (76 %) des répondants croyaient qu'il y a une différence entre les détenus autochtones et les détenus non autochtones en ce qui concerne la capacité de formuler des plans de libération conditionnelle. À la question sur les changements à apporter pour améliorer la mise en liberté des détenus autochtones, les réponses ont été les suivantes :
- plus de participation de la collectivité (42 %)
- plus de ressources de la collectivité (20 %)
- plus grande participation des aînés (12 %)
- plus de traitement après la mise en liberté (10 %)
- plus de possibilités pour les détenus (10 %).
Vingt-quatre pour cent des répondants estimaient qu'un programme de réinsertion sociale constituait le programme le plus utile avant la mise en liberté des détenus autochtones, 20 % ont mentionné un programme de traitement des toxicomanes, 18 % un programme de prévention des rechutes et 12 % des programmes culturels.
Réinsertion sociale
En quoi consiste une mise en liberté réussie? Selon 41 % des répondants, une mise en liberté est réussie lorsque le détenu réintègre sans problème la société, 23 %, lorsque le comportement du détenu a changé, 15 %, lorsque le détenu continue de recevoir de l'aide et 12 % lorsque le détenu avait un plan de réinsertion sociale ou avait l'intention de réintégrer la société. Les trois quarts estimaient que les programmes de traitement des toxicomanes, de maîtrise de la colère, de traitement des délinquants sexuels, de développement des aptitudes cognitives et d'éducation étaient les plus utiles pour réduire la récidive. Seulement 17 % ont mentionné les programmes à l'intention des autochtones.
Selon les répondants, les façons les plus efficaces pour les détenus autochtones de parvenir à la réinsertion sociale sont les suivantes : groupes de soutien (40 %), appui de la bande (12 %) et plus de ressources (12 %). Les meilleures façons pour un détenu de réintégrer sa famille sont les suivantes : soutien de la famille (66 %) et counseling familial (25 %). Afin d'améliorer la réinsertion sociale des détenus, 43 % des répondants estimaient que la collectivité devrait aider à déterminer et à développer les ressources pour répondre aux besoins des détenus, 20 % étaient d'avis que la collectivité devrait travailler avec les détenus, 35 % estimaient que les collectivités devraient accepter et appuyer les délinquants.
2. Enquête auprès des détenus
Au total, 525 détenus autochtones de sexe masculin des trois établissements fédéraux et des trois établissements provinciaux des Prairies auxquels des questionnaires ont été envoyés y ont répondu : 276 des établissements fédéraux et 249 des établissements provinciauxNote de bas de page 213 Une analyse des réponses figure ci-après. Les données générales ainsi que les données fédérales et provinciales sont présentées, suivies de ventilations de l'échantillon selon le lieu de résidence principal du répondant (collectivités autochtones, non autochtones et combinaison de collectivités), l'instruction, les groupes d'âge et la période d'incarcération, lorsqu'ils sont significatifsNote de bas de page 214.
Contexte
Soixante-quinze pour cent (75 %) des répondants étaient des Indiens inscrits, 17 % des Métis, 9 % des Indiens non inscrits et 0,4 % des Inuit. Alors que 66 % des répondants provenaient de collectivités autochtones, seulement le tiers avaient passé la plus grande partie de leur vie dans les réserves, et le tiers avaient vécu dans une combinaison de lieux. Le quart avaient passé la plus grande partie de leur vie dans les villes et le reste (15 %) dans les régions rurales ou les petites villes. La plus grande partie des Indiens inscrits et des détenus sous responsabilité fédérale de 18 à 23 ans avaient passé la plus grande partie de leur vie dans les collectivités autochtones, mais en général plus de détenus de 18 à 29 ans provenaient de collectivités non autochtones, et moins d'une combinaison de collectivités. La plus grande partie du groupe des Indiens non inscrits et des Métis avaient également passé la plus grande partie de leur vie dans des collectivités non autochtones. Les détenus sous responsabilité provinciale étaient beaucoup plus jeunes et avaient fait moins d'étudesNote de bas de page 215 que les détenus sous responsabilité fédérale. Les détenus qui avaient passé la plus grande partie de leur vie dans des collectivités autochtones avaient également fait moins d'études.
Antécédents en matière d'incarcération
Les trois quarts des répondants avaient déjà été incarcérés, mais les détenus sous responsabilité provinciale l'avaient été beaucoup plus souvent — 69 % l'avaient été trois fois et plus contre 50 % des détenus sous responsabilité fédérale. Un nombre beaucoup plus élevé de détenus sous responsabilité provinciale avaient été incarcérés pour la première fois dans un établissement pour jeunes tout comme ceux de 18 à 23 ans et ceux qui avaient été incarcérés trois fois et plus. Plus de détenus qui avaient passé leur vie dans une combinaison de collectivités avaient été incarcérés trois fois et plus et avaient été incarcérés pour la première fois dans un établissement pour jeunes. Au moment de l'enquête, plus de détenus sous responsabilité fédérale qui avaient passé leur vie surtout dans des collectivités autochtones étaient incarcérés pour la première fois. Près de 70 % des détenus avaient déjà purgé des peines auparavant dans des établissements provinciaux, mais c'était le cas de beaucoup plus de détenus sous responsabilité provinciale. Le tiers des détenus sous responsabilité fédérale avaient purgé des peines dans des établissements fédéraux contre seulement 5 % des détenus sous responsabilité provinciale.
Besoins
Dans le questionnaire, on a fait une distinction entre les principaux besoins et les besoins plus généraux. Près des deux tiers des répondants ont considéré l'emploi et l'instruction comme leur principal besoin. L'emploi revêtait une importance particulière pour les jeunes détenus (18-23 ans) sous responsabilité provinciale qu'ils considéraient comme leur principal besoin. L'instruction et l'emploi étaient suivis de la spiritualité, de la culture, de la préparation à la vie active et de la lecture comme le principal besoin. Plus de détenus sous responsabilité fédérale que sous responsabilité provinciale ont défini la culture et la spiritualité comme des besoins généraux. Cela reflète peut-être l'accès plus facile à ces programmes dans les établissements fédéraux. Plus de détenus des collectivités autochtones, de jeunes détenus et de détenus incarcérés pour la première fois ont considéré l'instruction et la lecture comme des besoins; plus de détenus des collectivités multiples ou non autochtones et de détenus sous responsabilité fédérale de 30 ans et plus ont considéré la spiritualité comme un besoin. Plus de détenus sous responsabilité provinciale (36 ans et plus) ont considéré le traitement des toxicomanes comme leur principal besoin; plus de détenus sous responsabilité fédérale de collectivités principalement autochtones ont considéré l'instruction comme leur principal besoin. Il y avait plus de chances que ceux qui avaient moins de scolarité croient que l'instruction et l'emploi étaient leurs principaux besoins.
Définition des problèmes et des besoins
Cinquante-huit pour cent (58 %) des répondants ont déclaré qu'ils avaient des problèmes d'alcoolisme, et 37 % des problèmes familiaux. En général, un plus grand nombre des membres du groupe plus âgé qui ont passé la plus grande partie de leur vie dans les collectivités autochtones ont dit qu'ils avaient des problèmes d'alcoolisme, en particulier les détenus sous responsabilité provinciale. Lorsqu'on leur a demandé s'ils estimaient que leurs besoins avaient été bien définis, 55 % des répondants ont répondu que les agents chargés des cas avaient cerné la totalité ou une partie de leurs besoins et 50 % ont dit que les travailleurs autochtones l'avaient fait.
Plus de répondants sous responsabilité fédérale que de répondants sous responsabilité provinciale estimaient que la totalité ou une partie de leurs besoins avaient été déterminés adéquatement par les travailleurs autochtones — près de 60 % contre 41 %. Seulement 54 % des détenus sous responsabilité fédérale souscrivaient à leurs évaluations officielles, 32 % estimaient que leur classement selon le niveau de sécurité était précis (en général moins de détenus sous responsabilité fédérale plus âgés le croyaient) et 32 % considéraient que leurs besoins étaient satisfaits adéquatement dans l'établissement. Cependant, près du tiers de chaque catégorie n'avaient aucune opinion, ce qui donne à penser que bon nombre n'avaient peut-être pas été évalués ou classés au moment de l'enquête. Un petit nombre des 24 à 29 ans et des 36 ans et plus croyaient que leurs besoins avaient été satisfaits. Peu de détenus âgés sous responsabilité fédérale qui avaient été incarcérés trois fois et plus estimaient que leurs besoins avaient été satisfaits ou qu'ils avaient reçu un traitement utile dans les établissements. Ceux qui avaient moins d'instruction étaient moins portés à trouver que leurs besoins avaient été définis adéquatement.
Participation à des programmes des établissements
Plus de détenus ont participé « beaucoup » ou « parfois » à des programmes de traitement des alcooliques qu'à tout autre programme, et plus de détenus âgés que de jeunes y ont participé; cependant, ceux qui avaient été incarcérés trois fois et plus ont participé moins que ceux qui avaient été incarcérés une fois ou deux. Parmi ceux qui avaient participé « beaucoup » ou « parfois » aux programmes, 67 % avaient participé à des programmes relatifs à l'alcool et aux drogues, 66 % à des programmes spirituels ou culturels, 57 % à des programmes de placement, 56 % à des programmes d'études, 53 % à des programmes de purification par l'étuve, 43 % à des programmes d'alphabétisation, 42 % à des programmes de counseling, 42 % à des programmes de préparation à la vie active, 40 % à des programmes de counseling individuel, 48 % à d'autres programmes autochtones et 56 % à d'autres programmes généraux. Plus de détenus sous responsabilité fédérale des collectivités autochtones ayant été incarcérés une fois ou deux ont participé « beaucoup » à des programmes d'études; plus de détenus sous responsabilité fédérale de collectivités non autochtones et d'une combinaison de collectivités ont participé à des programmes de placement (ce qui témoigne peut-être des meilleures possibilités d'emploi à l'extérieur des réserves). Sauf dans le cas des programmes de placement et des autres programmes fédéraux pour lesquels il n'y avait pas d'écarts importants entre les deux groupes, plus de détenus sous responsabilité fédérale ont participé « beaucoup » à tous les autres programmes. Cette différence tient peut‑être au fait que les détenus sous responsabilité fédérale passent plus de temps dans les établissements et peuvent constater les résultats positifs des programmes. Les détenus sous responsabilité provinciale ayant été incarcérés trois fois et plus sont moins susceptibles de participer aux programmes même si tous les détenus ayant été incarcérés trois fois et plus s'estimaient moins écartés des programmes que ceux qui avaient été incarcérés pour la première ou la deuxième fois. Il est moins probable que ceux qui ont moins d'instruction participent aux programmes de counseling individuel.
Plus de détenus des collectivités autochtones n'ont pas participé aux programmes non autochtones en raison de leur timidité et du sentiment d'être écartés des programmes. Peu de membres des groupes jeunes (18 - 29 ans) dans les établissements fédéraux ont participé aux programmes culturels ou spirituels, aux programmes de purification par l'étude, aux programmes de counseling de groupe ou individuel comparativement aux détenus plus âgés. Les différences d'âge étaient moins extrêmes en ce qui concerne la participation aux programmes de traitement des toxicomanes. Peu de détenus sous responsabilité fédérale qui ont passé leur vie surtout dans les collectivités autochtones ont participé aux programmes de counseling de groupe.
Perceptions au sujet de la participation aux programmes
Quarante-trois pour cent (43 %) des répondants ont déclaré qu'ils désiraient participer à des programmes seulement s'ils ne s'adressaient qu'aux autochtones, mais lorsqu'on leur a demandé s'ils participeraient à des programmes répondant à leurs besoins, 88 % de l'échantillon ont répondu par l'affirmative. Plus de détenus provenant d'une combinaison de collectivités et de collectivités autochtones participeraient à tout programme qui répondrait à leurs besoins comparativement à ceux des collectivités autochtones. La réticence plus grande des détenus des collectivités autochtones peut s'expliquer par leur timidité, le sentiment d'être mis à l'écart ou leurs préoccupations au sujet de l'instruction et des aptitudes à la lecture qui peuvent être exigées pour participer aux programmes. Plus de détenus sous responsabilité fédérale provenant d'une combinaison de collectivités estimaient que plus de programmes étaient nécessaires pour les détenus autochtones alors que plus de détenus des collectivités non autochtones étaient d'avis que tous les détenus devaient participer à plus de programmes. Beaucoup plus de détenus des collectivités autochtones croyaient qu'il y avait assez de programmes à l'intention des détenus autochtones même si dans l'ensemble seulement 45 % des répondants le croyaient. Une plus grande partie des membres du groupe qui avaient été incarcérés trois fois et plus estimaient que d'autres programmes étaient nécessaires.
Fait intéressant, la majorité des détenus n'ont pas dit qu'ils étaient dissuadés par le personnel, qu'ils étaient trop timides pour participer aux programmes ou qu'ils se sentaient écartés des programmes qui ne s'adressaient pas spécialement aux autochtones. Les deux tiers étaient d'avis que les détenus non autochtones pourraient bénéficier des programmes autochtones, et 73 % estimaient que les détenus autochtones pourraient bénéficier des programmes généraux non autochtones et que la participation aux programmes devrait dépendre des besoins de chacun. Cette dernière opinion a été exprimée davantage par les détenus sous responsabilité provinciale que par ceux sous responsabilité fédérale et par ceux qui avaient été incarcérés plus souvent. Toutefois, seulement 33 % des détenus croyaient que les établissements offrent tous les programmes nécessaires, et près des trois quarts étaient d'avis que les établissements ont besoin de beaucoup plus de programmes. Ce point de vue a surtout été exprimé par les détenus sous responsabilité provinciale et ceux qui avaient été incarcérés plus souvent, dont un petit nombre croyaient également qu'ils recevaient un traitement utile dans l'établissement. Plus de jeunes détenus sous responsabilité fédérale et de détenus moins instruits croyaient qu'il y avait assez de programmes pour les détenus autochtones.
Exécution des programmes
La grande majorité des détenus (82 %) des deux genres d'établissement ont déclaré que des autochtones de l'extérieur venaient dans les établissements pour exécuter des programmes. Deux fois plus de détenus sous responsabilité fédérale que de détenus sous responsabilité provinciale ont dit que les programmes autochtones dans leur établissement étaient exécutés par des autochtones. Alors que moins de la moitié des détenus sous responsabilité fédérale ont dit que le personnel autochtone comprenait leurs besoins (41 %), était bien choisi (39 %) et bien formé (44 %), près du tiers de chaque groupe ne se sont pas prononcés à ce sujet. Seulement 33 % des détenus sous responsabilité provinciale croyaient que le personnel autochtone était bien choisi et bien formé. Cependant, lorsqu'on leur a demandé si le personnel non autochtone était bien choisi et bien formé, 33 % des répondants ont répondu par l'affirmative, 33 %, par la négative et les autres n'avaient pas d'opinion. Seulement 28 % estimaient que le personnel non autochtone comprenait leurs besoins. Les jeunes détenus, ceux qui avaient moins d'instruction et ceux qui purgeaient leur première ou leur deuxième peine, étaient plus positifs au sujet du personnel autochtone et non autochtone.
Programmes prélibératoires
Bien que 65 % des répondants aient déclaré qu'ils participaient à des programmes prélibératoires, la participation était beaucoup plus grande parmi les détenus sous responsabilité fédérale. Cependant, les trois quarts de ceux qui ont participé au programme l'ont terminé. Moins de jeunes détenus sous responsabilité provinciale ont participé aux programmes prélibératoires ou les ont terminés. En outre, il était moins probable que les détenus moins instruits terminent des programmes de mise en liberté. Plus de 70 % des répondants croyaient que les détenus autochtones avaient besoin de plus de programmes pour les aider au moment de leur mise en liberté et par la suite, et un plus grand nombre du groupe des détenus âgés étaient de cet avis.
Fait intéressant, les trois quarts croyaient qu'ils avaient « beaucoup » appris au sujet d'eux-mêmes dans l'établissement, et 49 % estimaient qu'ils recevaient un traitement utile — plus de détenus sous responsabilité fédérale que de détenus sous responsabilité provinciale souscrivaient à ce dernier point de vue, ce qui est conforme à leur participation plus importante aux programmes. Une autre constatation surprenante était que 52 % de ceux qui avaient été mis en liberté après des incarcérations précédentes s'estimaient prêts à s'intégrer à la société après avoir quitté l'établissement. Cependant, beaucoup plus de détenus de collectivités autochtones que de collectivités non autochtones ou d'une combinaison de collectivités étaient de cet avis.
Besoins des autochtones et des non-autochtones
Les répondants qui croyaient que les détenus autochtones et les détenus non autochtones ont les mêmes besoins en matière d'emploi et d'instruction étaient près de deux fois plus nombreux que ceux qui pensaient le contraire (27 %). Cependant en réponse à la question sur les problèmes familiaux, seulement 38 % ont convenu que ceux-ci étaient semblables pour les deux groupes, et beaucoup plus de détenus sous responsabilité fédérale que de détenus sous responsabilité provinciale n'étaient pas d'accord. Cinquante-cinq pour cent (55 %) croyaient que les seules différences entre les détenus autochtones et les détenus non autochtones étaient culturelles. Toutefois, 82 % estimaient que les détenus autochtones et les détenus non autochtones devraient être traités de la même façon dans les établissements, et 55 % pensaient que le personnel n'accordait pas le même traitement aux deux groupes.
Résumé
Certaines conclusions importantes sont ressorties de l'analyse des résultats des enquêtes auprès du personnel correctionnel et des détenus. Il s'agit, entre autres, des ressemblances et des différences dans la perception des programmes, des besoins et d'autres questions ayant trait aux détenus autochtones et des différences entre les détenus autochtones eux-mêmes. Il est essentiel de connaître ces différences pour déterminer si les besoins des détenus autochtones seront satisfaits.
Les principales conclusions de l'enquête auprès du personnel correctionnel sont que les répondants croyaient qu'il y a des ressemblances et des différences entre les détenus autochtones et les détenus non autochtones et entre les détenus autochtones eux-mêmes. Pour préciser ces conclusions, il faut procéder à une meilleure évaluation à l'admission même si la majorité des répondants croyaient toujours que les détenus autochtones faisaient l'objet d'une évaluation minutieuse et d'un classement de sécurité précis. Le manque d'instruction, de compétences professionnelles, de soutien de la famille et l'abus d'alcool et de drogues étaient considérés comme les problèmes les plus graves auxquels font face tous les délinquants. À une question précise sur les détenus autochtones, les répondants ont légèrement modifié leur réponse en mettant l'accent sur le manque de soutien familial et la pauvreté. Les besoins culturels et spirituels n'étaient pas considérés comme le principal problème des détenus autochtones par la majorité des répondants; cependant, les programmes culturels et spirituels ont été considérés comme les programmes les plus utiles pour répondre à leurs besoins et réduire la récidive. Par ailleurs, les répondants ne croyaient pas en général que les programmes spirituels répondaient à leurs besoins ou réduisaient la récidive dans le cas des détenus non autochtones. Les répondants estimaient que de meilleurs programmes en établissement et postlibératoires étaient nécessaires pour tous les détenus, que le personnel autochtone était moins qualifié que le personnel non autochtone, que le taux de mise en liberté des détenus autochtones était le même que celui des détenus non autochtones et que toutes les différences étaient attribuables à la gravité de l'infraction et au manque de soutien de la collectivité. Les répondants estimaient que les détenus autochtones avaient besoin de beaucoup plus de soutien de la famille et de la collectivité pour réussir leurs réinsertion sociale.
Ces conclusions donnent à penser qu'il y a une discordance et une certaine confusion dans l'esprit de nombre de répondants sur un certain nombre de questions, mais en particulier au sujet des problèmes des détenus autochtones et des solutions à ces problèmes. Il y a plus de constance entre les problèmes perçus et les solutions dans le cas des détenus non autochtones. Cela s'applique à l'examen des besoins pendant l'incarcération ou à la participation aux programmes qui réduisent la récidive. Cette différence s'explique par le fait que les programmes culturels à l'intention des détenus autochtones sont devenus si courants qu'ils étaient les plus souvent mentionnés et que peu d'autres réponses ont été envisagées.
Les données de l'enquête auprès des détenus sont très révélatrices. Les trois quarts des détenus autochtones de sexe masculin étaient des Indiens inscrits, qui provenaient de réserves, mais qui n'y avaient pas nécessairement passé la plus grande partie de leur vie, qui avaient peu d'instruction et qui avaient déjà été incarcérés. Les détenus sous responsabilité provinciale sont plus jeunes et ont été incarcérés plus souvent que les détenus sous responsabilité fédérale. Ces derniers avaient davantage accès aux programmes que les détenus sous responsabilité provinciale et y participaient davantage, en particulier les programmes culturels ou spirituels. En général, les détenus ne s'estimaient pas exclus des programmes non autochtones ou gênés d'y participer. On ne pensait pas beaucoup de bien de la sélection et la formation du personnel autochtone ou non autochtone même si l'on estimait davantage le premier. Les besoins culturels et spirituels ont été cernés par plus de détenus sous responsabilité fédérale qui avaient également davantage accès à ces programmes. Le fait que ceux dont les besoins ont été définis par les travailleurs autochtones aient également considéré la culture et la spiritualité comme leurs principaux besoins ne tient peut-être pas seulement à une coïncidence. Cependant, l'emploi et l'instruction étaient généralement considérés comme les principaux besoins, et l'alcool comme le principal problème.
La plupart des détenus estimaient que tout programme qui les aidait avait une valeur et que les détenus autochtones et non autochtones pourraient bénéficier des programmes des uns et des autres, mais qu'il n'y avait pas assez de programmes dans les établissements, en particulier dans les établissements provinciaux. Ils étaient d'avis qu'ils avaient les mêmes besoins en matière d'instruction et d'emploi que les détenus non autochtones, mais une situation familiale et une culture différentes. Il y avait une certaine incompatibilité entre les perceptions des problèmes, l'à-propos des programmes et la participation à ceux-ci, et la connaissance approfondie de soi-même dans les établissements et le sentiment de se sentir prêt à réintégrer la société. Les détenus ne participent pas beaucoup aux programmes dans les domaines où ils soutiennent qu'ils ont le plus de besoins (c.-à-d. l'emploi et les études) ou aux programmes de counseling, mais un nombre surprenant estiment qu'ils ont appris beaucoup au sujet d'eux-mêmes et qu'ils sont prêts à réintégrer la société.
L'analyse des réponses des détenus selon qu'il s'agissait de détenus sous responsabilité fédérale ou de détenus sous responsabilité provinciale, de la collectivité d'origine, du nombre d'incarcérations, de l'instruction et de l'âge a révélé les données suivantes. Les détenus qui ont passé le plus clair de leur vie dans les réserves sont moins instruits, considèrent l'instruction et la lecture comme plus importantes, hésitent plus à participer aux programmes généraux en raison de leur timidité et du sentiment d'être écartés, ne participent pas autant au counseling de groupe et se sentent plus acceptés par leur famille et leur collectivité. Il était moins probable que ceux qui avaient moins d'instruction terminent leurs programmes de mise en liberté, ils croyaient que l'instruction et l'emploi étaient leurs principaux besoins, n'estimaient pas que leurs besoins avaient été cernés adéquatement et étaient moins susceptibles de participer à des programmes de counseling individuel.
Les détenus provenant d'une combinaison de collectivités et de collectivités non autochtones avaient tendance à considérer plus souvent la culture et la spiritualité comme des besoins et avaient été incarcérés plus souvent. Les détenus plus âgés et ceux qui avaient été incarcérés plusieurs fois étaient plus négatifs à l'égard du personnel, des programmes, de l'acceptation par la famille et la collectivité, de la mise en liberté, etc. et avaient plus de problèmes d'alcool, surtout dans le cas des détenus sous responsabilité provinciale. Plus de jeunes détenus et de détenus qui avaient été incarcérés trois fois et plus ont passé leur première période de détention dans un établissement pour jeunes. Plus de jeunes détenus considéraient l'instruction et la lecture comme leurs principaux besoins et avaient une opinion plus positive du personnel. Les jeunes détenus sous responsabilité fédérale croyaient qu'il y avait assez de programmes pour autochtones.
Il y a des différences dans les perceptions du personnel correctionnel et des détenus au sujet des niveaux de mise en liberté, du classement selon le niveau de sécurité, de la pertinence des évaluations, du soutien familial et des problèmes familiaux, et de la participation des autochtones aux programmes non autochtones. Ils s'entendaient sur la nécessité d'un plus grand nombre de programmes à l'intérieur et à l'extérieur des établissements, le recours à des autochtones chargés des programmes, les qualifications limitées du personnel et le manque de soutien de la collectivité.
PARTIE VII: RISQUE, MISE EN LIBERTÉ, RÉCIDIVE ET RÉINSERTION SOCIALE
La présente section porte sur quatre des facteurs les plus importants de la surreprésentation des autochtones — le risque, la mise en liberté, la récidive et la réinsertion sociale. Ces facteurs, ainsi que le genre d'infraction commise et les admissions, contribuent le plus au phénomène de surreprésentation.
1. RISQUE
Les modes de comportement qui ont mené à la perpétration de l'infraction se répètent en prison. Dans une étude longitudinale effectuée dans les pénitenciers du Canada, Zamble et Porporino (1990) ont constaté que les détenus réagissaient à diverses difficultés en prison de la même façon qu'ils l'avaient fait à l'extérieur. Avant leur condamnation, leurs réactions aux problèmes empiraient souvent les choses. En prison, à cause du cadre structuré, ils étaient moins libres de se créer des problèmes, mais leurs réponses étaient souvent assez semblables malgré les problèmes différents qu'ils rencontraient. Ils ont également constaté qu'il y avait une forte corrélation entre les infractions antérieures et les antécédents, mais qu'il y en avait également une entre les infractions et certains de leurs comportements et de leurs attitudes en prison.
Un certain nombre de variables expliqueraient la récidive. Parmi celles-ci, mentionnons la gravité et l'ampleur du dossier judiciaire, les attitudes procriminelles, les associés antisociaux, une vie familiale perturbée et la consommation de droguesNote de bas de page 216. Selon les principales études, le genre et la fréquence des condamnations antérieures seraient les meilleurs prédicateurs de la récidiveNote de bas de page 217. Pour prévoir la récidive, cependant, il faut aller au delà du pouvoir prédicteur de simples variables pour utiliser les systèmes de classement qui sont fondés sur un certain nombre de facteurs. Tout d'abord, il y a les inventaires psychologiques, de la personnalité et du comportement qui visent à définir certains « types » de délinquant selon les caractéristiques susmentionnées. Il est maintenant largement convenu qu'une évaluation objective du risque est plus précise qu'une évaluation subjective même s'il y a place à l'amélioration.
En général, les systèmes de classement permettent jusqu'à un certain point de classer les détenus avec précision par catégorie selon le risque. Néanmoins, ils sont encore loin d'être parfaits, car les écarts de conduite des détenus qui sont inexpliqués par ces systèmes excèdent considérablement les écarts expliqués. Les systèmes de classement contiennent généralement un certain nombre de variables pour l'évaluation. Celles-ci comprennent souvent la gravité de l'infraction pour laquelle le détenus purge actuellement une peine, le casier judiciaire, les infractions antérieures, les antécédents en matière d'évasion, la période d'incarcération avant la mise en liberté prévue ainsi que l'adaptation à la vie en établissement et les manquements à la disciplineNote de bas de page 218.
L'efficacité de ces variables sur le plan des prévisions ne semblerait pas offrir beaucoup de promesses pour le classement. Cependant, lorsqu'elles sont combinées dans un système de classement, les résultats semblent plus prometteurs. L'inventaire du niveau de surveillance (INS), l'un des moyens d'évaluation les plus détaillés, offre beaucoup de possibilités. En bref, l'INS est une entrevue normalisée contenant 54 questions portant sur une gamme étendue d'attributs et de situations applicables au délinquant, comme le casier judiciaire, l'abus d'intoxicants et l'emploi. Une cote de 0 ou de 1 est attribuée aux répondants pour chaque question; plus le résultat est élevé, plus le détenu risque d'éprouver des problèmes en établissementNote de bas de page 219. Dans l'ensemble, les données disponibles laissent supposer que l'INS permet d'obtenir des prévisions impressionnantes sur le rendement dans le cadre des programmes et après les programmes pour divers groupes et milieux correctionnelsNote de bas de page 220. L'INS permet d'estimer les infractions en prison et le taux de réincarcération et de diriger les détenus vers les maisons de transition au lieu des établissements correctionnels sans accroître le risque pour la sociétéNote de bas de page 221.
L'évaluation des facteurs de risque dynamiques ou des facteurs criminogènes revêt de l'importance parce que ceux‑ci peuvent être utilisés comme cibles appropriées d'intervention et servir à surveiller l'évolution des détenus. Par exemple, on énonce l'hypothèse que les attitudes procriminelles et les pairs sont des facteurs criminogènes importants alors que l'évolution des attitudes des détenus vers une orientation plus prosociale et la modification des associations avec les pairs peuvent entraîner une baisse de la récidive; les recherches sur la réadaptation des détenus confirment cet argumentNote de bas de page 222.
Jusqu'à présent, ce sont surtout les agents de liberté conditionnelle des délinquants sous responsabilité fédérale qui ont procédé à l'évaluation du risque et des besoins. En janvier 1995, le SCC a commencé à effectuer l'évaluation des détenus au début de leur peine, mais les données sont encore limitées. Le Tableau VII.1 (Évaluation du risque pour la société et des besoins des détenus autochtones et non autochtones ayant bénéficié d'une libération conditionnelle totale, 1995) présente les résultats des évaluations du risque pour la société et des besoins des détenus ayant bénéficié d'une libération conditionnelle totale. La comparaison des détenus autochtones et non autochtones ayant bénéficié d'une libération conditionnelle totale ou d'une libération d'office montre que les résultats de l'évaluation du risque et des besoins des autochtones sont plus élevés. Par exemple, 27,8 % des détenus autochtones ayant bénéficié d'une libération conditionnelle ont été classés dans la catégorie « risque élevé et besoins moyens ou élevés. Ce pourcentage est supérieur de 12,3 points de pourcentage à celui des détenus non autochtones des mêmes catégories.
