Pornhub

Date : 30 mars 2021
Classification : NON CLASSIFIÉ
Entièrement publiable (AIPRP)? Oui
Secteur / agence : GRC

Sujet :

Partage de matériel de pornographie juvénile et de matériel d’abus sexuels, et diffusion non consensuelle d’images intimes sur la plateforme de divertissement pour adultes Pornhub.

Réponse suggérée :

Contexte :

Pornhub est une plateforme en ligne de divertissement pour adulte parmi les plus populaires et est la propriété de MindGeek. Lorsqu’ils sélectionnent du contenu à visionner, les utilisateurs peuvent appliquer des filtres pour indiquer le contenu qu’ils préfèrent; certaines catégories possibles comprennent des allusions à des enfants et à des jeunes. De plus, de nombreuses victimes d’exploitation sexuelle d’enfants, dont l’exploitation et les abus ont été enregistrés, ont trouvé ces images sur Pornhub et ont dit avoir de la difficulté à les faire retirer. MindGeek est enregistrée au Luxembourg et il est difficile de savoir si elle possède des serveurs au Canada. Cette entreprise étant dotée d’une structure mondiale, la mesure dans laquelle on peut appliquer lois canadiennes est limitée, tout comme le pouvoir d’enquête de la police canadienne.

Les utilisateurs de Pornhub peuvent télécharger du matériel sur leurs propres appareils électroniques, si bien qu’il est impossible de déterminer où ce matériel peut être stocké, ou d’empêcher qu’il réapparaisse et soit rediffusé. Pornhub permet aussi de télécharger du matériel non vérifié; il est donc possible que ce matériel montre des mineurs ou des activités sexuelles non consensuelles. En décembre 2020, Pornhub a supprimé la fonction de téléchargement et a désactivé la fonction de chargement pour la plupart des utilisateurs, ce qui était une mesure positive pour empêcher que la plateforme ne soit utilisée pour exploiter sexuellement et revictimiser des enfants.

Cadre législatif

Le droit pénal canadien prévoit un éventail exhaustif de mesures de protection contre toute forme de violence et d’exploitation sexuelle d’enfants. Il prévoit notamment l’interdiction de posséder, de produire et de distribuer toute forme de pornographie juvénile et d’y accéder, que le geste soit commis par Internet, sur les médias sociaux ou à l’aide d’une autre technologie. Au Canada, la définition de pornographie juvénile (ou matériel d’exploitation sexuelle d’enfants) couvre non seulement une représentation réelle d’exploitation sexuelle d’enfants, mais aussi une représentation fictive, les écrits et les enregistrements sonores de pornographie juvénile qui pourraient alimenter le marché pour ce genre de matériel ou normaliser ce comportement. Le droit pénal interdit également l’utilisation d’Internet pour communiquer avec un enfant dans le but de faciliter la perpétration d’une infraction d’ordre sexuel.

En 2011, le Canada a déposé le projet de loi intitulé Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet. La Loi oblige les fournisseurs de services Internet à faire rapport s’ils sont avisés d’une adresse Internet où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public ou s’ils ont des motifs raisonnables de croire à l’utilisation de leurs services Internet pour la perpétration d’une infraction relative à la pornographie juvénile. La Loi reconnaît qu’une personne peut être en conformité avec ses obligations de déclaration si elle fait un signalement en vertu des lois d’une province ou d’un pays étranger. La Loi a été interprétée par de nombreuses personnes comme s’appliquant à une définition étroite des fournisseurs de services Internet (p. ex. Rogers, Bell) et excluant les fournisseurs de services applicatifs (plateformes Internet, sociétés de médias sociaux), bien que cela n’ait pas été l’intention lors de sa rédaction. En général, le matériel d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet est hébergé par des fournisseurs de services applicatifs.

Depuis 2015, afin de mieux protéger les victimes et de réagir aux nouvelles tendances, le Code criminel interdit également la distribution non consensuelle d’images intimes (article 162.1) et autorise les tribunaux à ordonner le retrait des images intimes d’Internet (article 164.1). Ces changements ont été apportés à la loi par l’ancien projet de loi C-13, Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité. Les tribunaux sont également autorisés à ordonner le retrait ou la suppression de pornographie juvénile, d’enregistrement voyeuriste et de publicité de services sexuels sous forme de documents imprimés ou accessibles au moyen d’un ordinateur au Canada, ce qui comprend Internet (articles 164 et 164,1).

