Évaluation de l’Initiative de lutte contre le crime organisé avec Akwesasne

Sommaire

Le rapport présente les résultats de l’Évaluation de l’Initiative de lutte contre le crime organisé avec Akwesasne 2018-2019. L’Initiative est un accord de contribution entre Sécurité publique Canada (SP) et le Conseil des Mohawks d’Akwesasne visant à renforcer la capacité du Service de police mohawk d’Akwesasne (SPMA) à participer à une Équipe d’enquête mixte (EEM) avec la Gendarmerie royale du Canada et d’autres organismes d’application de la loi actifs dans la région. L’objectif principal de l’EEM est d’enquêter sur les activités criminelles organisées à Akwesasne et dans les environs ainsi que de les perturber.

Points examinés
L’évaluation a porté sur les activités de l’Initiative pour la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2018. L’objectif était d’évaluer l’atteinte des résultats ainsi que la conception et l’exécution de l’Initiative.

Constatations
Selon ses partenaires d’application de la loi, le SPMA-EEM constituait un atout essentiel pour intervenir à l’égard des activités criminelles organisées à Akwesasne et dans les environs ainsi que pour les perturber. En effet, l’expertise et la participation du SPMA-EEM aux enquêtes mixtes ont permis de perturber le crime organisé, notamment grâce à la saisie d’articles de contrebande valant des centaines de milliers de dollars et à de multiples arrestations et condamnations. L’amélioration de la coopération interorganisationnelle était considérée comme l’une des principales réussites de l’Initiative. Toutefois, il y a eu des postes vacants au sein de l’unité au cours de la période à l’étude et la capacité du SPMA-EEM à maintenir un effectif complet de personnel qualifié a été définie comme un défi urgent.

Durant cette période, SP a conclu de multiples accords de contribution avec le Conseil des Mohawks d’Akwesasne en raison du financement venant à échéance le 31 mars 2016, avant que le renouvellement des fonds ait été déterminé. Des modifications d’un an ont été signées pour 2016-2017 et 2017-2018, et un accord d’un an existait pour 2018-2019. Ces accords à court terme ont donné lieu à des problèmes de planification à long terme, y compris la capacité du SPMA-EEM de recruter des enquêteurs et de maintenir un effectif complet de personnel qualifié lorsque la continuité de l’Initiative n’était pas assurée.

Tant le bénéficiaire que le programme ont éprouvé des difficultés à l’égard des rôles et responsabilités administratifs. Pour le bénéficiaire, la publication opportune de rapports financiers et non financiers a constamment posé problème. La fréquence et la forme des rapports étaient perçues comme un fardeau administratif considérable pour le SPMA-EEM et le Conseil des Mohawks d’Akwesasne, et elles ne concordaient pas avec les exigences énoncées dans les directives internes. En ce qui concerne l’administration du programme de contributions par SP, l’évaluation a révélé des problèmes de capacité interne attribuables au roulement du personnel, à la charge de travail et à l’expertise administrative.

Recommandations
La sous-ministre adjointe du Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime devrait :

  1. Continuer d’aider le Service de police mohawk d’Akwesasne à renforcer sa capacité afin qu’il participe pleinement à l’Équipe d’enquête mixte et contribue à la perturbation du crime organisé à Akwesasne et dans les environs.
  2. Identifier le mécanisme de financement approprié (p. ex. accord de contribution pluriannuel ou subvention) pour appuyer la participation soutenue à long terme du Service de police mohawk d’Akwesasne à l’Équipe d’enquête mixte.
  3. Explorer les possibilités de rationaliser les exigences administratives visant les pratiques du Service de police mohawk d’Akwesasne et les pratiques internes de SP pour accroître l’efficience et alléger le fardeau actuel des effectifs du bénéficiaire et de SP. Il pourrait être utile, notamment, de réviser les exigences en matière de rapports et d’accroître la coordination avec d’autres programmes.

Plan d’action de la direction
La direction accepte toutes les recommandations et mettra en œuvre un plan d’action.

1. Introduction

Le rapport présente les résultats de l’Évaluation de l’Initiative de lutte contre le crime organisé avec Akwesasne 2018-2019 (ci-après appelée l’Initiative). L’évaluation a été menée conformément à la Politique sur les résultats et à la Politique sur les paiements de transfert du Conseil du Trésor (CT), ainsi qu’au paragraphe 42.1(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques. L’évaluation couvre la période du 1er avril 2013 au 31 mars 2018. L’Initiative a été évaluée pour la dernière fois par Sécurité publique en 2012-2013.

2. Profil

2.1 Contexte

Le territoire mohawk d’Akwesasne comprend des terres des deux côtés du fleuve Saint-Laurent et il chevauche la frontière entre l’Ontario et le Québec ainsi que celle séparant le Canada et les États-Unis. Compte tenu de son emplacement et de son accès à l’eau, le territoire mohawk d’Akwesasne a été désigné par les forces de l’ordre comme un point de transit illégal pour de nombreux produits, y compris le tabac de contrebandeNote de bas de page1. Les organisations criminelles actives sur le territoire d’Akwesasne et dans les environs ont tenté par le passé de profiter de cet emplacement géographique unique. Étant donné qu’Akwesasne chevauche plusieurs administrations, les organismes d’application de la loi doivent travailler ensemble pour réagir à ces activités criminelles.

Dans le cadre de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme (SFLT) menée par Santé Canada, l’Initiative – initialement créée en 2001 sous le nom d’« Initiative de partenariat avec Akwesasne » – est un accord de contribution entre Sécurité publique Canada (SP) et le Conseil des Mohawks d’Akwesasne visant à faciliter la coopération interorganisationnelle. Cet accord renforce la capacité du Service de police mohawk d’Akwesasne (SPMA) de participer à l’Équipe d’enquête mixte (EEM) composée de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et d’autres organismes d’application de la loi actives dans la région, comme l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), la Police provinciale de l’Ontario (PPO) ainsi que le département de la Sécurité intérieure (DHS) et le Customs and Border Protection (CPB) des États-Unis. L’objectif principal de l’EEM est d’enquêter sur les activités criminelles organisées à Akwesasne et dans les environs ainsi que de les perturber. L’Initiative finance actuellement onze postes d’agent à temps plein au sein de l’unité du SPMA-EEMNote de bas de page2.

Le gouvernement du Canada s’est engagé à renouveler et à renforcer la SFLT dans le budget fédéral de 2018. Dans le plan budgétaire de 2018, le renouvellement de l’accord de contribution du Ministère avec le SPMA était expressément mentionné comme l’une des mesures prises par le gouvernement pour « aborder les activités criminelles organisées […], y compris le tabac de contrebandeNote de bas de page3 ». Il était en outre souligné dans le budget qu’une telle mesure appuie la priorité du gouvernement de « demeurer un chef de file en matière de contrôle du tabacNote de bas de page4 ». Compte tenu de ces considérations, il est clair que l’Initiative constitue une priorité pour le gouvernement canadien.

Avant 2014-2015, l’Initiative était administrée en tant que volet des modalités du Programme des services de police des Premières nations (PSPPN). En 2014-2015, l’Initiative est devenue un volet d’un nouveau secteur de programme : le Programme de contribution pour combattre les crimes graves et le crime organisé (PCCCGCO). L’Initiative continue de servir de complément au PSPPN. Alors que le PSPPN finance les services de police généraux dans les collectivités autochtones, l’Initiative finance les services d’enquête spécialisés visant tout particulièrement les activités du crime organisé.

En mars 2017, la responsabilité et l’administration de l’Initiative ont été transférées de la Division des crimes graves et du crime organisé de SP à la Division des stratégies d’application de la loi aux frontières au sein du Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime. Le mandat du programme est aligné sur la responsabilité fondamentale de SP de veiller à la sécurité des collectivités grâce aux activités du programme visant à lutter contre les crimes graves et le crime organisé ainsi qu’à soutenir la sécurité frontalièreNote de bas de page5.

2.2 Ressources

Au cours de la période considérée (du 1er avril 2013 au 31 mars 2018), l’Initiative a été financée tant par la SFLT (2001) que par les Mesures de lutte contre le crime organisé (2001). Elle a aussi reçu des fonds additionnels dans le cadre de l’engagement du budget de 2013 prévoyant que les agents des services de police des Premières Nations mettent l’accent sur la lutte contre la contrebande de tabac. En vertu de la SFLT, SP s’est vu accorder un employé à temps plein pour s’attaquer aux problèmes de contrebande de tabac. Le total des ressources allouées est d’environ 8,2 millions de dollars.