Les détenus ayant bénéficié d'une libération d'office affichent la même tendance — le pourcentage d'autochtones à risque élevé dans cette catégorie est supérieur de 10,7 points de pourcentage à celui des détenus non autochtones (Tableaux VII.2 et 3 Évaluation du risque pour la société et des besoins des détenus autochtones et non autochtones en liberté d'office, 1995; et résumé des évaluations combinées du risque pour la société et des besoins des détenus autochtones et non autochtones, 1995). Les autochtones sont sous-représentés parmi les délinquants mis en surveillance communautaire. Ce phénomène semble lié aux facteurs de risque et aux besoinsNote de bas de page 223.
Un aspect important des services correctionnels offerts aux autochtones est la capacité des moyens de classement de ceux-ci et de prévision du risque qu'ils présentent. Certains préconisent le recours à des instruments propres aux autochtonesNote de bas de page 224. Une nouvelle analyse d'un ensemble de données existant Note de bas de page 225 a révélé que l'instrument d'évaluation du risque total présente une valeur de prévision allant de bonne à assez bonne pour les échantillons tant d'autochtones que de non‑autochtones au moment de l'admission et une bonne valeur de prévision pour les deux groupes dans les trois ans suivant la fin de la probation. Plus de délinquants autochtones que de délinquants non autochtones ont été classés comme présentant un risque élevé à l'admission et à la fin de la probation, et leurs niveaux de risque se sont moins améliorés de l'admission à la fin de la probation. Le classement du risque et des besoins à l'admission et à la fin de la probation a montré que les Indiens inscrits vivant hors réserve ont obtenu les scores les plus élevésNote de bas de page 226. Cependant, même si les personnes de l'échantillon vivant dans une réserve comptaient parmi celles qui affichaient les scores les plus bas, elles figuraient parmi celles qui enregistraient les scores les plus élevés au chapitre de la récidive. Cela donne à penser que les réserves ont revêtent des caractéristiques environnementales distinctes et particulières dont il faut tenir compte dans l'établissement des échelles du risque et que les échelles générales sont utiles seulement pour le groupe général des autochtones.
2. MISE EN LIBERTÉ
a) Qui sort de prison? — Différences entre les autochtones et les non-autochtones
Détenus sous responsabilité fédérale
On croit depuis longtemps que les taux plus bas de mise en liberté conditionnelle des détenus autochtones contribuent dans une large mesure à leurs niveaux disproportionnés d'incarcération. Les faibles taux de libération conditionnelle ont été attribués au manque de sensibilisation à la culture, au manque de membres autochtones au sein de la commission des libérations conditionnelles, aux iniquités auxquelles font face les détenus autochtones lorsqu'ils se présentent devant la commission des libérations conditionnelles et à la possibilité que les détenus autochtones renoncent à leur droit de demander la libération conditionnelleNote de bas de page 227.
Pour corriger la disparité des taux de libération conditionnelle entre les deux groupes au niveau fédéral, la Commission nationale des libérations conditionnelles a instauré des activités de préparation à la mise en liberté au cours des cinq dernières années. Parmi celles-ci, mentionnons l'établissement d'évaluations tenant compte de la culture et le recours aux aînés pour l'évaluation et la consultation communautaire au sujet de l'attitude des collectivités au retour d'un détenu mis en libertéNote de bas de page 228. La Commission nationale des libérations conditionnelles a élaboré une politique selon laquelle les aînés prêtent leur concours au moment des audiences de libération conditionnelle des détenus autochtones. Que nous révèlent les données actuelles sur les taux de mise en liberté des autochtones? Quelle est l'efficacité de ces activités de préparation de la mise en liberté et des audiences de libération conditionnelle?
En 1988, le Groupe d'étude sur les autochtones au sein du régime correctionnel a analysé les données pour les années 1983 à 1987, et a fait remarquer que les détenus autochtones ont moins de chances que les autres détenus sous responsabilité fédérale de bénéficier d'une libération conditionnelle. En 1983, 14,1 % des détenus autochtones ont bénéficié d'une libération conditionnelle totale, tandis qu'en 1987, ce pourcentage a atteint 18,3 %. Les chiffres pour les non‑autochtones étaient de 41,7 % et de 42,1 %, respectivement. En 1988, 11 % de plus de détenus non autochtones que de détenus autochtones purgeaient une partie de leur peine dans la collectivitéNote de bas de page 229. Comment ces chiffres se comparent-ils aux données plus récentes?
Le 2 juillet 1995, 64 % des détenus sous responsabilité fédérale étaient incarcérés et 36 % faisaient l'objet d'une surveillance communautaire, y compris la semi-liberté, la libération conditionnelle totale, la mise en liberté d'office ou les permissions de sortir. Soixante-seize pour cent (76 %) des détenus autochtones et 62 % des détenus non autochtones étaient incarcérés. Près de 38 % des détenus non autochtones et 24 % des détenus autochtones faisaient l'objet d'une forme ou d'une autre de surveillance communautaire — un écart de 14 %Note de bas de page 230. Qu'est-ce qui explique cet écart et l'absence de variation des niveaux de mise en liberté des autochtones depuis 1987?
Comme le montre le Tableau VII.4 Genre d'infraction selon le type de mise en liberté — détenus autochtones, blancs et noirs, 1995, en avril 1995, 56 % des blancs, 56 % des noirs et 43 % des autochtones bénéficiaient d'une libération conditionnelle totale; un peu plus de blancs bénéficiaient d'une semi-liberté, plus de détenus autochtones bénéficiaient d'une mise en liberté d'office, et la mise en liberté avait été révoquée ou suspendue dans des proportions semblables pour chaque groupe. Cela donne à penser que l'écart entre les taux de libération conditionnelle des autochtones et des non‑autochtones relevé en 1987 subsiste. Toutefois, lorsqu'on analyse le type de mise en liberté selon l'infraction, on constate que la catégorie de la violence explique les niveaux plus faibles de libération conditionnelle totale et de semi-liberté des détenus autochtones, et les détenus noirs et blancs ont les mêmes taux de libération conditionnelle totale. En outre, le Tableau VII.5 Groupe ethnique selon le nombre moyen de jours purgés par les détenus après la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale, 1995, porte sur le nombre moyen de jours purgés avant et après la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. Il montre que les détenus noirs sont mis en liberté plus tôt que les blancs, mais que les détenus autochtones le sont plus tard que les deux autres groupes. Ensemble, ces conclusions laissent supposer que le genre d'infraction et non des préjugés raciaux semblent expliquer le taux de libération conditionnelle plus bas des détenus autochtones. Ces derniers purgent des peines plus courtes que les détenus non autochtones, mais la durée de leur incarcération est plus longue parce qu'ils commettent des infractions plus graves et que leur libération conditionnelle présente un risque plus élevé.
En moyenne, les détenus autochtones purgent une peine de 1,96 an avant leur mise en liberté et les détenus non autochtones, une peine de 2,30 ans. Cet écart tient directement au fait que les détenus autochtones se voient infliger des peines plus courtes. Cependant, lorsqu'on tient compte de la longueur de la peine et de la durée de la peine purgée, les détenus autochtones purgent une plus grande partie de leur peineNote de bas de page 231. Ces conclusions donnent à penser que la durée de la peine est un facteur plus important que la race dans la détermination de la peine purgée.
L'examen du statut correctionnel des détenues après leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale révèle que 52 % des délinquantes autochtones ont été incarcérées contre 21 % des délinquantes non autochtones. Ce phénomène peut s'expliquer par leur classement dans la catégorie à risque élevé et les difficultés plus grandes qu'éprouvent les détenues autochtones à formuler des plans de libération conditionnelle en raison de leur niveau d'instruction plus faible et de leurs compétences professionnelles inférieures, du peu de rapports avec leur famille et leurs collectivités et de problèmes personnels. Dans le Projet de rapport final sur l'étude des dispositions sur le maintien en incarcération contenu dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (1995, p. 25), le SCC et la CNLC font remarquer que les « délinquants autochtones font l'objet d'un nombre disproportionné de renvois en raison de la nature de leurs infractions et du type de récidive qu'ils présentent (difficulté à maîtriser les impulsions violentes combinée à des problèmes de toxicomanie) ». Même s'ils sont renvoyés en vue d'un examen de maintien en incarcération plus souvent que les détenus non autochtones, les détenus autochtones étaient susceptibles d'être détenus lors des examens initiaux et annuels selon le même taux que les détenus non autochtones. Les détenus autochtones qui ont été mis en liberté risquaient cependant beaucoup plus de voir leur mise en liberté révoquée que les détenus non autochtones.
Deux facteurs laissent supposer des réactions très différentes des détenus autochtones après une décision initiale en matière de détention. Les raisons invoquées pour justifier la décision initiale de la CNLC concernant la détention montrent que la proportion de détenus qui ont refusé de participer à des programmes et que l'incidence d'un comportement négatif en établissement étaient les mêmes pour les détenus autochtones et les détenus non autochtones avant le renvoi. Les raisons invoquées pour confirmer une ordonnance de détention au moment d'un examen annuel, toutefois, reflétaient le fait que le taux de refus de participer à des programmes s'est accru de 11 % pour le groupe autochtone tandis que la hausse du groupe non autochtone s'établissait à 3%. Une différence encore plus grande entre les deux groupes a été relevée en ce qui concerne le comportement négatif en établissement; il s'est accru de près de 15 % dans le cas des autochtones et de 2 % dans le cas des non‑autochtonesNote de bas de page 232.
Permission de sortir
Les permissions de sortir sont généralement accordées aux détenus pour qu'ils puissent quitter l'établissement pendant quelques heures ou plusieurs jours. Il s'agit dans la plupart des cas de permissions de sortir sous surveillance. Les permissions de sortir sont souvent la première étape du processus de libération conditionnelle. Grant et Porporino (1992) ont examiné les différences entre les autochtones et les non-autochtones en ce qui concerne l'octroi des permissions de sortir au moyen des données du SCC de 1986 à 1991. Ils ont constaté que les détenus autochtones bénéficient d'un plus grand nombre que prévu de permissions de sortir pour des raisons de compassion et de rapports avec leur famille et leur collectivité, compte tenu de leur proportion de la population carcérale. Ces constatations, observées au fil du temps et qui tiennent compte des variables de la violence et de la criminalité, donnent à penser que les détenus autochtones ne reçoivent pas un traitement plus négatif en ce qui concerne l'octroi des permissions de sortir et que, dans une certaine mesure, ils bénéficient peut-être d'un traitement de faveur.
Détenus sous responsabilité provinciale
Trois des cinq provinces auxquelles on a demandé des données, — C.-B., Saskatchewan et Manitoba — ont fourni des renseignements sur le nombre de journées réellement purgées par les détenus autochtones et non autochtones. Dans les trois provinces, les détenus autochtones et non autochtones ont purgé une peine de durée semblable malgré le fait que les détenus autochtones se voient généralement infliger des peines plus courtes. Au Manitoba, plus de détenus purgeaient des peines de 181 jours ou plus (13 %) comparativement à 8,5 % dans chacune des deux autres provinces.
Les données sur la libération conditionnelle de l'Ontario et de la C.-B. révélaient que les libérés conditionnels de la C.-B. étaient quelque peu plus jeunes que le groupe comparable de l'Ontario, mais un plus grand nombre de ceux de l'Ontario étaient de sexe féminin. La période de liberté conditionnelle en C.‑B. était plus courte, mais dans les deux provinces, les détenus autochtones en liberté conditionnelle avaient eu plus de démêlés avec le système de justice pénale que le groupe non autochtone. La proportion de détenus autochtones en liberté conditionnelle dans chaque province était semblable à la proportion de détenus incarcérés.
b) Perceptions du personnel correctionnel au sujet de la mise en liberté
Lorsqu'on a interrogé les membres du personnel correctionnel au sujet de la mise en liberté, 47 % d'entre eux ont répondu qu'ils croyaient que les détenus autochtones étaient mis en liberté aussi ou plus rapidement que les détenus non autochtones. Dans le cas des détenus autochtones qui n'ont pas bénéficié d'une mise en liberté anticipée, 55 % des répondants estimaient que c'était à cause de la gravité des crimes (c.-à-d. crimes de violence ou infractions sexuelles et 20 % en raison de l'absence de programmes dans les collectivités autochtones. Plus des deux tiers croyaient que les détenus autochtones avaient plus de difficulté à formuler un plan de libération conditionnelle que les détenus non autochtones. Les trois quarts étaient d'avis que la difficulté résultait d'un manque de collectivité, de soutien de la collectivité ou de ressources communautaires. Plus de 60 % estimaient qu'il était essentiel de se concentrer sur les collectivités afin de faciliter l'établissement d'un plan de libération conditionnelle pour les détenus autochtones. Ils étaient d'avis qu'il faudrait compléter celui‑ci par le traitement à long terme des détenus toxicomanes. Selon le quart des répondants, il était essentiel de recourir à la prélibération, et 42 % estimaient que les programmes d'aide postpénale étaient essentiels pour encourager et faciliter la réinsertion sociale.
Par contre, près des deux tiers des détenus répondants croyaient que les détenus autochtones éprouvent plus de problèmes au chapitre de la mise en liberté que les détenus non autochtones et ont plus de difficultés à participer aux programmes de formation communautaire. Une proportion beaucoup plus importante du groupe plus âgé ayant été incarcéré trois fois ou plus étaient de cet avis. Seulement le tiers croyaient qu'il y avait assez de programmes pour les détenus autochtones après leur mise en liberté, mais moins de la moitié (48 %) convenaient que les programmes autochtones sont plus utiles pour répondre aux besoins des détenus autochtones que les programmes généraux. Seulement 33 % ont dit qu'ils avaient pu continuer les programmes culturels et spirituels après leur mise en liberté précédente, et la plupart de ceux-ci étaient des détenus sous responsabilité provinciale provenant surtout de collectivités autochtones ayant été incarcérés une fois ou deux.
c) Révocation de la libération conditionnelle
Les données fédérales (juillet 1995) révèlent peu de différence entre le nombre de peines purgées par les détenus autochtones et les détenus non autochtones. Dans l'ensemble, les détenus autochtones ont purgé en moyenne 1,3 peine comparativement à 1,4 pour les détenus non autochtones. Il n'y avait aucun écart important dans le nombre de révocations de la libération conditionnelle des autochtones et des non‑autochtones au sein des régions ou entre elles. On peut donc en déduire que la région des Prairies ne révoque pas la libération conditionnelle plus souvent que les autres régions comme on pourrait s'y attendre, étant donné le niveau élevé d'incarcération des autochtones dans cette région.
3. RÉCIDIVE
Les études sur la prévision du risque que présentent les adultes en probation ou en postprobation révèlent que des niveaux de risque élevés sont liés à des niveaux de récidive élevés. La probabilité d'une nouvelle condamnation s'accroît également à mesure que la période de suivi des personnes en postprobation s'allonge. Par exemple, dans une étude récente sur le classement en fonction du risque des délinquants sous responsabilité provinciale du Manitoba, seulement le quart des postprobationnaires ont été condamnés de nouveau pendant la première année du suivi comparativement aux deux tiers pendant la quatrième annéeNote de bas de page 233. Les facteurs de risque associés le plus souvent à la récidive sont le temps consacré, l'attitude à l'égard de la probation, les changements d'adresses, l'âge, le nombre et le genre de condamnations antérieures et le sexe; les facteurs des besoins sont les relations matrimoniales et familiales, les finances, la stabilité émotive, la capacité mentale, les pairs, l'alcool et les drogues, l'emploi et l'instruction.
En Australie, Broadhurst (1992) a constaté que les facteurs qui sont les meilleurs prédicateurs de la récidive, mis à part la race et le sexe, étaient l'âge (les jeunes ont un moins bon dossier), la durée de l'incarcération et l'infraction (les infractions plus graves et ceux qui purgent une peine de plus de six mois ont enregistré les meilleurs résultats), l'incarcération antérieure (ceux qui avaient déjà été incarcérés ont affiché les pires résultats), le genre de mise en liberté (ceux qui avaient participé à des placements à l'extérieur et qui avaient bénéficié d'une libération conditionnelle ont mieux fait) ainsi que l'emploi et l'instruction (ceux qui avaient un emploi et des compétences ont affiché de meilleurs résultats). L'hébergement, l'emploi et la remise d'argent au moment de la mise en liberté avaient des effets importants sur la réduction de la récidive. Les gens ayant bénéficié d'une libération conditionnelle ont enregistré de meilleurs résultats que ceux qui ont purgé une peine limitée ou qui ont purgé une peine pour non‑paiement d'amende.
a) Récidive des autochtones et des non-autochtones
La récidive explique en grande partie la surreprésentation des autochtones. Il y a de plus en plus de données qui montrent que le taux de récidive des autochtones est supérieur à celui des délinquants non autochtones.
Les observations des délinquants sous responsabilité fédérale montrent que les délinquants autochtones risquent davantage de récidiver que leurs homologues non autochtones. Les conclusions d'Australie sont semblablesNote de bas de page 234. Au Canada, la probabilité que la libération conditionnelle d'un autochtone soit révoquée est près de deux fois plus élevée que dans le cas d'un non‑autochtone de sexe masculin (51% contre 28 %), et la probabilité qu'un autochtone libéré d'un pénitencier commette un acte criminel est de 12 à 19 points de pourcentage plus élevée. En outre, les détenus autochtones risquent plus de commettre de nouveau les deux genres de crimes de violence Note de bas de page 235.
Lorsqu'ils ont analysé les données fédérales sur la population correctionnelle, Bonta et Motiuk (1992) ont constaté que le genre d'infraction, les condamnations antérieures, l'incarcération antérieure, l'âge au moment de la première condamnation et la durée de la peine constituaient des prédicateurs importants dans le cas des détenus autochtones. Les détenus autochtones purgeant des peines plus courtes risquaient plus de récidiver que les non-autochtones purgeant des peines plus longues. Le taux de récidive du groupe non autochtone s'élevait à 49 % et celui du groupe autochtone à 66 %. Les évaluations du risque pour la société et des besoins (administrées par les agents de liberté conditionnelle aux détenus faisant l'objet d'une surveillance communautaire) ont révélé que plus de détenus autochtones que de détenus non autochtones en liberté conditionnelle totale se trouvaient dans les catégories à risque élevé/moyen et à besoins élevés. Les données récentes révèlent également que 11 % de plus de détenus autochtones que de détenus non autochtones en liberté d'office se classent dans les catégories à risque élevé/moyen et à besoins élevés que de détenus non autochtonesNote de bas de page 236.
Les tendances à la récidive des délinquants autochtones et non autochtones sous responsabilité provinciale sont moins claires. Lorsqu'il a étudié les détenus de trois prisons du Nord de l'Ontario, Bonta (1989) a constaté peu de différence entre les taux de réincarcération des groupes autochtones et non autochtones. Par exemple, un an après la mise en liberté, 43,8 % du groupe autochtone ont été réincarcérés comparativement à 42,3 % du groupe des non-autochtones. Le groupe autochtone ne constitue pas non plus un risque plus élevé sur le plan des scores de l'INS. Les principales différences étaient que la consommation d'alcool et de drogues était un prédicteur des manquements à la libération conditionnelle et de la réincarcération du groupe autochtone tandis que pour le groupe non autochtone elle ne prédisait que le risque de réincarcération.
4. RÉINSERTION SOCIALE
Le retour du détenu dans la collectivité où il peut obtenir soutien et assistance devrait être un objectif principal de la politique correctionnelle. Les effets positifs des programmes des établissements seront perdus si des programmes de suivi ne sont pas offerts dans la collectivité. La nécessité pour les femmes autochtones de bénéficier de l'appui de la collectivité lorsqu'elles sont incarcérées et d'être près de la collectivité pour leur réinsertion sociale justifiait dans une large mesure la construction des pavillons de ressourcement ouverts récemment. Une stratégie communautaire visant à aider les détenues à retourner dans leur collectivité après leur mise en liberté a été considérée par les membres du Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale comme essentielle pour atteindre l'objectif à long terme d'offrir des choix aux femmes sous responsabilité fédéraleNote de bas de page 237. Cependant, il reste quelques questions à régler en ce qui concerne la réinsertion sociale, qui sont examinées ci-dessous.
a) Besoins des délinquants autochtones et des collectivités autochtones : Quel est le point de correspondance?
Il y a deux groupes d'intéressés — les délinquants autochtones et les collectivités autochtones, dont les besoins doivent être satisfaits et les valeurs respectées. Le discours des autochtones en matière de justice et les pressions exercées en vue d'une réforme correctionnelle comme celle qui figure dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (1992) et dans diverses enquêtes sont fondés en grande partie sur les besoins des autochtones incarcérés dans les établissements provinciaux, fédéraux et territoriaux, et sur le rôle des collectivités dans la correction du problème de la récidive par la réinsertion sociale. Certaines hypothèses sont énoncées au sujet de la volonté et de la capacité des collectivités d'atteindre cet objectif.
La réinsertion sociale comprend deux volets principaux. En premier lieu, la correspondance entre les objectifs et les besoins du délinquant et les préoccupations de la collectivité; en deuxième lieu, le rôle qui incombe aux collectivités de contribuer aux politiques et aux programmes correctionnels et d'assumer la responsabilité de s'occuper des délinquants au moment de l'infraction et de la mise en liberté. Les points de vue des travailleurs de la première ligne dans l'enquête auprès des collectivitésNote de bas de page 238 et des délinquants dans l'enquête auprès des délinquants sont révélateurs à cet égard.
Besoins des délinquants et de la collectivité :
Les répondants des collectivités ont fait remarquer que les délinquants ont besoin du soutien de leur famille et l'obtiennent en général, mais ont moins de chances de bénéficier de l'appui des collectivités. Plus des deux tiers des détenus s'estimaient appuyés par leur famille pendant leur incarcération, mais seulement 44 % ont dit que leur famille leur rendait visite. Fait surprenant, 88 % croyaient que leur famille accepterait leur retour, mais seulement 55 % étaient d'avis que leur famille comprenait leurs problèmes. Les niveaux de réponse étaient plus faibles dans le cas de la participation et du soutien des collectivités. Seulement 33 % ont dit que leur collectivité d'origine les appuyait pendant leur incarcération (cependant 30 % n'avaient pas d'opinion); 43 % ont déclaré que leur collectivité accepterait leur retour et 30 % ont dit que leur collectivité comprenait leurs problèmes. Fait intéressant, lorsqu'on leur demandé si une collectivité les attendait, 18 % ont répondu par la négative et 26 % ont refusé de répondre.
Il y avait une différence entre les détenus répondants en ce qui concerne l'appui des familles et des collectivités. Plus de détenus qui provenaient surtout de collectivités autochtones s'estimaient acceptés et compris par leur famille et leur collectivité. Plus de détenus sous responsabilité provinciale de collectivités non autochtones recevaient la visite de leur famille. Ceux qui avaient entre 24 et 35 ans recevaient plus de visites et de soutien de leur famille et de leur collectivité que ceux des groupes d'âge plus jeunes ou plus âgés. Les détenus qui avaient été incarcérés plus de trois fois recevaient le moins de soutien de leur famille ou de leur collectivité et s'estimaient moins préparés à retourner dans la société.
Les membres de la collectivité craignent souvent pour leur sécurité, en particulier lorsque le détenu a commis un crime grave. Ils se plaignent souvent du fait que les détenus retournent souvent dans le même milieu et les mêmes groupes qui les ont entraînés dans le crimeNote de bas de page 239. Les répondants se préoccupaient également du fait que les délinquants ne modifient pas leur comportement ou n'en assument pas la responsabilité, qu'ils n'ont rien à faire dans les collectivités, que les familles sont trop protectrices et ne confient pas de responsabilité aux délinquants et que les familles où ils retournent sont souvent elles-mêmes dysfonctionnelles et qu'elles ont besoin d'aide. Les répondants estimaient que les délinquants ont besoin d'emploi et d'instruction et de programmes comme le traitement des alcooliques, la modification du comportement et le counseling intensif. Ces ressources sont généralement absentes dans les collectivités, surtout si celles-ci se trouvent à l'extérieur de la société majoritaire. Lorsque les services sont offerts, les responsables de leur prestation n'ont pas nécessairement la formation, les connaissances et les compétences nécessaires pour répondre aux besoins des délinquants, des familles et d'autres membres de la collectivité afin de faciliter le processus de réinsertion sociale. Peu de répondants ont formulé des observations au sujet des besoins culturels et spirituels des délinquants.
Les répondants des collectivités estimaient que les collectivités font une distinction entre les délinquants qui commettent des infractions graves comme les infractions sexuelles et les crimes de violence et ceux qui commettent des infractions moins graves. Ceux qui commettent des infractions graves sont généralement ostracisés par la collectivité même lorsqu'ils sont acceptés par leur famille. Les familles réservent généralement un accueil favorable au détenu (quelle que soit l'infraction) au moins jusqu'à ce qu'il récidive. Les familles sont souvent isolées et reçoivent peu d'aide du reste de la collectivité tout comme le détenu. Les préoccupations les plus courantes de la collectivité étaient la crainte du détenu et le manque général de ressources pour répondre aux besoins des délinquants ayant des problèmes graves. Ces constatations se reflétaient également dans l'évaluation du Centre Stan Daniels, qui a révélé que les réponses négatives des collectivités et la recherche d'un emploi étaient les obstacles mentionnés le plus souvent auxquels font face les délinquants lorsqu'ils retournent dans la sociétéNote de bas de page 240.
Les besoins des délinquants doivent être examinés à la lumière des besoins des collectivités. Nombre de collectivités autochtones sont isolées géographiquement et victimes d'un taux de chômage élevé, du manque de ressources et de niveaux élevés de criminalité et de désordre. Plusieurs répondants estimaient que les besoins les plus pressants des collectivités, comme la sécurité et le bien-être général doivent être satisfaits avant que la réinsertion sociale satisfaisante des délinquants puisse avoir lieu. Ils croyaient que des services de police à plein temps étaient nécessaires. D'autres ressources et services comme l'emploi, l'instruction et le counseling sont également nécessaires pour répondre aux besoins de la collectivité et faciliter le processus de réinsertion sociale. La plupart des délinquants cependant ont peu de possibilités quant à l'endroit où ils peuvent s'installer au moment de leur mise en liberté. Bon nombre retournent dans les mêmes milieux criminogènes. Par exemple, une étude a révélé que plus de jeunes délinquants autochtones que de jeunes délinquants non autochtones du nord de l'Ontario retournaient dans un milieu criminel, c.-à-d. en vivant avec d'autres individus qui avaient des démêlés avec la justice, qui vendaient de la drogue, etc.Note de bas de page 241.
Participation de la collectivité et suivi :
Les questions au sujet de la participation de la collectivité à la réinsertion sociale des détenus mis en liberté ont révélé que la grande majorité des répondants estimaient que le manque d'appui et de soutien des collectivités tenait surtout au fait que les besoins des délinquants et de leur famille n'étaient pas bien compris. Ils croyaient que si les membres de la collectivité comprenaient les causes de la violence familiale, des infractions sexuelles et d'autres infractions, ils appuieraient davantage le retour des délinquants. Les répondants des collectivités étaient d'avis que toute la collectivité devrait participer à réinsertion sociale et être informée des réalités et des besoins particuliers des délinquants pour faire correspondre les activités de réinsertion sociale aux besoins. La plupart des répondants ne croyaient pas que les détenus étaient bien préparés à leur mise en liberté ou que leurs problèmes et comportements avaient changé. Ces opinions correspondaient à celles des résultats de l'enquête auprès du personnel correctionnel selon lesquels 58 % des répondants croyaient que les détenus présentaient le même risque ou un risque plus élevé de récidive après le traitement même si plus de la moitié des détenus ayant déjà été mis en liberté s'estimaient prêts à s'intégrer à la société après leur mise en liberté. Les répondants des collectivités se sont plaints du fait qu'il y avait peu de suivi lorsque les délinquants se trouvent dans la collectivité.
On a fait un certain nombre de suggestions au sujet de la nécessité de fournir de meilleurs renseignements aux collectivités concernant les besoins des délinquants et de leur famille, notamment faire du porte-à-porte pour fournir des renseignements, car il est souvent difficile de convaincre les gens d'assister à des réunions communautaires. D'autres croyaient que les services existants du système de justice, comme la police, devraient être chargés d'informer les membres de la collectivité. D'autres estimaient qu'un aide juridique communautaire devrait être engagé et formé. Il faut discuter ouvertement des questions pour que les délinquants et leur famille ne fassent pas l'objet de ragots et pour éviter qu'ils soient isolés de la collectivité. Un répondant a suggéré que, pour rompre le cycle de dysfonctionnement et de récidive, les familles devraient avoir le même accès au traitement que le délinquant incarcéré. Il faudrait également faire face au refus de la famille d'accepter l'inconduite de ses membres.
Les groupes de soutien des délinquants et de leur famille, les groupes d'entraide, le counseling, les travailleurs médicaux et les cérémonies visant à aborder l'infraction et la victimisation et à clore la question, étaient considérés comme essentiels au processus de réinsertion sociale. On a également suggéré une intégration plus graduelle au moyen des maisons de transition communautaires. Si une telle installation était disponible, le détenu pourrait rendre visite à sa famille et à d'autres membres de la collectivité pendant la journée et leur prêter son aide et retourner au centre en soirée. Les répondants à l'enquête auprès du personnel correctionnel croyaient qu'une combinaison de changement de comportement de la part du détenu et d'acceptation et de réinsertion par la famille et la collectivité étaient les facteurs les plus importants d'une mise en liberté réussie. Le counseling, l'appui aux délinquants et aux familles, une surveillance étroite et les programmes de traitement des toxicomanes étaient les ressources considérées comme les plus nécessaires par la collectivité pour réduire la récidive.
Considérations relatives à la réinsertion sociale :
Les conclusions de la présente section confirment l'existence des différences entre les délinquants autochtones définies à la partie III. La nécessité de comprendre les différences entre les délinquants autochtones et leur collectivité d'origine constitue un élément important de la compréhension de leur surreprésentation. Les problèmes particuliers des autochtones vivant dans les réserves et dans les centre-ville expliquent en grande partie leurs démêlés avec le système de justice pénale et les systèmes correctionnels. Même si les facteurs culturels expliquent dans une large mesure leur surreprésentation, les théories multidimensionnelles peuvent les justifier davantage. Les groupes d'Indiens inscrits semblent les plus susceptibles d'avoir des démêlés avec le système de justice pénale en raison de leur isolement social et économique de la société majoritaire. Les Indiens inscrits qui quittent les réserves sans compétences ni instruction peuvent être les plus vulnérables. Par ailleurs, ceux qui proviennent surtout des réserves s'estimaient les plus acceptés par leur famille et leur collectivité. Ceux qui sont le moins acceptés ont le plus de démêlés avec le système correctionnel.
