Notes des comités parlementaires : Ingérence étrangère
Engagements :
- Protéger les institutions démocratiques du Canada contre l’ingérence étrangère et la désinformation
- Proposer des mesures visant à lutter contre la montée de l’extrémisme violent à caractère idéologique
- Accroître les ressources en vue de promouvoir la sécurité économique et de lutter contre l’ingérence étrangère
- Accroître la collaboration et l’échange d’information et de renseignements avec les partenaires canadiens et tous les autres ordres de gouvernement pour atténuer les risques liés à la sécurité dans les partenariats de recherche et d’investissement étrangers
- Appuyer les écosystèmes d’innovation dans l’ensemble du pays pour favoriser la création d’emplois ainsi que l’adoption et la mise à niveau de la technologie, et protéger l’écosystème de recherche de pointe du Canada ainsi que les entreprises à forte intensité de propriété intellectuelle
Réponse proposée :
Message global au sujet des progrès et des priorités
- Au cours des dernières années, beaucoup de travail important a été réalisé par nos organismes chargés de la sécurité et du renseignement pour lutter contre l’ingérence étrangère.
- Cela dit, l’ingérence étrangère est difficile à cibler. Ainsi, au cours de la dernière année, le gouvernement du Canada a mis en œuvre une série d’initiatives visant à évaluer et à renforcer son approche et veiller à ce qu’elle soit constamment en phase avec le contexte changeant de la menace.
- Ces initiatives sont fondées sur les pratiques exemplaires internationales et contribuent directement au respect d’un certain nombre d’engagements clés énoncés dans la lettre de mandat.
Protéger les institutions démocratiques du Canada contre l’ingérence étrangère et la désinformation
- À titre de ministre responsable des Institutions démocratiques, à la fois dans le cadre de mon ancien rôle de ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités et de mon rôle actuel de ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, je suis heureux de me présenter devant vous aujourd’hui pour parler de ce que le gouvernement a fait pour protéger les institutions démocratiques et les processus électoraux du Canada.
- Nous savons que les institutions et les processus démocratiques du monde entier, notamment les processus électoraux, sont des cibles de choix pour l’ingérence étrangère. Le Canada n’est pas à l’abri de ces menaces.
- Nous savons aussi que les auteurs de menaces cherchent à cibler de manière trompeuse et clandestine des politiciens, des partis politiques, des processus de nomination électorale et des médias afin d’influencer l’opinion publique et, en fin de compte, servir leurs intérêts.
- Ces efforts peuvent éroder la confiance envers nos institutions démocratiques et alimenter les tensions au sujet des politiques et des décisions du gouvernement.
- Je tiens à préciser que les institutions et les processus démocratiques du Canada sont solides et résilients. Nos organismes assurent une réponse gouvernementale intégrée en surveillant les menaces, en en rendant compte et en formulant des conseils pour veiller à la protection continue de notre démocratie.
- Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) joue un rôle fondamental dans les efforts du gouvernement pour lutter contre l’ingérence étrangère. Le SCRS enquête sur les menaces, formule des conseils et, au besoin, peut intervenir pour réduire les menaces à la sécurité du Canada, y compris celles que présentent les États étrangers. Le SCRS collabore également avec les collectivités canadiennes pour mieux comprendre les conséquences des menaces visant les institutions démocratiques du Canada sur les collectivités et déterminer la façon dont le gouvernement peut du mieux possible contrer ces menaces.
- La Gendarmerie royale du Canada (GRC) est également un acteur important. Elle enquête sur les infractions criminelles liées à l’ingérence étrangère, dont celles visant les institutions et les processus démocratiques du Canada.
- Mis sur pied dans le cadre du Plan pour protéger la démocratie canadienne à l’approche des élections fédérales de 2019, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement pour les élections (MSRE) assure également une surveillance et une évaluation accrues des menaces d’ingérence étrangère visant les élections fédérales. Les partenaires du Groupe de travail MSRE, notamment le SCRS, la GRC, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) et Affaires mondiales Canada, collaborent étroitement et s’échangent de l’information sur la sécurité dans le but de prendre des décisions éclairées et de garantir des élections libres et justes.
- Le gouvernement prend depuis longtemps des mesures pour protéger les institutions démocratiques du Canada. Par exemple, depuis 2017, il publie des rapports sur les menaces visant le processus démocratique du Canada, notamment un rapport du SCRS intitulé « Menaces d'ingérence étrangère visant les processus démocratiques du Canada »; en 2018, il a mis en œuvre la Loi sur la modernisation des élections; et en 2019 et 2020 respectivement, il a établi et renouvelé le Plan pour protéger la démocratie canadienne.