Tableau 1 – Fonds alloués par le Conseil du Trésor (Budget)

Exercice
2013-2014 2014-2015 2015-2016 2016-2017 2017-2018 Total

Salaires et coûts connexes de SP

160 000 $ 160 000 $ $160,000 160 000 $ 160 000 $ 800 000 $

Accords de contribution*

951 000 $ 1 251 000 $ 1 751 000 $ 1 751 000 $ 1 751 000 $ 7 455 000 $

Source : Finance de SP
*Les contributions proviennent de trois sources : le Budget 2013, les Mesures de lutte contre le crime organisé et la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme.

2.3 Modèle logique

Le modèle logique inclus à l’annexe A illustre les activités entreprises dans le cadre de l’Initiative, les extrants requis ainsi que les résultats immédiats et intermédiaires qui contribuent à l’atteinte du résultat final de l’Initiative, soit la perturbation des activités du crime organisé à Akwesasne et dans les environs.

Le principal extrant du programme est l’accord de contribution entre SP et le Conseil des Mohawks d’Akwesasne, qui vise le résultat immédiat, à savoir le renforcement de la capacité du SPMA à participer à des opérations mixtes (collecte de renseignements, enquêtes, application de la loi) avec d’autres organismes d’application de la loi, et à réaliser des activités de sensibilisation de la collectivité à Akwesasne et dans les environs.

Le résultat immédiat vise à mener à la réalisation des résultats intermédiaires suivants :

L’Initiative est incluse dans le profil d’information sur le rendement (PIR) du Programme de politique frontalière de SP, conformément aux exigences de la Politique sur les résultats de 2016 du CT. Le PIR a été achevé en 2017-2018 et comprend de nombreux éléments identiques au modèle logique initial (c.-à-d. les activités, les extrants et les résultats). Même si le PIR de 2017-2018 a été pris en compte lors de l’examen de la documentation, l’évaluation était fondée sur le modèle logique de 2013 et la Stratégie de mesure du rendement de 2014 qui étaient en vigueur pendant la période considérée.

3. À propos de l’évaluation

3.1 Objectif et portée

L’évaluation avait pour objectif d’évaluer l’atteinte des résultats ainsi que la conception et l’exécution de l’Initiative. L’évaluation portait sur les activités menées dans le cadre de l’Initiative au cours des exercices 2013-2014 à 2017-2018. Durant cette période, SP a conclu de multiples accords de contribution avec le Conseil des Mohawks d’Akwesasne étant donné que la SFLT venait à échéance le 31 mars 2016, avant que le renouvellement des fonds ait été déterminé. Des modifications d’un an ont été signées pour 2016-2017 et 2017-2018, et un accord d’un an existait pour 2018-2019. Des négociations en vue du renouvellement du financement sous forme d’entente pluriannuelle étaient en cours au moment de la rédaction du présent rapport.

Les recherches préparatoires menées pour l’évaluation ont révélé que la pertinence du programme (c.-à-d. sa nécessité continue ainsi que son harmonisation avec les priorités, les rôles et les responsabilités gouvernementaux et ministériels) était bien fondée dès le début et n’exigeait pas d’évaluation. Par conséquent, ce sujet n’a pas été officiellement abordé dans l’évaluation.

3.2 Méthodologie

3.2.1 Aspects fondamentaux de l’évaluation

L’évaluation reposait sur une approche d’évaluationNote de bas de page6 de l’incidence axée sur la mise en œuvre de l’Initiative ainsi que l’atteinte des résultats.

Tableau 2 – Sujets d’évaluation et domaines examinés
Sujets d’évaluation Domaines examinés
Atteinte des résultats
  • Atteinte des résultats (immédiats, intermédiaires, à long terme)
  • Résultats imprévus
Conception et exécution
  • Clarté des rôles et des responsabilités
  • Administration efficace
  • Conformité avec la Politique sur les paiements de transfert du CT
  • Point de vue de l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)
Administration du programme/efficience et économie
  • Efficience et gestion économique
  • Synergies ou dédoublements avec d’autres initiatives
  • Possibilités d’amélioration

3.2.2 Sources de données

La collecte de données pour l’évaluation a eu lieu de juillet à septembre 2018 et comprenait les sources de données suivantes :

3.3 Limites

Des renseignements détaillés sur les opérations achevées ont été consultés pour évaluer l’atteinte des résultats. En raison du caractère délicat des opérations policières en cours, certains détails sur les activités de l’Initiative n’ont pas été fournis.

L’information sur le rendement fournie était limitée, surtout en ce qui concerne les activités de sensibilisation de l’Initiative. Afin d’atténuer ce problème, les renseignements recueillis grâce aux entrevues et aux rapports médiatiques ont été utilisés pour valider les constatations, dans la mesure du possible.

4. Constatations

4.1 Atteinte des résultats

4.1.1 Capacité de participer à des opérations mixtes

Constatation : Les membres du SPMA sont en mesure de participer à des opérations mixtes avec leurs partenaires d’application de la loi, mais des obstacles et des lacunes empêchent leur pleine participation.

Des documents de programme, des données sur le rendement, des entrevues et des analyses des médias ont été utilisés pour déterminer si l’Initiative a eu pour résultat immédiat de renforcer la capacité du SPMA à participer à des opérations mixtes avec d’autres organismes d’application de la loi, en plus de permettre l’atteinte des résultats intermédiaires suivants : la connaissance de la nature et de la portée des activités du crime organisé à Akwesasne et dans les environs, et la coopération entre les organismes d’application de la loi et le SPMA au cours des enquêtes et des opérations.

L’examen des rapports d’activités du SPMA-EEM et les entrevues ont révélé l’existence de postes vacants au sein de l’unité au cours de la période à l’étude. La majorité des personnes interrogées, y compris le bénéficiaire, les fonctionnaires de SP et les partenaires de l’application de la loi, ont indiqué que la capacité du SPMA-EEM à maintenir un effectif complet de personnel qualifié constituait un défi urgent. Selon les personnes sondées, la capacité du SPMA-EEM est mise à rude épreuve, car plusieurs organismes partenaires comptent beaucoup sur lui. Les facteurs qui contribuent à cette situation sont abordés au point 4.2.2. Malgré cela, toutes les personnes sondées ont dit que la coopération entre les organismes était l’une des principales réussites de l’Initiative. Les bonnes relations entre le SPMA et les autres organismes d’application de la loi ont été soulignées par les partenaires eux-mêmes, et chacun d’entre eux a clairement exprimé son appréciation de la présence et du travail des membres du SPMA dans l’EEM.

Les relations entre le SPMA et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) se sont particulièrement améliorées ces dernières années avec l’ajout d’un agent de l’ASFC dans l’EEM. Selon un répondant de l’ASFC, l’Agence est maintenant plus intégrée et mieux informée des activités criminelles organisées dans la région et peut facilement communiquer des renseignements au SPMA. L’amélioration de ces relations revêt une importance particulière, compte tenu des tensions historiques entre les deux organisations qui découlent en grande partie de la décision de 2009 d’armer les gardes-frontières à tous les postes frontaliers canado-américains et du déplacement subséquent du point d’entrée de l’ASFC au large de l’île Cornwall. Selon les partenaires d’application de la loi, le SPMA a entrepris ces dernières années de communiquer avec l’ASFC pour développer ces relations, ce qui témoigne de son engagement à assurer et à améliorer la coopération interorganisationnelle aux fins des enquêtes et des opérations.

La coopération avec d’autres partenaires d’application de la loi continue d’être soutenue par l’EEM, et, au moment de la rédaction du présent rapport, des discussions avaient lieu avec la Sûreté du Québec (SQ) pour qu’un représentant de cette organisation siège à l’administration centrale du SPMA pour faciliter davantage l’échange de renseignements. Le département de la Sécurité intérieure (DHS) et le Customs and Border Protection des États-Unis comptent aussi sur la coopération des membres du SPMA-EEM. Au cours de la période considérée, un agent du SPMA-EEM a été détaché à l’Équipe intégrée de la police des frontières du DHS de façon intermittente pour contribuer aux opérations en cours.

Principales opérations mixtes examinées :

En 2017, le SPMA-EEM a aidé l’ASFC dans le cadre d’une enquête sur la traite de personnes qui visait des activités du crime organisé en Amérique du Sud et qui impliquait un résidant de l’île Cornwall soupçonné d’avoir facilité ces activités. L’enquête a débouché sur la condamnation de plusieurs personnes inculpées à Montréal, à Cornwall et à Akwesasne.