Le rôle des collectivités dans la réduction du risque de récidive et la transformation des délinquants en citoyens respectueux de la loi a été souligné dans la littérature et par les répondants aux enquêtes auprès du personnel correctionnel et des collectivités. La participation de la collectivité pendant l'incarcération et au moment de la mise en liberté était considérée comme l'élément le plus crucial de la satisfaction des besoins des détenus. De toute évidence, la réinsertion sociale efficace des délinquants dans les familles et les collectivités est essentielle à la réduction de la récidive. Cependant, tous les délinquants n'ont pas le même accès aux collectivités, comme en témoignent les conclusions sur les délinquants.
Il y a deux genres de réinsertion sociale. Le premier est la réinsertion sociale des délinquants dans leur collectivité d'origine, qui est également le milieu où ils ont éprouvé leurs problèmes initiaux. Dans ce milieu, les attitudes antisociales et certains modes de vie procriminels et certains actes de groupes de pairs empêchent l'adoption d'attitudes prosociales. Le deuxième type est la réinsertion dans des familles et des collectivités qui favorisent le changement de comportement et l'adoption de valeurs prosociales. Par conséquent, il s'agit non seulement de la réinsertion (comme on le pense souvent), mais de la réinsertion dans le bon milieu.
Résumé
Les données sur la mise en liberté conditionnelle révèlent que les détenus autochtones sous responsabilité fédérale ont moins de chances que les détenus non autochtones de bénéficier d'une libération conditionnelle totale, mais que la gravité des infractions semble expliquer l'écart entre les taux de mise en liberté. Cependant, les détenus autochtones ont plus de chances de bénéficier d'une permission de sortir. Les détenus autochtones affichent également des niveaux de récidive plus élevés. En raison de leurs infractions antérieures et de la gravité de leurs infractions, les détenus autochtones sont considérés comme présentant un risque de récidive plus élevé, ce qui influe sur la décision de leur accorder la libération conditionnelle. Ce phénomène est exacerbé par la difficulté de formuler des plans de libération conditionnelle et, comme les données des enquêtes le montrent, d'obtenir l'appui des collectivités.
Il y a cependant des différences importantes entre les groupes d'autochtones. L'analyse de la base de données du Manitoba a révélé que les taux de récidive des autochtones étaient beaucoup plus élevés que ceux des non-autochtones tout comme ceux des Indiens inscrits par rapport à ceux des Métis et des Indiens non inscrits. Cela donne à penser que les Indiens inscrits dans certaines régions du pays peuvent retourner dans des milieux plus criminogènes. Ces constatations sont conformes aux recherches antérieuresNote de bas de page 242 au sujet de la criminalité et des désordres dans les réserves et dans les centre-ville, en particulier dans l'Ouest du Canada.
Les enquêtes auprès du personnel correctionnel, des délinquants et des collectivités confirment les conclusions sur le soutien (ou le manque de soutien) de la famille et de la collectivité. Les familles appuient généralement les délinquants, mais les collectivités les soutiennent beaucoup moins, surtout lorsque les délinquants sont plus âgés, ont été incarcérés à de multiples reprises et ne proviennent pas d'une collectivité autochtone précise. Il s'agit d'une question critique, car les politiques à l'intention des autochtones tournent autour de deux aspects relatifs aux délinquants : leurs besoins en matière de programmes et leur réinsertion dans leur famille et leur collectivité, quelle que soit la définition de la collectivité.
Le taux élevé de récidive de l'échantillon des Indiens inscrits indique la nécessité de modifier leurs collectivités d'origine — qu'il s'agisse de la réserve ou du centre-ville. Si le milieu de vie des gens ne change pas pour que leurs attitudes, leurs groupes de pairs et leurs relations familiales puissent changer, les modifications du système de justice pénale ou la création d'initiatives locales en matière de justice ne permettront pas de réduire beaucoup leurs démêlés avec le système correctionnel. D'un certain nombre de façons importantes, les délinquants autochtones sont défavorisés par leurs antécédents, leurs collectivités et leur démêlés avec le système de justice pénale. Il s'agit d'un cercle vicieux, dont il est difficile de sortir.
Tableau VII.4 Genre d'infraction selon le type de mise en liberté — détenus autochtones, blancs et noirs, 1995
GENRE D'INFRACTION | BLANCS | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Violence | Drogues | Meurtre | Infraction sexuelle | Total | ||||||
% | n | % | n | % | n | % | n | % | n | |
Libération conditionnelle totale — FÉDÉRALE | 44 | 1465 | 78 | 893 | 84 | 631 | 43 | 318 | 56 | 3307 |
Semi-liberté — FÉDÉRALE | 17 | 574 | 10 | 114 | 15 | 110 | 15 | 113 | 15 | 911 |
MISE EN LIBERTÉ D'OFFICE | 32 | 1066 | 6 | 73 | - | - | 39 | 286 | 24 | 1425 |
RÉVOCATION/ SUSPENSION | 7 | 216 | 6 | 66 | 2 | 1 | 2 | 18 | 5 | 311 |
TOTAL | 56 | 3321 | 19 | 1146 | 13 | 752 | 12 | 735 | 100 | 5954 |
GENRE D'INFRACTION | AUTOCHTONES | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Violence | Drogues | Meurtre | Infractions sexuelle | Total | ||||||
% | n | % | n | % | n | % | n | % | n | |
Libération conditionnelle totale -FÉDÉRALE | 35 | 146 | 78 | 18 | 85 | 63 | 42 | 55 | 43 | 282 |
SEMI-LIBERTÉ — FÉDÉRALE | 13 | 54 | 13 | 3 | 12 | 9 | 11 | 15 | 12 | 81 |
MISE EN LIBERTÉ D'OFFICE | 44 | 187 | 9 | 2 | 1 | 1 | 45 | 59 | 38 | 249 |
RÉVOCATION/ SUSPENSION | 9 | 36 | - | - | 1 | 1 | 2 | 31 | 6 | 40 |
TOTAL | 65 | 423 | 4 | 23 | 11 | 74 | 20 | 132 | 100 | 652 |
GENRE D'INFRACTION | NOIRS | |||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Violence | Drogues | Meurtre | Infraction sexuelle | Total | ||||||
% | n | % | n | % | n | % | n | % | n | |
Libération conditionnelle totale — FÉDÉRALE | 39 | 66 | 80 | 109 | 83 | 10 | 31 | 10 | 56 | 195 |
Semi-liberté — FÉDÉRALE | 13 | 22 | 9 | 12 | 17 | 2 | 9 | 3 | 11 | 39 |
MISE EN LIBERTÉ D'OFFICE | 36 | 61 | 8 | 11 | - | - | 53 | 17 | 25 | 89 |
RÉVOCATION/ SUSPENSION | 12 | 21 | 3 | 4 | - | - | 6 | 2 | 8 | 27 |
TOTAL | 49 | 170 | 39 | 136 | 3 | 12 | 9 | 32 | 100 | 350 |
(Le total exclut ceux qui ont été expulsés ou qui sont en détention temporaire dans un établissement fédéral.) |
PARTIE VIII : À PARTIR DE LÀ, QUELLES SONT LES SOLUTIONS?
[traduction]La déviance est une tentative maladroite et expressive de dire quelque chose. Faisons donc de l'acte criminel le point de départ d'un véritable dialogue plutôt que de s'en tenir à une réponse tout aussi maladroite qui prend la forme d'une punition (Christie, 1982, p. 11).
Pour réduire le recours à l'emprisonnement de délinquants autochtones, il faut discuter du problème en des termes plus généraux puisque le taux d'incarcération dans un pays est lié à de nombreux facteurs qui dépassent de loin la question raciale, comme nous l'avons vu à la partie I. Dans le contexte pénologique moderne, le contrôle de l'État est dilué dans le tissu socialNote de bas de page 243, le droit de l'État s'enchevêtrant dans l'ordre normatif non étatique. Devant les hausses continues du taux d'incarcération, toutefois, des mesures propres à réduire le recours à l'emprisonnement et à transformer le désir de punir en une recherche de solutions à des problèmes courants s'imposent d'autant plus.
La partie VIII étudie certaines de ces mesures et donne un aperçu de la littérature générale sur les sanctions de sévérité moyenne et les mesures correctionnelles communautaires. On s'attache également à explorer les réalités et les besoins des délinquants et des collectivités autochtones. Ces besoins varient en fonction de facteurs locaux et provinciaux, comme le taux d'emprisonnement des autochtones et le degré de marginalisation sociale et économique de la population autochtone. La partie VIII examine également les problèmes carcéraux que rencontrent les personnes peu susceptibles d'être touchées par un recours accru aux solutions de rechange.
Réduction du recours à l'emprisonnement
La question de la pertinence du recours généralisé à l'emprisonnement provoque un malaise généralNote de bas de page 244. Si peu de personnes contestent la nécessité de mettre sous les verrous certains délinquants qui ont commis des infractions graves et préjudiciables, on sait par ailleurs que l'emprisonnement est une punition réelle dont les répercussions sur des personnes déjà vulnérables sont profondes, et que la réadaptation des délinquants ainsi que d'autres résultats sont loin d'être satisfaisants. Les problèmes carcéraux les plus insolubles que connaissent de nombreux pays, comme la surpopulation, les émeutes, les mauvaises conditions et les possibilités restreintes offertes aux détenus par les programmes de travail ou autres, sont causés en partie par le nombre de personnes détenuesNote de bas de page 245. Comparativement à d'autres pays, il est clair qu'au Canada, le recours trop fréquent à l'emprisonnement explique la présence en prison d'un si grand nombre d'autochtones et de non-autochtones. Bien que la société canadienne ne soit pas plus criminogène que la plupart des autres sociétés, ce constat ne se reflète pas dans son taux d'incarcération. Le recours à des peines d'emprisonnement de courte durée, souvent pour des infractions relativement mineures, est des plus évidents quand on compare les taux d'incarcération dans les établissements correctionnels canadiens avec ceux d'autres paysNote de bas de page 246.
On décrit rarement les bienfaits de la prison par rapport à d'autres démarches car le bien-fondé de l'emprisonnement est très difficile à étayer. Selon une étude menée par le ministère de l'Intérieur en Grande-Bretagne (1995), rien ne prouve clairement que la détention parvient mieux que les sanctions communautaires ou vice versa à prévenir la récidive247. La souffrance que provoque l'incarcération et ses incidences négatives sur des gens qui vivent déjà dans un milieu défavorisé et dysfonctionnel sont souvent occultées par la confiance en la réadaptation et le besoin d'infliger un châtiment sévère et évident. Le fait que cette mesure ne soit guère meilleure qu'une solution moins punitive et moins onéreuse n'attire guère l'attention. Le public considère la prison comme une solution à des problèmes sociaux, et malgré son coût et la surpopulation carcérale dans de nombreux pays occidentaux, il continue à réclamer à grand cri une législation plus punitiveNote de bas de page 248. De nombreux hommes politiques et responsables de la justice pénale (qui font partie d'un secteur vaste et complexe)Note de bas de page 249 sont heureux d'acquiescer à ces demandes.
Il est possible de réduire le recours à l'emprisonnement. En Allemagne, on a attribué la diminution de la population carcérale entre 1968 et 1970 aux réformes législatives visant à réduire les admissions. Ainsi, de nombreuses infractions au code de la route n'ont plus donné lieu à des peines d'emprisonnement, les infractions sexuelles non violentes ont été décriminalisées, les peines d'emprisonnement d'une année au maximum ont pu être assorties d'un sursis et les amendes sont devenues une solution de rechange à l'incarcération pour la plupart des crimes. L'Allemagne a également fortement réduit le nombre de poursuites et aiguillé les gens vers des projetsNote de bas de page 250. En Australie, entre 1990 et 1993, les États qui affichaient des baisses du taux d'emprisonnement avaient davantage recours à des ordonnances de service communautaire et à des ordonnances non privatives de liberté. Par contre, ceux qui enregistraient des hausses avaient aboli ou limité les réductions de peine et la libération anticipéeNote de bas de page 251. Les Australiens ont fait valoir que pour la majorité des infractions dont les tribunaux sont saisis, l'emprisonnement devrait toujours être considéré comme une solution de dernier recours, et son utilisation négociée avec les victimes, les délinquants, les collectivités et le personnel du système de justice pénale.
Quand le Canada sera-t-il au nombre des pays ayant des niveaux d'emprisonnement plus humains et réalistes? Landreville (1995) a étudié les recommandations de la Commission canadienne sur la détermination de la peine et affirme que les principes de modération, de justice et d'humanité doivent l'emporter, et qu'il convient de privilégier autant que possible les mesures communautaires afin de n'avoir recours à l'emprisonnement qu'en cas d'extrême nécessité.
Nous nous penchons sur trois mesures visant à réduire le recours à l'incarcération. La première, les sanctions de sévérité moyenne, a fait l'objet de quantité d'études et de débats au Canada au cours des dernières annéesNote de bas de page 252. La deuxième vise une plus grande utilisation des ressources correctionnelles communautaires en place. Enfin, on s'interroge en ce qui a trait à la troisième mesure, sur la possibilité pour la justice pénale d'assumer la responsabilité du contrôle social et d'intervenir auprès des délinquants dans les collectivités.
1. Les sanctions de sévérité moyenne
Au cours des vingt dernières années, on a assisté à une diminution de la réadaptation des délinquants en raison de l'individualisation de la société et du mouvement en faveur des victimes. Ce désintérêt pour la réadaptation a été marqué par un retour aux principes classiques de responsabilité et de châtimentNote de bas de page 253. Simultanément, toutefois, des restrictions financières et autres et le constat que les prisons sont un univers déshumanisant et criminogène ont suscité dans la collectivité le désir de participer au processus de punition et à la recherche de solutions de rechange à l'incarcération. Néanmoins, pour que ces solutions permettent de réaliser les objectifs de réduction de la population carcérale, des coûts et de la récidive, la gamme de sanctions doit être plus étendue et les solutions de rechange doivent être appliquées à plus grande échelle. Par ailleurs, il doit être possible grâce aux solutions de rechange d'atteindre d'une façon ou d'une autre les objectifs de châtiment et de dissuasion prévus par la sanction tout en offrant davantage de possibilités de réadaptationNote de bas de page 254.
Les sanctions de sévérité moyenne ont été la solution la plus souvent préconisée face à l'augmentation de la population carcérale car elles constituent des mesures de rechange à l'incarcération. En général, ces sanctions englobent des amendes, des services à la collectivité, des centres de jour, la surveillance électronique des délinquants à domicile, la surveillance intensive et les camps de type militaireNote de bas de page 255. On a souligné qu'elles offraient des solutions intermédiaires le long d'un continuum de sévérité borné aux deux pôles par des extrêmes polarisés : l'incarcération (la plus sévère) et la probation et la libération conditionnelle (les moins sévères). Les sanctions de sévérité moyenne sont le plus susceptibles d'être efficaces si elles constituent des solutions de rechange adéquates aux peines privatives de liberté et permettent d'atteindre les mêmes objectifs; si elles sont acceptables sur les plans social et juridique en tant que châtiment; si elles comportent autant d'avantages que les peines d'emprisonnement, ou à tout le moins le même nombre d'avantages que d'inconvénients; et constituent des solutions de remplacement fiables des peines d'emprisonnement qui, autrement, auraient été imposéesNote de bas de page 256.
Junger-Tas (1994) détermine deux séries d'objectifs pour les sanctions alternatives : les objectifs ayant trait au délinquant et ceux ayant trait au système. Parmi les objectifs ayant trait au délinquant, mentionnons l'imposition d'une réelle punition, d'un châtiment et un certain degré de neutralisation. Le dédommagement de la victime n'intervient comme objectif que pour certaines sanctions alternatives seulement et la réadaptation est souvent secondaire aux autres objectifs. Les objectifs ayant trait au système sont les réductions des coûts et de la population carcérale et une baisse de la récidive. La seule façon de réduire les coûts est de fermer des prisons ou d'arrêter d'en construire, ce qui ne risque guère de se produire puisque l'on n'a recours aux solutions de rechange à l'incarcération que dans à peine la moitié des cas admissibles et que lorsque c'est le cas (p. ex., programme de surveillance intensive et de surveillance électronique), les conditions et la surveillance sont plus strictes et, par conséquent, les violations plus fréquentes. Les places disponibles en prison sont ainsi immédiatement à nouveau occupées.
L'amende est une sanction qui a reçu beaucoup d'éloges et d'appui. En Europe, l'amende a donné lieu à une diminution du recours à des peines d'emprisonnement et dans de nombreux pays, elle est devenue la principale sanction pénale. Les avantages de l'amende sont les suivants : elle permet d'atteindre des objectifs de punition et de dissuasion; elle est souple en ce sens qu'elle peut être modulée en fonction de la gravité de l'infraction et de la capacité financière du délinquant; elle peut être associée à d'autres sanctions; elle permet au délinquant de demeurer dans la collectivité; son coût d'administration est relativement peu élevé et elle génère des recettes qui serviront à d'autres fins en matière de justice pénaleNote de bas de page 257.
La formule a été critiquée car en cas de défaut de paiement, le délinquant, surtout celui qui est économiquement défavorisé, risque de se retrouver en prisonNote de bas de page 258. Toutefois, l'incarcération n'est pas inévitable et ne devrait être envisagée qu'en dernier recours. Dans la plupart des juridictions australiennes et canadiennes, des programmes de travaux compensatoires, par exemple, ont été mis sur pied à l'intention des délinquants qui ne paient pas leurs amendesNote de bas de page 259. Des efforts peuvent également être déployés afin de réduire le plus possible le risque de défaut de paiement. Le système d'amende quotidienne, contrairement aux systèmes de tarifs ou d'amendes à montant fixeNote de bas de page 260, permet à tous les délinquants de payer un montant réalisteNote de bas de page 261. En Allemagne de l'Ouest, la hausse du taux d'imposition d'amendes n'a pas été accompagnée d'une hausse subséquente de défaut de paiement des amendes. De plus, bien que les personnes nanties aient dû acquitter des amendes d'un montant plus élevé, les amendes sont restées relativement peu élevées pour les délinquants plus pauvres.
Malgré que l'expérience européenne nous montre qu'il est possible de remplacer les peines privatives de liberté par des amendes, on ne sait pas très bien si d'autres sanctions de sévérité moyenne ont remplacé avec succès des peines d'emprisonnement. Si l'on a constaté que la possibilité d'imposer des sanctions non privatives de liberté avait entraîné un recours moins fréquent à des peines d'emprisonnement de courte durée en Europe, la récente augmentation de la population carcérale n'a pas été ralentie par l'existence de sanctions de sévérité moyenne. Au mieux, selon les travaux de recherche, ces sanctions ne remplacent que 50 à 60 p. 100 des peines d'emprisonnementNote de bas de page 262.
Souvent, on reproche aux sanctions de sévérité moyenne d'élargir le réseau de contrôle correctionnel, en piégeant ainsi des délinquants qui, autrement, n'auraient pas été en prison. Beaucoup soutiennent que les sanctions ne réduisent pas beaucoup les populations carcéralesNote de bas de page 263 même si, comme McMahon (1992) le laisse entendre, on a donné une vision fortement exagérée voire même inexacte du rôle de ces sanctions dans l'élargissement du réseauNote de bas de page 264. Les critiques précisent que les programmes communautaires sont déjà surpeuplés, accueillant beaucoup plus de délinquants que les prisonsNote de bas de page 265. De plus, le nombre élevé de révocations et les violations des conditions des sanctions peuvent donner lieu (parfois automatiquement) à l'emprisonnement, ce qui augmente donc la population carcéraleNote de bas de page 266.
L'une des conséquences de l'élargissement du réseau est qu'il peut miner la rentabilité supposée des sanctions alternatives. Bien que ces options puissent être moins onéreuses que l'emprisonnement, elles peuvent demeurer plus coûteuses que la probation ou la libération conditionnelle traditionnelles, en particulier si elles nécessitent une surveillance plus étroite. Les sanctions de sévérité moyenne peuvent également donner lieu à un accroissement des ressources pénales à l'échelle du système, notamment du personnel du système et de la capacité de fournir les services prévus par les programmes — tout ce qui pourrait se traduire au bout du compte par une augmentation du coût total des services correctionnelsNote de bas de page 267.
Certains observateurs ont également remis en question le fondement idéologique des peines non privatives de liberté, en invoquant le fait que les objectifs de punition ont remplacé les objectifs des programmes communautaires traditionnels, comme la réadaptation et l'intégration communautaire. Aux yeux d'autres personnes, les services correctionnels communautaires neutralisent plus qu'ils ne changent les délinquantsNote de bas de page 268. Feeley et Simon (1992) laissent entendre qu'il faut considérer les sanctions communautaires en fonction de critères comme la gestion du risque plutôt que de la réadaptation et du traitement, car elles neutralisent les délinquants à faible risque pour lesquels des formes de détention en milieu fermé sont jugées trop coûteuses ou inutiles. Ainsi, l'importance des sanctions communautaires ne se limite pas à leur capacité d'étirer au maximum les ressources pénales; elles généralisent et redistribuent le recours à l'emprisonnement (p. 460).
Mais ce n'est pas parce que l'on peut avoir recours aux sanctions de sévérité moyenne qu'on le fait. Le non-recours à ces sanctions s'explique par le pouvoir discrétionnaire mal circonscrit ou structuré de détermination de la peine. Pour faciliter, encourager, voire imposer leur utilisation, on a recommandé l'adoption d'un certain type de politiques, de lignes directrices ou de lois de détermination de la peine pour les jugesNote de bas de page 269. Les lignes directrices relatives à la détermination de la peine ne garantissent toutefois pas l'imposition de sanctions de sévérité moyenne. Les études sur la question ont cerné plusieurs problèmes possibles qui compliquent la situation. Doob et Marinos (1995) affirment que les systèmes de détermination de la peine reposant sur un continuum de sévérité ne tiennent pas compte des diverses fonctions possibles de la punition. Si certaines sanctions servent des objectifs que d'autres sanctions ne peuvent servir, ce sont les principes d'équité et d'échangeabilité des châtiments qui sont remis en cause. L'amende, par exemple, ne dénonce peut-être pas aussi bien que l'incarcération le préjudice causé à autruiNote de bas de page 270.
Il existe un autre problème. Les changements officiels, voire législatifs en vue de régir les méthodes de détermination de la peine n'entraînent pas nécessairement le recours à des peines non privatives de liberté. Si l'on tient compte de la résistance au changement des systèmes de justice pénale, on ne peut garantir la mise en œuvre comme voulu des modifications aux lois régissant la détermination de la peine. De nombreux obstacles structurels comme la charge de travail et des renseignements insuffisants sur le délinquant peuvent entraver leur application. En l'absence de raisons propres à les convaincre de changer leurs objectifs afin de tenir compte de la politique, les juges iront même jusqu'à adapter la politique pénale pour atteindre leurs objectifsNote de bas de page 271. Les problèmes administratifs associés aux lignes directrices pour l'imposition de la peine donnent à penser que leur efficacité dépend en partie du climat judiciaire et administratif dans lesquels ils sont présentés. Si les sanctions de sévérité moyenne ne sont pas motivées par une idéologie acceptable, elles ont peu de chances d'être appliquées.
Les auteurs des critiques présentées ci-dessus se demandent si les sanctions de sévérité moyenne constituent vraiment une solution de rechange à l'incarcération relativement à certains objectifs visés en matière de détermination de la peine. Comportent-elles des avantages sur le plan de la réadaptation que ne peuvent probablement pas procurer les peines d'emprisonnement? Junger-Tas (1994) indique que d'après les travaux de recherche, la surveillance et le traitement rendent possible la réadaptation. Il est certain que les travaux de Paul Gendreau et d'autres (voir la partie V) laissent entendre que « quelque chose marche ». La question, bien sûr, est discutable et les réponses se situent vraisemblablement entre les extrêmes pessimistes et optimistes en fonction de plusieurs facteurs. De plus, ces critiques ne tiennent pas compte du fait que selon les circonstances, la réadaptation n'est pas le seul objectif poursuivi dans la détermination de la peineNote de bas de page 272.
Comme on l'a constaté, il est possible de réduire la population carcérale indépendamment des modifications législatives. La réduction de la population carcérale en Allemagne de l'Ouest par exemple s'explique surtout par des changements dans le comportement des procureurs de la poursuite et des jugesNote de bas de page 273. Cependant, un climat de justice pénale conciliant est propice à un recours accru aux sanctions de sévérité moyenne. Comme l'a démontré l'expérience ouest-allemande, néerlandaise, canadienne et italienneNote de bas de page 274, des idéologies et des mouvements plus libéraux au sein des institutions et de la société peuvent contribuer dans une large mesure aux changements dans les niveaux d'incarcération.
Au niveau des institutions, le règlement extrajudiciaire des problèmes adopté aux Pays-Bas par exemple expliquerait en partie la réduction de la population carcéraleNote de bas de page 275. De même, le rôle principal du procureur de la poursuite dans la détermination de la peine ainsi que le recours accru aux ordonnances pénales en Allemagne de l'Ouest ont contribué au faible recours à l'incarcération. La tolérance des Hollandais et le manque de confiance des Italiens à l'égard des organismes de répression sont des exemples des incidences que la culture de la société peut avoir sur la baisse de l'incarcération.
2. Utilisation accrue des ressources correctionnelles communautaires en place
Il existe deux façons de réduire la population carcérale avant de fermer les prisons. La première mesure consiste à éviter avant tout d'infliger aux délinquants des peines d'emprisonnement, par exemple en imposant des sanctions de sévérité moyenne et des peines alternatives ainsi qu'en privilégiant les solutions de justice communautaire qui maintiennent les délinquants dans la collectivité. La seconde consiste à réduire la durée de la peine d'emprisonnement et à exploiter davantage les possibilités des services correctionnels communautaires. Il existe un certain chevauchement du fait qu'il est possible d'avoir recours aux centres de fréquentation obligatoire, à la surveillance intensive et à la surveillance électronique comme solution de remplacement à l'incarcération ou comme condition de la libération.
Comme on peut le constater, certains programmes communautaires marchent bien. Les programmes de sortie et les centres résidentiels communautaires sont deux programmes qui affichent un taux de réussite élevé, mais il arrive dans un grand nombre de régions où la population carcérale est élevée, que certains établissements correctionnels comme les maisons de transition ne fonctionnent pas à pleine capacité. De nombreux détenus des prisons sont des candidats admissibles au placement en maison de transition, et dans plusieurs régions, les administrateurs de prison peuvent à leur discrétion placer des détenus en maison de transition. Toutefois, il ne s'agit pas là d'une pratique couranteNote de bas de page 276.
Les programmes qui tiennent compte des caractéristiques sociales et culturelles particulières de la collectivité et encouragent une importante participation de la collectivité ont plus de chances de remporter du succès. La reconnaissance de la diversité des délinquants est crucialeNote de bas de page 277. Un programme efficace répond attentivement à tout besoin spécial des délinquants, en particulier ceux de groupes minoritaires, et les aiguille vers le programme qui leur convientNote de bas de page 278. Ce processus serait par ailleurs facilité si l'on tenait compte de l'avis des délinquants concernant leurs besoins et la sélection et la conception subséquente du programme. Enfin, comparativement à la punition et à la neutralisation, le traitement semble être un objectif plus productif permettant d'accroître l'efficacité de l'intervention de la collectivitéNote de bas de page 279.
Il existe également un argument de poids en faveur d'un recours moins fréquent à l'incarcération au profit des sanctions communautaires. Selon les évaluations des programmes, c'est auprès du groupe à risque moyen des établissements que les programmes sont les plus efficaces et ils sont moins efficaces auprès des groupes à faible risque et à risque élevé, en grande partie en raison du type d'infraction et des antécédents criminels. Comme le montrent les travaux de recherche, en général, les programmes offerts dans les collectivités obtiennent plus de résultats que ceux offerts en établissement, ce qui porte à croire que les peines communautaires conviennent mieux que les peines d'emprisonnement aux délinquants du groupe à faible risque ainsi qu'à certains du groupe à risque moyen. Étant donné le recours accru à l'incarcération au Canada, il serait utile d'exploiter cette voie.
Exemples de programmes correctionnels communautaires
Il existe plusieurs autres options correctionnelles communautaires, dont certaines sont réservées aux autochtones. Mentionnons les camps de type militaire et les maisons de transition. Parmi les solutions générales les plus courantes de rechange à l'emprisonnement ou destinées à réduire la durée de l'emprisonnement, mentionnons la surveillance électronique des délinquants à domicile, les ordonnances de surveillance intensive et les centres de fréquentation obligatoire.
Centres de fréquentation obligatoire
Les délinquants sont aiguillés vers des centres de fréquentation obligatoire dans le but de susciter chez eux un changement de comportement. Ce changement doit s'obtenir de deux façons. Tout d'abord, les délinquants participent à des cours propres à l'infraction visant à répondre aux besoins liés à l'infraction et au comportement criminel; ensuite, ils suivent des cours spécialisés afin d'acquérir des connaissances élémentaires et des aptitudes professionnelles. Ensemble, ces deux démarches assurent un dosage de surveillance et de traitement qui, selon les résultats de l'évaluation, sont le mieux parvenus à réduire le taux de récidive.
Camps de type militaire
Au cours des vingt dernières années, on a eu de plus en plus recours aux camps de type militaire comme option correctionnelle pour les délinquants autochtones et non autochtones. Toutefois, on pense que les avantages pourraient être plus grands pour les délinquants autochtones en raison de leur rapport avec la terre et de leur préférence pour un cadre plus rural ou en région éloignée. Les différences entre les délinquants autochtones eux-mêmes et le fait qu'aucune évaluation n'ait été menée afin de déterminer le bien-fondé de l'approche des camps de type militaire pour les délinquants ne permettent pas de vérifier ces hypothèses. On ne sait pas non plus dans quelle mesure les programmes de camps répondent aux besoins individuels et on ne connaît pas la qualité des programmes eux-mêmes.