- Depuis la publication des plus récentes lettres de mandat, nous avons également pris plusieurs mesures pour protéger les institutions et les processus démocratiques du Canada contre l’ingérence étrangère et la désinformation :
- Le 6 mars 2023, le premier ministre a annoncé la création d’un Coordonnateur national de la lutte contre l’ingérence étrangère à Sécurité publique Canada pour coordonner les efforts de lutte contre l’ingérence étrangère;
- Le 10 mars 2023, le gouvernement a lancé des consultations publiques pour orienter la création d’un registre propre au Canada visant la transparence en matière d’influence étrangère. Nous avons reçu près de 1 000 réponses et avons communiqué avec plus de 80 intervenants pour concevoir le registre. Bien que les consultations ont révélé un vaste appui à l’égard de la création du registre, les intervenants ont aussi indiqué qu’il était nécessaire de procéder à une réforme à plus grande échelle des lois concernant l’ingérence étrangère.
- Par conséquent, en novembre 2023, nous avons mené d’autres consultations auprès du public et des intervenants sur des modifications à la Loi sur la protection de l’information, à la Loi sur le SCRS, au Code criminel et à la Loi sur la preuve au Canada. Dans le cadre de ce processus, nous avons reçu de précieux commentaires sur la manière de renforcer davantage la trousse à outils législatifs sur la sécurité nationale du Canada.
- Le 16 mai 2023, des directives ministérielles sur les menaces à la sécurité du Canada dirigées contre le Parlement et les parlementaires ont été transmises au SCRS. Ces directives reconnaissent qu’il est primordial que les parlementaires soient en mesure d’exercer pleinement leurs rôles sans entrave ou ingérence de la part d’États étrangers ou d’acteurs hostiles.
- En 2022 seulement, le SCRS a créé plus de 2 500 produits du renseignement sur l’ingérence étrangère et d’autres menaces envers le Canada, et tenu 49 séances d’information auprès d’élus fédéraux pour aider à protéger les institutions et les processus démocratiques du Canada dans le cadre de son engagement à outiller les représentants élus pour leur permettre de reconnaître les menaces d’ingérence étrangère.
- Depuis l’été 2023, le Groupe de travail MSRE a assuré une surveillance et une évaluation étroites des menaces d’ingérence étrangère à l’endroit des élections partielles fédérales. Il a aussi été chargé de produire des rapports publics après la journée des élections partielles.
- Depuis décembre 2021, moment auquel les lettres de mandat les plus récentes ont été publiées, le gouvernement a rehaussé ses communications au sujet de la menace que représente l’ingérence étrangère pour les institutions démocratiques et les processus électoraux du Canada. Le gouvernement a publié un rapport public dans lequel il prend d’autres engagements à l’égard des recommandations en suspens en vue de protéger les institutions démocratiques du Canada. Il a aussi fait deux déclarations publiques au sujet de campagnes dans les médias sociaux visant les parlementaires canadiens.
- Le gouvernement a aussi mis sur pied l’Unité de protection de la démocratie au sein du Bureau du Conseil privé pour élaborer, mettre en œuvre et coordonner des mesures pangouvernementales de lutte contre la désinformation, et a renouvelé le Mécanisme de réponse rapide hébergé à Affaires mondiales Canada.
- Nous avons investi pour renforcer la capacité de la société civile de relever les défis posés par la désinformation en renouvelant l’Initiative de citoyenneté numérique administrée par le ministère du Patrimoine canadien et en injectant 5,5 millions de dollars dans la création du Réseau canadien de recherche sur les médias numériques.
- Le gouvernement continuera à agir, notamment en collaboration avec ses alliés, pour protéger les valeurs, les principes, les droits et les libertés du Canada.
Proposer des mesures visant à lutter contre la montée de l’extrémisme violent à caractère idéologique
- Lorsque le Canada a lancé sa stratégie antiterroriste intitulée « Renforcer la résilience face au terrorisme » en 2012, l’« extrémisme islamique violent » y était cité en tant que « principale menace pour la sécurité nationale du Canada ».