La même année, le SPMA-EEM a dirigé une enquête sur une exportation de drogues qui a abouti à la saisie d’environ 136 kilos de marijuana et de 200 000 dollars US. Dans le cadre de cette enquête, le SPMA-EEM a reçu l’aide de plusieurs partenaires d’application de la loi, dont l’ASFC, la GRC, la PPO et le DHS.

Selon les partenaires d’application de la loi, on se fie beaucoup et souvent au SPMA-EEM pour obtenir des renseignements sur les activités du crime organisé à Akwesasne et dans les environs, et pour acquérir des connaissances sur la collectivité elle-même. Par exemple, en 2017, le SPMA-EEM a créé un groupe d’échange de renseignements fondamentaux avec des partenaires d’application de la loi dans la région qui se réunit une ou deux fois par mois pour accroître l’échange d’information très délicate. Selon les personnes sondées, une grande confiance règne au sein du groupe; et plusieurs partenaires ont dit que, sans les connaissances du SPMA et sa participation à l’EEM, la plupart de leurs enquêtes n’aboutiraient pas, car il leur manquerait des renseignements cruciaux.

La coopération efficace entre les organismes ressort aussi clairement des données sur le rendement de l’Initiative, des entrevues avec les organismes partenaires et des analyses des médias. Les rapports sur les activités du SPMA-EEM de 2014 à 2017 mettent en relief sa participation à de nombreuses enquêtes, dont certaines qu’il a menées et d’autres auxquelles il a contribué en aidant ses partenaires. Au total, entre 2014 et 2017, le SPMA-ESEE a participé à environ 15 opérations mixtes avec d’autres organismes d’application de la loi. Les partenaires ont dit que le SPMA-EEM était efficace et fiable et qu’il était essentiel à la réussite des opérations mixtes à Akwesasne et dans les environs.

Dans l’Évaluation de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme 2016-2017 de Santé Canada, la coordination du SPMA-EEM avec d’autres services de police était mentionnée comme une pratique exemplaire aux fins de la collaboration entre les organismes d’application de la loi dans la région. Vu le succès de cette initiative et la complexité de la région géographique visée, d’autres collectivités ont demandé que le SPMA-EEM fournisse une expertise en vue de l’intégration de divers niveaux de services d’application de la loi.

La faible capacité du SPMA-EEM à mener des opérations maritimes a été mentionnée par les représentants de SP, le bénéficiaire ainsi que dans l’Évaluation de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme 2016-2017 de Santé Canada. Cette lacune est des plus préoccupantes, car une augmentation du trafic de tabac par voie maritime a été constatée depuis que le point d’entrée de l’ASFC a été déplacé au large de l’île Cornwall.

Selon le SPMA et ses partenaires d’application de la loi, les membres du SPMA-EEM sont souvent appelés à interrompre les activités prévues dans leur mandat pour participer à des enquêtes criminelles dans la région en raison de leur expertise et des problèmes de recrutement éprouvés par les services de police généraux. Par exemple, en 2014, des membres du SPMA-EEM ont dû intervenir relativement à deux homicides survenus en un mois sur le territoire d’Akwesasne. Malgré le fait qu’il s’agissait d’enquêtes criminelles plutôt que d’enquêtes sur le crime organisé, le SPMA-EEM en a assumé la direction en raison de la complexité des enquêtes intergouvernementales et internationales. Cela a créé des difficultés pour ses partenaires d’application de la loi, qui ont besoin de sa participation continue pour mener à bien leurs opérations mixtes visant le crime organisé. Le SPMA a également soulevé ce problème comme une source de tension interne, car les membres du SPMA-EEM veulent se concentrer sur le crime organisé, mais ils ont aussi la responsabilité d’agir dans l’intérêt supérieur de la collectivité, ce qui peut miner le temps et les ressources qu’ils peuvent consacrer à leurs enquêtes sur le crime organisé. Pour remédier à la situation, le SPMA a créé en 2018 une unité distincte des enquêtes criminelles et, au moment de la rédaction du présent rapport, il procédait à l’embauche de sept nouveaux patrouilleurs affectés aux services généraux.

Une autre lacune particulière mentionnée par les représentants de SP, certains partenaires d’application de la loi et le SPMA lui-même était l’absence d’analyste du renseignement dans le SPMA pour appuyer le travail de l’EEM. Cette lacune était perçue comme un obstacle à la capacité du SPMA-EEM de participer pleinement aux opérations mixtes, car celui-ci n’est pas en mesure d’effectuer des analyses du renseignement à l’heure actuelle. Les organismes partenaires se sont dits préoccupés par la conservation des données tout au long des enquêtes, vu l’absence d’un tel analyste et l’absence de base de données sûre que le SPMA-EEM pourrait utiliser. Le SPMA-EEM est reconnu par les organismes partenaires pour sa bonne connaissance de la collectivité et des activités du crime organisé dans la région ainsi que la vaste quantité de renseignements qu’il possède à cet égard. Cependant, les lacunes susmentionnées font obstacle à la synthèse efficiente de ces renseignements lors de la participation à des opérations mixtes. En outre, cela peut compliquer et entraver la production de rapports sur le rendement en temps opportun, selon le bénéficiaire et les représentants de SP.

De l’avis du bénéficiaire et de certains partenaires d’application de la loi, les obstacles à une infrastructure de communication efficace nuisent aux opérations mixtes en raison de la nature intergouvernementale et internationale de cette région géographique. L’accès à un meilleur équipement, comme des radios communes ou l’utilisation d’une même radiofréquence par tous les partenaires, pourrait réduire ces obstacles et accroître la capacité du SPMA-EEM de participer aux opérations mixtes.

4.1.2 Liaison avec la collectivité et sensibilisation

Constatation : Le SPMA-EEM est actif dans la collectivité et dirige chaque année la tenue de divers événements communautaires ou y participe. La plupart des activités de sensibilisation du SPMA-EEM sont axées sur les jeunes et cherchent à renforcer les relations entre ceux-ci et la police locale ainsi qu’à discuter des dangers liés au fait de participer à des activités criminelles organisées et de consommer des drogues. Il est difficile d’obtenir des données sur le rendement de ces activités, et, souvent, SP ne connaît pas leur incidence.

Selon un examen des rapports financiers, des rapports annuels sur les activités, des médias et des réponses fournies lors des entrevues, les membres du SPMA-EEM ont mené des activités d’e sensibilisation de la collectivité tout au long de la période considérée. Les activités de sensibilisation visaient surtout les jeunes et cherchaient à renforcer les relations entre ceux-ci et les membres du SPMA-EEM ainsi qu’à discuter des dangers liés au fait de participer à des activités criminelles organisées et de consommer des drogues.

L’activité de sensibilisation la plus abordée dans les rapports sur les activités, les entrevues et les médias était Kids for Fishing. Cet événement d’un jour est parrainé par le SPMA-EEM et a lieu chaque année depuis 2010. Dans le cadre de celui-ci, des membres du SPMA-EEM et des partenaires d’application de la loi peuvent parler à 50 jeunes chaque année pour leur enseigner des pratiques de pêche sécuritaires, les sensibiliser aux conséquences néfastes de participer à des activités criminelles organisées ou liées à la drogue, et promouvoir les utilisations récréatives plutôt qu’illégales du fleuve Saint-Laurent. Ce programme a été créé à l’origine pour renforcer les relations entre les forces de l’ordre et les jeunes de la région, et, selon des analyses des médias, il a connu une popularité immédiate dans la collectivitéNote de bas de page7. La plus récente édition de Kids for Fishing a eu lieu le 26 mai 2018.

Voici d’autres exemples d’activités de sensibilisation :

Par ailleurs, les efforts déployés pour faire connaître le travail du SPMA-EEM à la collectivité se sont élargis au cours des cinq dernières années grâce à la publication plus fréquente de communiqués de presse et à la création de la page Facebook du SPMA.

Selon les entrevues réalisées auprès du SPMA-EEM et des partenaires d’application de la loi, ces activités de sensibilisation auraient été bien reçues par le Conseil des Mohawks d’Akwesasne et les membres de la collectivité. Les partenaires ont dit qu’à leur avis, les activités de sensibilisation du SPMA-EEM permettent de mieux faire comprendre les conséquences du crime organisé à la collectivité et d’accroître la confiance de celle-ci envers le SPMA-EEM. La confiance accrue de la collectivité se dénote par le nombre d’informateurs qui prennent l’initiative de communiquer avec des membres du SPMA-EEM pour leur fournir de l’information. Cela revêt une importance particulière, vu le contexte historique et les problèmes découlant de la méfiance suscitée par les organismes d’application de la loi dans la région.