L'Australie propose une variante novatrice des camps de type militaire pour de jeunes adultes délinquants, appelée « Homeland Schemes ». Le jeune homme est placé dans un camp éloigné afin d'être formé de façon traditionnelle et selon les principes de l'armée. Cette démarche est compatible avec les ressources traditionnelles de soutien dans les collectivités. Bien qu'ils ne fassent pas l'objet d'évaluation officielle, on possède certaines données sur l'intérêt des camps de type militaire pour les renifleurs d'essence du centre et du nord de l'Australie. Plusieurs conclusions encourageantes et intéressantes ont été tirées. Les camps ont permis, entre autres, d'éloigner de leur milieu des jeunes hommes à problèmes, conformément à leur demande, sans créer simultanément un traumatisme pour la famille proche; ils ont joué un certain rôle en amenant les anciens à créer un climat favorisant la réintégration de ces jeunes gens; et ils ont amélioré l'estime de soi des jeunes en leur donnant un rôle utile, un sentiment d'appartenance et l'assurance qu'ils étaient capables d'accomplir des tâches appréciéesNote de bas de page 280.
Surveillance électronique des délinquants à domicile
Il existe quatre types de surveillance électronique des délinquants à domicile nécessitant des degrés différents de surveillance, à savoir heures de rentrée obligatoires liées à la probation ou à la libération conditionnelle; appels téléphoniques ou visites-surprises des agents correctionnels; utilisation d'ordinateurs à des fins de surveillance et surveillance électronique. Ces mesures peuvent être prises par décision du tribunal ou être postérieures à l'incarcération. Selon les résultats limités de l'évaluation, l'approche la plus efficace allie traitement et surveillance et la formule choisie devrait être adaptée aux besoins des délinquants. Actuellement, on procède à une évaluation de la surveillance électronique en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et à Terre-NeuveNote de bas de page 281.
Dans l'État de Victoria, en Australie, on a recours à des ordonnances de surveillance intensive pour atteindre divers objectifs : la dissuasion par une surveillance serrée, la réparation essentiellement par le travail communautaire non rémunéré et la réadaptation par la voie d'un traitement et de programmes spéciaux. Victoria a également mis sur pied un programme intensif de libération conditionnelle qui exige de tous les libérés conditionnels qu'ils se soumettent à une surveillance plus intensive et serrée pendant un certain temps immédiatement après leur libération. L'objectif est d'assurer pendant cette période un degré de surveillance et un soutien proportionnels au risque de récidive. D'autres programmes postlibératoires destinés aux anciens délinquants visent à coordonner des programmes d'éducation et d'emploi afin de mieux répondre aux besoins des aborigènes libérés. Une région a mis en œuvre une variété de programmes, dont un programme résidentiel communautaire, un service de soutien au logement, une unité de consultation et une série d'autres programmes.
Centres correctionnels communautaires
Le Canada compte deux centre correctionnels communautaires pour les autochtones : le centre Stan Daniels à Edmonton et la maison Waseskun à Montréal. Par ailleurs, il existe des centres résidentiels communautaires ordinaires qui, sans cibler particulièrement la clientèle autochtone, accueillent tous les délinquants. Les programmes varient, mais la plupart des centres offrent des programmes de base, comme les programmes ayant trait à l'alcool ainsi que les programmes de counseling, d'acquisition de connaissances élémentaires et d'aide à l'emploi.
Au Queensland, en Australie, un centre correctionnel communautaire a adopté une démarche globale intéressante à l'égard des programmes. L'objectif du centre est d'assurer la réinsertion sociale des délinquants dans un milieu ouvert qui offre des programmes pertinents et bien administrés. Un plan de gestion des cas est mis au point pour chaque personne et des programmes sont offerts à trois niveaux :
- Programmes prévoyant des services communautaires : Des services sont assurés par les délinquants à des organisations communautaires sans but lucratif comme la St-Vincent de Paul, etc. Ces services répondent aux objectifs de dédommagement de la collectivité et le délinquant acquiert de nouvelles compétences auxquelles il pourra associer des cours d'enseignement.
- Programmes sur le comportement criminel : Ce programme repose sur les besoins individuels. Le comportement et les besoins de chaque délinquant sont examinés et les responsables choisissent les programmes ou les organismes qui pourront y répondre, par exemple les AA, la gestion de la colère, les cours d'affirmation de soi, l'orientation familiale, l'alphabétisation, l'art d'être parent, etc.
- Programmes de comparaison : Ce programme est obligatoire pour tous les pensionnaires et se donne un soir par semaine. Il permet d'acquérir des connaissances élémentaires et des compétences prélibératoires et comporte des séances sur la communication efficace, l'art de nouer des relations, le développement et l'épanouissement personnels et la gestion du stress.
Le Centre fournit également une aide en matière de préparation à la libération conditionnelle et d'élaboration des plans de libération. Les pensionnaires peuvent occuper un emploi et, le cas échéant, payer leur pension. S'ils n'ont pas d'emploi, ils doivent effectuer des travaux compensatoires non rémunérés à raison de deux jours par semaine. Deux cent cinquante délinquants ont jusqu'à présent mené à bien le programme et six seulement ont pris la fuite. Le Centre entretient des liens étroits avec la famille des pensionnaires. Le personnel fournit une aide aux pensionnaires et à leur famille. La principale lacune mise en évidence par les pensionnaires et les anciens pensionnaires lors de l'évaluation du centre Stan Daniels à Edmonton était le manque de participation de la famille ou de la collectivité.
Détermination de solutions de rechange adéquates
Deux nouvelles approches se font jour pour déterminer les solutions de rechange communautaires adéquates pour les délinquants susceptibles de se voir infliger une peine d'emprisonnement. Dans le cadre de la première démarche mise à l'essai à Ottawa, les besoins du délinquant sont déterminés avant que l'on ne décide de recourir à une peine alternative. En définissant d'abord les besoins, on peut évaluer la pertinence de la solution de rechange plutôt que de se contenter d'infliger une peine alternative en espérant que « tout se passera pour le mieux ». Dans le cadre de la deuxième approche, le plan de peine alternative communautaire, projet mené à Winnipeg, les victimes et les collectivités élaborent en concertation un plan de détermination de la peine qui est ensuite soumis au juge. De cette façon, la collectivité est capable de déterminer à l'avance, à la lumière d'une évaluation des ressources communautaires et des besoins des délinquants, comment contribuer activement et de manière réaliste au plan de peine et au suivi requis.
Critiques et limites des programmes correctionnels communautaires
Si l'on a recours aux programmes communautaires, c'est parce qu'ils constituent une solution de rechange plus humaine et rentable à l'incarcération et un outil permettant de réduire les taux d'incarcération. Toutefois, rien dans la conception et la mise en œuvre des programmes ne prouve ces affirmations. La dimension humaine a été remise en question car les nombreuses restrictions sur le plan du comportement imposées par quantité de programmes communautaires peuvent être tout aussi coercitives que l'incarcération et, dans certains cas, plus punitivesNote de bas de page 282. En ce qui concerne la rentabilité de ces programmes, Hylton (1982) indique que les programmes communautaires, dans le cadre de l'appareil de contrôle social, ne réduisent pas les coûts pour le système dans son ensembleNote de bas de page 283.
Comme de nombreuses interventions communautaires ont tendance à s'adresser aux délinquants qui, de toute façon, n'auraient pas dans l'ensemble été incarcérés, ces programmes n'offrent pas de véritables solutions de rechange à l'emprisonnement. Par ailleurs, la discrétion judiciaire mal circonscrite a miné le recours aux programmes communautairesNote de bas de page 284. Griffiths indique par exemple que les juges canadiens ont tendance à privilégier les peines privatives de liberté quand ils décident de la peine à infliger. Dernièrement, comme le General Accounting OfficeNote de bas de page 285 des États-Unisl'a mentionné, la plupart des programmes ont servi une population de délinquants relativement peu nombreuse. Les programmes qui s'adressent à des centaines de délinquants ne peuvent influer dans une large mesure sur une population carcérale qui se chiffre à des dizaines de milliers de détenusNote de bas de page 286.
Les programmes de surveillance intensive (PSI) illustrent certains des inconvénients généraux décrits ci-dessus. Les PSI mettent l'accent sur la surveillance étroite et l'application stricte de règles pour les délinquants placés dans la collectivité. Ils prévoient d'ordinaire des formes de surveillance intensive comme des contacts plus fréquents entre le délinquant et le surveillant, des dépistages de la consommation de drogues et la surveillance électronique, et exigent du délinquant qu'il respecte certaines conditions, par exemple qu'il travaille, qu'il suive un traitement ou qu'il effectue des travaux compensatoiresNote de bas de page 287.
Les PSI sont censés être une solution de rechange à l'incarcération qui ne met pas en péril la sécurité du public contrairement à la probation et à la libération conditionnelle traditionnelles. Toutefois, selon une étude effectuée en 1986 par le Bureau of Justice Assistance des États-Unissur 14 endroits dispensant des PSI dans 19 États, les PSI ne procuraient pas les avantages attendus d'une solution de rechange à l'incarcérationNote de bas de page 288. Les programmes n'ont pas permis de réduire la population carcérale car la surveillance et l'application très strictes de leurs conditions multipliaient le nombre de violations techniques, qui entraînaient le retour en prison des délinquants. De plus, les juges étaient peu disposés à choisir le PSI comme sanction, en particulier pour les délinquants ayant commis une infraction plus grave.
La fonction de contrôle social des sanctions communautaires est peut-être d'une extrême importance. Feeley et Simon (1992) affirment qu'aux États-Unis, la violation des conditions de la libération conditionnelle et de la probation est maintenant à l'origine de l'incarcération de nombreux détenus et de l'accroissement de la population carcérale. Ils soutiennent que les sanctions communautaires ne sont pas des instruments propres à favoriser la réinsertion sociale des délinquants, mais des mécanismes de contrôle social qui renvoient les gens en prison.
3. Justice locale
On accepte en général le rôle légitime que jouent les collectivités dans le processus de justice pénaleNote de bas de page 289. Dans le cadre de l'étude auprès du personnel correctionnel, 35 p. 100 de l'échantillon de répondants étaient d'avis que les options communautaires constituaient une meilleure solution de rechange pour les délinquants autochtones et 34 p. 100 pensaient que les délinquants devaient être remis en liberté dans leur collectivité ou placés dans des pavillons de ressourcement. Dans le contexte autochtone, le « ressourcement » est souvent devenu synonyme de collectivité, s'appuyant comme elle sur des pratiques autochtones traditionnelles. C'est également dans ce paradigme de la participation communautaire que la « justice réparatrice » a vu le jour, l'accent étant mis sur l'élimination du recours au personnel du système de justice pénale, sur le rôle de la victime et sur la justice « sociale ». En d'autres termes, la collectivité intervient auprès des délinquants à la place de l'État.
On compte de nombreux exemples de justice locale dans les collectivités autochtones au pays. Mentionnons les projets de Sandy Lake et d'Attawapiskat dans le nord de l'Ontario, le projet de déjudiciarisation Indian Brook en Nouvelle-Écosse, le projet des Services juridiques autochtones de Toronto et le projet Gitksan — Wet'suwet'en en Colombie-Britannique, ainsi que le projet du cercle de vie holistique communautaire à Hollow Water au Manitoba. Par ailleurs, la concertation du groupe familial à Terre-Neuve et les cercles de détermination de la peine au Yukon, en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et au Québec sont des démarches axées sur un système de justice pénale auquel participent directement les collectivités. La participation des collectivités repose sur deux prémisses. La première concerne la responsabilisation des collectivités (qui peut être liée à des aspirations d'autonomie politique). Selon la deuxième prémisse, les collectivités ont des solutions à des problèmes de justice pénale et disposent des ressources nécessaires pour répondre plus efficacement que le système général. Ce recours accru à la justice locale fait toutefois l'objet de critiquesNote de bas de page 290.
Contradictions et préoccupations concernant la justice communautaire
L'une des principales préoccupations concerne la possibilité que les objectifs de la justice communautaire soient concurrents et contradictoires. Ces objectifs ont été amplement définis dans la littérature sur la justice communautaire applicable aux autochtones. D'une part, la justice communautaire est une affaire d'autonomie, de responsabilisation et de contrôle (et pour certaines collectivités, d'autonomie politique). D'autre part, la justice communautaire est une affaire de tradition et, en des termes modernes, de « ressourcement » et de transformation des collectivités pour qu'elles en arrivent à un mieux-êtreNote de bas de page 291. Toutefois, en réalité, le principal objectif de la justice communautaire est d'exercer un contrôle social, d'avoir recours à la surveillance et de rendre la « justice », ce qui peut comporter ou non un châtiment. Bien que les objectifs de responsabilisation et d'autonomie puissent ne pas être incompatibles avec l'objectif d'autonomie politique, ceux qui visent la transformation de la collectivité et le châtiment sont contradictoires. Ainsi, il est fort possible que la justice communautaire divise les gens au lieu de les unir, en particulier quand les collectivités sont petites et isolées sur le plan géographique. Les « protections » contre ces divisions que l'on trouve dans les sociétés autochtones traditionnelles peuvent diminuer considérablement dans les collectivités contemporaines.
La valeur thérapeutique de la justice communautaire par une amélioration de la communication et des relations sociales et la disponibilité des ressources à l'appui des systèmes de justice locale n'ont pas reçu toute l'attention voulue dans le cadre de l'évaluation. On ne sait pas très bien non plus s'il existe une définition comprise par tous de la collectivité et de l'engagement envers les membres de la collectivité, au delà de la famille étendue ou de la famille nucléaire, dans la plupart des collectivités autochtones. Étant donné que les systèmes de justice locale émettent certaines hypothèses concernant la nature de la collectivité, ces questions sont cruciales. De plus, la pénurie générale de ressources dans les collectivités autochtones laisse présager des difficultés possibles dans le maintien des systèmes de justice locale. Depew (1995, p. 26) milite en faveur d'une stratégie de plus grande envergure et plus audacieuse de développement communautaire, de changement social et de macroprévention de portée restreinte au détriment des projets de justice.
Les citoyens et les collectivités sont-ils malavisés lorsqu'ils se tournent vers le système de justice pénale pour résoudre des problèmes communautaires et sociaux? Fattah (1993) et Snider (1995b) pensent que pour certaines infractions, ils le sont. En préconisant un recours moins fréquent aux sanctions prévues dans le Code criminel pour les actes de violence familiale, Snider fait valoir que le système de justice pénale n'a aucune capacité de transformation car il joue des rôles idéologiques et structurels différents de ceux des autres institutions sociales. Son rôle consiste à resserrer le contrôle social et à contraindre. Le fait de s'appuyer sur le système de justice pénale risque donc de priver les citoyens et les collectivités de leur pouvoir de les responsabiliser (p. 28). Dans un sens plus vaste, compte tenu des changements économiques et sociaux que subissent les collectivités autochtones, l'influence du système de justice pénale de la société dominante et de la reproduction de la structure sociale dominante dans les collectivités (comme décrit à la partie IV), la justice communautaire et une accentuation du contrôle sur les délinquants et de la répression des infractions pourront-ils transcender ces contraintes structurelles et idéologiques? Il s'agit là d'un véritable défi pour la justice communautaire, et la réponse à certaines des questions que pose la justice communautaire nécessitera une démarche ethnographique à long terme plutôt qu'une évaluation standard qui repose presque exclusivement sur des entrevues avec les principaux intervenants.
4. Incarcération
Une fois que l'on a éliminé de la population carcérale les délinquants autochtones qui n'ont pas besoin d'être emprisonnés, qui reste-t-il et que faire de ces personnes? Il convient de déterminer les questions dont les répercussions sont les plus importantes pour ce groupe et de les analyser. Il faut, entre autres, comprendre les facteurs criminogènes ainsi que les risques et les besoins, répondre aux besoins et déterminer l'intensité des programmes ou du traitement et assurer un suivi adéquat et une évaluation afin de mettre en évidence les démarches qui conviennent le mieux.
D'emblée, disons que les services correctionnels seront efficaces si les délinquants se voient attribuer un niveau de sécurité en fonction d'une échelle d'objectifs, plutôt que d'après des entrevues individuelles considérées comme un mode d'évaluation et de classification approprié, et sont orientés en conséquence à des fins de sécurité et de traitement vers les établissements adéquats. Le problème consiste à évaluer les besoins des délinquants autochtones afin de déterminer le traitement qui convient. Outre les facteurs d'évaluation standard du risque, on pourrait tenir compte d'autres facteurs en ce qui concerne les délinquants autochtones, notamment la collectivité d'origine (p. ex., isolée, éloignée, semi-urbaine, urbaine), la taille de la collectivité dans laquelle ils ont passé la plus grande partie de leur vie, le temps passé dans un milieu urbain ou semi-urbain, l'importance des contacts avec la culture autochtone et le degré de participation à l'économie traditionnelle (chasse, piégeage, etc.).
Les établissements rencontrent un autre problème critique, la difficulté de convaincre les délinquants autochtones de participer aux programmes destinés à les aider et de ne pas décrocher. Des programmes de « traitement préliminaire » intensif peuvent améliorer la participation aux programmes, mais des travaux d'évaluation plus systématique sont requis. Il est également nécessaire d'évaluer les programmes de traitement des délinquants sexuels dans leur application aux délinquants autochtones. Les services correctionnels doivent par ailleurs relever un défi de taille dans le domaine de la formation du personnel. Inévitablement, il semble que la plupart des employés correctionnels travaillant auprès des délinquants autochtones continueront à être non autochtones et il importe de savoir quel type de formation améliorerait leur efficacité auprès de cette clientèle et ce qui pourrait aggraver la situation.
Il est peut-être également nécessaire d'étudier la qualité des programmes propres à la culture autochtone au delà des limites étroites des programmes. Prenons par exemple le modèle de « communauté thérapeutique » en trois étapes mis au point à des fins de désintoxication aux États-Unis. La communauté thérapeutique est un milieu de traitement entièrement isolé du reste de la population carcérale. La désaccoutumance aux drogues dépend des pressions négatives et positives exercées en faveur du changement par la voie d'un processus d'entraide mutuelle. Idéalement, ce processus devrait comporter trois étapes. La première étape se déroule en prison pendant neuf à 12 mois et comprend une thérapie complète de groupe et individuelleNote de bas de page 292. La deuxième étape, celle de la resocialisation, se déroule en maison de transition ou en centre de libération et amène le délinquant à effectuer des travaux communautaires thérapeutiques « de transition », mais dans le même contexte « familial » qu'à la première étape. La troisième étape, l'étape « tertiaire », se déroule dans la collectivité dans le cadre d'un programme de libération conditionnelle ou d'autres programmes de surveillance où la thérapie ambulatoire et la sociothérapie se poursuivent avec l'aide de la communauté thérapeutique de la deuxième étape. Cette démarche serait valable pour les délinquants qui doivent être libérés dans moins de 18 mois. Les études de suivi font état de résultats positifs pour les hommes et les femmes ayant des problèmes de toxicomanie, mais en particulier pour les femmesNote de bas de page 293.
Le modèle de communauté thérapeutique décrit ci-dessus pourrait-il être adapté à un modèle propre à une culture? Le problème critique que posent les programmes destinés aux autochtones dans la majorité des établissements (à l'exception du pavillon de ressourcement des délinquantes autochtones) est que le type de communauté thérapeutique qu'on arrive à créer dans la prison n'a pas de ramification à l'extérieur. C'est pourquoi il est peu probable que l'on puisse tirer pleinement profit d'un programme comme celui de la communauté thérapeutique. Pour que les programmes propres à la culture aient des retombées à long terme, la participation en établissement devrait être conforme aux principes de définition des besoins individuels, d'évaluation des risques et de réaction, ainsi qu'aux étapes deux et trois du modèle thérapeutique susmentionné.
Dans l'analyse finale, si l'on détermine par une évaluation contrôlée les avantages des programmes culturels et spirituels destinés aux délinquants autochtones, du fait qu'ils répondent aux besoins individuels et mettent en place, tant dans l'établissement qu'à l'extérieur, une communauté thérapeutique qui renforce les valeurs anticriminelles, on disposera d'une orientation valable et importante à suivre pour les délinquants non autochtones également. Pour la majorité des délinquants, on a mis avant tout l'accent sur les besoins individuels lorsque les méthodes de traitement généralement reconnues et axées sur les connaissances élémentaires et la modification du comportement ont été privilégiées. L'ajout d'un volet de traitement culturel et spirituel pour les délinquants de la culture dominante offre une possibilité intéressante. Entre‑temps, toutefois, des programmes de traitement préliminaire intensif devraient compléter ces programmes réservés aux autochtones. Cette approche requiert une évaluation.
Réduire la récidive et promouvoir la réinsertion sociale
Comme l'illustrent les études qui portent sur l'évaluation, il convient d'allier surveillance intensive et traitement afin de réduire la récidive. Le traitement axé sur l'emploi, les dépendances et les problèmes familiaux est étroitement lié à une baisse des nouvelles condamnations. Il importe donc d'accorder une attention particulière aux toxicomanies, aux problèmes d'emploi et aux conflits familiaux et relationnels, en particulier en ce qui a trait aux autochtones.
On a établi une corrélation entre la baisse du taux de récidive et l'atténuation des conséquences de l'emprisonnement grâce à l'instauration de rapports plus fréquents avec la collectivité et la famille, à l'établissement de meilleurs liens avec le monde extérieur et au transfert des détenus dans des établissements plus petits de niveau de sécurité inférieur. Il semble que les conditions socio-économiques de la libération conditionnelle jouent également un rôle et selon certains, la stabilité économique est le facteur le plus critique. Dans leur enquête auprès des détenues de Californie, Owen et Bloom (1995) concluent que les solutions de rechange à l'emprisonnement sont nécessaires puisque 60 % des femmes ont été incarcérées pour des infractions non violentes. Ils préconisent des sanctions et des programmes communautaires qui s'attaquent aux problèmes au lieu d'exacerber la marginalité de ce groupe. Bien que des programmes d'épanouissement personnel comme les programmes de désaccoutumance, le counseling pour les victimes de mauvais traitements, l'art d'être parent et la réunification familiale soient indispensables pour ce groupe de femmes marginalisées, l'autonomie économique est la pierre angulaire de la non-récidive une fois qu'elles sont sorties de prisonNote de bas de page 294.
Pour les délinquants à qui l'on donne la possibilité de se réinsérer dans une collectivité qui leur assure aide et soutien, l'engagement communautaire joue un rôle thérapeutique. Pour ceux qui n'ont pas cette option, il serait peut-être nécessaire de créer un environnement favorable, par exemple, en confiant à des gens de la collectivité la tâche d'aider le délinquant et de faciliter son recours aux ressources communautaires. L'emplacement géographique de la collectivité est secondaire par rapport à l'intérêt, à la participation et à la volonté de la famille et des membres de la collectivité de participer au processus de réinsertion sociale. Comme on l'a souligné au chapitre précédent, la réinsertion dans des groupes communautaires ayant des valeurs prosociales est également cruciale pour susciter un changement de comportement.
Le programme PreStart, lancé par le Department of Corrections de l'Illinois, est fort prometteur. Il comporte deux volets : une formation et un programme prélibératoires obligatoires et une aide postlibératoire. Il met l'accent sur l'aiguillage vers des centres de services communautaires nouvellement mis sur pied (administrés par les Services correctionnels) dont le but est d'aider les libérés à trouver un emploi, un logement et une aide thérapeutique et fait passer au second plan les fonctions de surveillance de la libération conditionnelle. Selon les évaluations initiales incluant un suivi des participants pendant une année, les taux de récidive ont diminuéNote de bas de page 295.
La concertation du groupe familial largement utilisée en Nouvelle-Zélande et en Australie comme outil de déjudiciarisation pourrait être adaptée afin de faciliter la réinsertion sociale des délinquants libérés. Étant donné les répercussions des infractions (en particulier lorsqu'elles sont graves) dans les petites collectivités où les gens sont unis par des liens de parenté et d'amitié, il pourrait être utile d'adopter une stratégie permettant de parler librement de ces questions et de réunir les familles des délinquants et des victimes pour discuter des conditions de la réinsertion. Cette démarche nécessite la participation des délinquants, des victimes et des personnes ayant une certaine crédibilité aux yeux des délinquants et des victimes. La « collectivité d'aide » déterminerait le processus et les conditions de la réinsertion.
Dans le même esprit, le Conseil des églises pour la justice et la criminologie a récemment proposé un projet afin d'aider les détenues sous responsabilité fédérale dans leur réinsertion sociale à leur libération. Un « groupe ou cercle de justice communautaire » est établi au moment de la détermination de la peine par les services de police locale ou un intervenant du système de justice communautaire. Différentes personnes représentant la délinquante, la victime et la collectivité participent. Le groupe se réunit une fois la peine déterminée afin d'élaborer un plan pour répondre aux besoins de la délinquante à sa libération ainsi qu'aux besoins actuels et futurs de la victime. Le plan serait approuvé par toutes les personnes concernées et l'on entrerait en rapport avec la délinquante au cours de sa détention. D'autres volets du plan seraient mis en œuvre à la libération de la délinquante.
La réinsertion sociale des délinquants autochtones implique d'ordinaire le retour dans la société autochtone. Toutefois, comme de nombreux délinquants autochtones habitent en ville, il semble nécessaire de replacer la réinsertion sociale dans contexte plus vaste. La réinsertion dans les régions urbaines pourrait aller de pair avec la création d'une communauté thérapeutique, pour donner un milieu d'accueil aux délinquants sans liens avec la collectivité ou sans intérêt à son égard.
Christie (1989) affirme qu'à leur sortie des établissements, les délinquants courent le risque, pour quelque raison que ce soit, de devenir des clochards. Aussi ceux qui n'ont aucune solution de rechange adéquate ont-ils tendance à se retrouver dans le centre de grandes villes où ils trouvent des travailleurs sociaux et des maisons de chambres et où ils sont également tolérés. Les quartiers chics les rejettent et les banlieusards serrent les rangs. Comme les centres-villes sont souvent peu recherchés et relativement peu habités, il y a de la place pour eux et ils peuvent y vivre comme dans une sorte de ghetto. Mais ici, ils bénéficient d'« aides » professionnels avec lesquels ils ne nouent pas de liens d'amitié d'égal à égal, mais envers qui ils sont toujours redevables.
Le transfert possible à l'extérieur de la communauté thérapeutique autochtone créée en établissement en plus d'inciter les délinquants à participer à des programmes afin d'améliorer leur niveau d'instruction, leurs possibilités d'emploi, leurs connaissances élémentaires et leur raisonnement cognitif ainsi que d'autres aspects de leur personnalité est peut-être la formule qui a le plus de chances de susciter un changement chez les délinquants autochtones citadins.
Sommaire
On aura probablement beaucoup moins recours à l'incarcération si le système change radicalement et que les autorités administratives et judiciaires choisissent plus systématiquement d'imposer des sanctions de sévérité moyenne. De même, la mise en œuvre de programmes de déjudiciarisation et de dépénalisation de certaines infractions ont des chances de réduire la charge de travail des tribunaux tenus de décider du sort du délinquant et de la peine à lui infliger. Une loi d'ensemble sur les services correctionnels communautaires ainsi qu'une commission permanente de détermination de la peine pourraient être le point de départ du changement et garantir une mise en œuvre et une administration adéquates. Il est impératif d'introduire véritablement des solutions de rechange afin de réduire les taux d'incarcération et de recibler les sanctions communautaires pour qu'elles contribuent à la réinsertion sociale des délinquants. Ces sanctions ne devraient pas faire office de mécanisme de contrôle social destiné à renvoyer les gens en prison. Enfin, ces changements doivent être acceptables pour la collectivité et le système de justice pénale de sorte à être légitimisés et à obtenir un plein appui.
Il importe que les programmes et les traitements en établissement répondent aux besoins des délinquants et donnent lieu à une évaluation pour assurer leur efficacité et faciliter la libération. Les stratégies correctionnelles communautaires comme les centres de fréquentation obligatoire, la surveillance intensive, la surveillance électronique et les camps de type militaire, devraient être évalués afin que l'on détermine leur bien-fondé pour les délinquants autochtones et différents groupes de délinquants non-autochtones.
Malgré les critiques à l'égard des solutions de rechange, des mesures correctionnelles communautaires et de la justice communautaire, il n'est pas question de privilégier le statu quo ou de militer en faveur de sanctions plus sévères. Ces critiques visent plutôt à mettre en lumière la façon dont ces sanctions ont été utilisées et les attentes souvent irréalistes des mesures correctionnelles communautaires et de la justice communautaire compte tenu du peu de ressources allouées et de la rigidité des objectifs. Enfin, malgré les problèmes que posent ces solutions de rechange, elles demeurent tout aussi efficaces et moins onéreuses sur le plan humain que les sanctions plus punitives comme l'incarcération. Le but est de généraliser leur utilisation, de surveiller leur application et de les recibler afin qu'elles atteignent des objectifs plus humains.
Il ne faut pas chercher bien loin pour voir qu'il est possible de réduire l'incarcération au Canada. Il existe des différences de taille au pays concernant le recours à l'incarcération et certaines provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique, qui abritent d'importantes populations autochtones, mais comptent des nombres moins disproportionnés de ces personnes en prison, ont maximisé le recours à des peines non privatives de liberté, en particulier pour le défaut de paiement des amendes, l'ivresse publique et d'autres infractions mineures. D'autres provinces, comme l'Alberta, semblent privilégier l'incarcération, sans que la gravité des infractions commises le justifie. Toutefois, il vaut la peine de souligner à nouveau que les provinces des Prairies, soit l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, comptent les populations autochtones les plus importantes et les plus marginalisées. Il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que le système de justice pénale ou les services correctionnels remédient à ce problème, mais on peut s'attendre à juste titre à ce qu'ils ne l'aggravent pas.
Peut-être que l'intervention immédiate la plus utile serait de lancer immédiatement une campagne de sensibilisation du public en faveur de la réduction du recours à l'emprisonnement et de l'utilisation d'autres méthodes de punition. Il importe d'éduquer le public pour faire valoir l'intérêt des sanctions de sévérité moyenne comme moyen « réel » de punition car, comme Garland l'indique, la signification de la punition est indissociable de la culture qui l'imposeNote de bas de page 296. Ce constat se reflète dans l'utilisation des mesures correctionnelles communautaires comme instruments de contrôle social plutôt qu'aux fins de réinsertion sociale du délinquant. Il conviendrait de mettre en œuvre des programmes comme PreStart et le programme de concertation du groupe familial, qui ont vocation à la fois à répondre aux besoins réels des délinquants et à favoriser la réinsertion sociale plutôt qu'à atteindre des objectifs de justice pénale plus punitifs. C'est donc au niveau de la politique correctionnelle que le virage s'impose.