- Depuis, le paysage de l’extrémisme violent et de la menace terroriste s’est beaucoup diversifié et élargi. Certes, l’extrémisme violent à caractère religieux continue de représenter une menace importante pour la sécurité nationale du Canada.
- Parallèlement, nous avons assisté à la montée de l’extrémisme violent à caractère idéologique et à caractère politique au Canada, qui perdure.
- De plus, nous observons un niveau élevé d’activité menaçante dans l’espace en ligne dans le but de répandre de la mésinformation ou de la désinformation, d’alimenter les idéologies haineuses et de radicaliser d’autres personnes, souvent des loups solitaires qui passent sous le radar de la sécurité, du renseignement et de l’application de la loi, et les pousser à commettre des actes de violence.
- La polarisation à l’égard des enjeux sociaux, des événements géopolitiques et des conflits internationaux risque aussi d’exacerber les tensions existantes au Canada, comme nous avons pu le constater à l’amorce du conflit entre Israël et le Hamas.
- Du point de vue du gouvernement fédéral, ce qui nous inquiète particulièrement est le nombre persistant et répandu de personnes qui franchissent la ligne entre le rassemblement légitime et pacifique et l’appel à la haine et à la violence contre certains groupes.
- Nous avons tendu la main à un large éventail d’intervenants partout au Canada, notamment les provinces et les territoires, les universités et les organisations communautaires, pour discuter de la situation et nous aider à mieux comprendre les préoccupations et les réalités de chacun, de même que leur faire part de ce que nous faisons pour résoudre la situation.
- Nous sommes conscients que le Canada doit moderniser son approche en matière de lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme sous toutes leurs formes dans le contexte actuel, et nous y travaillons. Cela comprend :
- Des communications plus stratégiques avec les Canadiens au sujet de la menace que représentent l’extrémisme violent et le terrorisme, à commencer par une stratégie de lutte contre le terrorisme actualisée;
- Une approche qui tient compte des facteurs qui mènent à l’extrémisme violent et de ses conséquences pour l’ensemble de la société;
- Une meilleure compréhension de la menace actuelle, y compris la manière dont elle évoluera et se manifestera au Canada et dans le reste du monde;
- D’éventuelles modifications législatives pour permettre aux organismes du renseignement et de l’application de la loi d’être mieux outillés pour enquêter sur les acteurs de la menace extrémiste violente et les poursuivre en justice afin de prévenir, de détecter et d’empêcher les attaques, et, au besoin, d’y répondre.
Accroître les ressources en vue de promouvoir la sécurité économique et de lutter contre l’ingérence étrangère
- En raison de ses secteurs économique et de recherche dynamiques et novateurs, le Canada continue d’être une cible pour l’espionnage parrainé par les États, ce qui constitue un risque pour la sécurité nationale.
- La sécurité économique est une priorité absolue mise de l’avant par le Canada au cours de la dernière année, notamment au moyen de la modernisation des dispositions législatives sur l’examen de l’investissement étranger et de mesures visant à assurer la sécurité de la recherche.
- Une collaboration et une communication constantes avec les secteurs touchés permettent également d’accroître la sensibilisation aux risques éventuels que représentent les États étrangers et les acteurs affiliés à un État.
- Voici quelques initiatives récentes visant à assurer la sécurité économique et de la recherche :
- La création du Centre de la sécurité de la recherche en 2023;
- La nouvelle politique sur la recherche en technologies sensibles et sur les affiliations préoccupantes (RTSAP), annoncée le 16 janvier 2024, qui rehaussera la sécurité de la recherche au Canada grâce à un examen approfondi de la sécurité liée aux demandes de subventions fédérales pour poursuivre la recherche en technologies sensibles présentées par une université ou un institut de recherche affilié;
- Plus précisément, les demandeurs n’auront pas droit à un financement du gouvernement fédéral si un des chercheurs participant aux activités appuyées par la subvention est affilié à une université, un institut de recherche ou un laboratoire lié à des entités militaires, de défense nationale ou de sécurité d’État étrangères qui présentent un risque pour la sécurité nationale du Canada, ou reçoit du financement ou une contribution en nature d’une telle entité.
- Nous avons aussi fait d’importants investissements dans nos capacités de lutte contre l’ingérence étrangère. Cela comprend :
- 13,5 millions de dollars sur cinq ans et 3,1 millions de dollars par la suite pour mettre sur pied le bureau du Coordonnateur national de la lutte contre l’ingérence étrangère et ainsi renforcer la coordination au sein du gouvernement fédéral, de même que les efforts de sensibilisation auprès des intervenants non fédéraux.