Outre les commentaires formulés par les partenaires d’application de la loi, l’incidence de ces activités est très peu connue en raison de la faible quantité de données sur le rendement qui étaient disponibles au moment de la rédaction du présent rapport. En entrevue, les représentants de programme de SP ont dit à propos de cette lacune qu’il faudrait faire un suivi auprès du bénéficiaire dans l’avenir pour assurer la compréhension commune de l’incidence des activités de sensibilisation actuellement menées. Ce point a également été soulevé dans l’Évaluation de 2012-2013 de l’Initiative de partenariat avec Akwesasne, où il est mentionné qu’aucune information n’avait été recueillie à ce moment-là au sujet de « l’incidence des activités de sensibilisation sur les membres de la collectivité (connaissance des activités du crime organisé) » (p. 6)Note de bas de page8. Les exigences en matière de rapports prévues dans l’accord de contribution de 2013-2014 visaient à combler cette lacune en précisant l’obligation d’identifier les groupes connexes comme les parents, les membres de la collectivité et les enseignants qui sont en contact avec les jeunes afin de faciliter les évaluations des répercussions futures. Toutefois, cette exigence n’a pas été conservée dans les accords de contribution subséquents, et l’absence de données continue d’empêcher l’examen approfondi de l’incidence des activités de sensibilisation actuellement menées dans la collectivité.

4.1.3 Perturbation du crime organisé

Constatation : Selon ses partenaires d’application de la loi, le SPMA-EEM constitue un atout essentiel pour intervenir à l’égard des activités criminelles organisées à Akwesasne et dans les environs. En effet, l’expertise et la participation du SPMA-EEM aux enquêtes mixtes ont permis de perturber le crime organisé, notamment grâce à la saisie d’articles de contrebande valant des centaines de milliers de dollars et à de multiples arrestations et condamnations.

Toutes les personnes sondées ont convenu que l’Initiative contribue à la perturbation du crime organisé dans la collectivité. Ce constat figure aussi dans l’Évaluation de 2012-2013 de l’Initiative de partenariat avec Akwesasne de SP. Il est difficile de quantifier les résultats des opérations policières pour établir des liens de cause à effet directs entre les activités et les résultats, car une diminution de la criminalité peut indiquer que les activités criminelles ont changé, mais pas nécessairement qu’il y en a moins. Comme dans le cas de toute initiative axée sur la prévention, il est difficile de quantifier l’incidence des crimes qui ne se sont pas produits dans la région grâce aux mesures préventives. Cette difficulté touche les services de police généraux, mais surtout les activités spécialisées du SPMA-EEM, compte tenu de la présence et de la collaboration de plusieurs organismes d’application de la loi dans la région ainsi que des défis géographiques uniques posés par celle-ci. Par conséquent, la perturbation du crime organisé observée dans la région ne peut être attribuée uniquement à l’Initiative visée par la présente évaluation. Cela dit, les partenaires d’application de la loi ont clairement indiqué que, sans le travail du SPMA-EEM, ils seraient privés de renseignements cruciaux sur les activités du crime organisé à Akwesasne et dans les environs.

Les partenaires d’application de la loi ont particulièrement insisté sur le fait que la participation du SPMA à l’EEM a amélioré leur connaissance de la nature et de la portée des activités du crime organisé à Akwesasne et dans les environs, et qu’elle était essentielle au succès de leurs enquêtes mixtes. Comme il a été mentionné relativement à la capacité du SPMA de participer à des opérations mixtes, le SPMA-EEM a pris part à environ 15 opérations de ce genre entre 2014 et 2017. Le tableau 3 présente des exemples précis – inclus dans les rapports du SPMA-EEM sur les activités d’enquêtes mixtes qui ont permis de perturber des activités criminelles organisées de grande ampleur. L’EEM a fait 32 arrestations entre 2014 et 2017, qui a abouti à 25 condamnations liées au crime organisé, à des infractions liées aux frontières et à d’autres crimes graves, de même que sur une poursuite judiciaire en instance.

Tableau 3. Exemples de participation du SPMA-EEM à des enquêtes mixtes sur le crime organisé
Opération/enquête mixte Organisme responsable Survol de la participation de l’EEM et de la réussite des enquêtes mixtes
Projet North Pole DHS En février 2012, le SPMA-EEM a joué ce qui a été décrit comme un rôle déterminant en aidant la PPO et le DHS à perturber le travail d’un groupe criminel organisé polonais qui faisait franchir la frontière internationale à des clandestins à Akwesasne. Au cours de l’enquête, un agent d’infiltration du SPMA-EEM a joué le rôle d’un passeur pour amener clandestinement deux citoyens polonais de Cornwall (Ontario) à Malone (New York). Les membres du SPMA-EEM se sont vu accorder le statut de policier aux États-Unis pour effectuer le travail d’infiltration et de surveillance mobile requis aux fins de l’enquête. À la suite de celle-ci, en 2014, le trafiquant qui a facilité la traite de personnes a été inculpé d’infractions fédérales américaines. C’était la première fois qu’un organisme d’application de la loi faisait du travail d’infiltration de l’autre côté de la frontière.
Projet Lycose SQ En novembre 2014, une enquête de 18 mois sur la contrebande de tabac menée par la SQ a débouché sur l’arrestation d’environ 30 personnes, dont cinq résidants d’Akwesasne. Le SPMA-EEM a contribué à la collecte des renseignements et à la surveillance opérationnelle, en plus d’avoir exécuté trois mandats de perquisition dans le cadre de l’enquête. Selon la SQ, il s’agissait d’une des plus vastes opérations de lutte contre la contrebande de tabac menées à ce jour en Amérique du Nord. L’opération a permis de saisir environ 40 000 kilos de tabac qui auraient entraîné la perte de recettes fiscales estimées à 10 millions de dollars.
Projet Harden PPO Le 27 mai 2015, une longue enquête menée par la PPO sur la vente d’armes à feu et de marijuana par le crime organisé a conduit à une série d’arrestations et de perquisitions à Ottawa, à Cornwall et à Akwesasne. Le SPMA-EEM a activement contribué à l’enquête et a exécuté un mandat de perquisition à Akwesasne qui a permis de saisir sept armes à feu, 6000 dollars en devises mixtes et six grammes de cocaïne.
Projet Oinertia ASFC Le 20 octobre 2016, une enquête de sept mois menée par l’ASFC sur un réseau de passage de clandestins à Cornwall-Massena a débouché sur l’arrestation de cinq personnes. Le SPMA-EEM a exercé la surveillance et mis en œuvre les techniques d’enquête ayant servi à identifier les passeurs.

Des analyses des médias et un examen des rapports sur les activités du SPMA-EEM donnent à penser que la participation du SPMA à l’EEM a joué un rôle crucial dans la saisie de produits de contrebande (y compris des drogues, du tabac, des armes à feu et de l’argent en espèces) valant des centaines de milliers de dollars. Le tableau 4 présente des exemples de saisies importantes réalisées par le SPMA-EEM entre 2014 et 2017, selon les rapports sur les activités du SPMA-EEM. Les données représentent seulement les saisies menées par le SPMA-EEM et sont classées par type de produit pour refléter la quantité de marchandises de contrebande confisquées au cours des cinq dernières années.

Tableau 4. Exemples de saisies importantes menées par le SPMA-EEM de 2013 à 2017
  2013 2014 2015 2016 2017
Cocaïne 71 grammes de cocaïne 85 grammes de cocaïne 6 grammes de cocaïne

57 grammes de cocaïne

11 grammes de crack

 
Marijuana

1 006 plants de marijuana (valeur de revente estimée à 1 000 000 $ CA)

54,4 kilos de marijuana

 

62,4 kilos de marijuana emballée (valeur de revente estimée à 469 000 $ CA)

65 plants de marijuana

16,8 kilos de marijuana emballée

22 plants de marijuana vivants

59 kilos de marijuana emballée (valeur de revente estimée à 455 000 $ CA)
Autres drogues 30 comprimés d’Hydromorph

25 comprimés de Percocet

73 pilules d’opiacés
  9 pilules d’opiacés  
Tabac   9 pilules d’opiacés      
Armes à feu     7 armes à feu (diverses)   Fusil d’assaut AK-47
Argent en espèces Argent en espèces 1 500 $ CA   6 800 $ CA 80 000 $ CA

*Chaque ligne ne représente pas une saisie distincte, car certains produits ont été saisis ensemble, et certaines lignes reflètent plusieurs saisies combinées. Le nombre exact de saisies et l’ampleur des saisies par année ne sont pas toujours clairs dans les rapports annuels du bénéficiaire.