Soucieux de connaître l'opinion publique à ce sujet, les ministères ont fait des sondages sur plusieurs questions liées à la justice pénale. On a ainsi appris que le public était souvent mal informé à cet égard et cette situation est d'autant plus inquiétante que, comme Braithwaite (1993, p. 11) l'indique, on assiste à une résurgence de politiques de justice pénale visant à fustiger et à ostraciser. Il est peut-être temps d'entreprendre d'informer massivement le public sur les mythes et les réalités de la justice pénale et des services correctionnels. Plus important encore, il faut faire comprendre au public les limites de la solution de l'incarcération dans le processus de resocialisation. Pour combattre la tendance à privilégier le châtiment et réduire la criminalité, on peut accroître l'interdépendance entre les gens. Comme le mentionne Braithwaite (1993, p. 12), quand des relations entre deux classes évoluent pour passer de l'ostracisme à l'interdépendance, on devient plus enclin à éviter l'humiliation entre les classes. Quand la responsabilité à l'égard des délinquants et des infractions dépassera la compétence des services de police, des tribunaux et des prisons, on pourra s'opposer à la soif de vengeance du public.
PARTIE IX : CONCLUSIONS
Le système de justice pénale canadien demeure profondément attaché au principe de l'incarcération, ce qui a des répercussions à la fois sur les délinquants autochtones et les délinquants non autochtones et place le Canada au nombre des plus grands utilisateurs de l'incarcération au monde. Si la mesure dans laquelle cet état de choses reflète les attitudes judiciaires et la culture dans laquelle évolue le système canadien de justice pénale est matière à débat, l'ostracisme et l'opprobre qui frappent les délinquants portent à croire que le recours à l'incarcération par le système de justice pénale bénéficie de l'appui du public et fait indubitablement partie intégrante de la société canadienne. Malgré les arguments fort éloquents mis de l'avant par les criminologues Nils Christie, Thomas Mathiesen et d'autres, les délinquants sont généralement bannis de la « bonne » société et malgré le discours sur la réinsertion sociale, on pratique l'exclusion et la stigmatisation. Nous continuons à mettre sous les verrous des délinquants à faible risque pour lesquels l'emprisonnement ne sera probablement pas plus bénéfique que d'autres sanctions et à qui il fera probablement plus de mal que de bien.
Les initiatives et les intérêts de la justice pénale applicable aux autochtones, conjointement à un courant plus libéral de justice réparatrice ou populaire, nous incitent à penser qu'il existe d'autres façons de s'attaquer à la criminalité et d'intervenir auprès des délinquants. Par ailleurs, le volume croissant d'information correctionnelle sur « ce qui marche » et pour quelles catégories de délinquants nous révèle que les programmes offerts dans la collectivité ont plus de chances de porter fruits que ceux offerts en établissement et que les programmes administrés en fonction des besoins seront probablement plus utiles aux délinquants à risque moyen, qui constituent la majorité des détenus. Il convient de s'engager dans d'autres voies et d'adapter une philosophie différente dans le traitement de la délinquance. Il importe également d'avoir davantage recours aux sanctions communautaires en faisant des instruments de réinsertion sociale des délinquants plutôt que des mécanismes de contrôle et de révocation des délinquants en liberté conditionnelle et en probationNote de bas de page 297.
En raison de leur casier judiciaire chargé, les délinquants autochtones à faible risque et à risque moyen semblent souvent plus dangereux qu'ils ne le sont en réalité. Pour de nombreux autochtones marginalisés, en particulier ceux des établissements provinciaux qui purgent une peine de prison pour défaut de paiement d'amendes, violation des conditions de la probation et autres infractions administratives ainsi que pour une multitude d'infractions mineures, la criminalité est intégrée à un mode de vie qui tourne autour de l'alcool, de l'influence du groupe, du manque d'attaches dans la société de la culture dominante et d'un climat général de dysfonctionnement. Il importe de réagir aux infractions commises par ces groupes dans le contexte plus vaste de leurs problèmes sociaux et de leurs problèmes de santé. Il convient d'établir une distinction entre les délinquants ayant commis des infractions graves et ceux qui ont commis des infractions moins graves et d'intervenir auprès d'eux en conséquence lorsqu'on a recours à l'emprisonnement ainsi qu'aux programmes et au traitement en établissement.
Comment réduire la surreprésentation des autochtones dans les établissements correctionnels? Plusieurs étapes peuvent être envisagées.
Premièrement, on pourrait se tourner vers un type de justice différent qui ne se sert pas du système de justice pénale pour régler des problèmes sociaux. Ensuite, il faudrait changer les principes qui sous-tendent l'utilisation de solutions de rechange à l'incarcération et les personnes qui y sont admissibles et en faire une solution de premier plan, l'incarcération n'étant utilisée qu'en dernier recours. En troisième lieu, il conviendrait d'interdire le recours à l'incarcération pour certaines infractions comme le défaut de paiement des amendes, les atteintes à l'ordre public, les infractions administratives et divers types de violations des conditions de la libération conditionnelle et de la probation. En quatrième lieu, il importe de bien comprendre les besoins des personnes qui se voient infliger une peine d'emprisonnement et de leur offrir des programmes en établissement et des ressources communautaires propres à y répondre. En cinquième lieu, il faut assurer suffisamment de programmes de qualité en établissement. En sixième lieu, il importe de faire des services correctionnels communautaires un outil de réinsertion plutôt qu'un simple mécanisme de contrôle social. Enfin, il convient de s'interroger sur les différences entre les régions concernant la surreprésentation des autochtones dans le système correctionnel, la démographie des populations autochtones et la façon dont le système de justice pénale traite les délinquants autochtones et non autochtones, afin d'allouer les ressources aux provinces, aux collectivités autochtones et aux populations qui en ont le plus besoin.
1. Causes de la surreprésentation
Traitement différentiel de la justice pénale et type d'infraction
On sait peu de choses sur le traitement des délinquants autochtones par la justice pénale, en particulier en ce qui a trait aux accusations, au cautionnement et à la poursuite, mais l'information sur la prise de décision concernant la peine est plus complète. En général, les délinquants autochtones, en particulier ceux qui sont sous responsabilité fédérale, se voient infliger des peines plus courtes que les non-autochtones, même si l'on tient compte du type d'infraction commise. Simultanément, on a néanmoins plus souvent recours à l'incarcération qu'aux mesures correctionnelles communautaires pour cette catégorie de délinquants aux étapes de la détermination de la peine et de la libération. Cette situation est due en partie à des conditions de vie déplorables.
On dispose de peu d'information sur la surveillance policière renforcée dans ce que la police appelle les quartiers « à problème » des villes, et l'accusation différentielle des autochtones. On ne dispose pas non plus d'information sur les décisions du ministère public concernant le cautionnement ou les poursuites touchant les délinquants autochtones. Il existe sans aucun doute des différences au pays, mais il est important de noter que les provinces, en particulier celles qui affichent les taux d'incarcération d'autochtones les plus élevés, s'interrogent sur l'existence possible d'un préjugé non justifié dans la façon dont les décisions sont prises, préjugé qui défavorise indûment les autochtones ou les délinquants. Il est possible également que la surveillance policière renforcée soit une façon de régler des problèmes sociaux dans les quartiers de la ville les plus défavorisés où il n'existe pas de services plus appropriés. Malheureusement, toutefois, le résultat final semble être la criminalisation de problèmes comme l'alcoolisme, la clochardise, les conflits familiaux, etc.
Si l'on examine les données correctionnelles fédérales et provinciales, on constate une certaine uniformité dans la façon dont le système correctionnel intervient auprès des délinquants, qu'ils soient autochtones ou non. Le type d'infraction, les antécédents criminels et le niveau de risque dictent en général les décisions concernant la peine et la mise en liberté des deux groupes. Il existe une exception : les délinquants autochtones sous responsabilité fédérale purgent des peines plus courtes, en particulier dans les régions des Prairies et du Pacifique, même si l'on tient compte du type d'infraction et de leur surreprésentation dans les catégories d'infractions plus graves. L'évaluation du risque et la gravité de l'infraction commise expliquent, le cas échéant, les différences entre autochtones et non-autochtones, par exemple les taux de libération conditionnelle moins élevés pour les délinquants autochtones sous responsabilité fédérale. Le fait que les délinquants autochtones que l'on condamne à de plus courtes peines demeurent plus longtemps en incarcération donne à penser que la Commission nationale des libérations conditionnelles, quand elle prend des décisions en matière de libération conditionnelle, compense légèrement l'indulgence du système envers les délinquants autochtones en tenant compte des facteurs de risque et du type d'infraction. Bien que les délinquants autochtones soient plus nombreux à être incarcérés que placés sous surveillance dans la collectivité pour des infractions figurant aux annexes I et II, ils commettent beaucoup plus d'infractions (c'est-à-dire homicides involontaires et voies de fait causant des lésions corporelles) pour lesquelles l'incarcération serait indiquée.
Les niveaux de risque et de besoins de même que le taux de récidive des délinquants autochtones sous responsabilité fédérale sont en général plus élevés que ceux des non-autochtones. Quand on compare la peine purgée par les délinquants avant d'être libérés, on constate que les délinquants autochtones sont libérés plus tôt que leurs homologues non autochtones. Cette situation est directement liée au fait que les délinquants autochtones obtiennent des peines d'emprisonnement plus courtes. Toutefois, quand la durée de la peine est pondérée en fonction de la durée de la peine purgée, les délinquants autochtones purgent une portion plus grande de leur peine. Ces constatations portent à croire que la durée de la peine est un facteur bien plus important que la race quand on détermine la durée de la peine purgée. Il est possible que les délinquants autochtones éprouvent plus de difficultés à obtenir leur libération en raison des évaluations des besoins et de risques plus élevés pour la collectivité et d'une plus grande difficulté à élaborer un plan de libération conditionnelle du fait qu'ils sont plus nombreux à être issus d'un milieu dysfonctionnel, à être peu scolarisés, à avoir des lacunes en ce qui a trait aux compétences professionnelles et à bénéficier d'un appui moins marqué de la collectivité.
Incidence différentielle des politiques et pratiques de justice pénale
Les politiques et pratiques de justice pénale comme le recours à l'emprisonnement pour des infractions administratives, des atteintes à l'ordre public et le défaut de paiement des amendes établissent une discrimination disproportionnée à l'encontre des groupes autochtones les plus marginalisés. De même, les décisions de recours aux solutions de rechange communautaires à l'incarcération dépendent de certains principes et pratiques de détermination de la peine voulant que l'on évalue le risque en fonction du soutien de la famille et de la collectivité, de l'emploi, de l'éducation et de l'existence de problèmes de toxicomanie. Le fait qu'on s'appuie sur ces facteurs pour déterminer la peine peut sérieusement réduire les chances des délinquants autochtones de se voir infliger des peines non privatives de liberté. Les données présentées dans le présent rapport portent à croire que les délinquants autochtones ont de la difficulté à obtenir leur libération conditionnelle en raison des types d'infraction qu'ils commettent, mais que leur situation est par surcroît aggravée par divers facteurs, dont la difficulté à élaborer des plans de libération conditionnelle adéquats en raison du climat malsain de la collectivité où ils retourneraient ou de l'absence de points de chute. Ce fait a été souligné par les intervenants du système correctionnel et de la collectivité.
2. Programmes dans les établissements
Tous les délinquants présentent certaines caractéristiques communes, par exemple un milieu familial dysfonctionnel, la pauvreté, le dossier scolaire, les pairs, l'enfance marquée par la violence et la maltraitance, qui favorisent toutes le comportement criminel et les attitudes antisociales. Les délinquants autochtones se distinguent sur trois plans : degré d'exposition à ces facteurs, géographie et culture. Il existe des différences entre les délinquants autochtones en ce qui concerne chacun de ces facteurs. Toutefois, malgré l'absence de preuves empiriques indiquant que les délinquants autochtones connaissent moins leur culture qu'un groupe comparable d'autochtones non délinquants, ou que leurs différences par rapport aux délinquants en général sont plus nombreuses que leurs similarités, la culture est devenue le principal objet des programmes. Malgré tout, on dispose de peu d'information sur l'incidence des programmes culturels sur la récidive ou sur la vie des détenus après leur élargissement.
Bien qu'on ait peu évalué les programmes réservés aux autochtones, l'un des attributs les plus souvent mentionnés de cette approche est qu'elle renforce le sentiment d'identité des délinquants autochtones et leur apprend qui ils sont. Elle leur confère également un sentiment d'appartenance à un groupe de personnes avec lesquelles ils partagent des expériences de vie et le vécu propre aux autochtones. Ils peuvent se sentir moins jugés et, en conséquence, être plus disposés à parler franchement. C'est ce qui permet au groupe de créer une communauté thérapeutique. Compte tenu des circonstances de la vie et du milieu d'origine de nombreux délinquants autochtones, cette communauté leur procure peut-être la rare expérience de se retrouver dans un milieu accueillant. Le fait que, dans certains établissements, les groupes autochtones exercent un pouvoir considérable peut rehausser le sentiment personnel de puissance.
Nous avons peu à ajouter à ce qui a été dit à la partie V, où l'on examinait de façon assez détaillée les programmes de la culture dominante et les programmes réservés aux autochtones. Nous répétons que l'analyse des besoins des délinquants et des risques qu'ils représentent ainsi que l'association de la culture autochtone et de celle de la majorité, c'est-à-dire l'exploitation de la culture afin de créer le contexte le plus propice à la prestation du traitement le plus efficace, sont la clé de l'efficacité des programmes destinés aux autochtones. Il s'agit de l'élément « réceptivité » qui est au coeur d'une stratégie de traitement efficace. Les délinquants réagissent différemment à certains programmes. Le type et le style des programmes et des traitements ainsi que leur mode d'exécution devraient tenir compte des caractéristiques d'apprentissage du délinquant et de sa compréhension de la culture. Les délinquants devraient pouvoir accepter ou refuser l'option culturelle, qui devrait être l'un des nombreux facteurs à prendre en compte pour déterminer la façon la plus appropriée d'exécuter des programmes.
Nous aimerions également souligner qu'il faudrait déterminer la mesure dans laquelle les programmes en place pour les autochtones tiennent compte des résultats concernant l'efficacité des programmes destinés à la population générale de délinquants. Il faut se demander par exemple s'ils corrigent les lacunes du raisonnement fondamental par le développement des aptitudes cognitives et sociales, reconnaissent les différences individuelles entre les délinquants, assurent des services plus intensifs aux délinquants à risque élevé, adoptent un style et un mode de traitement tenant compte des caractéristiques d'apprentissage des délinquants, intègrent des programmes afin de traiter chaque problème des délinquants et sont mis en œuvre et administrés comme il se doit. Cerner les besoins et déterminer les programmes efficaces n'est pas non plus très utile si les établissements ne prennent aucun engagement et ne disposent pas de ressources suffisantes et d'un climat propice pour assurer la prestation adéquate des programmes. Si la population carcérale était moins nombreuse, les objectifs du programme et des établissements seraient plus faciles à atteindre.
Selon l'information dont on dispose, on constate qu'il faudrait envisager une démarche triple à l'égard du traitement des délinquants autochtones. Dans le cadre de la première démarche, on exécute des programmes préliminaires intensifs de sorte que les délinquants autochtones puissent profiter au maximum des programmes destinés aux délinquants de la culture dominante, en particulier les programmes d'enseignement, de développement des aptitudes cognitives et d'acquisition des connaissances élémentaires. Le succès apparent des programmes de traitement préliminaire de l'alcoolisme réservés aux délinquants autochtones et le fait que la recherche ait cerné un dysfonctionnement personnel plus extrême chez les délinquants autochtones que chez les délinquants non autochtones viennent corroborer cette recommandation.
Dans le cadre de la deuxième démarche, on continue à offrir aux délinquants intéressés des programmes à contenu culturel et spirituel puisque ces programmes semblent attirer les délinquants autochtones et leur donner le sentiment d'identité qui leur fait cruellement défaut.
La troisième démarche consiste à exécuter les programmes les plus efficaces dans un contexte adéquat, c'est-à-dire un contexte où l'on comprend les besoins et les réalités des délinquants.
Si l'on adopte la démarche triple, on a de meilleures chances de répondre aux besoins des délinquants autochtones, y compris celui d'être moins isolé des délinquants non autochtones.
Toute politique correctionnelle devrait mettre l'accent sur la réinsertion sociale du délinquant dans une collectivité qui lui prêtera aide et soutien. Aucun fonds ni aucune ressource n'ont été alloués afin de mettre sur pied le réseau de soutien indispensable. Tant pour les hommes que pour les femmes, les programmes pré- et postlibératoires — en particulier les programmes qui satisfont les besoins en matière de logement, de toxicomanie et d'emploi — sont essentiels si l'on veut réduire la récidive. Les programmes plus généraux, comme ceux qui améliorent les connaissances et les compétences liées au rôle parental, revêtent également de l'importance. La justice communautaire ou les conseils consultatifs peuvent aider à la mise sur pied des programmes nécessaires qui, s'ils étaient offerts dans la collectivité, répondraient aux besoins individuels tout en facilitant la réinsertion sociale. Il serait peu réaliste d'attendre des collectivités qu'elles réservent un accueil favorable aux délinquants sans savoir si leur comportement a changé. Parallèlement, toutefois, il faut que des mesures soient prises pour répondre aux besoins les plus urgents des collectivités autochtones afin qu'elles changent et soient capables de jouer le rôle qu'on attend d'elles au niveau de la prestation de services satisfaisants aux délinquants par la prise de décisions, la surveillance ou la réinsertion sociale ou encore par la participation à des plans de déjudiciarisation et de détermination de la peine.
3. L'aspect politique de la justice applicable aux autochtones
Quels sont les éléments politiques des services correctionnels offerts aux autochtones? On a généralement attribué la surreprésentation au racisme et à la discrimination lors de la prise de décisions, malgré l'absence de preuves empiriques à l'appui de cette affirmation. Toutefois, la nature délicate de l'emprisonnement disproportionné d'un groupe qui a été autrefois colonisé et qui est maintenant marginalisé a fortement influé sur les mesures de réforme, comme le prouvent les conférences correctionnelles et les débats publics sur la justice applicable aux autochtones, qui portent souvent autant sur la politique de transformation que sur la politique relative à la justice pénale. Les délinquants autochtones affirment-ils de plus en plus leur identité sur le plan politique et ce fait se reflète-t-il en partie dans leur hésitation à participer aux programmes et au traitement ou dans leur refus d'y participer?Note de bas de page 298. Le cas échéant, cette situation peut compromettre leur réinsertion sociale.
Quel est le rôle des collectivités autochtones dans tout cela? Existe-t-il une discordance entre ce que désirent les bureaucrates et les hommes politiques, d'une part, et les collectivités, d'autre part, pour les délinquants autochtones? Les mouvements en faveur de la réinsertion sociale des délinquants et de la justice communautaire ont-ils eu une assise largement politique du fait que ces questions portent sur l'autonomie gouvernementale des autochtones et la volonté de prendre en main l'administration de la justice? Le gouvernement ne rend-il pas un mauvais service aux délinquants et aux collectivités autochtones en voulant réduire le taux d'incarcération des autochtones et augmenter le taux de mise en liberté? Quel est le véritable rôle des collectivités dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques et programmes correctionnels?
Selon les résultats des recherches, à certains égards, c'est de la base que viennent les initiatives, en particulier dans les services correctionnels fédéraux pour autochtones. Les objectifs politiques des autochtones à grande échelle en ce qui concerne l'administration de la justice et les changements politiques ont, dans une certaine mesure, occulté les problèmes à petite échelle des délinquants autochtones à risque élevé et des collectivités à problème. Ce sont ces problèmes qui sont à l'origine de la surreprésentation et qui continueront à grever les systèmes de justice pénale, qu'ils soient administrés par la culture dominante ou par les autochtones. À moins que les collectivités les plus vulnérables ne deviennent moins criminogènes et que les crimes de violence soient en baisse, le système de justice pénale continuera à jouer un rôle majeur dans la vie de nombreux autochtones.
Bien que les similarités entre les délinquants autochtones et non autochtones puissent être plus nombreuses que les différences, les problèmes avec lesquels les délinquants autochtones sont aux prises sont plus graves et ont une dimension historique et culturelle qui n'existe pas pour les délinquants non autochtones. Bon nombre des héritages historiques et des réalités contemporaines qui façonnent le cheminement criminel des délinquants autochtones influencent également les collectivités autochtones. La justice communautaire doit, en conséquence, tenir compte de la réalité des collectivités et ne pas dépasser les limites de tout système de justice pénale afin de favoriser les processus de transformation.
4. Les services correctionnels dans une société multiraciale
Quel est l'avenir des services correctionnels dans une société de plus en plus multiraciale? Comment cerner les différences entre les races et les mettre en évidence dans les programmes afin d'assurer la prise en compte de tous les besoins individuels, quelle que soit l'origine ethnique du délinquant? Les programmes devraient-ils être axés sur le groupe ou sur la personne? Dans quelle mesure les établissements correctionnels du Canada parviennent-ils et parviendront-ils à faire face à la diversité ethnique et raciale accrue de la population carcérale?
Dans une étude sur la race et le système de justice pénale, Roberts et Doob (1994) affirment que la question de la race prendra de plus en plus d'importance dans le système de justice pénale à mesure que le caractère multiracial de la population canadienne s'accentuera. Ils soutiennent que bien que les autochtones aient été jusqu'à ce jour le groupe minoritaire le plus visible au sein du système correctionnel et du système de justice pénale au Canada, le nombre de groupes minoritaires comme les Noirs et les Asiatiques augmente rapidement dans certaines provinces. Par exemple, bien que l'on connaisse le nombre d'autochtones admis dans les établissements correctionnels de la Colombie-Britannique, on ne connaît pas le nombre d'Asiatiques, malgré l'augmentation importante de cette population dans la province. Dans ce contexte, Alvin Toffler affirmerait que les établissements correctionnels en place sont une réponse de « deuxième vague » à des problèmes de « troisième vague » et que cette situation deviendra de plus en plus évidente à mesure que la population carcérale se diversifieraNote de bas de page 299. Devant les pressions en faveur d'une réforme de l'intérieur du système (émanant par exemple, des fraternités et des sonorités des autochtones) ou par l'abandon du système (dans les demandes de création de systèmes indépendants de justice administrés par les autochtones), les établissements correctionnels et les décideurs n'ont pas réagi en se penchant sur la nécessité de refaçonner les établissements correctionnels afin de tenir compte de la nouvelle facette du Canada; ils ont plutôt tenu compte de ces pressions en créant des groupes dotés d'un statu particulier dans les établissements. Néanmoins, cette démarche garantit le maintien de l'établissement dans sa forme de « deuxième vague ».
Observations finales
Revenons au thème central du présent rapport et demandons-nous quel sera l'avenir de la justice applicable aux autochtones. Les autochtones au Canada modifient actuellement la nature de leurs relations avec la société dominante et l'État canadien. L'autonomie est un produit tangible de cette modification, qui pourra aider les réserves à devenir des éléments du paysage canadien plus viables sur le plan économique, autonomes, conscients de leur dignité et respectés, tout en favorisant la création de sociétés démocratiques plus justes. Dans les régions urbaines, le développement et la planification communautaires sont nécessaires afin de réduire le risque que plusieurs générations successives d'autochtones ne vivent en ghetto dans des quartiers pauvres du centre-ville. Il est possible que ces changements dans la réserve et hors de celle-ci, plus que toute autre politique ou programme particulier relatif à la justice pénale, entraînent une baisse des démêlés qu'ont les autochtones avec la justice.
En fin de compte, toutefois, il nous faut décider du type de contrôle social à imposer afin d'obtenir l'ordre, l'observation des règlements, la stabilité et la protection sans empiéter sur la liberté individuelle. Cohen (1995) affirme que la réalisation de ces objectifs n'est pas simplement synonyme d'efficacité (réussite instrumentale), mais aussi de justice (réussite normative). Pour déterminer les lignes directrices permettant de mesurer le succès — dont les aboutissements sont la justice sociale, la démocratie et les droits de la personne, qui font l'objet d'une évaluation normative plutôt qu'empirique, il écrit :
[traduction]Ici, nous pourrions chacun établir notre propre liste. Sur la mienne, j'accorderais la préférence aux méthodes qui donnent lieu à la réinsertion sociale plutôt qu'à l'exclusion; qui (selon Nils Christie) abolissent ou réduisent au maximum la durée de la peine infligée délibérément; qui permettent la participation active des citoyens; qui réduisent le pouvoir de monopoles professionnels et bureaucratiques; qui assurent la responsabilisation et la démocratie au sein de l'organisation, etc. (Cohen, 1994, p. 85).
Les autochtones et les collectivités désirent-ils poursuivre dans la même voie, c'est-à-dire mettre les délinquants sous les verrous? Lorsqu'il retrace l'histoire de la pénologie et les perspectives sociologiques de la punition, Garland (1985, 1991) fait remarquer que Durkheim considérait les prisons comme un mécanisme de moralisation; Marx, comme un élément de réglementation des classes; Foucault, comme un exercice du savoir et du pouvoir, et Elias, comme un concept édicté par la culture. Garland est d'avis que la démarche multidimensionnelle est celle qui explique le mieux le recours aux établissements carcéraux dans la société occidentale. Il faut considérer la prison comme une institution complexe qui joue à la fois un rôle pénal et social et jouit de ce fait d'un soutien social. Jamais elle n'est parvenue à réduire la récidive ou à prévenir le crime; toutefois, l'appui à la prison en tant qu'institution demeure solide, car, comme Garland l'explique, la prison offre une forme subtile et situationnelle de violence qui permet d'infliger le châtiment de façon suffisamment discrète et « niable » pour qu'il soit acceptable sur le plan culturel pour la plupart des gensNote de bas de page 300. Pour conclure, il indique que d'ordinaire, les sanctions ne permettent pas de réduire la criminalité car :
[traduction]
...comme Emile Durkheim et d'autres l'ont mentionné, seuls les processus de socialisation de la culture dominante (moralité intériorisée et sens du devoir, encouragements informels et récompenses en cas de conformité, réseaux pratiques et culturels d'attentes mutuelles et d'interdépendance, etc.) sont capables de favoriser le comportement adéquat de façon uniforme et régulière (Garland, 1991, p. 158).
À quoi une société civilisée devrait-elle allouer ses ressources? À la punition ou à la prévention?
LEÇONS TIRÉES
- À des fins d'établissement de programmes et d'autres fins, reconnaître les différences entre les délinquants autochtones et non autochtones, et les différences entre les délinquants autochtones eux-mêmes, comme la connaissance de la spiritualité et de la culture et l'intérêt à cet égard, le vécu et la perception des problèmes et des besoins.
- Évaluer convenablement les délinquants autochtones relativement aux problèmes, aux besoins et aux niveaux de risque.
- Reconnaître les besoins spéciaux de nombreux délinquants autochtones, c'est-à-dire le manque d'éducation et de rapport avec les non-autochtones et, par conséquent, encourager la participation aux programmes en offrant des programmes de traitement préliminaire intensif.
- S'assurer que les délinquants autochtones ont accès aux programmes qui répondent à leurs besoins et problèmes particuliers.
- Sélectionner le personnel, lui apprendre à travailler avec des délinquants autochtones et à comprendre toute la gamme de leurs besoins et réalités, à être respectueux et encourageant, à offrir un appui, à ne pas poser de jugement et à établir une relation stable avec le délinquant.
- Surveiller la qualité et la prestation des programmes correctionnels offerts aux délinquants autochtones dans l'établissement et la collectivité.
- S'assurer que les principes d'efficacité des programmes qui s'appliquent à la population carcérale générale s'appliquent également aux délinquants autochtones.
- Régler chaque problème majeur des délinquants dans le cadre d'un programme intégré.
- Informer suffisamment les délinquants et leur laisser choisir parmi les programmes de traitement offerts dans l'établissement ou la collectivité.
- Créer pour les délinquants autochtones dans les établissements et à l'extérieur une « communauté thérapeutique » qui leur donnera des encouragements, de l'amitié, un sentiment d'identité et un soutien.
- Reconnaître que la réinsertion sociale du délinquant dépend du bien-être de la collectivité et que la réinsertion positive nécessite un changement de comportement et l'identification à des personnes ayant des attitudes prosociales.
- Souligner l'importance de répondre aux besoins de la collectivité vivant en ville et dans des réserves à des fins de prévention du crime et de réinsertion sociale.
- Encourager dans les collectivités autochtones un développement communautaire qui tienne compte du besoin de sécurité des collectivités comme condition préalable à la réinsertion sociale des délinquants.
- S'assurer qu'une structure est créée dans la collectivité pour accueillir le détenu élargi.
- Encourager l'intervention de la collectivité auprès des délinquants qui retournent dans la société afin que les familles ne soient pas isolées.
- Aider les familles des délinquants à changer leur propre comportement.
ORIENTATIONS FUTURES DES RECHERCHES ET DE L'ÉVALUATION RELATIVES AUX SERVICES CORRECTIONNELS POUR AUTOCHTONES
Plusieurs activités importantes de surveillance, de recherche et d'évaluation devraient être mises en œuvre au cours des prochaines années. Elles sont énoncées ci-après :
- Activités de surveillance
- Surveillance et analyse des admissions, des libérations, des dénombrements, de la durée des peines, des données sur la mise en liberté et des données sur les services correctionnels communautaires afin de s'assurer que l'on dispose de l'information la plus à jour à des fins d'élaboration de programmes et de politiques.
- Surveillance de l'exécution, de la qualité et du nombre de programmes offerts aux délinquants de la culture dominante et aux autochtones dans tous les établissements provinciaux et fédéraux, y compris les pavillons de ressourcement pour les femmes autochtones.
- Surveillance de la proportion et des caractéristiques des délinquants autochtones participant aux programmes destinés aux délinquants de la culture dominante et à ceux réservés aux autochtones dans les établissements correctionnels provinciaux et territoriaux.
- Surveillance des attitudes et des points soulevés par les administrations des établissements relativement à des programmes réservés aux autochtones; appui aux programmes dans le contexte de l'établissement.