- 48,9 millions de dollars sur trois ans à la GRC pour protéger les Canadiens contre le harcèlement et l’intimidation de la part d’acteurs étrangers, pour renforcer sa capacité d’enquête et pour collaborer de manière plus proactive avec les collectivités qui risquent davantage d’être ciblées.
Accroître la collaboration et l’échange d’information et de renseignements avec les partenaires canadiens et tous les autres ordres de gouvernement pour atténuer les risques liés à la sécurité dans les partenariats de recherche et d’investissement étrangers
Une partie des consultations publiques sur d’éventuelles modifications législatives portait sur la modification de la Loi sur le SCRS pour autoriser le SCRS à communiquer de l’information à des entités à l’extérieur du gouvernement du Canada. Cette mesure a pour but d’aider à accroître la résilience face aux menaces, telles que l’ingérence étrangère, et à améliorer la trousse à outils du Canada pour lutter contre cette dernière.
Sécurité publique Canada renforce la sécurité de la recherche à l’échelle du pays et a mis sur pied le Centre de la sécurité de la recherche qui a pour mandat de fournir des conseils et des directives directement aux chercheurs et aux universités du Canada, d’effectuer les examens de sécurité conformément aux Lignes directrices en matière de sécurité nationale pour les partenariats de recherche, et d’établir une politique sur la sécurité de la recherche.
Contexte
Ingérence étrangère
L’ingérence étrangère (IE) s’entend des activités clandestines ou trompeuses, ou qui comportent des menaces envers quiconque, menées par des acteurs étatiques ou non étatiques et qui nuisent aux intérêts du Canada. Parmi les techniques utilisées pour mener de telles activités, il y a l’espionnage, le sabotage, le financement illégal et la corruption, ainsi que toute autre activité de menace. Les États étrangers misent sur ces activités pour promouvoir leurs intérêts stratégiques, notamment assurer leur stabilité intérieure, influer sur le plan géopolitique, obtenir un avantage économique, ébranler l’ordre international fondé sur des règles et faire des gains militaires. Ces activités, qui peuvent être dirigées contre des Canadiens, des résidents du Canada ou des institutions canadiennes, visent à promouvoir les intérêts stratégiques d’États étrangers au détriment de nos intérêts et de nos valeurs.
Dans le cadre de son mandat de faire enquête sur les menaces à la sécurité du Canada, notamment l’ingérence étrangère, le SCRS a été témoin de nombreux cas où des États étrangers ont ciblé des institutions ou des collectivités canadiennes. Quant à GRC, elle sait que des activités illégales commandées par des États sont menées contre la population et les intérêts du Canada, et enquête sur ces activités dans le cadre de son mandat.
Plusieurs rapports font état de la menace d’IE qui pèse sur le Canada. Par exemple, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) affirme dans son rapport public de 2021 que les activités d’IE menées au pays demeurent complexes, omniprésentes et incessantes. Les activités d’espionnage et les activités influencées par l’étranger visent des entités canadiennes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, et menacent directement la sécurité nationale et les intérêts stratégiques du Canada. Dans son rapport public de 2022, le SCRS donne des exemples de méthodes employées par les États étrangers, comme répandre clandestinement de la mésinformation et de la désinformation ou encore surveiller, intimider et harceler des communautés canadiennes. Antérieurement, le Rapport annuel 2019 du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) avait décrit certaines activités d’IE, dont le ciblage d’institutions canadiennes par des auteurs de menaces. Ce rapport du CPSNR souligne que la Chine et la Russie sont particulièrement actives au Canada et contient des recommandations pour améliorer la réponse nationale à la menace d’IE.
Alors que le tableau de menace évolue, le Canada consolide les mesures déjà en place, en plus de garnir sa boîte à outils et son cadre législatif. Conscient du tableau, le gouvernement fédéral a annoncé au printemps de 2023 une série de nouvelles mesures pour combattre l’IE :
- Des consultations auprès du public et des intervenants pour orienter la création d’un registre visant la transparence en matière d’influence étrangère. Durant la phase en ligne, qui a pris fin le 9 mai 2023, tout un éventail d’intervenants situés partout au Canada ont soumis des observations. Il ressort de l’analyse préliminaire qu’ils appuient largement la création d’un registre. La mise au point des politiques se poursuit.