Stratégie nationale

La Stratégie nationale pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle sur Internet a été lancée en avril 2004 et renouvelée de façon permanente en 2009. Sécurité publique Canada en est le ministère responsable et a établi des partenariats avec la GRC, Justice Canada et le Centre canadien de protection de l’enfance (CCPE). Le ministère collabore également avec des partenaires étrangers, comme les membres du Five Eyes, afin de mieux comprendre la menace que représente l’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet et de trouver des solutions pour mieux protéger les enfants et les jeunes.

Centre national contre l’exploitation des enfants de la GRC et Pornhub

Le Centre national contre l’exploitation des enfants (CNCEE) de la GRC est l’entité nationale responsable de l’application de la loi pour la Stratégie nationale. Il s’agit du point de contact central pour les enquêtes canadiennes et internationales sur les cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet impliquant des victimes ou des délinquants canadiens ou des entreprises considérées comme étant canadiennes et hébergeant du matériel d’exploitation sexuelle d’enfants. La GRC mène des enquêtes pour dépister les prédateurs et identifier et secourir les victimes. De plus, elle donne de la formation, fait des recherches et fournit un soutien aux enquêtes à l’intention des services de police municipaux, provinciaux, fédéraux et internationaux.

Entre le 14 juin 2020 et le 25 mars 2021, le CNCEE de la GRC a reçu 130 signalements relatifs à Pornhub par l’intermédiaire du National Centre for Missing and Exploitation Children (NCMEC) aux États-Unis. De ces signalements, 30 ont été transmis à un organisme canadien d’application de la loi; aucune mesure n’a pu être prise dans le cas de 100 signalements pour diverses raisons, notamment parce qu’il était impossible de déterminer avec certitude si la personne avait moins de 18 ans et que le matériel ne répondait donc pas à la définition de pornographie juvénile au sens du Code criminel. Le 25 mars 2021, le CNCEE n’avait aucune enquête ouverte ou en cours liée à Pornhub. En plus des renvois transmis par le NCMEC (É.-U.), la GRC consulte toutes ses divisions et le CNCEE ainsi que les groupes de lutte intégrée contre l’exploitation des enfants dans les services de police au Canada pour mieux comprendre la fréquence des enquêtes relatives à Pornhub en ce qui concerne des cas d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet ou d’autres formes de crimes de nature sexuelle.

Depuis la comparution de la GRC ainsi que de victimes et d’organisations de protection de l’enfance devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, plus de 70 parlementaires ont adressé une lettre à la commissaire de la GRC pour demander la tenue d’une enquête criminelle complète sur la société mère de Pornhub, MindGeek. La GRC confirme que la commissaire a reçu cette lettre et qu’une réponse détaillée sera fournie.

En ce qui concerne la demande d’enquête criminelle, cette affaire est entre les mains de la GRC pour que celle-ci procède à un examen et prenne toute mesure qui s’impose.

L’indépendance de la police est un principe important du droit canadien; les policiers doivent pouvoir exercer leurs fonctions essentielles de maintien de l’ordre sans subir l’influence ni suivre les directives du pouvoir exécutif ou de la sphère politique.

Difficulté liée à la vérification de l’âge

La question de la vérification de l’âge présente une difficulté importante dans le contexte de Pornhub et, plus généralement, de l’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet. Comme on le mentionne plus haut, dans la majorité des signalements relatifs à Pornhub, il est difficile de déterminer l’âge de la personne. Souvent, il s’agit de matériel montrant des personnes dont la puberté est achevée, mais il est impossible d’établir avec certitude si celles-ci ont moins de 18 ans. Par conséquent, le matériel ne répond pas à la définition de pornographie juvénile au sens du Code criminel. Les enquêteurs utilisent les étapes de la maturation sexuelle comme indicateurs, mais le moment où ces étapes sont franchies varie beaucoup et celles-ci deviennent plus difficiles à discerner avec l’âge. Le Canada s’est doté de l’une des définitions les plus strictes de pornographie juvénile dans le monde, mais la question de la vérification de l’âge représente une difficulté importante qui entrave les efforts déployés au Canada et à l’étranger pour lutter contre l’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet.

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