En outre, la participation du SPMA-EEM à des enquêtes mixtes dirigées par d’autres organismes d’application de la loi a contribué à la perturbation d’autres activités de contrebande et à la saisie d’autres marchandises qui ne sont pas incluses dans le tableau 4. Par exemple, en juillet 2015, le SPMA-EEM et la GRC ont participé à une opération maritime mixte sur le fleuve Saint-Laurent, au cours de laquelle l’unité maritime de la GRC a saisi de la cocaïne d’une valeur de 3 millions de dollars.

Selon l’Évaluation de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme 2016-2017 de Santé Canada, le nombre de saisies de produits de contrebande dans la région a baissé entre 2012‑2013 et 2015-2016. Cependant, il était aussi mentionné dans ce document que, de l’avis des intervenants, cela ne signifiait pas que les activités de contrebande avaient diminué. Plutôt, c’est le mode de trafic qui a changé, comme l’utilisation accrue du transport maritime pour envoyer du tabac de contrebande de l’autre côté de la frontière internationale. Les informateurs clés de la présente évaluation ont fait état d’observations semblables : les partenaires d’application de la loi ont déclaré que, même s’il semble effectivement y avoir une tendance à la baisse des activités du crime organisé entraînant des saisies dans la région, les techniques utilisées par les organisations criminelles ont également changé. Dans son rapport sur les activités de juillet à septembre 2015, le SPMA-EEM indiquait une augmentation du passage de clandestins qui entraient au Canada ou qui en sortaient par bateau. Ce rapport faisait également état de preuves matérielles du trafic de grandes quantités de drogues dans le secteur, malgré les baisses rapportées antérieurement. De plus, selon les tendances observées par le SPMA-EEM, les groupes criminels de la région font preuve d’une prudence accrue et utilisent des techniques pour contrer les efforts de surveillance. Pour s’adapter à ce contexte changeant, le SPMA-EEM a acheté de nouveaux véhicules banalisés en 2017 et a demandé une formation supplémentaire sur les méthodes de surveillance couverte.

En raison de l’Initiative, le SPMA-EEM est très sollicité par ses partenaires d’application de la loi, comme en témoignent le nombre d’enquêtes mixtes auxquelles on lui demande de participer ainsi que les demandes de partage d’expertise et de pratiques exemplaires. Par exemple, deux membres du SPMA-EEM ont été invités à participer à une conférence organisée par la PPO en 2016 pour présenter un exposé sur les enjeux touchant les crimes frontaliers. Selon les personnes sondées, la portée du SPMA-EEM va au-delà d’Akwesasne, étant donné qu’il partage son expertise en matière d’activités frontalières avec d’autres organismes d’application de la loi. Dans plusieurs rapports sur les activités, le SPMA-EEM a déclaré que les attentes envers l’unité avaient changé au cours des cinq dernières années et que ses partenaires comptaient de plus en plus sur lui et lui confiaient des responsabilités de plus en plus importantes à mesure que la confiance entre les organismes se renforçait. Tous les partenaires d’application de la loi ont corroboré ces observations lors des entrevues en soulignant qu’ils dépendaient du SPMA-EEM et qu’ils appréciaient son travail. Aucun résultat négatif ou inattendu découlant de l’Initiative n’a été mentionné par les répondants ni dans les documents

4.2 Conception et exécution

Constatation : Les modalités actuelles du programme ont permis de clarifier les dépenses admissibles. Des préoccupations ont été soulevées au sujet des exigences en matière de rapports et de l’utilité des mesures de rendement, ainsi que de l’incidence de la durée des accords de contribution. Aucun élément probant n’indiquait que l’ACS+ avait été prise en compte dans la conception et l’exécution du programme.

4.2.1 Conception du programme

En 2014-2015, l’Initiative est devenue assujettie aux modalités du PCCCGCO. Ces modalités ont remplacé celles du PSPPN, qui avaient régi l’Initiative de partenariat avec Akwesasne jusqu’à la première année de la période considérée inclusivement (2013-2014). Le manque de clarté des modalités précédentes avait occasionné certains problèmes avant la période considérée. Fait à noter, cela avait causé un problème financierNote de bas de page9 qui demeure non résolu du point de vue du bénéficiaire. Les entrevues et l’examen documentaire n’ont pas révélé de problème de clarté dû aux modalités actuelles du PCCCGCO relativement aux activités et aux coûts admissibles.

La Stratégie de mesure du rendement (SMR) et les indicateurs de rendement du programme de 2014 sont indiqués à la section 14 des modalités du PCCCGCO, lesquelles sont entrées en vigueur en 2014-2015. Bien que les indicateurs de l’Initiative soient précisés dans l’accord de contribution et alignés sur la SMR du programme, la collecte de données sur le rendement a posé problème; il a été mentionné que ces données n’étaient pas substantiellement collectées et agrégées par le programme au cours de la période d’évaluation. Par conséquent, l’évaluation ne peut confirmer dans quelle mesure les données sur le rendement ont contribué à l’évaluation du rendement, à l’élaboration de politiques ou à la prise de décisions.

Lors des entrevues et de l’examen des documents, le caractère approprié et mesurable de certains indicateurs de l’Initiative a été remis en question, certaines personnes sondées ayant laissé entendre qu’il serait nécessaire d’élaborer des rapports sur les résultats plus éclairants qui aideraient à la fois SP et le SPMA-EEM. De plus, des indicateurs n’ont pas été mis au point ou n’ont pas fait l’objet de rapports pour tous les aspects des activités convenues. Par exemple, les renseignements concernant les activités de renforcement des capacités, y compris les mesures de dotation en personnel, n’étaient pas nécessaires. Cela a été observé qu’en l’absence de données de référence, il est difficile de mesurer l’atteinte des résultats avec exactitude. Par exemple, un des indicateurs de l’Initiative exige que le bénéficiaire précise le nombre d’organisations criminelles perturbées grâce aux efforts des forces de l’ordre. Toutefois, l’indicateur ne compare pas cette donnée avec le nombre de groupes criminels réputés être actifs dans la région et les environs.

4.2.2 Exécution du programme

Au cours de la période considérée, l’Initiative a été mise en œuvre en vertu de deux accords de contribution. Le premier, qui était régi par les modalités du PSPPN, a pris fin le 31 mars 2014. Le second, organisé selon les modalités du PCCCGCO, était en vigueur du 1er avril 2014 au 30 juin 2016. Deux modifications ont été apportées par la suite afin de prolonger l’accord à l’exercice 2016-2017, puis à l’exercice 2017-2018. La courte durée des accords de contribution a soulevé des préoccupations. Selon certains répondants, cela peut nuire au renforcement des capacités. On s’inquiète notamment de la capacité du bénéficiaire de recruter des enquêteurs et de maintenir un effectif complet de personnel qualifié lorsque la continuité de l’Initiative n’était pas assurée.

Dans son rapport de 2006 intitulé Des lourdeurs administratives à des résultats clairs, le Groupe d’experts indépendant sur les programmes de subventions et de contributions du gouvernement fédéral a étayé ces préoccupations, jugeant problématique « l’utilisation d’accords de contribution pour financer la mise en œuvre, par un tiers, de services dont le gouvernement veut la prestation pour des raisons politiques valables. Bien que ces arrangements s’apparentent à des contrats […], ils sont administrés comme s’ils étaient des projets financés par des contributions à court terme. Ces pratiques engendrent différentes difficultés en matière de financement et de production de rapports – en fait, un financement peu fiable pour des relations qui sont fondamentalement à long terme. » (p.4). Le Groupe écrit plus loin dans son rapport : « Quand des contributions servent à financer la mise en œuvre de services à long terme, par opposition au financement unique d’un projet, les accords de financement devraient être pluriannuels et prévoir des possibilités appropriées de renouvellement ou d’ajustement périodique. » (p. 20). Ce point de vue est aussi en harmonie avec la section 6.9.1 de la Directive sur les paiements de transfert du CT (2012), qui recommande l’utilisation d’accords de financement pluriannuels pour élaborer des programmes de paiements de transfert avec des bénéficiaires autochtones. Fait à noter, l’Initiative existe depuis 2001 et, comme il est mentionné précédemment, elle demeure alignée sur les priorités du gouvernement fédéral concernant la perturbation du crime organisé et de la contrebande de tabac. Compte tenu de ces considérations, l’Initiative devrait être envisagée dans l’optique susmentionnée d’une prestation de services soutenue à long terme.