- La nomination d’un coordonnateur ou d’une coordonnatrice nationale de la lutte contre l’IE, pour une approche plus proactive et coordonnée doublée de partenariats plus solides entre les intervenants fédéraux et les autres.
- Des investissements de 5,5 M$, afin d’outiller les partenaires dans la société civile pour la lutte contre la désinformation.
- Évaluation, par le CPSNR, du degré d’IE dans le processus électoral fédéral.
- Étude de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement pour savoir comment les organismes de sécurité nationale ont géré la menace d’IE aux 43e et 44e élections générales fédérales.
- Premier rapport du très hon. David Johnston, rapporteur spécial indépendant sur l’IE, lequel réaffirme que les méthodes du Canada pour assurer la sécurité des élections ont été efficaces en 2019 comme en 2021.
- Remise au premier ministre d’un rapport intitulé Contrer une menace en évolution : mise à jour sur les recommandations visant à prévenir l’ingérence étrangère dans les institutions démocratiques canadiennes .
- Ouverture de l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux et les institutions démocratiques fédérales.
Sécurité publique Canada (SP) a d’ailleurs lancé le 23 novembre 2023, en partenariat avec le SCRS et le ministère de la Justice (JUS), des consultations publiques au sujet de la Loi sur le SCRS, du Code criminel, de la Loi sur la protection de l’information et de la Loi sur la preuve au Canada. Celles-ci ont pour but d’éventuellement :
- moderniser le droit pénal, notamment en définissant de nouvelles infractions en matière d’IE qui soient mieux adaptées à cette menace en constante évolution;
- donner aux organismes de sécurité nationale du Canada l’autorisation légale d’échanger des renseignements sur les menaces avec des partenaires canadiens extérieurs au gouvernement fédéral;
- améliorer la façon dont le système judiciaire traite les renseignements de sécurité dans les procédures administratives et pénales ;
- s’assurer que le SCRS dispose de pouvoirs modernes, adéquats pour protéger la population et les institutions du Canada dans un monde numérique et pouvoir se concerter avec des partenaires qui ne soient pas limités au gouvernement fédéral.
Des menaces envers la démocratie
Le Canada observe des campagnes d’information parrainées par des États, qui visent à miner ou refaçonner l’ordre international fondé sur des règles. La désinformation, peu importe son origine, peut avoir de graves conséquences, notamment menacer la sécurité de la population canadienne, éroder la confiance en nos institutions démocratiques et semer la confusion quant aux politiques et aux avis du gouvernement.
Bien que le système électoral du Canada soit robuste, des auteurs de menaces prennent pour cibles ses personnages et partis politiques, ses élections et ses médias afin de manipuler le public et d’ébranler sa démocratie.
Pour sensibiliser la population à ces menaces et renforcer les pratiques de sécurité, le SCRS donne des séances d’information sur les activités hostiles des acteurs étatiques. La communication de renseignement et d’évaluations du SCRS aux instances supérieures permet de prendre des décisions éclairées lorsqu’il s’agit de contrer ces menaces et d’élaborer des politiques à cet égard. De même, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dispose d’un mandat étendu aux facettes multiples pour enquêter sur l’IE, la prévenir et l’enrayer en s’appuyant sur diverses lois.
La manipulation de l’information fait l’objet d’une collaboration internationale sur diverses tribunes bilatérales et multilatérales. Par exemple, vous représentez chaque année le Canada à la Réunion des ministres des cinq pays, où les ministres de la sécurité du Groupe des cinq collaborent, se concertent et échangent des renseignements sur diverses questions de sécurité nationale, dont la lutte contre l’ingérence étrangère.
L’enquête publique sur l’ingérence étrangère
Le 7 septembre 2023, vous avez annoncé l’ouverture de l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux et les institutions démocratiques fédéraux. Celle‑ci est dirigée par l’hon. Marie-Josée Hogue, juge puînée de la Cour d’appel du Québec, qui a assumé ses fonctions de commissaire le 18 septembre 2023. La juge Hogue est chargée d’examiner et d’évaluer l’ingérence de la Chine, de la Russie, d’autres États et des acteurs non étatiques avec ses conséquences possibles, afin d’évaluer l’intégrité et la compromission éventuelle des 43e et 44e élections générales fédérales, à l’échelle nationale comme au niveau des circonscriptions.