- Études spéciales
- Différences entre les régions, les provinces et les territoires en ce qui concerne les caractéristiques culturelles et structurelles et les risques et les besoins des détenus autochtones.
- Différences entre les régions, les provinces et les territoires en ce qui concerne les caractéristiques de la population autochtone, les infractions des délinquants autochtones et la peine qui leur infligée dans les établissements correctionnels et l'administration de la justice pénale applicable aux autochtones et aux non-autochtones accusés (possibilité de comparer à petite échelle les accusations, les poursuites et les condamnations entre les autochtones eux-mêmes et entre les autochtones et non-autochtones par type d'infraction et selon les autorités correctionnelles).
- Comparaisons des facteurs de risque de récidive pour divers groupes de délinquants autochtones, y compris les inscrits et les non-inscrits, ceux vivant dans la réserve ou hors de la réserve, en région urbaine, rurale ou éloignée.
- Examen de la littérature portant sur les modèles de réinsertion sociale des délinquants libérés et les incidences pour les délinquants autochtones.
- Sondages d'opinion comparatifs menés dans les régions auprès des autochtones et des non-autochtones concernant le recours à l'emprisonnement et aux diverses solutions de rechange à l'incarcération.
- Activités d'évaluation
- Mise en œuvre et évaluation des programmes préliminaires intensifs en tant que principe de la philosophie de traitement et qu'élément permettant de prédire le nombre de participants et de finissants des programmes d'enseignement, d'emploi et autres.
- Évaluation de la philosophie et de la qualité des programmes en place réservés aux autochtones en faisant référence aux besoins individuels des délinquants autochtonesNote de bas de page 301.
- Évaluation de l'efficacité du personnel autochtone et non autochtone auprès des délinquants autochtones, y compris la sélection et la formation.
- Suivi à long terme auprès des délinquants autochtones qui mènent à bien des programmes culturels dans les établissements correctionnels, y compris les pavillons de ressourcement pour les délinquantes autochtones et les CRC, en ce qui a trait à la récidive; à la création d'une communauté thérapeutique au sein et en dehors de l'établissement; à l'adoption d'attitudes prosociales, à la réinsertion sociale et à l'amélioration de la vie en famille et au sein de la collectivité; à la participation à des programmes d'emploi, d'enseignement et de loisirs et à la satisfaction de la vaste gamme de besoins autres que les besoins spirituels et culturels par les programmes de traitement réservés aux autochtones. (Suivi auprès des délinquants autochtones qui mènent à bien des programmes réservés aux autochtones et auprès d'un groupe qui n'a pas participé à ces programmes).
- Efficacité de diverses solutions de rechange à l'incarcération comme les centres de fréquentation obligatoire, les services communautaires, la surveillance intensive de la probation, la surveillance électronique et les camps de type militaire pour divers groupes de délinquants et délinquantes autochtones.
- Évaluation de diverses approches de réinsertion sociale.
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ANNEXES I : DONNÉES DE CINQ PROVINCES :MÉTHODOLOGIE
Méthodologie :
Pour permettre de comparer les données d'une même province et d'une province à l'autre, nous avons demandé à cinq provinces ¾ la C.-B., l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l'Ontario ¾ de fournir des données sur le sexe, l'âge, le type d'infraction, l'admission (délinquants condamnés et en détention provisoire), la durée de la peine, la mise en liberté, la surveillance des délinquants en liberté sous caution, la probation, la libération conditionnelle et la récidive des autochtones et non-autochtones pour les années 1988 à 1995. Il y avait un écart considérable dans les données fournies. Les données sur les autochtones et les non-autochtones de chaque province peuvent être comparées si l'on tient compte des particularités de la collecte dans chaque province. L'examen ci-dessous décrit l'ensemble de données et les catégories utilisées pour l'analyse. Les limites de l'analyse d'une province à l'autre seront évidentes aux yeux du lecteur.
1. Aperçu
La données de la C.-B. répondent à toutes les spécifications pour tous les éléments d'information demandés pour les années 1988 à 1995. Le Manitoba arrive au deuxième rang en ce qui concerne l'ensemble de données le plus complet, mais au moment de la demande de données, cette province n'a pas pu fournir des données sur la surveillance des délinquants en liberté sous caution ou sur les admissions de délinquants condamnés pendant une année complète pour 1995-1996. L'Ontario n'a pas fourni de données sur toutes les catégories pour les années 1988-1989, et les données de 1991-1992 ne portent que sur 10 mois. L'Alberta a fourni des données sur sept ans, mais l'ensemble de données ne contient rien sur la surveillance des délinquants en liberté sous caution, la libération conditionnelle et la probation, et les données sur l'admission de délinquants en détention provisoire sont limitées. La Saskatchewan n'a pu fournir des données que pour deux années (1993-1995), et les données sur la surveillance des délinquants en liberté sous caution, la probation et la libération conditionnelle sont limitées.
2. Catégories
a) Admissions de délinquants condamnés :
Le Manitoba, l'Ontario et la Saskatchewan fondent les données sur le type d'infraction sur l'infraction la plus grave tandis que celles de la C.-B., la Saskatchewan et l'Alberta sont fondées sur l'ensemble des infractions. En Alberta et en Saskatchewan, la durée de la peine est également fondée sur l'infraction tandis que dans les autres provinces elle est basée sur le délinquant (c.-à-d. l'infraction la plus grave). Trois éléments supplémentaires ont été fournis. Le Manitoba a fourni des renseignements sur les peines discontinues; l'Alberta, sur l'instruction, l'emploi et les infractions selon la durée de la peine dans le cas des admissions de délinquants condamnés et la Saskatchewan, sur le nombre d'infractions. Les délinquants sous responsabilité fédérale de l'Alberta et de la Saskatchewan qui purgent leur peine dans un établissement provincial figurent dans l'ensemble de données sur les admissions de délinquants condamnés parce qu'il était impossible de distinguer ces délinquants, mais ceux-ci figurent distinctement dans les autres ensembles de données des provinces.
b) Détention provisoire
Ces données sont généralement comparables d'une province à l'autre.
c) Admissionspour non-paiement d'amende
Toutes les provinces ont fourni des pourcentages. L'Ontario a également fourni des données sur le type d'infraction, et la Saskatchewan, sur l'âge, le sexe, le type d'infraction et la durée de la peine.
d) Surveillance des délinquants en liberté sous caution
Données disponibles pour la C.-B. seulement.
e) Probation
Des données ne sont disponibles que pour le Manitoba, la C.-B. et l'Ontario, mais à des fins de comparaison, il a fallu remanier les catégories de durée de la peine. Les données du Manitoba s'appliquent à l'année financière tandis que les autres s'appliquent à l'année civile.
f) Libération conditionnelle
Données disponibles pour la C.-B. et l'Ontario, mais les données de l'Ontario ne portent que sur l'âge, le sexe, la récidive et la durée de la peine.
3. Limites des données
a) Âge
Ily a un écart d'une province à l'autre. Les catégories d'âge en C.-B., en Saskatchewan et au Manitoba sont les mêmes, mais elles diffèrent en Ontario et en Alberta. Il a donc fallu procéder à une reclassification; par conséquent, il n'y a maintenant que quatre catégories.
b) Sexe
Données comparables d'une province à l'autre.
c) Type d'infraction
Pour toutes les provinces, sauf la C.-B., les données portent sur les infractions au Code criminel, aux lois provinciales et fédérales ainsi qu'aux règlements municipaux. Il n'y a pas de données provinciales et municipales pour la C.-B. Les données sur les crimes contre la propriété ou la personne, relatives aux drogues et aux lois fédérales et provinciales et aux règlements municipaux (lorsqu'ils sont disponibles) sont généralement comparables. Il peut y avoir des différences entre les provinces en ce qui concerne les données relatives aux infractions à des lois fédérales ou provinciales et à des règlements municipaux, mais dans l'ensemble, les données sont comparables.
Il y a cependant un écart considérable en ce qui concerne les infractions des catégories de l'administration et de l'ordre public. En Alberta, les deux catégories sont combinées. Dans les autres provinces, elle sont séparées, mais comprennent des infractions différentes. Par exemple, les infractions relatives aux armes et à la conduite figurent dans les infractions relatives à l'ordre public au Manitoba, mais non dans les autres provinces. Par conséquent, le nombre d'infractions relatives à l'ordre public peut sembler plus élevé dans certaines provinces que dans d'autres, mais la différence n'est pas nécessairement réelle. Les infractions relatives à l'administration sont généralement comparables pour la C.-B., le Manitoba, la Saskatchewan et l'Ontario, sauf que la C.-B. englobe également les infractions à certaines autres lois fédérales.
d) Durée de la peine
Il y a six groupes de durée de la peine dans certaines provinces et moins dans d'autres. Afin de les rendre comparables d'une province à l'autre, cinq nouveaux groupes ont été établis. Cependant, pour les analyses des données de chaque province, les groupes restent intacts.
e) Jours depuis l'admission
Il s'agit de la période réelle purgée depuis l'admission jusqu'à la mise en liberté. Ces données ne sont disponibles que pour la Saskatchewan, la C.-B. et le Manitoba;
f) Récidive
Des données sur la récidive ont été fournies par toutes les provinces, sauf la SaskatchewanNote de bas de page 302. Cependant, il y avait une variation dans les catégories de récidive, à savoir :
- Aucuns démêlés antérieurs avec le système correctionnel pour adultes - C.-B. et Manitoba
- Incarcération antérieure (aucune peine) - Manitoba;
- Incarcération antérieure (peine) - Manitoba, Alberta et C.-B.
- Détention antérieure d'adultes - Ontario
- Probation antérieure d'adultes - Ontario
- Probation et détention antérieures de jeunes - Ontario
Divers :
Des données sur la récidive pour seulement deux ans étaient disponibles pour le Manitoba, car un nouveau système a été instauré. La C.-B., la Saskatchewan et l'Alberta ont fourni des données sur le nombre moyen d'infractions par délinquant condamné admis; et la C.-B. a fourni des renseignements sur le genre de détention.
ANNEXE II: DONNÉES POUR CINQ PROVINCES :TABLEAUX
INFRACTIONS À DES LOIS FÉDÉRALES
ANNEXE I
(Alinéas 107(1), 125(1) et 126(1) et articles 129 and 130)
1. Une infraction prévue par l'une des dispositions suivantes du Code criminel :
a) alinéa 81(2)a) (causer intentionnellement des blessures);
b) article 85 (usage d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction);
c) paragraphe 86(1) (braquer une arme à feu);
d) article 144 (bris de prison);
e) article 151 (contacts sexuels);
f) article 152 (incitation à des contacts sexuels);
g) article 153 (personnes en situation d'autorité);
h) article 155 (inceste);
i) article 159 (relations sexuelles anales);
j) article 160 (bestialité, usage de la force, en présence d'enfants ou incitation de ceux-ci);
k) article 170 (père, mère ou tuteur qui sert d'entremetteur);
l) article 171 (maître de maison qui permet, à des enfants ou en leur présence, des actes sexuels interdits);
m) article 172 (corruption d'enfants);
n) paragraphe 212(2) (vivre des produits de la prostitution d'un enfant);
o) paragraphe 212(4) (obtenir les services sexuels d'un enfant);
p) article 236 (homicide involontaire coupable);
q) article 239 (tentative de meurtre);
r) article 244 (fait de causer intentionnellement des lésions corporelles);
s) article 246 (fait de vaincre la résistance à la perpétration d'une infraction);
t) article 266 (voies de fait);
u) article 267 (agression armée ou infliction de lésions corporelles);
v) article 268 (voies de fait graves);
w) article 269 (infliction illégale de lésions corporelles);
x) article 270 (voies de fait contre un agent de la paix);
y) article 271 (agression sexuelle);
z) article 272 (agression sexuelle armée, menaces à une tierce personne ou infliction de lésions corporelles);
z.1) article 273 (agression sexuelle grave);
z.2) article 279 (enlèvement);
z.3) article 344 (vol qualifié);
z.4) article 433 (incendie criminel ¾ danger pour la vie humaine);
z.5) article 434.1 (incendie criminel ¾ biens propres);
z.6) article 436 (incendie criminel par négligence);
z.7) alinéa 465(1)(a) (complot en vue de commettre un meurtre).
2. Une infraction prévue par l'une des dispositions suivantes du Code criminel, dans leur version antérieure au 1er juillet 1990:
a) article 433 (incendie criminel);
b) article 434 (incendie — dommages matériels);
c) article 436 (incendie criminel par négligence).
3. Une infraction prévue par l'une des dispositions suivantes du Code criminel , chapitre c-34 des Statuts révisés du Canada de 1970, dans leur version antérieure au 4 janvier 1983:
a) article 144 (viol);
b) article 145 (tentative de viol);
c) article 149 (attentat à la pudeur d'une personne du sexe féminin);
d) article 156 (attentat à la pudeur d'une personne du sexe masculin);
e) article 245 (voies de fait ou attaque);
f) article 246 (voies de fait avec intention).
ANNEXE II
(Paragraphes 107(1) et 125(1) et articles 129, 130 et 132)
1. Une infraction prévue par l'une des dispositions suivantes de la Loi sur les stupéfiants:
a) article 4 (trafic de stupéfiants);
b) article 5 (importation et exportation);
c) article 6 (culture);
d) article 19.1 (possession de biens obtenus par la perpétration d'une infraction);
e) article 19.2 (recyclage des produits de la criminalité).
2. Une infraction prévue par l'une des dispositions suivantes de la Loi sur les aliments et drogues :
a) article 39 (trafic des drogues contrôlées);
b) article 44.2 (possession de biens obtenus par la perpétration d'une infraction);
c) article 44.3 (recyclage des produits de la criminalité);
d) article 48 (trafic des drogues d'usage restreint);
e) article 50.2 (possession de biens obtenus par la perpétration d'une infraction);
f) article 50.3 (recyclage des produits de la criminalité).
SOURCE: Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (1992-11-01)
ANNEXE III: QUESTIONNAIRES D'ENQUÊTE
QUESTIONNAIRE: PERSONNEL CORRECTIONNEL
Le ministère fédéral du Solliciteur général recueille des données sur les « meilleures pratiques » en matière de services correctionnels pour les autochtones. Le présent questionnaire a pour objet de fournir des renseignements aux fins de l'établissement de politiques dans un certain nombre de secteurs correctionnels. En raison d'un manque de matériel d'évaluation officiel, nous cherchons à obtenir des renseignements auprès des personnes ayant une expérience en matière de services correctionnels sur ce qu'elles considèrent comme les meilleures pratiques à appliquer pour travailler avec les délinquants, les autochtones en particulier. Nous aimerions également savoir ce que vous considérez comme les orientations les plus fructueuses à suivre à l'avenir. Nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir remplir le questionnaire suivant, car votre expérience et vos connaissances sont essentielles au succès du projet. Tous les renseignements sont confidentiels, et votre nom ne sera pas indiqué. Aucune de vos réponses ne vous sera attribuée à vous ou à votre organisme. Veuillez être aussi honnête et aussi franc que possible.
Nous posons des questions sur un certain nombre de domaines. Il nous serait très utile que vous donniez le plus de détails possible en remplissant le questionnaire. Comme il est indiqué plus haut, nous voulons surtout savoir ce que vous considérez comme les meilleures pratiques, c.-à-d. ce qui, à votre avis, fonctionne le mieux et qu'il pourrait être utile d'adopter ailleurs. Nous aimerions également connaître les différences et les ressemblances entre les délinquants autochtones et non autochtones. Veuillez indiquer si vos observations se rapportent uniquement à des délinquantes. Nous vous remercions de bien vouloir prendre le temps de répondre au questionnaire.
À quel niveau travaillez-vous?
1. fédéral
2. provincial
3. territorial
4. Premières nations/secteur privé
Quel genre de service votre établissement/organisme/unité offre-t-il?
Depuis combien de temps travaillez-vous dans le domaine des services correctionnels ou dans des domaines connexes aux services correctionnels (p. ex. la toxicomanie)?
Quelle sorte d'expérience avez-vous acquise en travaillant avec des délinquants autochtones ou en traitant de questions relatives aux services correctionnels pour autochtones?
Avez-vous travaillé surtout avec
1. des Inuit?
2. d'autres autochtones?
3. seulement des autochtones, y compris les Inuit?
4. des non-autochtones?
5. seulement des autochtones et des non-autochtones?
6. des Inuit et des autochtones
Avez-vous travaillé surtout avec
1. des hommes?
2. des femmes?
3. des hommes et des femmes?
1. Ressemblances et différences entre les délinquants
QUELLES SONT LES RESSEMBLANCES (C.-À-D. CARACTÉRISTIQUES PERSONNELLES, INFRACTIONS, ETC.) ENTRE LES DÉTENUS AUTOCHTONES ET LES DÉTENUS NON AUTOCHTONES?
- quelles sont les différences?
QUELLES DIFFÉRENCES Y A-T-IL ENTRE LES DÉTENUS AUTOCHTONES EUX-MÊMES? EST-IL IMPORTANT DE LES CONNAÎTRE AUX FINS DES PROGRAMMES?
- y a-t-il des différences dans la façon dont les groupes ci-dessus s'adaptent ou réagissent à l'incarcération?
- aux services correctionnels communautaires?
- dans l'affirmative, veuillez expliquer les différences.
QUELLE SERAIT LA MEILLEURE FAÇON DE DÉTERMINER CES RESSEMBLANCES ET CES DIFFÉRENCES AUX FINS DU TRAITEMENT OU DES PROGRAMMES?
- est-ce la méthode utilisée maintenant?
2. Évaluation et classement des détenus
LES DÉTENUS AUTOCHTONES SONT-ILS ÉVALUÉS AVEC PRÉCISION À LEUR ADMISSION AU SUJET DE LEURS BESOINS EN MATIÈRE DE PROGRAMMES OU DE LEURS AUTRES BESOINS?
- dans la négative, expliquez quelle pratique permettrait d'obtenir une meilleure évaluation.
LES DÉLINQUANTS AUTOCHTONES SONT-ILS CLASSÉS CORRECTEMENT EN CE QUI CONCERNE LE NIVEAU DE SÉCURITÉ NÉCESSAIRE?
- dans la négative, pourquoi en est-il ainsi et comment peut-on améliorer la situation?
LES DÉLINQUANTS AUTOCHTONES SONT-ILS INCARCÉRÉS POUR DES INFRACTIONS MOINS GRAVES QUE LES DÉTENUS NON AUTOCHTONES?
- dans l'affirmative, expliquez.
3. Programmes, services et besoins
a) Établissement :
À VOTRE AVIS, QUELS SONT LES PRINCIPAUX PROBLÈMES AUXQUELS FONT FACE TOUS LES DÉTENUS, PAR EXEMPLE, SUR LE PLAN PERSONNEL, SOCIAL, ÉDUCATIF, ETC.? VEUILLEZ DONNER UNE DESCRIPTION DÉTAILLÉE.
- détenus autochtones?
QUEL EST LE DEGRÉ DE CORRESPONDANCE ENTRE LES PROGRAMMES OU SERVICES OFFERTS ET LES BESOINS INDIVIDUELS DES DEUX GROUPES?
QUELS PROGRAMMES OU SERVICES DE L'ÉTABLISSEMENT SONT LES PLUS UTILES POUR LES DÉLINQUANTS AUTOCHTONES?
- pour les détenus non autochtones?
Y A-T-IL DES DIFFÉRENCES DANS LA FAÇON DONT CES DIVERS GROUPES ONT RECOURS AUX PROGRAMMES OU SERVICES DE L'ÉTABLISSEMENT?
- dans l'affirmative, expliquez.
CROYEZ-VOUS QUE LES SERVICES DEVRAIENT ÊTRE OFFERTS DIFFÉREMMENT AUX DÉTENUS AUTOCHTONES ET NON AUTOCHTONES?
- dans l'affirmative, expliquez.
SI VOUS ÉTIEZ CHARGÉ DES PROGRAMMES DE L'ÉTABLISSEMENT, QUE CHANGERIEZ-VOUS POUR LES DEUX GROUPES?
- pour les détenus autochtones ?
SELON VOTRE EXPÉRIENCE, LES PROGRAMMES QUI PORTENT SUR LA CULTURE, LA SPIRITUALITÉ ET LES VALEURS AUTOCHTONES TRADITIONNELLES CHANGENT-ILS LE COMPORTEMENT OU LE MODE DE VIE DES DÉTENUS AUTOCHTONES QUI Y PARTICIPENT?
LES PROGRAMMES RELIGIEUX OU CULTURELS MODIFIENT-ILS LE COMPORTEMENT OU LE MODE DE VIE DES DÉTENUS NON AUTOCHTONES?
Y A-T-IL DES PROGRAMMES À L'INTENTION DES GROUPES DE LA MAJORITÉ QUI POURRAIENT ÊTRE UTILES AUX DÉTENUS AUTOCHTONES, MAIS AUXQUELS ILS N'ONT PAS RECOURS?
- dans l'affirmative, pourquoi n'y ont-ils pas recours?
-dans la négative, pourquoi ne sont-ils pas utiles?
Y A-T-IL DES PROGRAMMES AUTOCHTONES QUI POURRAIENT ÊTRE UTILES AUX DÉTENUS NON AUTOCHTONES?
- dans l'affirmative, pourquoi n'y ont-ils pas recours?
- dans la négative, ne sont-ils pas utiles?
DIRIEZ-VOUS QU'EN GÉNÉRAL, LES RESPONSABLES DES PROGRAMMES OU DES SERVICES POUR LES AUTOCHTONES ONT REÇU UNE FORMATION OU ONT ACQUIS DES CONNAISSANCES OU DES COMPÉTENCES SUFFISANTES?
- programmes et services pour les non-autochtones?
QUELS SONT, À VOTRE CONNAISSANCE, LES TROIS PROGRAMMES OU SERVICES CORRECTIONNELS LES PLUS VALABLES À L'INTENTION DES DÉTENUS AUTOCHTONES?
QUELLES SONT LES PRINCIPALES LACUNES DES PROGRAMMES ET SERVICES À L'INTENTION DES DÉTENUS AUTOCHTONES?
SI VOUS AVIEZ LE POUVOIR DE METTRE EN OEUVRE LE MEILLEUR PROGRAMME POUR LES DÉTENUS AUTOCHTONES DANS LES ÉTABLISSEMENTS, QUEL SERAIT-IL ET QUI LE DIRIGERAIT?
b) Mise en liberté et période postlibératoire
LE TAUX DE MISE EN LIBERTÉ ANTICIPÉE DES DÉTENUS AUTOCHTONES EST-IL LE MÊME QUE CELUI DES DÉTENUS NON AUTOCHTONES?
- dans la négative, pourquoi y a-t-il une différence?
CERTAINS INDIVIDUS OU GROUPES ONT-ILS BEAUCOUP DE DIFFICULTÉ À ÊTRE MIS EN LIBERTÉ AVANT LA FIN DE LEUR PEINE?
- dans l'affirmative, pourquoi?
CETTE SITUATION A-T-ELLE CHANGÉ AU COURS DES CINQ DERNIÈRES ANNÉES?
- dans l'affirmative, comment?
- dans la négative, qu'est-ce qui améliorerait cette situation?
À VOTRE AVIS, Y A-T-IL DES DIFFÉRENCES DANS LA CAPACITÉ DE FORMULER DES PLANS DE LIBÉRATION CONDITIONNELLE ENTRE LES DÉTENUS AUTOCHTONES ET LES DÉTENUS NON AUTOCHTONES?
QUE CHANGERIEZ-VOUS DANS LA PLANIFICATION DE LA MISE EN LIBERTÉ DES DÉTENUS AUTOCHTONES?
QUEL EST LE PROGRAMME LE PLUS UTILE AVANT LA MISE EN LIBERTÉ DES DÉTENUS AUTOCHTONES?
- pourquoi le jugez-vous utile?
QU'EST-CE QUI EXPLIQUE UNE MISE EN LIBERTÉ RÉUSSIE?
L'AIDE POSTPÉNALE ACCORDÉE AUX DÉTENUS AUTOCHTONES EST-ELLE DIFFÉRENTE DE CELLE ACCORDÉE AUX DÉTENUS NON AUTOCHTONES?
- dans l'affirmative, pourquoi?
POUR DIFFÉRENTS GROUPES DE DÉTENUS AUTOCHTONES?
- dans l'affirmative, pourquoi?
QUI RISQUE MOINS DE RÉCIDIVER?
- pourquoi?
À VOTRE AVIS, QUELS FACTEURS OU PROGRAMMES DE L'ÉTABLISSEMENT RÉDUISENT LA RÉCIDIVE?
À VOTRE AVIS, QUELS FACTEURS OU RESSOURCES DE LA COLLECTIVITÉ RÉDUISENT LA RÉCIDIVE?
LES DÉTENUS AUTOCHTONES SONT-ILS GÉNÉRALEMENT CAPABLES DE POURSUIVRE LES PROGRAMMES CULTURELS OU SPIRITUELS À L'EXTÉRIEUR?
EN GÉNÉRAL, CROYEZ-VOUS QU'APRÈS AVOIR BÉNÉFICIÉ DE PROGRAMMES, DE SERVICES OU DE TRAITEMENTS DANS LES ÉTABLISSEMENTS CORRECTIONNELS, LES DÉTENUS AUTOCHTONES PRÉSENTENT UN NOMBRE MOINDRE, SUPÉRIEUR OU ÉGAL DE RISQUES POUR LA SOCIÉTÉ AU MOMENT DE LEUR MISE EN LIBERTÉ?
- si vous croyez qu'ils présentent un nombre supérieur ou égal de risques, quels programmes sont les moins utiles pour la réduction des risques?
4. Options/solutions de rechange en matière de services correctionnels
À VOTRE AVIS, Y A-T-IL DE MEILLEURES SOLUTIONS CORRECTIONNELLES POUR LES DÉTENUS AUTOCHTONES QUE D'ÊTRE INCARCÉRÉS DANS UN ÉTABLISSEMENT CORRECTIONNEL?
Y A-T-IL DES SOLUTIONS DE RECHANGE À L'INCARCÉRATION QUI, À VOTRE AVIS, POURRAIENT ÊTRE MEILLEURES?
CES SOLUTIONS DE RECHANGE DEVRAIENT-ELLES ÊTRE ACCESSIBLES À TOUS OU UNIQUEMENT À CERTAINS DÉTENUS AUTOCHTONES?
- à tous ou seulement aux détenus non autochtones?
5. Réinsertion sociale
À VOTRE AVIS ET SELON VOTRE EXPÉRIENCE, QUELLE EST LA MEILLEURE FAÇON POUR LES DÉTENUS AUTOCHTONES DE RÉUSSIR LEUR RÉINSERTION SOCIALE DANS LEURS COLLECTIVITÉS?
- au sein de leur famille?
LA SITUATION EST-ELLE LA MÊME POUR LES DÉTENUS NON AUTOCHTONES?
QUE DOIVENT SAVOIR OU FAIRE LES COLLECTIVITÉS POUR AMÉLIORER LA RÉINSERTION SOCIALE DES DÉTENUS?
- que doivent savoir ou faire les familles pour l'améliorer?
QUELLES RESSOURCES LES COLLECTIVITÉS DOIVENT-ELLES AVOIR POUR AIDER AU PROCESSUS DE RÉINSERTION SOCIALE OU LE STIMULER?
6. Conclusion
EN GÉNÉRAL ET COMPTE TENU DE VOTRE EXPÉRIENCE EN MATIÈRE DE SERVICES CORRECTIONNELS AVEC LES DÉTENUS AUTOCHTONES ET NON AUTOCHTONES, POUVEZ-VOUS DÉCRIRE CE QUE SONT, À VOTRE AVIS, LES LEÇONS LES PLUS VALABLES TIRÉES AU FIL DES ANS?
- pour les deux groupes?
- pour les détenus autochtones seulement?
CONNAISSEZ-VOUS DES DOCUMENTS UTILES QUI ONT PU ÉCHAPPER À NOTRE ATTENTION?
QU'EST-CE QUE LES SERVICES CORRECTIONNELS POURRAIENT FAIRE DE PLUS POUR ATTIRER ET CONSERVER UN PERSONNEL AUTOCHTONE DE QUALITÉ SUPÉRIEURE?
QUESTIONNAIRE(À L'INTENTION DES DÉTENUS AUTOCHTONES SOUS RESPONSABILITÉ FÉDÉRALE OU PROVINCIALE)
Le ministère du Solliciteur général du Canada recueille des renseignements sur les besoins des détenus autochtones et sur ce qu'ils pensent des programmes dans les prisons et de la mise en liberté. Nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir remplir le questionnaire. Cela ne devrait vous prendre que 20 minutes environ. Nous espérons que la collecte de ces données nous permettra de vous offrir de meilleurs services à vous et aux autres détenus autochtones. Nous vous remettons une enveloppe préaffranchie et préadressée dans laquelle vous pourrez nous remettre le questionnaire. N'écrivez pas votre nom sur le questionnaire. Veuillez mettre le questionnaire dans l'enveloppe, cacheter celle-ci et remettre le questionnaire à la personne qui vous l'a donné. Nous vous remercions de votre aide.
RENSEIGNEMENTS PERSONNELS
1. Âge _____
2. Sexe M____ F____
3. Statut autochtone
Indien inscrit ____
Indien non inscrit ____
Métis ____
Inuit ____
4. Dernière année terminée
Niveau inférieur à la 9e année _____
Études secondaires partielles _____
Diplôme d'études secondaires _____
Études secondaires et plus _____
5. Lieu d'origine?
Collectivité autochtone _____
Collectivité non autochtone _____
6. Où avez-vous passé la plus grande partie de votre vie?
Surtout dans une collectivité autochtone (y compris une réserve) _____
Surtout dans une collectivité rurale _____
Surtout dans une petite ville _____
Surtout dans une ville _____
Combinaison _____
7. Nombre de périodes d'incarcération
Une ____
1 ou 2 incarcérations antérieures ____
3 ou plus ____
8. Première incarcération dans un
établissement fédéral ____
établissement provincial ____
établissement pour jeunes ____
9. La ou les peines antérieures ont été purgées dans
établissement fédéral ____
établissement provincial ____
établissement pour jeunes ____
10. Veuillez indiquer vos besoins (Mettez un (X) sur les lignes qui s'appliquent)
instruction _____
compétences professionnelles _____
lecture _____
culture _____
spiritualité _____
dynamique de la vie _____
problèmes d'alcool _____
problèmes familiaux _____
autre (décrivez) _______________________________________________________________
10a. Quel est, à votre avis, votre principal besoin? ________________________________
CLASSEMENT ET ÉVALUATION
11. Avez-vous été évalué
Oui ____ Non ____
12. Quels étaient les besoins définis dans votre évaluation (Veuillez les énumérer)
____________________________________________________
____________________________________________________
____________________________________________________
____________________________________________________
13. Souscrivez-vous à votre évaluation?
Oui ____ Non ____
14. Veuillez indiquer dans quelle mesure vous souscrivez aux énoncés suivants relatifs à votre classement selon le niveau de sécurité et à votre ou vos évaluations) : (Encerclez le chiffre qui s'applique)
Tout à fait D'accord Sans opinion En désaccord
a) Je crois que j'ai été bien classéselon le niveau de sécurité
1 2 3 4 5
b) Je crois que mes besoins ont été satisfaits?