Pour ce qui est de la Politique sur les paiements de transfert du CT (2012), l’évaluation a examiné la conformité de l’Initiative à celle-ci, tout particulièrement aux sections 3.6 et 3.7. Ces sections exigent que les paiements de transfert soient gérés en tenant compte des risques, en maintenant un bon équilibre entre le contrôle et la souplesse, et en établissant une combinaison appropriée de bonnes pratiques de gestion, d’administration simplifiée et d’exigences claires en matière de rendement. L’analyse de la conception et de l’exécution donne à penser qu’il y a des points à améliorer en ce qui touche la conformité de l’Initiative à la Politique. En particulier, l’évaluation a révélé que les exigences en matière de rapports ne correspondent pas au niveau de risque attribué à l’accord de contribution (une explication plus détaillée est fournie à la section 4.3.1) et que les exigences en matière de rendement ne sont pas claires.

4.2.3 Considérations relatives à l’ACS+ Note de bas de page10

Aucun élément probant ne donne à penser que les enquêtes du SPMA-EEM font preuve de partialité en ciblant des populations particulières; toutefois, de multiples facteurs présents dans la collectivité pourraient avoir des conséquences imprévues ou créer des obstacles à la participation. Ces facteurs comprennent l’emplacement géographique unique de la région et le contexte historique de la collectivité. Lorsqu’ils ont été questionnés à propos des considérations relatives à l’ACS+ dans la mise en œuvre du programme, les responsables du programme ont dit que les activités de sensibilisation étaient axées sur les jeunes, déclarations appuyées par les entrevues avec les bénéficiaires et les partenaires d’application de la loi, les rapports sur les activités annuels du SPMA-EEM de 2014 à 2017 et les analyses des médias.

Un examen des données sur le rendement a révélé qu’à l’heure actuelle, SP ne recueille pas de données sexospécifiques sur le rendement des activités de l’Initiative. Par conséquent, bien que les responsables du programme et les documents indiquent que le SPMA-EEM s’efforce de respecter les traditions culturelles régionales lors de ses enquêtes, la façon dont cela se reflète dans la conception du programme n’a pas été documentée. Étant donné la priorité du gouvernement de veiller à ce que tous les programmes soient inclusifs, une ACS+ complète devra être effectuée dans le cadre du prochain processus de renouvellement des programmes. Pour s’assurer que les différents groupes ne subissent pas de conséquences négatives ou ne sont pas confrontés à des obstacles à la participation, le suivi des considérations liées à l’ACS+ devrait se poursuivre tout au long de la mise en œuvre.

4.3 Administration du programme/efficience et économie

Constatation : Globalement, la relation entre le secteur de programme et le bénéficiaire était perçue d’un bon œil. Certaines difficultés ont été soulevées concernant les capacités et l’expertise du bénéficiaire et du secteur de programme de SP relativement à l’administration de l’accord. Il serait possible de réduire le fardeau du bénéficiaire sur le plan de la production de rapports grâce à la coordination de l’Initiative et du PSPPN.

4.3.1 Administration

Les seuls renseignements financiers fiables disponibles avaient trait au paiement des accords de contribution et aux montants prévus pour ceux-ci; l’information se trouve au tableau 5. Les budgets des salaires et des opérations sont inclus dans le budget de la Division des stratégies d’application de la loi aux frontières. SP a bonifié l’allocation de 2015-2016 pour tenir compte des coûts associés à l’achat d’équipement policier visant à lutter contre les activités criminelles organisées qui traversent la frontière par le fleuve Saint-Laurent, et pour améliorer la capacité d’entreprendre des opérations secrètes.

Tableau 5. Dépenses prévues et réelles pour les accords de contribution
Exercice Dépenses affectées Dépenses réelles Pourcentage dépensé
2013-2014 951 000 $ 951 000 $ 100 %
2014-2015 1 251 000 $ 1 175 829 $ 94 %
2015-2016 1 751 000 $ 1 817 708 $ 104 %*
2016-2017 1 751 000 $ 1 751 000 $ 100 %
2017-2018 1 751 000 $ 1 419 591 $ 81 %*
TOTAL 7 455 000 $ 7 115 128 $ 95 %

Source : Finance de SP
* Il reste des paiements ouverts pour 2015-2016 et 2017-2018, ce qui pourrait faire augmenter le total des dépenses réelles jusqu’à 7 519 180 $. Le paiement ouvert pour 2015-2016 est lié aux questions décrites à la note de bas de page 9; des discussions entre les responsables du programme et le bénéficiaire pour résoudre ces questions sont en cours. En ce qui concerne le paiement ouvert pour 2017-2018, le programme n’a pas reçu l’état financier final du bénéficiaire qui est requis pour débloquer le montant retenu.

Tant le bénéficiaire que le programme ont éprouvé des difficultés relativement aux rôles et responsabilités administratifs. En ce qui concerne le bénéficiaire, les exigences en matière de rapports du SPMA-EEM étaient perçues comme une source de préoccupation. La présentation en temps opportun de rapports financiers (rapports trimestriels de flux de trésorerie et états financiers vérifiés) et non financiers (rapports d’activités) était un problème constant qui a fréquemment causé des retards dans le calendrier de paiements indiqué dans l’accord de contribution. Les représentants de SP interrogés en entrevue ont laissé entendre que la fréquence des rapports, la nature du contenu exigé (surtout dans les rapports non financiers), les obligations de rendre des comptes à d’autres programmes de contribution et le manque de capacité ont exercé des pressions administratives considérables sur le bénéficiaire. De plus, l’Initiative a été évaluée en fonction d’un niveau de risque moyen qui, selon la Directive ministérielle sur la gestion des risques des projets ou des ententes de subvention et de contribution (2013), exige la présentation semestrielle de rapports sur les activités. On ne sait trop pourquoi le bénéficiaire était tenu de présenter des rapports trimestriels non financiers de 2014-2015 à 2016-2017. Des préoccupations semblables ont été soulevées en 2006 dans le rapport Des lourdeurs administratives à des résultats clairs du Groupe d’experts indépendants, qui trouvait que les pratiques du gouvernement fédéral liées à l’administration des programmes de paiements de transfert imposaient aux organismes autochtones « la production de rapports coûteux qui sont souvent inutiles » (p. 8).

Il convient de noter en outre que les rapports sur les activités fournis par le bénéficiaire n’étaient pas conformes au modèle de rapport non financier inclus à l’annexe F de l’accord de contribution. Le format de rapport décrit à cette annexe exige que le bénéficiaire complète un tableau présentant des données quantitatives (p. ex. sur le nombre de saisies de produits de contrebande réalisées) et qu’un minimum de renseignements qualitatifs soit fourni dans certaines catégories à l’appui des données numériques (p. ex. une description de l’ampleur des saisies de produits de contrebande). Toutefois, le SPMA-EEM a plutôt fourni des comptes rendus détaillés de plusieurs pages au secteur de programme. On ne sait pas trop pourquoi le format de rapports utilisé par le SPMA-EEM n’était pas conforme aux exigences en matière de rapports prévus dans l’accord.

En ce qui a trait à la capacité administrative, le SPMA n’a pas d’administrateur financier à l’interne et doit donc confier la préparation de ses rapports financiers au contrôleur du Conseil des Mohawks d’Akwesasne, qui doit en plus s’acquitter de ses fonctions principales aux fins de l’administration du Conseil. Le Conseil reçoit des fonds d’au moins 10 ministères fédéraux et provinciaux, et doit présenter plus de 250 rapports mensuels et effectuer 88 vérifications annuelles. Sur le plan opérationnel, comme il est mentionné plus haut dans la section abordant la capacité du SPMA de participer à des opérations mixtes, la collecte et le regroupement des données relatives aux crimes et aux enquêtes – activités utiles pour la présentation des rapports non financiers – étaient entravés par l’absence d’analyste du renseignement et l’absence de base de données sûre au sein du Ministère.