La commissaire doit déposer un rapport provisoire le 3 mai 2024 et un rapport final au plus tard en décembre de la même année. S’il y a lieu, elle peut déposer séparément un rapport classifié contenant tout ce qui ne peut pas figurer dans le rapport public.
L’extrémisme violent à caractère idéologique
Le gouvernement fédéral fonde ses efforts dans la lutte au terrorisme et à l’extrémisme violent (EV) sur la stratégie antiterroriste de 2012 et ses quatre piliers : empêcher, déceler, priver et intervenir. En 2019, il a défini trois catégories d’EV, lesquelles sont larges et ne s’excluent pas les unes les autres : les extrémismes violents à caractère religieux (EVCR), politique (EVCP) et idéologique (EVCI). Le dernier se subdivise à son tour selon le SCRS en les idéologies axées sur la xénophobie, le genre, l’opposition à l’autorité et les autres motifs de violence fondés sur des récriminations personnelles.
Les attentats inspirés par la rhétorique de l’EVCI montrent une hausse fulgurante depuis 2014 dans le monde entier. Parmi les attentats perpétrés en sol canadien qu’on peut attribuer en partie ou en totalité à l’EVCI, on peut citer la fusillade de 2014 à Moncton, celle de 2017 à la mosquée de Québec, et l’attaque au camion‑bélier de 2018 à Toronto. Le 6 juin 2023, la Cour supérieure de l’Ontario a statué que le meurtre de février 2020 dans un salon de massage de Toronto constituait bien un acte terroriste au sens du Code criminel. Cela ne signifie pas qu’un chef de terrorisme sera ajouté aux accusations; par contre, la peine, qui reste à déterminer, s’en ressentira. Il s’agit de la première accusation de terrorisme jamais portée et du premier verdict jamais rendu contre un extrémiste à motivation idéologique, à plus forte raison contre un adhérent au mouvement dit des « célibataires involontaires » (incel). Puis le 16 novembre 2023, N. Veltman, l’homme qui avait tué quatre membres d’une famille musulmane et en avait blessé grièvement un cinquième en fonçant sur eux avec son véhicule à London (Ontario), a été déclaré coupable de meurtre au premier degré. Dans la détermination de la peine, la juge a statué que l’acte constituait du terrorisme au sens du droit canadien.
Dans la dernière année, la GRC s’est dotée d’une stratégie sur l’EVCI, laquelle expose les lacunes et autres difficultés que l’on rencontre dans le travail d’enquête pour identifier et déjouer les auteurs de menaces d’EVCI éventuels. Cette stratégie jette aussi les bases pour que la GRC puisse faire l’inventaire de ses propres outils et savoir où il lui faudrait plus de ressources pour enrayer les menaces efficacement.
Face à une inquiétante perte de cohésion sociale qui favorise la diffusion de désinformation et alimente la polarisation en même temps que le potentiel de radicalisation et d’extrémisme violent, SP, le SCRS, la GRC et JUS ont eu une série de rencontres avec les communautés juives, palestiniennes, arabes et musulmanes pour discuter de leur sécurité. Ces dernières disent craindre que de possibles préjugés et cas de mésinformation dans les médias et le discours public faussent à leur tour les perceptions du public et renforcent les stéréotypes négatifs à leur encontre, aiguisent les tensions et stigmatisent leurs membres, débouchant éventuellement sur de la violence haineuse.
Sécurité économique
L’intensification du commerce mondial et une innovation technologique rapide offrent au Canada d’immenses possibilités de croissance économique et de prospérité. D’importants domaines technologiques émergents sont devenus des moteurs essentiels de la croissance et du développement économiques. Toutefois, ces avancées donnent également lieu à de nouvelles et graves vulnérabilités en matière de sécurité nationale, qui se manifestent par toute une série de points d’entrée dans l’économie canadienne. Les technologies sensibles ayant des applications militaires ou bivalentes, les données personnelles sensibles des Canadiens et Canadiennes, et les infrastructures essentielles sont les principaux atouts qui font tourner notre économie et souvent les plus ciblées par les acteurs hostiles. Dans son allocution devant le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale en février 2021 par exemple, le directeur du SCRS, David Vigneault, a indiqué que les secteurs canadiens de la biopharmacie, de la santé, de l’intelligence artificielle, de l’informatique quantique, des technologies océaniques et de l’aérospatiale étaient particulièrement menacés.