1 2 3 4 5
15. Croyez-vous que ces besoins ont été définis par les personnes qui s'occupent de vous, par exemple
Oui | Non | En partie | |
---|---|---|---|
Votre agent de gestion des cas | |||
Agent de liaison autochtone | |||
Autres (Veuillez les indiquer) | |||
PROGRAMMES
16. Veuillez indiquer votre degré de participation aux programmes suivants pendant votre incarcération: (Mettez un (X) sur la ligne qui s'applique)
Beaucoup | Parfois | Rarement | Jamais | |
---|---|---|---|---|
a) culturels/spirituels | ||||
b) éducatifs | ||||
c) dynamique de la vie | ||||
d) placement | ||||
e) alphabétisation | ||||
f) counseling de groupe | ||||
g) counseling individuel | ||||
h) purification par l'étuve | ||||
i) alcool et drogues | ||||
j) autres programmes conçus pour les détenus autochtones | ||||
k) autres programmes conçus pour tous |
17. Veuillez indiquer dans quelle mesure vous souscrivez aux énoncés suivants :
(Encerclez le chiffre qui convient)
Tout à fait D'accord Sans opinion En désaccord
a) Je ne participe à un programme que s'il s'adresse spécialement aux détenus autochtones
1 2 3 4 5
b) Tout programme est utile s'il répond à mes besoins
1 2 3 4 5
c) Le personnel m'a dissuadé de participer à des programmes qui n'étaient pas conçus pour les détenus autochtones
1 2 3 4 5
d) Je ne voulais pas participer à des programmes parce que cela me gênait.
1 2 3 4 5
e) Je me sentais écarté des programmes
1 2 3 4 5
f) Les détenus non autochtones peuvent bénéficier des programmes conçus pour les détenus autochtones
1 2 3 4 5
g) Les détenus autochtones peuvent bénéficier des programmes généraux
1 2 3 4 5
h) Les programmes auxquels vous participez devraient dépendre de ce dont vous avez besoin et non de votre statut d'autochtone
1 2 3 4 5
i) Je crois que l'établissement offre tous les programmes dont j'ai réellement besoin
1 2 3 4 5
j) Je crois que l'établissement doit offrir beaucoup plus de programmes à tous les détenus
1 2 3 4 5
PERSONNEL CHARGÉ DES PROGRAMMES
18. Il y a des autochtones qui viennent de l'extérieur de l'établissement pour exécuter les programmes à l'intention des autochtones :
Oui_____ Non______
19. Il y a des autochtones membres du personnel qui exécutent les programmes :
Oui_____ Non_____
20. Veuillez indiquer la mesure dans laquelle vous souscrivez aux énoncés suivants au sujet du personnel de l'établissement :
(Encerclez le chiffre qui s'applique)
Tout à fait D'accord Sans opinion En désaccord
a) Le personnel autochtone comprend généralement les besoins des détenus autochtones.
1 2 3 4 5
b) Le personnel autochtone est généralement bien choisi
1 2 3 4 5
c) Le personnel autochtone a généralement reçu une bonne formation
1 2 3 4 5
d) Le personnel non autochtone qui s'occupe des programmes est généralement bien choisi et a reçu une bonne formation
1 2 3 4 5
e) Le personnel non autochtone qui s'occupe des programmes comprend généralement les besoins des détenus
autochtones
1 2 3 4 5
21. Avez-vous participé à des programmes pour vous préparer à votre mise en liberté :
Oui ____ Non ____
Dans l'affirmative, quels étaient les programmes? (Énumérez-les)
________________________________
________________________________
________________________________
Les avez-vous terminés? Oui ____ Non ____ Seulement quelques-uns _____
MISE EN LIBERTÉ
22. Veuillez indiquer dans quelle mesure vous souscrivez aux énoncés suivants :
(Encerclez le chiffre qui s'applique)
Tout à fait D'accord Sans opinion En désaccord
a) Les détenus autochtones ont plus de difficulté que les détenus non autochtones à obtenir la libération conditionnelle totale
1 2 3 4 5
b) Les détenus autochtones ont plus de difficulté à participer aux programmes de formation dans la collectivité
1 2 3 4 5
c) Les détenus autochtones ont besoin de plus de programmes pour obtenir une mise en liberté
1 2 3 4 5
d) Il y a suffisamment de programmes pour les détenus autochtones après leur mise en liberté
1 2 3 4 5
e) Après la mise en liberté, les programmes autochtones sont plus utiles pour répondre aux besoins des détenus autochtones que les programmes généraux.
1 2 3 4 5
DÉTENUS AUTOCHTONES ET NON AUTOCHTONES
23. Veuillez indiquer dans quelle mesure vous souscrivez aux énoncés suivants :
(Encerclez le chiffre qui s'applique)
Tout à fait D'accord Sans opinion En désaccord
a) Les détenus autochtones et non autochtones ont les mêmes besoins en matière d'emploi et d'instruction.
1 2 3 4 5
b) Les détenus autochtones et non autochtones ont les mêmes problèmes personnels, familiaux ou relatifs à leurs antécédents.
1 2 3 4 5
c) Les détenus autochtones et non autochtones devraient recevoir le même traitement en établissement
1 2 3 4 5
d) Les seules différences entre les détenus autochtones et non autochtones sont culturelles
1 2 3 4 5
e) En général, le personnel traite les détenus autochtones et non autochtones de la même façon .
1 2 3 4 5
EN ÉTABLISSEMENT
24. Dans quelle mesure souscririez-vous aux énoncés suivants sur l'incarcération dans l'établissement?
(Encerclez le chiffre qui s'applique)
Tout à fait D'accord Sans opinion En désaccord
a) Ma famille m'appuie lorsque je suis dans l'établissement
1 2 3 4 5
b) Ma famille me rend visite souvent lorsque je suis dans l'établissement
1 2 3 4 5
c) Ma collectivité d'origine m'appuie lorsque je suis dans l'établissement.
1 2 3 4 5
d) J'ai beaucoup appris sur moi-même et mes problèmes dans l'établissement
1 2 3 4 5
e) J'ai reçu un traitement utile dans l'établissement
1 2 3 4 5
Répondez aux questions ci-dessous seulement si vous avez déjà été incarcéré et mis en liberté.
RETOUR DANS LA COLLECTIVITÉ
25. Dans quelle mesure souscririez-vous aux énoncés suivants au sujet de votre retour dans la collectivité? (Encerclez le chiffre qui s'applique)
Tout à fait D'accord Sans En désaccord
a) Lorsque j'ai quitté l'établissement, je m'estimais prêt à affronter la société
1 2 3 4 5
b) Après ma mise en liberté, j'ai pu poursuivre les pratiques ou programmes autochtones culturels ou spirituels que j'avais entrepris en établissement
1 2 3 4 5
c) Ma famille m'a accueilli à mon retour à la maison
1 2 3 4 5
d) Ma collectivité m'a accueilli à mon retour à la maison
1 2 3 4 5
e) Il n'y avait pas assez de services pour m'aider dans ma collectivité d'origine 1 2 3 4 5
f) Les membres de ma famille comprenaient mes problèmes
1 2 3 4 5
g) Les gens de ma collectivité d'origine comprenaient mes problèmes
1 2 3 4 5
h) Je m'estimais accepté par ma collectivité d'origine et j'éprouvais un sentiment d'appartenance
1 2 3 4 5
QUESTIONNAIRE: COLLECTIVITÉS
La Section des affaires correctionnelles autochtones du ministère du Solliciteur général recueille des données sur les façons les plus prometteuses de traiter les détenus autochtones dans les établissements correctionnels. La réinsertion des délinquants dans leur famille et leur collectivité revêt beaucoup d'importance. Étant donné votre expérience, nous aimerions vous poser des questions sur les détenus qui ont été mis en liberté dans leur collectivité ou placés sous les soins de celle-ci afin de connaître ce que vous considérez comme les meilleures méthodes de réinsertion sociale du point de vue des collectivités et de leur famille. Tous les renseignements sont confidentiels. Nous vous remercions beaucoup de bien vouloir consacrer du temps pour remplir le questionnaire.
Quelle est la situation géographique de votre collectivité?
1. éloignée/isolée/rurale
2. rurale
3. semi-urbaine
4. urbaine
Quel est le nombre d'habitants de votre collectivité?
1. moins de 500
2. 500-1000
3. 1000-3000
4. 3000-6000
5. plus de 6000
-
En général, quels sont à votre avis les principaux besoins des délinquants autochtones mis en liberté provenant d'un établissement correctionnel ou d'un centre résidentiel communautaire?
-
Les besoins des hommes et des femmes sont-ils les mêmes? Dans la négative, quelles sont les différences?
-
Les besoins varient-ils selon les groupes d'âge? Dans l'affirmative, comment?
-
Jusqu'à quel point ces besoins sont-ils compris par les collectivités? par les familles?
-
En général, comment les collectivités répondent-elles aux délinquants qui veulent y retourner? Comment les familles répondent-elles?
-
Les réactions des collectivités diffèrent-elles selon le genre d'infraction commise? Selon l'établissement où la peine est purgée, par exemple, établissement provincial ou fédéral?
-
Les familles sont-elles victimes d'opprobre ou ostracisées lorsque le délinquant se trouve dans un établissement correctionnel? Lorsque le délinquant retourne dans la collectivité?
Dans l'affirmative ou si cela dépend des cas, expliquez.
Dans la négative , expliquez pourquoi. -
À votre avis, quels sont renseignements dont les collectivités ont besoin pour mieux connaître les besoins et les réalités des détenus mis en liberté?
-
Y a-t-il des mesures pour informer les collectivités des besoins et des réalités des délinquants? Dans la négative, quelle est la meilleure façon d'informer les collectivités?
-
Qui a besoin d'être informé?
-
Croyez-vous que les délinquants autochtones sont préparés adéquatement à leur réinsertion dans leur famille ou leur collectivité au moment de leur mise en liberté? Dans la négative, quelle préparation est nécessaire? Qui devrait s'en occuper?
-
À votre avis et d'après ce que vous avez observé, quelle est la meilleure façon pour les collectivités d'aider les délinquants dans leur réinsertion sociale? Pour les familles, d'apporter leur aide? Pour les familles et les collectivités, de collaborer?
-
À votre avis, quels sont les services ou ressources de la collectivité dont ont besoin les délinquants autochtones pour leur réinsertion sociale?
-
Sont-ils disponibles actuellement dans votre collectivité?
-
Quel niveau de formation, de connaissances et d'expérience devraient posséder les personnes qui dispensent ces services? Les ressources actuelles permettent-elles d'employer ces personnes?
-
Quelles sont les autres mesures susceptibles d'être prises pour encourager les collectivités et les familles à accepter le retour des délinquants et à leur accorder l'appui et l'aide dont ils ont besoin?
-
Enfin, quels sont les autres facteurs dont il importe de tenir compte pour prodiguer des soins « correctionnels » aux détenus autochtones?
Notes de bas de page
- 1
Merry, 1995, p. 11.
- 2
La «déconstruction» remet en cause toutes les hypothèses traditionnelles concernant la capacité de la langue de représenter la réalité.
- 3
Snider, 1995a, p. 31.
- 4
ibid.
- 5
Voir Biles et MacDonald, 1992; Broadhurst et al., 1994.
- 6
voir Hamilton et Sinclair, 1992; Rudin, 1995, p. 3; Oka, 1995, pp. 199-210; Kingfisher, 1995, p. 13.
- 7
Lors d'une récente conférence sur la prise en charge et la détention des délinquants autochtones, le grand chef de la nation Sto'Lo a tenu les propos suivants : «nous voulons réinstaurer notre propre système de justice. Je propose que nous nous occupions sérieusement nous-mêmes du règlement des conflits et que nous n'acceptions pas de législation subordonnée» (1995, p. 40).
- 8
voir Young et Brown, 1993.
- 9
Young et Brown (1993) indiquent que ces taux ne visent pas la même année. Les chiffres concernant les États-Unis font état de la population carcérale en 1989, tandis que pour le Royaume-Uni, les chiffres concernent l'année 1990.
- 10
En 1990, les États-Unis affichaient un taux d'incarcération de 455 pour 100 000 habitants, devançant l'Afrique du Sud et l'ancienne Union soviétique, qui occupaient la deuxième et la troisième place respectivement. Ce chiffre devrait augmenter de 30 p. 100 d'ici 1995 (Mauer, 1992).
- 11
MacMahon, 1992; Zimring et Hawkins, 1991.
- 12
Langan, 1991.
- 13
Pour plus d'information par pays, voir McMahon, 1992; Graham, 1990; Fiselier, 1992; Downes, 1988 et Walker, Collier et Tarling, 1990, respectivement.
- 14
Zimring et Hawkins, 1991.
- 15
Nuttal et Pease, 1994, p. 317.
- 16
p. ex. : Langan, 1991; Marquart, Bodapati, Walker, Collier et Tarling, 1990.
- 17
op cite 10.
- 18
Marvell et Moody, 1991; Zimring et Hawkins, 1991.
- 19
voir Marquart et al., 1993; Blumstein, 1988; Bottomley, 1990.
- 20
Aux États-Unis, les peines peuvent être plus longues en raison de la poursuite pour manquement aux conditions de la libération conditionnelle et d'autres délits commis pendant cette libération (Young et Brown, 1993).
- 21
Voir Young et Brown, 1993; Petersilia, 1993; Tonry, 1994b.
- 22
[traduction] «La plupart des mesures de l'activité économique sont fortement corrélées et le lien théorique explicite est plus important avec l'emploi et le chômage que toute autre mesure de la croissance et de l'activité économique.» (Zimring et Hawkins, 1991, p. 134). D'autres variables ont toutefois été étudiées. Mentionnons à titre d'exemple les taux d'inflation (p. ex. : Lessan, 1991), les recettes publiques (p. ex. : Michalowski et Pearson, 1990) et les richesses publiques (p. ex. : Taggart et Winn, 1993).
- 23
Young et Brown, 1993; Inverarity et McCarthy, 1988.
- 24
par exemple, Box et Hale, 1982; Lessan, 1991; Arvanites, 1993; Michalowski et Pearson, 1990.
- 25
par exemple, Taggart et Winn, 1993; Wirt, 1983.
- 26
voir Michalowski et Pearson, 1990; Zimring et Hawkins, 1991.
- 27
Young et Brown, 1993, pp. 39-40.
- 28
voir Pease, 1991.
- 29
voir Ekland-Olson, Kelly et Eisenberg, 1992; Marvell et Moody, 1994.
- 30
voir Clarke, 1994; Hofer, 1991; Steffensmeier et Harer, 1993.
- 31
Irwin et Austin, 1994.
- 32
Les États‑Unis ont enregistré les hausses les plus fortes à ce chapitre ces dernières années en grande partie en raison de l'accroissement de la consommation de drogues illégales, des politiques sur la détermination de la peine, qui rendent obligatoire l'incarcération, et du durcissement des attitudes du public qui exige davantage le recours à l'incarcération (département de la Justice des États‑Unis, 1992). En 1991, la Floride a eu beaucoup plus recours à l'emprisonnement dans le cas des infractions relatives aux drogues, ce qui a accéléré la mise en liberté anticipée. Cet État a donc enregistré le taux d'incarcération le plus élevé, mais la durée de séjour la plus courte, d'où le traitement inexistant ou minime dont ont bénéficié les détenus (Austin, 1991a).
- 33
voir le Rapport de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, 1987; McMahon, 1992; Christie, 1993.
- 34
Le taux d'incarcération est plus élevé au Canada qu'en Australie, au Bangladesh, en Chine, aux Fidji, en Indonésie, au Japon, au Népal, au Sri Lanka, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Phillipines. Les chiffres sont également semblables en ce qui concerne le recours à l'emprisonnement des personnes en détention provisoire non reconnues coupables même si parmi les pays susmentionnés, le Bangladesh, Singapour, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Sri Lanka ont des taux plus élevés que le Canada à ce chapitre (Australian Institute of Criminology, 1994).
- 35
CCSJ, 1995.
- 36
Young et Brown, 1995a, p. 5.
- 37
voir van Dijk et Mayhew, 1992, p. 31-41.
- 38
Broadhurst, 1996, p. 70.
- 39
Cela signifie que si la police de la Saskatchewan, par exemple, inculpe des prévenus plus souvent que celle de la C.-B. pour des infractions semblables, un problème se pose dans le système correctionnel de la Saskatchewan.
- 40
voir LaPrairie, 1994.
- 41
Les taux d'inculpation peuvent également varier selon que la police ou les procureurs prennent la décision en matière d'inculpation. Par exemple, au Québec, en C.-B. et au Nouveau-Brunswick, les procureurs prennent les décisions tandis qu'en Saskatchewan et dans toutes les autres provinces, ce rôle appartient à la police.
- 42
voir CCSJ, Nombre de cas des tribunaux de juridiction criminelle pour adultes — tendances, 1991-1992 à 1993-94, 1995e.
- 43
Le fait que la C.-B. affiche les taux d'inculpation les plus faibles revêt de l'intérêt, car Vancouver compte l'une des plus importantes populations autochtones de tous les grands centres urbains. Les recherches ont montré que la majorité des infractions sont commises par des autochtones dans les centres urbains; pourtant la C.-B. a le moins de taux d'incarcération disproportionnés comparativement aux autres provinces de l'Ouest et aux territoires.
- 44
En 1993-1994, le taux des admissions de personnes condamnées dans les établissements fédéraux pour 10 000 adultes inculpés variait de 2 369 en Alberta à 911 en Nouvelle-Écosse; sans les admissions pour défaut de paiement d'amende, il variait de 452 au Manitoba à 1 906 à l'Î.-P.-É. Les taux de la Saskatchewan pour les admissions de personnes condamnées avec paiement ou non-paiement d'amende s'établissaient à 1 608 et à 1 029, respectivement. Les taux de l'Ontario étaient de 1 365 et de 1 241. Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, le Québec et le Yukon affichaient tous des taux plus élevés que la Saskatchewan dans les deux catégories. Les taux provinciaux des admissions de personnes condamnées de 1989 à 1994 étaient plus élevés en Alberta, au Québec, au Nouveau-Brunswick, et à l'Î.-P.-É. qu'en Saskatchewan. (CCSJ, 1994a, p. 32).
- 45
Ministère du Procureur général, C.-B., 1995.
- 46
CCSJ, 1994a, p. 41.
- 47
SCC, 1995, p. 1.
- 48
En 1993-1994, les femmes représentaient 9 % des personnes admises dans les établissements provinciaux du Canada. La Saskatchewan et l'Alberta (les deux provinces affichant les niveaux d'incarcération des autochtones les plus élevés) ont déclaré un pourcentage d'admissions de femmes plus élevé que la moyenne — 11 % et 12 %, respectivement (CCSJ, 1994a, p.34).
- 49
On se sait pas si les baisses ou les hausses étaient le résultat de modifications dans la perpétration des infractions ou les pratiques en matière d'inculpation ou de détermination de la peine.
- 50
Le pourcentage des admissions pour non-paiement d'amende s'établissait à 39 % au Québec, 36 % en Saskatchewan, 35 % en Alberta, 25 % au Manitoba et à l'Î.-P.-É. et à 13 % au Yukon et en Nouvelle-Écosse. Les données sur quatre ans pour l'Ontario et le Nouveau-Brunswick n'étaient pas disponibles. Au cours de recherches antérieures, Hann et Kopelman (1987, p. 15-16) ont constaté des écarts entre les provinces et territoires en ce qui concerne la composition des admissions en détention. Par exemple, dans le cas des infractions relatives à la conduite avec facultés affaiblies, les admissions pour non-paiement d'amende représentaient 40 % ou plus des admissions en détention dans certaines provinces et 25 % dans d'autres.
- 51
L'annexe des infractions figure à l'Appendice.
- 52
Ces infractions comprenaient 20 % des condamnations les plus graves en Saskatchewan comparativement à 18 % au Québec, 15 % au Yukon, 8 % en Nouvelle-Écosse et 6 % à l'Î.-P.-É. L'incarcération était la peine la plus sévère dans 51 % des cas ayant abouti à des condamnations à l'Î.-P.-É., 24 % en Nouvelle-Écosse, 27 % au Québec, 31 % en Saskatchewan et 44 % au Yukon (CCSJ, Statistique sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, 1995c, p. 5).
- 53
CCSJ, 1994a, p. 36.
- 54
voir McMahon, 1992.
- 55
L'analyse des caractéristiques des cas de cinq tribunaux du Canada a révélé qu'au moins 30 % des cas ont fait l'objet d'une ordonnance de probation et qu'une amende a été imposée dans 35 % des cas de personnes condamnées au Yukon, et dans au moins 50 % des cas des personnes condamnées dans les quatre autres provinces, y compris la Saskatchewan. Les amendes étaient les plus élevées à l'Î.-P.-É. et les plus faibles au Québec (CCSJ, 1995c, p. 5)
- 56
CCSJ, 1995a.
- 57
CCSJ, publication no 885-211 au cat., 1994a.
- 58
CCSJ Juristat, vol.15, no 4, 1995a, p. 6-7. Moyenne des années 1989 à 1994.
- 59
En 1993, en Saskatchewan 75 % des cas de personnes ayant comparu devant les tribunaux ont abouti à des condamnations, et de ce nombre, 50 % se sont vu imposer une amende, 23 % ont fait l'objet d'une ordonnance de probation et 31 % ont été condamnées à une peine d'incarcération. Les condamnations en Saskatchewan étaient semblables à celles des autres provinces, et l'utilisation des peines d'incarcération dans cette province se trouvait à mi-chemin entre les autres.
- 60
CCSJ, Statistique sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, 1995c.5
- 61
voir CCSJ, 1993a, b;1994a, b; 1995a, b, c, d, e; Hann et al, 1983; Roberts, 1988; Hann et Kopelman, 1987.
- 62
Au moyen des données de Hann, Roberts (1988, p. 35-36) donne des exemples de cet écart. La durée médiane de la peine pour voies de fait simples au Québec était d'une semaine contre cinq mois en Saskatchewan. Les cas d'agression causant des lésions corporelles se sont vu imposer en moyenne 39 % des peines d'incarcération tandis que le pourcentage pour l'Ontario s'élevait à 63 %. Dans le cas de la contrefaçon, , le pourcentage s'étant vu infliger des peines d'incarcération en Saskatchewan était de 33 % contre 60 % au Québec.
- 63
voir Hagan, 1974; Stenning, 1993; Roberts et Doob, 1994.
- 64
Une des rares études sur les facteurs culturels et structurels et l'incarcération des autochtones; on y a constaté le lien le plus étroit entre un certain nombre de facteurs démographiques et socio-économiques et les variables dépendantes de l'incarcération (Muirhead, 1982).
- 65
voir LaPrairie, 1990; Roberts et Doob, 1994.
- 66
CCSJ, 1993a, p. 35.
- 67
LaPrairie, 1994.
- 68
CCSJ, 1993a, p. 25-26.
- 69
Young et Brown, 1993, p. 41.
- 70
Angus Reid, 1994a; 1994b.
- 71
Angus Reid, 1994b.
- 72
op. cit, p. 56.
- 73
Ministère des Affaires indiennes et du Nord, 1994, p. 89-91.
- 74
LaPrairie, 1994.
- 75
ibid.
- 76
Selon des données de certains milieux, les établissements construits à une fin servent souvent à une autre fin. Par exemple, un document rédigé dans les années 60 sur les caractéristiques des enfants autochtones dans certaines écoles résidentielles a révélé que 60 % des enfants ont été admis à des fins de bien-être social plutôt qu'à des fins éducatives (Caldwell, 1967).
- 77
Dans un document récent établissant un lien entre le crime et le chômage, un économiste de Cambridge soutient que les données de 41 corps de police d'Angleterre et du Pays de Galles en 1992 confirment le lien étroit entre les crimes contre la propriété et le chômage. Il cite également l'enquête longitudinale du Cambridge Institute of Criminology auprès de 400 hommes principalement blancs du centre-ville qui a conclu que, pour lutter efficacement contre le crime et les causes du crime, nous devons lutter contre deux des causes très bien documentées du crime: le chômage et la pauvreté (NARCO, 1995p. 21).
- 78
En dépit du manque de données canadiennes, Milestone (1995, p. 13) soutient que les chiffres des États-Unis sont révélateurs,. Une étude récente effectuée dans ce pays a révélé qu'entre le tiers et la moitié de tous les malades psychiatriques ont été arrêtés, et une autre étude a révélé qu'environ 30 000 des personnes souffrant de troubles mentaux attendaient d'être inculpées, jugées ou de subir une évaluation psychiatrique.
- 79
voir Irwin, 1985; Austin et Irwin, 1990; Irwin et Austin, 1994.
- 80
voir le Bureau of Justice Statistics, 1991.
- 81
Australian Institute of Criminology, 1992.
- 82
Tonry, 1994a.
- 83
Mauer, 1992.
- 84
Tonry, 1994a.
- 85
voir Jaynes et Williams, 1990.
- 86
Tonry, 1994b.
- 87
Mauer, 1992; Blumstein, 1993.
- 88
Blumstein, 1993.
- 89
p. ex., Myers, 1993.
- 90
Easteal, 1993.
- 91
Tournier et Barre, 1990.
- 92
voir Tournier et Barre, 1990; Greenfeld et Minor-Harper, 1991.
- 93
Dobash, Dobash et Gutteridge, 1986; voir National Association, 1992.
- 94
voir Snell, 1994; Easteal, 1993.
- 95
Crawford, 1988.
- 96
Shaw, 1991.
- 97
voir Mann, 1988.
- 98
Pollock-Byrne, 1990.
- 99
op. cit., p. 21.
- 100
Willson, 1987.
- 101
Owen et Bloom, 1995:181.
- 102
Snell, 1994.
- 103
Easteal, 1993.
- 104
op. cit., p. 21.
- 105
voir Jackson, 1989, et Broadhurst, 1996, respectivement.
- 106
En Australie, les aborigènes risquent 15 fois plus que les autres de connaître la prison, mais ont 8,3 fois plus de chance de se voir notifier une ordonnance correctionnelle non privative de liberté (Lincoln et Wilson, 1994, p. 65). Toutefois, Broadhurst (1996) a examiné les admissions par suite d'une condamnation et les dénombrements entre 1990 et 1993 et a observé des baisses chez les aborigènes et des augmentations chez les non-aborigènes dans les deux catégories. Au Canada, il semblerait que le nombre d'autochtones soit à la hausse selon les admissions et les dénombrements quotidiens. On ne sait toutefois pas si la proportion d'autochtones condamnés et écroués a baissé au Canada.
- 107
Les données fédérales ont été fournies par le Secteur de l'imputabilité et de la mesure du rendement, SCC.
- 108
York, 1995, p. 3.
- 109
CCSJ, 1994a. Les taux ont été calculés à partir des données du CCSJ sur les admissions par suite d'une condamnation et de celles sur le Recensement des autochtones de 1991.
- 110
voir Johnson et Rodgers, 1993; Shaw, 1994.
- 111
voir LaPrairie, 1994; Direction de la planification, 1975; McCaskill, 1970, 1985; Waldram, 1992; Comack, 1993; Birkenmeyer et Jolly, 1981.
- 112
LaPrairie, 1994.
- 113
op cite 3.
- 114
voir Service correctionnel du Canada et Commission nationale des libérations conditionnelles, 1995.
- 115
voir Doob et al., 1994; Irvine, 1978; Moyer, 1992; Direction de la planification, 1975.
- 116
Waldram, 1992, pp. 16-18.
- 117
voir LaPrairie, 1994. L'un des aspects les plus intéressants de cette distinction est qu'elle décompose les sous-catégories de la classe «inférieure». Ceci évoque un problème lié à l'utilisation de variables comme la classe inférieure dans les recherches sur les prévisions du comportement criminel. Il serait peut-être plus utile de comprendre le degré de marginalisation dans la catégorie de la classe inférieure que de la catégorie générale pour envisager la conduite criminelle et le traitement des délinquants autochtones.
- 118
Birkenmeyer et Jolly, 1981; Muirhead, 1982; LaPrairie, 1994.
- 119
Birkenmeyer, lors d'une conversation, 1995.
- 120
LaPrairie, 1992; Auger et al., 1993; Moyer et al., 1985; Hann et Harman, 1992.
- 121
Doob et al, 1994, p. 30.
- 122
York, 1995, p. 10.
- 123
ibid., p. iii.
- 124
Selon une étude sur les délinquants autochtones du Nord dans les établissements fédéraux, les infractions avec violence sont prédominantes et plus de la moitié de ces délinquants avaient déjà été condamnés au moins une fois pour une infraction sexuelle (Johnstone, 1995).
- 125
Secteur de l'imputabilité et de la mesure du rendement, SCC, 2 juillet 1995.
- 126
Aucune donnée sur les infractions menant à la détention provisoire n'est disponible pour l'Alberta.
- 127
Johnson et Rodgers, 1993, p. 111.
- 128
Il semble y avoir eu au fil des ans certains changements concernant le type d'infractions commises par les femmes autochtones. Par exemple, en 1981, Birkenmeyer et Jolly ont constaté que les femmes en Ontario étaient plus susceptibles que les hommes d'être accusées d'infractions relatives à l'alcool, mais moins qu'eux d'être accusées d'infractions contre les biens. Elles étaient également plus susceptibles d'être accusées de défaut de paiement des amendes. Dans des travaux ultérieurs, Shaw (1994) a découvert que les principales différences entre les femmes autochtones et celles de l'échantillon plus vaste de 1991-1992 étaient le nombre élevé de femmes autochtones accusées de voies de fait mineures et d'infractions liées à l'état d'ébriété.