En ce qui concerne l’administration du programme de contributions par SP, la plupart des représentants de SP interrogés ont fait part de problèmes de capacité interne à l’échelle ministérielle qui seraient attribuables au roulement du personnel, à la charge de travail et à l’expertise administrative. Pour ce qui est du dernier point, les répondants ont dit que l’Initiative était administrée par des agents de politique, et non des administrateurs de programme, lesquels possèdent une expérience et une expertise pertinentes en gestion de programme. La responsabilité de l’Initiative a seulement été confiée récemment (en 2017-2018) à la Division des stratégies d’application de la loi aux frontières. Elle est actuellement administrée par un analyste des politiques sous la supervision d’un gestionnaire. Les responsables du programme et d’autres intervenants à l’interne ont reconnu que le roulement du personnel dans les programmes de contributions du Ministère peut être corrélé à une charge de travail élevée, surtout lorsque l’administration des programmes est confiée à des agents de politique de niveau inférieur. Ce roulement peut à son tour perturber la continuité de l’exécution du programme et influer sur la relation avec le bénéficiaire. De plus, le manque d’expertise administrative, combiné au roulement du personnel, exerce une pression supplémentaire sur les ressources ministérielles internes, comme le Centre d’expertise sur les subventions et contributions de SP, pour qu’elles fournissent du soutien et de la formation afin de réagir au mouvement rapide des effectifs et de pallier les lacunes en matière d’expérience et d’expertise.

La Vérification interne des subventions et des contributions de 2017-2018 de SP a révélé un manque de cohérence dans leur administration, des inexactitudes touchant la qualité et le suivi des données, et un « risque d’inefficience dans la gestion des subventions et contributions ». SP étudie actuellement des options pour réorganiser l’administration des subventions et contributions au sein du Ministère afin de réagir aux recommandations formulées dans la Vérification.

Les difficultés en matière de présentation de rapports éprouvées par le bénéficiaire étaient aussi perçues comme un facteur influant sur la charge de travail à l’interne, car le personnel de SP doit constamment faire le suivi de ces problèmes et du calendrier des rapports. Enfin, la fréquence à laquelle les accords de contribution pour l’Initiative étaient renouvelés ou prolongés a exercé des pressions supplémentaires tant sur les ressources ministérielles que sur celles du bénéficiaire, surtout en ce qui concerne les activités administratives et juridiques nécessaires à la mise en œuvre des accords.

Malgré certaines difficultés observées dans l’administration de l’Initiative, le SPMA et le secteur de programme ont dit que leur relation de travail était positive. Les responsables du programme ont fait part du besoin continu d’établir et de maintenir de solides relations au sein de la collectivité, en soulignant qu’il était important que la direction du programme et le bénéficiaire tiennent régulièrement des réunions en personne et que d’autres possibilités de mobilisation de la collectivité soient examinées.

4.3.2 Synergies et dédoublements

SP finance le SPMA au moyen de deux programmes de contributions séparés : l’Initiative (par le truchement du PCCCGCO) et le PSPPN. Les modalités des deux programmes définissent les activités policières distinctes financées par chaque programme : le PSPPN permet « les services de police quotidiens » généraux, tandis que l’Initiative soutient « les projets et/ou programmes, y compris les services de police spécialisés, qui visent à renforcer les efforts de lutte contre les crimes graves et le crime organisé, à accroître la prise de conscience et à mieux faire comprendre les questions connexes ». Selon les personnes sondées, comme les fonds du PSPPN sont exclusivement consacrés aux services de police généraux, les activités spécialisées du SPMA-EEM ne pourraient pas être menées sans le financement fourni dans le cadre de l’Initiative. Ainsi, on peut considérer que les deux programmes fonctionnent de façon complémentaire pour répondre à la fois aux besoins de sécurité de la collectivité et aux préoccupations plus vastes concernant les crimes graves et le crime organisé, objectifs partagés tant par la collectivité que par SP.

Des chevauchements administratifs ont été cernés par le secteur de programme et le PSPPN, car les deux programmes ont des processus administratifs distincts, y compris différents délais et différentes exigences en matière de rapports visant le même bénéficiaire. Dans la section sur les résultats escomptés de la Directive sur les paiements de transfert du CT (section 5.2b), il est exigé, « dans la mesure du possible, que l’harmonisation des programmes de paiements de transfert soit facilitée et que les procédures et processus administratifs d’exécution des paiements de transfert soient uniformisés à l’intérieur d’un ministère et d’un ministère à l’autre ». Ainsi, les deux programmes ne répondent pas à cette attente à l’heure actuelle. Cependant, les deux secteurs de programme cherchent des occasions de rationaliser les délais et les exigences en matière de rapports pour alléger le fardeau du bénéficiaire.

5. Conclusion

5.1 Atteinte des résultats

L’Initiative fournit le financement nécessaire pour que les membres du SPMA participent aux opérations mixtes avec leurs partenaires d’application de la loi, mais des obstacles et des lacunes empêchent leur pleine participation. Il s’agit notamment de la capacité du SPMA-EEM de fonctionner à plein rendement; des préoccupations touchant la conservation des données, attribuées à l’absence d’analyste du renseignement et à l’absence de base de données sûre que le SPMA-EEM pourrait utiliser; des obstacles à la communication efficace dus à la nature intergouvernementale et internationale de la région géographique; un manque d’accès à un meilleur équipement, comme des radios partagées par les partenaires d’application de la loi; et la capacité limitée du SPMA-EEM de mener des opérations maritimes.

En ce qui a trait à la sensibilisation communautaire, le SPMA-EEM était perçu comme une organisation active dans la collectivité qui, chaque année, organise plusieurs événements à l’intention des jeunes ou participe à de tels événements. Toutefois, les données sur le rendement pertinent à ces activités n’ont pas été recueillies de façon uniforme par le secteur de programme, et SP ne connaît pas leur incidence.

Finalement, le SPMA-EEM est perçu par ses partenaires d’application de la loi comme un atout essentiel pour intervenir à l’égard des activités criminelles organisées à Akwesasne et dans les environs. En effet, l’expertise et la participation du SPMA-EEM aux enquêtes mixtes ont permis de perturber le crime organisé, notamment grâce à la saisie d’articles de contrebande valant des centaines de milliers de dollars et à de multiples arrestations et condamnations.

5.2 Conception et exécution

Les modalités actuelles du programme ont permis de clarifier les dépenses admissibles. Cependant, des préoccupations ont été soulevées quant à la mesure du rendement et à la capacité du programme d’orienter la prise de décisions, car le secteur de programme a recueilli et colligé peu de données sur le rendement au cours de la période considérée. La pertinence et la mesurabilité de certains indicateurs de l’Initiative ont été remises en question et il a été noté qu’en l’absence de données de référence établies, il était difficile de mesurer avec précision les résultats obtenus. De plus, des indicateurs n’ont pas été mis au point ou n’ont pas fait l’objet de rapports pour tous les aspects des activités convenues. Par exemple, les renseignements concernant les activités de renforcement des capacités, y compris les mesures de dotation en personnel, n’étaient pas nécessaires. On a également observé que les rapports d’activités fournis par le SPMA-EEM ne correspondaient pas au modèle de rapport non financier inclus à l’annexe F de l’accord de contribution.

La courte durée des accords de contribution a soulevé des préoccupations. Au cours de la période considérée, l’Initiative a été mise en œuvre en vertu de deux accords de contribution. Des modifications annuelles ont ensuite été apportées après 2016 pour assurer le maintien du financement. On s’inquiète notamment de la capacité du bénéficiaire de recruter des enquêteurs et de maintenir un effectif complet de personnel qualifié lorsque la continuité de l’Initiative n’était pas garantie par des accords à plus long terme. De telles préoccupations ont également été soulevées dans le rapport de 2006 du Groupe d’experts indépendant sur les programmes de subventions et de contributions du gouvernement fédéral intitulé Des lourdeurs administratives à des résultats clairs.

Aucun élément probant ne donne à penser que les enquêtes du SPMA-EEM font preuve de partialité en ciblant des populations particulières. Toutefois, le secteur de programme ne recueille actuellement pas de données sexospécifiques sur le rendement des activités de l’Initiative, et aucun élément probant n’indiquait que l’ACS+ avait été prise en compte dans la conception ou l’exécution du programme. Étant donné la priorité du gouvernement de veiller à ce que tous les programmes soient inclusifs, une ACS+ complète devra être effectuée dans le cadre du prochain processus de renouvellement des programmes. Pour s’assurer que les différents groupes ne subissent pas de conséquences négatives ou ne sont pas confrontés à des obstacles à la participation, le suivi des considérations liées à l’ACS+ devrait se poursuivre tout au long de la mise en œuvre.