Les menaces peuvent prendre la forme d’investissements d’acteurs étrangers hostiles dans des secteurs et industries stratégiques déterminants pour la sécurité nationale; d’acquisitions de marchandises, de technologies et d’expertise sensibles; ou encore de partenariats de financement avec nos universités et centres de recherche pour bénéficier de technologies de pointe et des droits de propriété intellectuelle qui les accompagnent.
Le gouvernement fédéral dispose de tout un arsenal pour protéger l’économie et, plus généralement, les intérêts stratégiques du Canada. On peut penser entre autres au Programme des marchandises contrôlées, appliqué par Services publics et Approvisionnement Canada; à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation, appliquée par Affaires mondiales Canada; et à la Loi sur Investissement Canada (LIC), qui est appliquée par le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique tandis que SP pilote, sous son régime, l’examen des investissements étrangers envisagés qui pourraient porter atteinte à la sécurité nationale.
Plusieurs partenaires du Canada en matière de sécurité, dont l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, ont renforcé leurs capacités afin de pouvoir cerner et atténuer plus facilement les risques économiques envers leur sécurité nationale. Pour sa part, le Canada cherche à faire fond sur le régime actuel pour protéger ses biens les plus précieux tout en maintenant l’ouverture et l’innovation qui sont essentielles à l’économie canadienne.
Échange d’information et sauvegarde de l’écosystème de la recherche
Centre de la sécurité de la recherche
Le budget de 2022 annonçait la création d’un centre de la sécurité de la recherche au sein de SP. Celui‑ci a trois responsabilités principales : 1) implanter et gérer les Lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenariats de recherche; 2) créer des outils et autres ressources sur la sécurité de la recherche, puis les distribuer dans le monde universitaire canadien; 3) donner des conseils sur mesure aux chercheurs et chercheuses et aux universitaires sur leurs travaux de recherche et la manière de les protéger.
Le Centre comprend une équipe de conseillers et conseillères régionaux répartis dans tout le pays, qui traitent directement avec les chercheurs et chercheuses et les universités. Il y a eu à ce jour plus de 300 échanges entre les uns et les autres.
Lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenariats de recherche
Le gouvernement fédéral a publié le 12 juillet 2021 les Lignes directrices sur la sécurité nationale pour les partenariats de recherche, qu’il avait élaborées en collaboration avec les universités en un groupe de travail mixte. Afin de protéger leur travail, on encourage tous les chercheurs et chercheuses à utiliser ces lignes directrices pour évaluer tous les partenariats de recherche, qui que soit le partenaire ou bailleur de fonds. La mise en œuvre des lignes directrices s’effectue par étapes, en commençant par les subventions Alliance du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie pour les demandes qui impliquent un partenaire du secteur privé. À l’automne 2023, le programme s’est élargi pour englober l’appel à la phase 2 du Fonds de recherche biomédicale du Canada et du Fonds d’infrastructure de recherche en sciences biologiques. Son expansion va se poursuivre au début de 2024.
Déclaration sur la sécurité de la recherche
Le 14 février 2023, les ministres respectifs de la Sécurité publique, de la Santé et de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie ont annoncé de nouveaux critères d’admissibilité aux subventions de recherche des organismes subventionnaires fédéraux et de la Fondation canadienne pour l’innovation. Une fois en vigueur, les nouvelles règles interdiront d’accorder des fonds si même un seul des chercheurs ou chercheuses a des liens avec une université, un institut de recherche ou un laboratoire (ou reçoit de celui‑ci du financement ou des contributions en nature) rattaché à l’armée, au ministère de la Défense ou à des organismes de sécurité d’États qui présentent une menace pour notre propre sécurité nationale.
Le 16 janvier 2024, les ministres ont publié des renseignements supplémentaires sur la mise en œuvre de la Politique sur la recherche en technologies sensibles et sur les affiliations préoccupantes. En application de celle‑ci, SP a dressé deux listes.
- La liste des domaines de recherche en technologies sensibles répertorie des technologies avancées et émergentes qui sont importantes pour la recherche et développement au Canada, mais pourraient aussi intéresser des États étrangers, des acteurs parrainés par eux ou des acteurs non étatiques mal intentionnés désireux de ravir l’avantage technologique du Canada.
- La Liste des organisations de recherche nommées répertorie les organisations de recherche qui sont jugées les plus risquées parce qu’associées à des États étrangers, des acteurs parrainés par eux ou des acteurs non étatiques mal intentionnés désireux de ravir l’avantage technologique du Canada.
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