- 129
Doob et al. (1994, p. 43) ont constaté qu'en 1988, les femmes autochtones constituaient en Ontario une proportion plus élevée des autochtones soupçonnés d'avoir commis un homicide.
- 130
op cite 6.
- 131
York, 1995; Hann et Harman, 1992.
- 132
York, 1995, p. iii.
- 133
Les chiffres utilisés dans la présente analyse visent des délinquants ayant commis une seule infraction figurant à l'annexe. Ceux qui comptent à leur actif plus d'une infraction figurant à l'annexe ou un crime sont exclus. Seuls la tentative de meurtre, les voies de fait causant des lésions corporelles, l'agression sexuelle, le vol qualifié et le trafic ont été utilisés à des fins de comparaison. Les infractions choisies sont celles mentionnées plus tôt dans le rapport pour les délinquants autochtones et non autochtones. On ne disposait pas de suffisamment de chiffres sur les infractions relatives aux armes à feu pour établir des comparaisons, et un meurtre au deuxième degré présupposait une peine d'emprisonnement à vie.
- 134
La durée moyenne de la peine en jours pour les détenus autochtones sous responsabilité provinciale était de 85,4 jours et de 98,2 jours pour les non-autochtones . Pour les femmes autochtones, elle était de 69,3 jours par rapport à 82 jours pour les femmes non autochtones. En Saskatchewan, le nombre moyen de jours était de 100,5 pour les délinquants autochtones et de 112,7 pour les délinquants non autochtones. En Ontario, il était de 83,2 et de 83,6 jours respectivement.
- 135
Les données sur la détention provisoire pour les années 1988 à 1995 sont incomplètes, mais les chiffres disponibles de trois provinces révèlent qu'en Colombie-Britannique et au Manitoba, les groupes d'autochtones et de non-autochtones passent un temps comparable en détention provisoire, alors qu'en Saskatchewan et au Manitoba, les autochtones passent plus de temps en détention provisoire. Les délinquants sont plus nombreux au Manitoba qu'en Saskatchewan à passer moins de 15 jours en prison (voir les tableaux à l'annexe II).
- 136
CCSJ, Juristat, vol. 15, no 4, 1995a, pp. 9-10.
- 137
LaPrairie, 1994.
- 138
LaPrairie, 1992.
- 139
Oka, 1995.
- 140
voir Broadhurst, 1996; Hann et al, 1993; Muirhead, 1982.
- 141
Broadhhurst, 1996.
- 142
Broadhurst, 1996; Doob et al, 1994.
- 143
voir Roberts et Doob, 1994.
- 144
Ce groupe ressemblerait beaucoup aux autochtones qui vivent ou passent la plus grande partie de leur vie dans les réserves au Canada.
- 145
op. cit. 4, p. 77.
- 146
Braithwaite, 1993, p. 1.
- 147
LaPrairie, 1992.
- 148
voir Rudin, 1995, Irvine, 1978, LaPrairie, 1994.
- 149
op. cit. 1.
- 150
Dans des travaux antérieurs, Rattner et McKie (1990) ont constaté que la proportion d'autochtones et le taux de chômage constituent les meilleurs prédicteurs du taux des crimes de violence en Ontario.
- 151
Dans les travaux ethnographiques d'envergure qu'elle a effectués en Australie, Brady (1993) a constaté que dans les collectivités autochtones où elle a réalisé ses travaux, les obligations à l'égard des parents plutôt qu'à l'égard de la collectivité dictaient l'accès aux ressources.
- 152
Cooper et al (1992), lorsqu'ils ont comparé les taux de suicide des autochtones vivant dans une réserve et hors réserve en C.-B. au moyen de données sur le suicide de 1984 à 1989, ont constaté que les taux hors réserve étaient semblables aux taux des non-autochtones tandis que les taux dans les réserves étaient plus du double de ceux des non-autochtones. Les réserves autochtones affichant des taux élevés avaient des caractéristiques démographiques moins saines que les réserves enregistrant de faibles taux.
- 153
op. cit. 1.
- 154
Au Canada en 1991, 1 231 192 Canadiens ont déclaré être d'origine autochtone et se considéraient comme autochtones, dont 675 537 se sont définis comme Indiens nord-américains. Parmi ces derniers, 573 657 étaient des Indiens inscrits — 46,5 % du groupe d'origine autochtone. Parmi les Indiens inscrits, 55 % vivaient dans une réserve et 45 % à l'extérieur d'une réserve. Au total, 601 090 autochtones ou 49 % de toute la population autochtone du Canada sont non inscrits, Métis ou d'origine autochtone (Statistique Canada, Le Quotidien, 1993; MAIN, Population du registre des Indiens, 1994, p. xv). Même s'il y a des proportions semblables d'autochtones inscrits et non inscrits au Canada, les Indiens inscrits sont surreprésentés dans tous les établissements correctionnels fédéraux, provinciaux et territoriaux où les données sont disponibles.
- 155
Broadhurst, 1996, p. 76-77.
- 156
Des données récentes du MAIN montrent que les Métis de toutes les provinces affichent des niveaux d'activité plus élevés que les Indiens inscrits vivant hors réserve.
- 157
En Saskatchewan, par exemple, le nombre d'Indiens inscrits est 1,3 fois plus élevé que le nombre combiné de Métis et d'Indiens non inscrits, mais il y avait trois fois plus d'Indiens inscrits que de Métis et d'Indiens non inscrits incarcérés dans les établissements provinciaux en 1993.
- 158
La question la plus importante que soulèvent les recherches effectuées en Alaska concerne l'acculturation, en particulier après la migration vers les centres urbains. Les auteurs soutiennent que pour avoir une culture, il faut posséder un ensemble intégré de croyances et de valeurs. Pour y arriver, les gens doivent maintenir artificiellement les anciennes croyances et valeurs dans un nouveau milieu ou acquérir les croyances et valeurs étrangères de la société dominante — un processus difficile et long. Par conséquent, bon nombre se retrouvent dans une « impasse » dans un état « aculturel ». Ces changements rapides sont liés à un stress résultant de la déculturation et de l'acculturation qui peut causer une maladaptation psychologique des personnes (Philips et Inui, 1986, p. 141). Nous soutenons qu'au Canada la maladaptation est la plus grave dans le cas des personnes les plus marginales qui proviennent des réserves et qui avaient eu peu ou pas de contact avec la société majoritaire.
- 159
Snider, 1995a, p. 13.
- 160
Minde et Minde, 1995, p. 304.
- 161
Il y a une différence importante entre les gens qui quittent les réserves pour poursuivre des études et bénéficier d'autres débouchés et qui en retirent un statut et une reconnaissance et ceux qui quittent les réserves avec peu de possibilités et de compétences. Dans ce dernier cas, il y avait peu de possibilités dans les réserves, et il y a peu de statut ou de reconnaissance positive à obtenir dans la réserve ou à l'extérieur de celle-ci.
- 162
Lorsqu'ils ont examiné la psychologie du comportement criminel, Andrews et Bonta (1994) ont réparti les corrélats bien établis du comportement criminel en facteurs de risque majeurs et mineurs. Les facteurs de risque majeurs étaient les suivants : attitudes, valeurs et croyances antisociales et états cognitifs-émotionnels; associés procriminels et isolement des autres personnes anticriminelles; faible socialisation, impulsivité; faibles compétences en résolution des problèmes et esprit de discipline insuffisant, énergie agressive non maîtrisée et intelligence verbale inférieure à la moyenne; antécédents de comportement antisocial évident depuis le jeune âge; criminalité familiale, faibles niveaux d'affection, de soins et de cohésion dans la famille, surveillance parentale et pratiques de la discipline de piètre qualité, négligence et mauvais traitements évidents; et finalement faibles niveaux d'études, de réalisations professionnelles ou financières, en particulier et emploi instable. Les facteurs mineurs comprenaient une classe de bas niveau, une détresse personnelle ainsi qu'une faible estime de soi, l'anxiété, la dépression et les conditions sociales propices à l'aliénation (Andrews et Bonta, 1994, p. 230-232).
- 163
voir McDonnell, 1992.
- 164
voir LaPrairie, 1992, 1994; Condon, 1992; Griffiths et al, 1995.
- 165
Philips et Inui (1986) ont constaté des problèmes semblables dans les collectivités d'Alaska. Leurs recherches sur les criminels autochtones d'Alaska ont révélé qu'à l'instar des autochtones du Canada, les autochtones d'Alaska affichent des taux de démêlés avec le système de justice pénale extrêmement disproportionnés par rapport à leur nombre dans la population. Ils commettent également plus de crimes de violence et se voient infliger des peines plus courtes que les délinquants blancs. L'abus d'alcool est plus courant chez les délinquants autochtones. Cependant la violence et la consommation d'intoxicants ne sont pas nécessairement associés à un degré élevé de contact. Les délinquants qui résident dans les collectivités comptant 75 % ou plus d'autochtones en Alaska commettent plus de crimes de violence et risquent davantage de consommer de l'alcool ou des drogues au moment de la perpétration de l'infraction que les délinquants des collectivités comptant moins de 75 % d'autochtones .
- 166
Des recherches antérieures ont montré que le fait de quitter les réserves rend certaines personnes et certains groupes plus vulnérables au système de justice pénale que lorsqu'ils sont dans les réserves. Les liens de parenté et les autres obligations et responsabilités des personnes vivant à proximité, ainsi que les pratiques du système de justice pénale dans les petites collectivités souvent isolées peuvent créer un « rempart » contre le traitement officiel. Dans ces milieux, la collectivité et le système interviennent plus en fonction du délinquant qu'en fonction de l'infraction. À l'extérieur de la réserve, toutefois, les obligations humaines et les pratiques de contrôle social sont différentes alors que les infractions plutôt que le délinquant ont la priorité (LaPrairie, 1992, 1994).
- 167
Selon Scheff et Retsinger (1991), la honte provoquée par la désapprobation non résolue par la réintégration débouche sur la colère. Ils font la distinction entre la honte « normale » et la honte « pathologique ». La honte et l'humiliation normales produisent la solidarité sociale tandis que la honte et l'humiliation pathologiques produisent l'aliénation.
- 168
Sherman (1993) intègre la honte pathologique et la réaction aux sanctions pénales à ce qu'il appelle la « théorie de la défiance de la sanction pénale », où la honte personnelle non résolue interagit avec le stigmatisme criminel pour créer une réaction criminelle défiante (dans Hagan et McCarthy, 1994, p. 3-5).
- 169
Farrington, 1994; Sampson, 1987, 1991.
- 170
Champion, 1994, p. 108.
- 171
ibid.
- 172
voir Buchanan, Whitlow et Austin, 1986.
- 173
Proctor, 1994.
- 174
Austin, 1991a.
- 175
Compte tenu du nombre élevé de délinquants incarcérés, séparer les détenus en groupes homogènes peut résoudre certains des problèmes ultérieurs comme le surpeuplement et les coûts administratifs croissants. Les systèmes de classement efficaces peuvent répartir de nouveau dans les établissements à sécurité minimale les détenus à faible risque, qui autrement seraient incarcérés dans les établissements à sécurité maximale, sans mettre en danger la sécurité de l'établissement et du public tout en réduisant les coûts liés à l'incarcération dans un établissement à sécurité maximale (Bonta et Motiuk, 1990; Proctor, 1994). Voir également Austin, 1991a; Buchanan et al., 1986; Champion, 1994; Levinson, 1991.
- 176
voir le Groupe d'étude sur les autochtones au sein du régime correctionnel, 1988, p. 24-25.
- 177
Par exemple, au Centre correctionnel de Prince Albert en 1994-1995, 79 % des détenus sont demeurés dans l'établissement moins de trois mois, et 2 % seulement y ont séjourné plus de neuf mois.
- 178
voir Palmer, 1991.
- 179
p. ex., Antonowicz et Ross, 1994; Quinsey, Harris, Rice et Lalumiere, 1993.
- 180
voir Marshall, 1993.
- 181
Palmer, 1991, p. 42.
- 182
voir Palmer, 1991; Gendreau et Ross, 1987; Antonowicz et Ross, 1994.
- 183
Gendreau et Ross, 1987; Cormier, 1989; Griffiths, 1990.
- 184
voir Cormier, 1989; Gendreau et Andrews, 1990; Wexler et Lipton, 1993.
- 185
voir Commission canadienne sur la détermination de la peine, 1987.
- 186
Griffiths, 1990.
- 187
voir Gendreau, Cullen et Bonta, 1994; Gendreau et Andrews, 1990; Cormier, 1989; Antonowicz et Ross, 1994; Wexler et Lipton, 1993; Wellisch, Anglin et Prendergast, 1993.
- 188
Selon une évaluation récente du développement des aptitudes cognitives lors de la récidive postlibératoire des délinquants sous responsabilité fédérale, le développement des aptitudes cognitives accroît sensiblement les chances de bénéficier d'une mise en liberté discrétionnaire, était plus utile pour les détenus à risque moyen et élevé, était efficace pour les détenus qui avaient suivi la formation dans la collectivité, était plus utile pour la réduction de la récidive des délinquants qui commettent des infractions sexuelles, des crimes de violence et des infractions relatives aux drogues et moins utile pour ceux qui commettent des crimes contre la propriété et des vols qualifiés et était plus utile pour réduire la récidive des délinquants autochtones et non autochtones (Robinson, 1995).
- 189
voir Antonowicz et Ross, 1994; Cormier, 1989.
- 190
voir Antonowicz et Ross, 1994; Palmer, 1991; Gendreau et Andrews, 1990.
- 191
Gendreau, Cullen et Bonta, 1994; Antonowicz et Ross (1994).
- 192
L'appariement approprié dépend de la qualité des systèmes de classement. Voir aussi Antonowicz et Ross, 1994; Gendreau et Andrews, 1990; Gendreau, Cullen et Bonta, 1994; Gendreau et Ross, 1987.
- 193
voir Antonowicz et Ross, 1994; Gendreau, Cullen et Bonta, 1994; Gendreau et Ross, 1987.
- 194
op. cit. 14.
- 195
op. cit. 9.
- 196
voir Austin, Bloom et Donahue, 1992; Kendall, 1993a; Wellisch, Anglin et Prendergast, 1993.
- 197
voir Ingram-Fogel, 1991; Wellisch, Anglin et Prendergast, 1993.
- 198
voir Shaw, 1991, ainsi que les données sur les besoins des femmes sous responsabilité fédérale au Canada.
- 199
Alors que les pratiques correctionnelles aux États-Unis et au Canada ne portent pas suffisamment sur les besoins des détenues en tant que parent en ce qui concerne la visite de leurs enfants et les soins à leur prodiguer (p. ex. Shaw, 1991), certains pays ont une politique assez libérale concernant les bébés et les enfants en prison (Biles et Harding, 1994). Au Bangladesh, par exemple, les détenues peuvent garder leurs enfants tant qu'ils n'ont pas atteint l'âge de six ans.
- 200
op. cit. 17.
- 201
ibid.
- 202
Birkenmeyer et Jolly, 1981, p. 22.
- 203
Goss et al, 1992.
- 204
ibid.
- 205
ibid, p. 7-9.
- 206
Hosek et Martin, 1993.
- 207
Le SCC et la Native and Counseling Association de la C.-B. collaborent pour lancer un programme de formation en counseling pour les délinquants sexuels autochtones dans la région du Pacifique. Vingt-six conseillers de délinquants sexuels autochtones (y compris six membres du personnel du SCC) recevront une formation sous la surveillance d'un psychologue agréé (Contact, 1995).
- 208
Programme pour les femmes purgeant une peine fédérale, SCC, 1994.
- 209
SCC, 1991, p. 2.
- 210
voir Moon, 1995, p. A4.
- 211
voir LaPrairie, 1992; Direction générale de la planification, 1975; Muirhead, 1982.
- 212
Il faut se rappeler que les enquêtes auprès des détenus ne reflètent les réponses que de trois établissements provinciaux et de trois établissements fédéraux, qui se trouvent tous dans les provinces des Prairies.
- 213
Lorsqu'on examine les conclusions sur les programmes, il importe de se souvenir qu'il existe des écarts entre les établissements au chapitre de la gamme des programmes offerts. Par exemple, les trois établissements fédéraux avaient généralement plus de programmes à l'intention des autochtones . Cependant, tous les établissements offraient des programmes d'emploi, d'éducation, de préparation à la vie active et de toxicomanie. Il y a un écart en ce qui concerne les programmes plus spécifiques comme les programmes relatifs à la conduite en état d'ébriété, les visites familiales, etc.
- 214
Toutes les différences mentionnées dans la présente section sont statistiquement significatives.
- 215
Les différences sur le plan de l'instruction peuvent s'expliquer par le fait que les détenus sous responsabilité fédérale peuvent avoir effectué plus d'études dans les établissements comme le laissent supposer les résultats des programmes. Beaucoup plus de détenus sous responsabilité fédérale que de détenus sous responsabilité provinciale ont soutenu avoir participé à beaucoup de programmes de formation. La période d'incarcération plus longue passée dans les établissements fédéraux facilite également la poursuite des études.
- 216
Andrews, Bonta et Hoge, 1990; Motiuk, 1993.
- 217
p. ex., Farrington et West, 1990; Hill, 1985. Voir également Clark, Fisher et McDougall, 1993.
- 218
voir Buchanan et al, 1986; Motiuk, 1993; Champion, 1994; Proctor, 1994.
- 219
voir Andrews, 1982; Bonta et Motiuk, 1992; Bonta, 1990.
- 220
Motiuk, Motiuk et Bonta, 1992, p. 145.
- 221
voir Bonta et Motiuk 1992; 1990.
- 222
Bonta et al, 1996.
- 223
York, 1995, p. 21-22.
- 224
Hann, Harman et Canfield, 1993.
- 225
On a évalué le risque et les besoins d'un échantillon de probationnaires du Manitoba tiré de 1986 à 1992 (au moyen d'un système de classement modifié du Wisconsin) au moment de l'admission à la probation et de la fin de celle-ci et on l'a suivi pendant trois ans pour déterminer la récidive. Un objectif secondaire de la recherche consistait à déterminer la validité de l'échelle de classement des délinquants autochtones. Des sous-groupes de délinquants autochtones, c.-à-d. des Indiens inscrits, des Indiens non inscrits et des Métis/Indiens non inscrits ont également été analysés pour déterminer les niveaux de risque et de besoins et la récidive. Les délinquants autochtones représentaient 42,3 % de l'échantillon total. En général, les autochtones étaient plus jeunes et avaient été condamnés plus souvent que le groupe des non‑autochtones.
- 226
op. cit. 7.
- 227
voir le Groupe d'étude sur les autochtones au sein du régime correctionnel, 1988.
- 228
SCC, 1991, p. 9-11.
- 229
ibid.
- 230
York, 1995.
- 231
Cette analyse ne comprend que les détenus qui ont été mis en liberté dans la collectivité, qui en sont à leur première incarcération dans un pénitencier et qui ne purgent pas une peine d'emprisonnement à perpétuité.
- 232
SCC et CNLC, 1995, p. 27.
- 233
Bonta et al, 1994, p. 53.
- 234
Dans l'étude de Broadhurt, les autochtones risquent deux fois plus que les non-autochtones de retourner en prison par suite d'une infraction plus grave ou d'égale gravité. La probabilité que les autochtones de sexe masculin soient réincarcérés était de 76 %, quelle que soit l'infraction, contre 45 % dans le cas des non-autochtones; pour les femmes, les pourcentages correspondants s'établissaient à 69 % et 36 % (1992, p. 38). Le taux de récidive et de réincarcération pour crimes de violence des détenus condamnés pour homicide ou vente de drogue était faible. Un non-autochtone sur cinq et un autochtone sur deux ont été réincarcérés par suite d'une autre infraction sexuelle ou d'un autre crime de violence. Pour les deux groupes, ceux qui avaient un dossier antérieur et moins de 24 ans risquaient fortement de commettre d'autres infractions sexuelles ou d'autres crimes de violence. D'autres recherches menées en Australie ont permis de constater que les taux de récidive des autochtones étaient beaucoup plus élevés que ceux des non-autochtones (Biles, 1992).
- 235
voir Harman et Hann, 1986; Hann, Harman et Canfield, 1993; York, 1995.
- 236
York, 1995, p. 111.
- 237
voir le Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, 1990.
- 238
Environ 50 entrevues ont été réalisées auprès de travailleurs des T.N.-O., de la Saskatchewan, du Manitoba, de Terre-Neuve et du Labrador et du Québec. La majorité des réponses provenaient de travailleurs de collectivités éloignées et rurales. Ces données sont complétées, s'il y a lieu, par les résultats de l'enquête auprès du personnel correctionnel.
- 239
Certains répondants ont accepté de fournir des renseignements sur les jeunes contrevenants qui retournent dans leur collectivité. Ils estimaient que les jeunes contrevenants ont le plus besoin de discipline parentale et de discipline constante, et de la capacité de faire face aux pressions des pairs dans les collectivités.
- 240
NCSA, 1993, p. 28.
- 241
Thompson, 1993,p. 16.
- 242
voir Depew, 1993; Trevethan, 1991; Griffiths et al, 1995; LaPrairie, 1992, 1994.
- 243
Foucault, tel que cité dans Henry et Milovanovic, 1994, p. 115.
- 244
Lorsqu'il explique la légère baisse du recours à l'emprisonnement dans l'ouest de l'Australie entre 1983 et 1989, Broadhurst fait valoir que l'incarcération est souvent considérée comme un moyen de dissuasion ou de réforme peu efficace qui favorise plutôt qu'il ne réduit le comportement criminel. Par réaction, il existe maintenant dans cette région une tendance à accroître la sévérité des sanctions pour les infractions plus graves mais plus rares, et à imposer des sanctions moins rigoureuses pour les infractions plus courantes mais moins graves (Broadhurst, 1996, p. 58).
- 245
voir Garland, 1991; Young et Brown, 1993, p. 2.
- 246
Sur les 33 pays étudiés dans le cadre de la Quatrième enquête des Nations Unies, c'est le Canada qui enregistrait le taux d'emprisonnement le plus élevé en 1990.
- 247
NARCO, 1995, p. 13.
- 248
voir Brady, 1992.
- 249
voir Christie, 1993.
- 250
voir Young et Brown, 1993, p. 21.
- 251
voir Broadhurst, 1996, p. 72.
- 252
Comme les sanctions de sévérité moyenne offrent les possibilités les plus immédiates de limiter le recours à des peines d'emprisonnement, il vaut la peine de rouvrir le débat. La littérature générale sur les solutions de rechange et leur pertinence pour les délinquants autochtones est également étudiée.
- 253
Dans son ouvrage Punishment and Welfare (1985), David Garland retrace l'évolution à partir du modèle victorien de la pénologie où l'accent était mis sur la raison et la responsabilité jusqu'à l'époque moderne qui a privilégié la classification, l'évaluation et la différenciation des délinquants. Au cours de cette période, la connaissance a joué un rôle de premier plan et a imposé les méthodes pour différencier les délinquants en plus de déterminer qui devait s'en charger. L'accent était mis sur le délinquant, tandis que dans le modèle classique, l'accent était mis sur l'infraction.
- 254
voir Junger-Tas, 1994, p. 45.
- 255
Parmi les formes de déjudiciarisation préalables ou postérieures à l'accusation, mentionnons la médiation ou la réconciliation entre la victime et le délinquant, le dédommagement ou l'indemnisation avec paiement de dommages et intérêts, la restitution des objets volés et le travail pour la victime à titre de réparation. La déjudiciarisation peut également prévoir l'aiguillage vers divers types de traitement.
- 256
voir Morris et Tonry, 1990; Stolwijk, 1988.
- 257
Pour une description complète de l'utilisation des amendes, voir Branham, 1992; Hillsman, 1990; Morris et Tonry, 1990; Junger-Tas, 1994; Stolwijk, 1988.
- 258
voir McMahon, 1992.
- 259
voir New Developments, 1992.
- 260
Ces systèmes comportent d'ordinaire des normes tacites de détermination des amendes fondées sur le principe voulant que des amendes d'un montant identique ou similaire soient imposées à tous les délinquants condamnés pour une infraction particulière (Hillsman, 1990). Certaines normes, comme les tarifs d'amende plus élevés, contre lesquelles Hillsman (1990) nous met en garde, peuvent soit limiter le groupe de délinquants à qui il est possible d'imposer l'amende ou entraîner l'incarcération des délinquants plus pauvres pour défaut de paiement.
- 261
Son idée fondamentale est d'avoir un double système de modulation du montant des amendes : un premier système de modulation en fonction de la gravité de l'infraction et un second système de modulation en fonction de la capacité financière du délinquant. Le principal objectif de cette démarche est d'imposer des amendes qui ont une incidence plus uniforme sur les riches et les pauvres (Hillsman, 1990, p. 9). L'efficacité des systèmes d'imposition des amendes dépend également de l'efficience des techniques de perception, prévoyant des modalités de paiement raisonnables, l'incitation à payer et le suivi de ces paiements. Les tribunaux d'Europe de l'Ouest qui ont recours à ces techniques enregistrent des taux de perception élevés malgré les populations nombreuses et hétérogènes qu'ils servent et leur recours accru aux amendes pour des infractions graves.
- 262
voir Junger-Tas, 1994; Snacken et Beyens, 1994.
- 263
p. ex., Biles, 1992; Gendreau, Paparozzi, Little et Goddard, 1993; Morris et Tonry, 1990.
- 264
McMahon (1992) soutient que l'argument concernant l'élargissement du réseau repose surtout sur une documentation «sommaire» des tendances de l'emprisonnement et des processus autonomes d'élargissement du réseau.
- 265
Rosenfeld et Kempf, 1991.
- 266
Snacken et Beyens, 1994.
- 267
voir Mainprize, 1992.
- 268
p. ex., Benekos, 1990; Gendreau et al., 1993; Swaaningen et Beijerse, 1993; Feeley et Simon, 1992; Byrne, 1989.
- 269
p. ex., Branham, 1992; Doob, 1990; Morris et Tonry, 1990; Sabol, 1990.
- 270
Pour certains observateurs, la réalisation de certains objectifs de détermination de la peine est hors de propos (p. ex., Morris et Tonry). Ces questions entravent le recours à toutes les catégories de décisions. Peu importe si les sanctions de sévérité moyenne ou l'emprisonnement, à cet égard, atteignent les objectifs proposés (ce que l'on peut considérer comme une question tout à fait distincte), ce que certains cherchent, c'est une méthode plus juste et plus rationnelle de distribution des peines. Ce faisant, on aura peut-être davantage recours aux sanctions de sévérité moyenne.
- 271
op cite 23.
- 272
voir Junger-Tas, 1994.
- 273
Feest, 1991; Snacken et Beyens, 1994.
- 274
voir Downes, 1991; McMahon, 1992; Pavarini, 1994.
- 275
voir Swaaningen et Beijerse, 1993.
- 276
voir Bonta et Motiuk, 1990.
- 277
p. ex., Ekstedt et Jackson, 1986; Holosko et Carlson, 1986; Griffiths et Verduns-Jones, 1994; Griffiths, 1990.
- 278
Gendreau, Cullen et Bonta, 1994; Petersilia et Turner, 1993.
- 279
Gendreau, Cullen et Bonta, 1994.
- 280
O'Malley, 1993.
- 281
Cette évaluation est entreprise par la Direction des affaires correctionnelles du ministère du Solliciteur général.
- 282
Pour une analyse plus complète de ces sujets, voir Griffiths, 1990; Hylton, 1982; Petersilia et Turner, 1993.
- 283
De nombreuses questions empiriques doivent être réglées dans les calculs de rentabilité avant qu'on puisse tirer des conclusions valables (Petersilia et Turner, 1993).
- 284
voir Griffiths, 1990; Morris et Tonry, 1990.
- 285
1990, p. 2, cité dans Petersilia et Turner, 1993.
- 286
ibid., p. 288.
- 287
Gendreau, Cullen et Bonta, 1994; Petersilia et Turner, 1993.
- 288
Petersilia et Turner, 1993.
- 289
voir Griffiths et al., 1995; Paukuutit Inuit Women's Association, 1995.
- 290
voir LaPrairie, 1996; Depew, 1995; Merry, 1990.
- 291
Pour une analyse complète de la justice populaire dans les collectivités autochtones, voir Depew, 1995.
- 292
Le volet prélibératoire est conforme au programme obligatoire Pre-start préconisé par Castellano et al. (1995).
- 293
Inciardi, à paraître en 1996.
- 294
Owen et Bloom, 1995, p. 185.
- 295
voir Castellano et al., 1995.
- 296
Cité dans Doob et Marinos, 1995, p. 433.
- 297
Feyley et Simon, 1992.
- 298
Comme le révèle une étude des dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition portant sur la détention, qui justifient l'entérinement de la détention depuis les toutes premières audiences, les détenus autochtones sont plus nombreux que les non autochtones à refuser de participer aux programmes et au traitement (SCC et CNLC, 1995).
- 299
Ce concept a été emprunté d'un document de Philip Stenning (1995), qui renferme une analyse des hypothèses de Toffler et de ses incidences sur la surveillance policière.
- 300
Garland, 1991, p. 59.
- 301
Il faudrait étudier diverses philosophies et approches de réinsertion sociale pour les délinquants autochtones. Par exemple, le centre Stan Daniels et la maison Waseskun ont une orientation culturelle et spirituelle et adoptent des démarches axées sur le groupe, tandis qu'en Australie, le centre correctionnel communautaire est plus axé sur la personne et établit des liens plus directs avec les services et organismes communautaires. Les programmes comportent des volets similaires: connaissances élémentaires, dynamique de la famille, dépendance, etc. Toutefois, bien que les programmes australiens et les programmes généraux des CRC canadiens visent à évaluer les besoins individuels et à y répondre, les programmes réservés aux autochtones reposent sur certaines hypothèses concernant les besoins culturels et spirituels du groupe.
- 302
Il convient de noter que les données sur la récidive ne s'appliquent généralement à l'incarcération ou aux infractions antérieures que dans la province fournissant les données et non au dossier antérieur dans une autre province, un autre territoire ou un autre pays.
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