5.3 Administration du programme/efficience et économie

Tant le bénéficiaire que le programme ont éprouvé des difficultés à l’égard des rôles et responsabilités administratifs. La présentation en temps opportun de rapports financiers et non financiers était un problème constant qui a fréquemment causé des retards dans le calendrier de paiements indiqué dans l’accord de contribution. La fréquence et la forme des rapports étaient perçues comme un fardeau administratif considérable pour le bénéficiaire, et elles ne concordaient pas avec le niveau de risque attribué à l’Initiative.

En ce qui concerne l’administration du programme de contributions par SP, l’évaluation a révélé des problèmes de capacité interne attribuables au roulement du personnel, à la charge de travail et à l’expertise administrative. Pour ce qui est du dernier point, il a été mentionné que l’Initiative était administrée par des agents de politique, et non des administrateurs de programme, lesquels possèdent une expérience et une expertise pertinentes en gestion de programme. Cela, à son tour, contribue à l’intensification de la charge de travail, ce qui peut entraîner du mouvement d’effectifs, perturber la continuité de l’exécution du programme et influer sur la relation avec le bénéficiaire. Cela exerce également une pression sur les ressources panministérielles pour que celles-ci pallient les lacunes en matière d’expérience et d’expertise. Ces problèmes font écho aux constatations générales formulées dans une vérification interne des modalités réalisée en 2017-2018. SP étudie actuellement des options pour réorganiser l’administration des subventions et contributions au sein du Ministère en réaction aux recommandations formulées dans la vérification.

La relation entre le secteur de programme et le SPMA était perçue d’un bon œil. Le besoin continu d’établir et de maintenir de solides relations au sein de la collectivité, notamment par la tenue de réunions en personne entre la direction du programme et le bénéficiaire et par l’examen d’autres possibilités de mobilisation de la collectivité, a été souligné.

L’évaluation a permis de trouver des synergies entre l’Initiative et le PSPPN. Il a été observé que les deux programmes fonctionnaient de façon complémentaire pour répondre à la fois aux besoins de sécurité de la collectivité et aux préoccupations plus vastes concernant les crimes graves et le crime organisé. Toutefois, des chevauchements administratifs entre l’Initiative et le PSPPN ont été cernés. Les deux secteurs de programme ont commencé à examiner des moyens possibles d’accroître leur coordination.

6. Recommandations

La sous-ministre adjointe du Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime devrait :

  1. Continuer d’aider le Service de police mohawk d’Akwesasne à renforcer sa capacité pour qu’il participe pleinement à l’Équipe d’enquête mixte et contribue à la perturbation du crime organisé à Akwesasne et dans les environs.
  2. Identifier le mécanisme de financement approprié (p. ex. accord de contribution pluriannuel ou subvention) pour appuyer la participation soutenue à long terme du Service de police mohawk d’Akwesasne à l’Équipe d’enquête mixte.
  3. Explorer les possibilités de rationaliser les exigences administratives visant les pratiques du Service de police mohawk d’Akwesasne et les pratiques internes de SP pour accroître l’efficience et alléger le fardeau actuel des effectifs du bénéficiaire et de SP. Il pourrait être utile, notamment, de réviser les exigences en matière de rapports et d’accroître la coordination avec d’autres programmes.

7. Plan d’action de la direction

La direction accepte toutes les recommandations et mettra en œuvre un plan d’action.

Plan d’action de la direction
Recommandation Mesure prévue Date d’achèvement prévue

Continuer d’aider le Service de police mohawk d’Akwesasne à renforcer sa capacité afin qu’il participe pleinement à l’Équipe d’enquête mixte et contribue à la perturbation du crime organisé à Akwesasne et dans les environs.

Le SSCRC continuera de collaborer avec le bénéficiaire afin d’obtenir des fonds spécialisés pour les services de police et conclure une entente d’ici le 1er avril 2019, et ce, dans le but d’améliorer la capacité du bénéficiaire à lutter contre les activités du crime organisé à l’intérieur et autour des terres de la collectivité.

Mars 2019

Déterminer le mécanisme de financement approprié (p. ex. accord de contribution pluriannuel ou subvention) pour appuyer la participation soutenue à long terme du Service de police mohawk d’Akwesasne à l’Équipe d’enquête mixte.

Le SSCRC et la Direction générale de l’application de la loi et des stratégies frontalières (DGALSF) travailleront en collaboration avec les collègues de SP (Centre d’expertise, finances) ainsi qu’avec le Conseil mohawk d’Akwesasne afin de déterminer un mécanisme de financement durable et fondé sur les besoins qui offrirait un soutien constant et stable à la participation du Service de police mohawk d’Akwesasne à l’Équipe d’enquête mixte.

Au fur et à mesure que d’autres mécanismes seront envisagés, le SSCRC continuera de conclure un accord de contribution de quatre ans afin d’assurer la continuité des activités. Si un autre mécanisme est jugé approprié, SP examiner (en consultation avec le bénéficiaire) s’il faut le mettre en œuvre immédiatement en validant l’accord de contribution de quatre ans ou en le mettant en œuvre à temps pour le prochain renouvellement prévu.

Décembre 2019

 

 

D’ici mars 2021

 

Explorer les possibilités de rationaliser les exigences administratives visant les pratiques du Service de police mohawk d’Akwesasne et les pratiques internes de SP pour accroître l’efficience et alléger le fardeau actuel des effectifs du bénéficiaire et de SP. Entre autres, il pourrait être avantageux de réviser les exigences en matière de rapports, d’envisager l’octroi d’un financement à long terme et d’améliorer la coordination avec les autres programmes.

Le SSCRC et la Direction générale de l’application de la loi et des stratégies frontalières (DGALSF) continueront de travailler en collaboration avec leurs collègues au sein du SSCRC et avec le SGUP afin d’explorer des moyens d’accroître le niveau de coordination et de réduire le fardeau administratif du PSPPNI et de l’ICOA. Il s’agira notamment :

  1. de contribuer au portail intégré en ligne dirigé par le SGUP pour les rapports annuels*;
  2. d’explorer d’autres options pour rationaliser les exigences administratives.
* Dépendant de la réussite du lancement du portail en ligne de SGUP.

Décembre 2019

Annexe A : Modèle logique de l’Initiative de lutte contre le crime organisé avec Akwesasne

Description

L’activité habilitante de Security publique Canada est :

L’activité aboutit à cet Extrant :

L’extrant apporte les résultats immédiats :

Les résultats immédiats apportent les résultats intermédiaires :

Les résultats intermédiaires apportent le résultat final :


Annexe B : Documents consultés

Note de bas

  1. 1

    Hataley, T et Leuprecht, C. (2013) Organized Crime Beyond the Border. Institut Macdonald-Laurier

  2. 2

    Dans le présent examen, les agents du SPMA qui participent à l’EEM seront désignés par l’appellation « SPMA-EEM ».

  3. 3

    https://www.budget.gc.ca/2018/docs/plan/chap-04-fr.html

  4. 4

    https://www.budget.gc.ca/2018/docs/plan/chap-04-fr.html

  5. 5

    https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/dprtmntl-pln-2018-19/index-fr.aspx

  6. 6

    L’évaluation des répercussions analyse les résultats des programmes ou des politiques, l’influence que les ministères ont eue sur les changements observés (attribution, contribution), et les enjeux comme les solutions de rechange et les améliorations.

  7. 7

    http://www.akwesasnetv.com/?p=836

  8. 8

    https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/vltn-kwssn-prtnrshp-2012-13/vltn-kwssn-prtnrshp-2012-13-fra.pdf

  9. 9

    Le problème a trait à des différences d’interprétation concernant l’admissibilité de certaines dépenses, ce qui a entraîné la création d’un compte débiteur par le bénéficiaire pour recouvrer le montant impayé. Le problème a d’abord été soulevé en 2015, et les discussions se poursuivent entre SP et le bénéficiaire pour trouver une solution.

  10. 10

    Le gouvernement du Canada est résolu à promouvoir l’égalité entre les sexes au Canada par l’utilisation de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) dans l’ensemble des programmes, des politiques et des lois. L’ACS+ est un outil important pour évaluer l’incidence des programmes, des politiques et des initiatives sur divers groupes de femmes, d’hommes et de personnes de genres mixtes. L’adjectif « plus » signifie que l’analyse ne se limite pas au sexe (les différences biologiques) ou au genre (la construction sociale du sexe), mais considère aussi d’autres facteurs qui les recoupent, comme la race, la religion, l’ethnicité, l’âge ainsi que les incapacités mentales ou physiques.

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