Lettres aux premiers ministres
Avant tout, je souhaite vous remercier pour les échanges productifs que nous avons eus à la rencontre des premiers ministres du 14 février 2022, au cours de laquelle nous vous avons consulté à propos de la prise d’effet d’une déclaration d’état d’urgence en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence.
Beaucoup de Canadiens et de Canadiennes en ont assez de la pandémie et des perturbations qu’elle cause à leur vie depuis deux ans. Je suis moi-même de ce nombre. Bien que des gens aient pris part aux manifestations pour exprimer leur insatisfaction et leur frustration à l’égard des mesures sanitaires, il semble que ce ne sont plus ces sentiments qui motivent une bonne partie des manifestants et des organisateurs. Nous assistons en effet à des activités qui menacent notre démocratie et minent la confiance du public dans nos institutions.
Le gouvernement du Canada croit fermement au droit de manifester pacifiquement. Toutefois, tel que nous en avons discuté, les activités qui se déroulent actuellement à l’échelle du pays dépassent largement le cadre de ce qui pourrait être considéré comme des manifestations pacifiques. Il s’agit d’évènements concertés et la situation demeure instable. Le mouvement s’est amorcé à Ottawa, mais des situations semblables émergent maintenant dans presque toutes nos régions.
En bloquant les chaînes d’approvisionnement, ce mouvement perturbe considérablement notre économie. Il prive des Canadiens et des Canadiennes de leur gagne-pain, compromet notre sécurité économique et nationale, en plus d’avoir des répercussions potentiellement importantes sur la santé et la sécurité de la population. Il mine la réputation du Canada à l’étranger, met à mal les affaires et le commerce, et ébranle la confiance dans nos institutions.
Puisque la situation va en s’aggravant, nous devons tous et toutes envisager l’ensemble des mesures susceptibles de la régler dans les meilleurs délais. Nous estimons que nous sommes désormais en présence d’une situation d’urgence nationale causée par des menaces envers la sécurité du Canada. Le gouvernement du Canada a donc jugé qu’il est nécessaire d’agir afin de protéger la population canadienne et de préserver notre économie. Pour ce faire, nous avons déclaré l’état d’urgence en application de la Loi sur les mesures d’urgence.
La déclaration d’état d’urgence confère au Canada le pouvoir de prendre les mesures décrites au paragraphe 19(1) de la Loi sur les mesures d’urgence. Au cours de notre appel, le ministre Lametti a décrit six types de mesures temporaires permises en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence :
- 1. Réglementer et interdire les assemblées publiques qui ont pour effet de troubler la paix, autres que les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord
- Ce que nous voyons à Ottawa et sur le pont Ambassador ne constitue pas des manifestations légales. Des mesures pouvant être prises incluent : empêcher la participation de mineurs à une activité illicite; empêcher les ressortissants étrangers d’entrer au Canada pour participer à un rassemblement illégal; expulser des ressortissants étrangers du Canada quand cela s’avère nécessaire; allonger la liste des délits qui entraînent l’inadmissibilité à entrer au Canada.
- 2. Désigner et aménager des lieux protégés où les blocages sont interdits
- Cela pourrait inclure l’application des mesures à des lieux bien délimités comme les frontières, les voies d’accès aux frontières, d’autres infrastructures essentielles ou la ville d’Ottawa.
- 3. Ordonner à des personnes de fournir des services essentiels pour atténuer les répercussions des blocages sur l’économie du Canada
- Cela pourrait comprendre les conducteurs de dépanneuses et leur équipement, contre rémunération.
- 4. Autoriser ou obliger les institutions financières à fournir des services essentiels pour atténuer les répercussions des blocages
- Ceci pourrait inclure la réglementation et l’interdiction de l’utilisation de certains biens qui servent à financer ou soutenir les blocages.
- 5. Permettre à la Gendarmerie royale du Canada de faire appliquer les règlements municipaux et les lois provinciales, si le besoin s’en fait sentir et si les autorités locales le lui demandent
- Toutes les mesures adoptées en application de la Loi sur les mesures d’urgence seraient applicables par les services de police municipaux et provinciaux; la Gendarmerie royale du Canada pourrait prêter main-forte si on le lui demande.
- 6. Imposer des amendes ou des peines d’emprisonnement en cas de contravention aux décrets ou règlements émis en vertu de l’article 19 de la Loi sur les mesures d’urgence
- Notre gouvernement est conscient de l’importance de la coordination avec les provinces, les territoires ainsi que les municipalités pour garantir la sûreté et la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Des mesures ciblées, temporaires et proportionnées à la situation, prises en application de la Loi sur les mesures d’urgence, donneraient un appui supplémentaire aux services de police de votre province. Nous ne tentons ni de nous immiscer dans les champs de compétence des provinces et des territoires ni de remplacer les mesures que vous avez mises en place. Il s’agit plutôt pour le gouvernement fédéral de vous fournir des pouvoirs supplémentaires qui donneront à vos services de police tous les outils dont ils ont besoin pour faire respecter la loi et dénouer la crise que nous traversons. Nous ne proposons pas que la Gendarmerie royale du Canada ou une autre autorité supplante les services de police locaux; nous voulons en fait élargir l’éventail des outils dont disposent les forces de l’ordre à tous les niveaux. Nous souhaitons que l’intervention du gouvernement fédéral complète les mesures que votre gouvernement et vos municipalités prennent déjà pour apporter de la stabilité à notre pays. Le gouvernement fédéral demeurera à l’écoute de vos besoins en ressources et vous aidera, si vous en faites la demande, à composer avec la situation actuelle.
J'apprécie les points de vue que vous avez partagés hier lors de notre appel et je peux vous assurer qu'ils ont été pris en compte dans les approches que nous avons prises, en plus d’alimenter le rapport de consultation qui sera déposé avec la motion confirmant la déclaration. En plus des discussions que nous avons eues jusqu'à présent, des séances d'information et des discussions entre fonctionnaires dans les prochains jours seront utiles. La consultation et la coordination sur la mise en œuvre demeureront essentielles, ce qui cadre d’ailleurs avec les dispositions de la Loi sur les mesures d’urgence qui régissent les consultations.
Encore une fois, je vous remercie pour la discussion que nous avons eue au sujet de la Loi sur les mesures d’urgence. J’ai hâte d’en apprendre davantage sur votre point de vue au cours du processus de consultation que nous poursuivrons. Le gouvernement fédéral fera le suivi et évaluera continuellement l’application des pouvoirs conférés par la Loi sur les mesures d’urgence et se tiendra prêt à réagir pour répondre à tous les besoins exprimés par les premiers ministres des provinces et des territoires. De plus, le ministre de la Sécurité publique fera le point régulièrement avec ses homologues. Vous pouvez vous adresser à moi, ou encore aux ministres Lametti, Mendicino et LeBlanc, pour discuter plus avant de cette question.
Je transmets un exemplaire de cette lettre, à titre d’information, à David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada; Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances; William Sterling Blair, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre de la Protection civile; Marco E. L. Mendicino, ministre de la Sécurité publique; et à Dominic LeBlanc, ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités.
- Date de modification :